Intervention de Clarisse Fortemaison

Mission d'information sur la pénurie de médicaments et de vaccins — Réunion du 19 juillet 2018 à 11h00
Audition de représentants de france assos santé

Clarisse Fortemaison, coordinatrice du collectif TRT-5 :

Le collectif TRT-5 s'est intéressé à ce dossier en 2009, alerté par un nombre croissant d'alertes de rupture d'antirétroviraux. Le constat est pluriel : les ruptures sont multiples, hétérogènes, territorialisées et parfois organisées. Elles résultent de problématiques d'approvisionnement, sont lourdes de conséquences - individuelles mais aussi collectives - pour les personnes vivant avec le VIH. Individuellement, les conséquences sont immunologiques avec des rebonds de la charge virale ou des mutations de résistance lorsqu'il n'y a pas un taux suffisant de molécules dans le sang. Cette pathologie nécessite une observance. Ces ruptures ont participé à l'altération de la relation thérapeutique. Une personne nous a écrit sur l'observatoire ouvert par le TRT-5 : « On m'assassine, aujourd'hui la France m'assassine, je ne sais pas si c'est un homicide volontaire ou involontaire. » Conséquence collective, cela met à mal la notion de Treatment as Prevention selon laquelle une personne sous traitement est indétectable et ne peut pas transmettre le VIH. Aujourd'hui, les pénuries sont à la baisse et sont localisées, elles n'entraînent plus d'interruption de traitement comme auparavant. Elles résultent spécifiquement de stratégies d'approvisionnement - notamment de grossistes-répartiteurs - de stratégies de spécialisation sur certaines molécules et sur des antirétroviraux (ARV) intéressants économiquement, avec des stratégies de niches et d'exportation.

En 2013, la production d'un vieil antibiotique, l'Extencilline®, a été arrêtée, alors qu'il était utile pour traiter la syphilis. Il y avait donc un risque de relance d'une épidémie, préoccupation de santé publique majeure. Les autorités ont donc importé un produit italien, mais qui ne pouvait pas être injecté avec de la Xylocaïne®, ce qui provoque d'importantes douleurs, et parfois des évanouissements, d'où des déperditions de soins. En 2016, un industriel français en a reproduit. Nous pensions la situation stabilisée, mais en novembre 2017 il nous a alertés sur des problèmes de production, avec un risque de tensions sur l'approvisionnement, voire une rupture sèche à l'échelle mondiale. Pour pallier ces risques majeurs, les autorités françaises se sont organisées : elles ont importé, contingenté et informé les professionnels de santé. Début 2018, un nouveau producteur est arrivé sur le marché, mais il a annoncé la semaine dernière qu'il se retirait. Tout notre travail est réduit à néant.

Nous avons toujours fait état de nos constats et de nos interrogations : les ruptures d'approvisionnement pèsent sur toute la chaîne du médicament, et les usagers sont les premières victimes.

Malgré l'engagement de nos associations notamment sur les décrets de 2012 et 2016, nous constatons l'échec flagrant de la politique en matière de gestion des risques de rupture en France. Nous exigeons une politique forte, afin que tous les acteurs de la chaîne prennent leurs responsabilités.

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