Mission d'information sur la pénurie de médicaments et de vaccins

Réunion du 19 juillet 2018 à 11h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Notre mission d'information poursuit ses travaux par l'audition de France Assos Santé, un collectif représentatif de soixante-dix-huit associations agréées d'usagers du système de santé. Merci d'avoir répondu à notre invitation.

La voix des usagers est déterminante dans notre analyse du problème des pénuries de médicaments et de vaccins puisque chaque rupture ou tension d'approvisionnement pèse sur la qualité des soins et suscite angoisse et détresse légitimes chez les patients et leurs proches. À l'évidence, la qualité de l'information est encore bien insuffisante, les professionnels de santé étant rarement en mesure d'identifier la date de retour prévisionnelle d'un médicament indisponible. La mise en place d'un traitement alternatif, quand il est possible, reste un exercice délicat, car il peut déboucher sur une perte de chance qui n'est jamais acceptable, ni pour le patient ni pour l'équipe soignante.

Quelle évaluation faites-vous de notre dispositif de prévention et de gestion des situations de pénurie, notamment de la mise en place encore récente des plans de gestion de pénurie (PGP) ? Comment analysez-vous les stratégies commerciales de certains laboratoires et leur impact sur la disponibilité des médicaments essentiels ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Je me réjouis d'entendre la voix des patients, confrontés aux pénuries de médicaments. Cela constitue le point de départ de la réflexion et des investigations que nous menons dans le cadre de cette mission d'information.

Vous avez déjà reçu un questionnaire qui pourra servir de trame à notre audition, et je vous invite à déposer une contribution écrite. Permettez-moi de vous poser quelques questions spécifiques. Quelles sont les situations de pénurie ou de tensions d'approvisionnement qui vous ont paru les plus marquantes au cours des dernières années ? Selon vous, la situation s'est-elle dégradée depuis dix ans ? Les patients français sont-ils plus touchés que leurs voisins européens ? Vous paraissent-ils suffisamment informés des situations de pénurie ou de tensions d'approvisionnement ? Comment jugez-vous l'action des pouvoirs publics en la matière ? Quelles sont les actions à mettre prioritairement en oeuvre pour assurer la bonne prise en charge des patients, qui sont au centre de nos préoccupations, mais également pour répondre à leur angoisse légitime dans de telles situations ?

Debut de section - Permalien
Daniel Bideau, vice-président de l'UFC-Que Choisir et membre du bureau de France Assos Santé

Vice-président de l'Union fédérale des consommateurs -Que choisir, je parlerai au titre de France Assos Santé dont je suis membre du bureau. Cette association représente les quatre-vingts plus grandes associations en France de patients et d'usagers - nous avons d'abord des usagers, qui peuvent être parfois des patients.

Ce collectif d'associations est un réservoir de réflexions. Nous ne reviendrons pas sur les propos de vos précédents interlocuteurs, et nous nous concentrerons sur l'intérêt de l'usager-patient qui se retrouve parfois dans des situations extrêmement difficiles, et qui a du mal à comprendre les crises de pénurie pouvant survenir sur notre territoire.

Debut de section - Permalien
Clarisse Fortemaison, coordinatrice du collectif TRT-5

Le collectif TRT-5 (« Traitements et recherche thérapeutique ») rassemble dix associations de lutte contre le virus d'immunodéficience humaine (VIH), dont les missions sont la représentation des personnes et l'information des personnes vivant avec le VIH et population cible.

Debut de section - Permalien
Yann Mazens, chargé de mission à France Assos Santé

Chargé de mission à France Assos Santé, je répartirai la parole entre les différents membres de notre délégation. Nous vous avons transmis une note commune à France Assos Santé et TRT-5 qui répond à vos questions tout en prenant quelques libertés. Nos observations concernent davantage l'indisponibilité dans les pharmacies d'officine, même si le sujet est plus global et concerne aussi les hôpitaux. Mes collègues détailleront davantage les conséquences pour les personnes malades, en insistant sur certains témoignages.

Le changement de traitement n'est pas la solution facile, car il entraîne parfois des difficultés. Les conséquences économiques sont importantes : individuellement, en cas d'incapacité de travail et de perte de salaire ou d'hospitalisation ; et collectivement, lorsqu'un antibiotique à spectre étroit est en rupture de stock et est remplacé par un antibiotique à large spectre, ce qui pose des problèmes de santé publique et détruit tout le travail d'information et de sensibilisation mené en la matière. Il existe aussi des risques de transmission, et des problèmes spécifiques liés aux vaccins.

Debut de section - Permalien
Catherine Simmonin, secrétaire générale de la Ligue nationale contre le cancer

J'interviendrai davantage sur les hôpitaux et la prise en charge des malades du cancer. Il y a deux types de pénurie : une pénurie qui est organisée, notamment pour le BICNU® qui soigne les hémopathies et les glioblastomes - les cancers du sang et du cerveau. Il coûtait 30 euros les 100 grammes. Avec cette pénurie, il coûtait quatre ans après 900 euros, puis 1 450 euros les 100 grammes... Il y a eu ensuite les pénuries d'Endoxan®, d'Alkéran®, de Chloraminophène®, chimiothérapies per os dont le prix a été multiplié par trois à cinq après le rachat par d'autres laboratoires. Cette pénurie est organisée pour augmenter les prix.

Deuxième type de pénurie, les trente-cinq molécules de base en oncologie sont fabriquées en Orient, notamment en Chine, par trois fabricants. Les lignes de fabrication sont contrôlées par la Food and Drug Administration (FDA, agence américaine de la sécurité des aliments et des médicaments) qui arrête la fabrication en cas de problème de sécurité ou d'anomalies. Brusquement, la matière de base disparaît alors du monde entier. Aucun façonnier dans un laboratoire ne peut la fabriquer, alors qu'elle sert au quotidien en oncologie et ne peut être remplacée par des innovations. Avec l'Aracytine® et la cytarabine, on traite 1 500 à 2 000 personnes en six mois pour des hémopathies. Ces molécules ne sont pas substituables, ce qui peut provoquer potentiellement des décès. De même, est concerné le 5-fluorouracile (5-FU), utilisé pour soigner entre 80 000 et 100 000 patients par an de cancers digestifs, en association avec l'oxaliplatine, qui fait également l'objet de ruptures. Le 5-FU a disparu en Afrique, notamment du Nord, provoquant de nombreux décès, en raison de l'impossibilité pour certains pays de payer. Qu'en sera-t-il en France dans les prochaines années ? En l'absence de traitement, plus d'espoir, nous déplorerons aussi des décès.

En cas de rupture dans les pharmacies d'hôpitaux, le pharmacien essaie de trouver une substitution, mais l'information n'est pas toujours donnée au patient. Celui-ci peut aussi subir des effets indésirables en raison de la substitution, comme pour le lymphome de Hodgkin qui touche des personnes jeunes. La survie à deux ans a baissé de 88 % à 75 % avec cette substitution, sachant qu'elle conditionne la survie à dix ans.

Debut de section - Permalien
Catherine Vergely, secrétaire générale de l'Union nationale des associations de parents d'enfants atteints de cancer ou de leucémie

Je représente les associations de parents d'enfants atteints de cancer ou de leucémie. Les médicaments ont très peu d'autorisations de mise sur le marché (AMM) à indication pédiatrique, si bien que la plupart des médicaments chez les enfants sont prescrits hors AMM, que ce soit pour un cancer ou non.

Pour chaque spécialité de la pédiatrie, il n'y a pas forcément plusieurs molécules qui détiennent une AMM. En cas de substitution, on peut alors passer d'un médicament avec une indication pédiatrique à un médicament hors AMM. La pénurie est d'autant plus grave que les conséquences de la substitution ne sont pas étudiées chez l'enfant : on traite la maladie, mais pas forcément les effets secondaires.

Les enfants traités pour un cancer sont souvent immunodéprimés. On incite alors la famille à se vacciner contre des maladies infantiles, comme la rougeole. Lors d'une pénurie de vaccins, ces enfants doivent alors rester dans des zones protégées, voire ne peuvent pas rentrer chez eux, si leurs parents, frères ou soeurs n'ont pu être vaccinés à temps, avec un impact important sur leur qualité de vie. Or certaines pénuries sont organisées, notamment pour tous les vaccins non obligatoires - même si cela risque de changer désormais. Ces vaccinations non obligatoires sont quand même toxiques pour des enfants immunodéprimés.

Debut de section - Permalien
Clarisse Fortemaison, coordinatrice du collectif TRT-5

Le collectif TRT-5 s'est intéressé à ce dossier en 2009, alerté par un nombre croissant d'alertes de rupture d'antirétroviraux. Le constat est pluriel : les ruptures sont multiples, hétérogènes, territorialisées et parfois organisées. Elles résultent de problématiques d'approvisionnement, sont lourdes de conséquences - individuelles mais aussi collectives - pour les personnes vivant avec le VIH. Individuellement, les conséquences sont immunologiques avec des rebonds de la charge virale ou des mutations de résistance lorsqu'il n'y a pas un taux suffisant de molécules dans le sang. Cette pathologie nécessite une observance. Ces ruptures ont participé à l'altération de la relation thérapeutique. Une personne nous a écrit sur l'observatoire ouvert par le TRT-5 : « On m'assassine, aujourd'hui la France m'assassine, je ne sais pas si c'est un homicide volontaire ou involontaire. » Conséquence collective, cela met à mal la notion de Treatment as Prevention selon laquelle une personne sous traitement est indétectable et ne peut pas transmettre le VIH. Aujourd'hui, les pénuries sont à la baisse et sont localisées, elles n'entraînent plus d'interruption de traitement comme auparavant. Elles résultent spécifiquement de stratégies d'approvisionnement - notamment de grossistes-répartiteurs - de stratégies de spécialisation sur certaines molécules et sur des antirétroviraux (ARV) intéressants économiquement, avec des stratégies de niches et d'exportation.

En 2013, la production d'un vieil antibiotique, l'Extencilline®, a été arrêtée, alors qu'il était utile pour traiter la syphilis. Il y avait donc un risque de relance d'une épidémie, préoccupation de santé publique majeure. Les autorités ont donc importé un produit italien, mais qui ne pouvait pas être injecté avec de la Xylocaïne®, ce qui provoque d'importantes douleurs, et parfois des évanouissements, d'où des déperditions de soins. En 2016, un industriel français en a reproduit. Nous pensions la situation stabilisée, mais en novembre 2017 il nous a alertés sur des problèmes de production, avec un risque de tensions sur l'approvisionnement, voire une rupture sèche à l'échelle mondiale. Pour pallier ces risques majeurs, les autorités françaises se sont organisées : elles ont importé, contingenté et informé les professionnels de santé. Début 2018, un nouveau producteur est arrivé sur le marché, mais il a annoncé la semaine dernière qu'il se retirait. Tout notre travail est réduit à néant.

Nous avons toujours fait état de nos constats et de nos interrogations : les ruptures d'approvisionnement pèsent sur toute la chaîne du médicament, et les usagers sont les premières victimes.

Malgré l'engagement de nos associations notamment sur les décrets de 2012 et 2016, nous constatons l'échec flagrant de la politique en matière de gestion des risques de rupture en France. Nous exigeons une politique forte, afin que tous les acteurs de la chaîne prennent leurs responsabilités.

Debut de section - Permalien
Selly Sickout, directrice de SOS Hépatites

Je centrerai mon propos sur la politique vaccinale, avec le cas d'école de la pénurie de vaccin contre l'hépatite B et l'information des usagers et des professionnels de santé.

En situation de pénurie, c'est un véritable scandale : patients et usagers sont ballotés, c'est le système D ! De qui se moque-t-on ? À l'hépatite B, tout le monde le sait, est associé le spectre de la sclérose en plaques. Certes, nous travaillons avec les autorités pour faire évoluer le système afin qu'il soit plus efficace.

L'année dernière, nous avons connu une pénurie de vaccins contre l'hépatite B pour les adultes. Les autorités ont mis en place un plan de rationnement avec des priorisations. Cette organisation a été positive, mais avec un contingentement lié à l'arrêt de l'approvisionnement dans les pharmacies de ville, en réservant les vaccins aux hôpitaux. Ont été mis à disposition, à titre exceptionnel et transitoire, des vaccins initialement destinés aux Pays-Bas. Le rationnement a été proposé par le Haut Conseil de la santé publique avec identification de personnes prioritaires. Les recommandations relatives à l'utilisation des vaccins pédiatriques ont été révisées. Il est parfois délicat de bien informer les patients.

La vaccination avec le Pneumo 23 - qui n'est pas contre l'hépatite B - pour les personnes qui sont en situation immunitaire fragile, qui était recommandée tous les ans, est passée à tous les cinq ans en cas de pénurie. Révise-t-on les recommandations vaccinales à l'issue de la pénurie ?

La révision vaccinale du vaccin pédiatrique contre l'hépatite B a abouti à diviser les doses par deux, afin de continuer à vacciner les enfants nés de mères porteuses du virus - c'est vital pour eux, sinon ils ont plus de 90 % de risques d'avoir une hépatite B chronique, avec une évolution beaucoup plus importante. Pourquoi ne change-t-on pas les recommandations ? Le schéma vaccinal était fondé sur trois doses, désormais deux doses suffisent en cas de pénurie. Notre président, médecin, ne comprend pas ces changements, qui alimentent les militants anti-vaccins. Ayons des recommandations cohérentes et transparentes, au bénéfice des professionnels de santé et des usagers !

Nous avons alerté : ce plan de rationnement n'est pas bon pour la santé publique, parce que, derrière, certaines structures adoptaient d'autres plans de rationnement. Dans le cadre de la priorisation, on sacrifiait les adolescents et les personnes vulnérables ou dans les centres d'hébergement d'urgence. Mais derrière, d'autres restrictions se sont mises en place. Attention à ces plans officieux. Nous devons améliorer l'information envers les professionnels et surtout les usagers, ballotés d'officine en officine.

Debut de section - Permalien
Yann Mazens, chargé de mission à France Assos Santé

Dans cet exemple significatif, les autorités ont complètement perdu la main et sont obligées d'aligner une série de mesures pour gérer la pénurie. Dès qu'un plan de priorisation, c'est-à-dire de rationnement, est mis en place, certaines structures instaurent des priorisations différentes sur des critères beaucoup plus subjectifs. J'ai ici une note d'un hôpital parisien en ce sens...

Debut de section - Permalien
Daniel Bideau, vice-président de l'UFC-Que Choisir et membre du bureau de France Assos Santé

Les usagers-patients sont mal informés, désinformés ou sous-informés, par toutes les structures - État, professionnels de santé - avec des messages contradictoires. Il en résulte un manque de confiance, que l'on constate pour la politique vaccinale ou lors de la mise en place de certains médicaments, par exemple contre les effets du cancer de la thyroïde. Comment rétablir cette confiance ?

Il faut avoir un pilote prenant de l'altitude dans l'avion de la gouvernance publique. Au niveau de l'État, au niveau des industriels et de toutes les structures de distribution du médicament, ayons une véritable prévision à long terme de la politique du médicament. Des intérêts commerciaux ont prévalu sur la santé publique. Les laboratoires, structures privées avec une nécessité de rentabilité ont décentralisé dans des pays économiquement plus intéressants, et souvent avec des normes environnementales et sociales plus « avantageuses ». Désormais, ces molécules sont fabriquées en Inde, en Chine, voire au Pakistan, ce qui pose des problèmes de flux : si une seule usine ferme, un médicament disparaît du circuit.

Nous avons besoin, dans le cadre de la politique du médicament, d'une structure d'observation indépendante de la fabrication et de la distribution. Ni les industriels ni les professionnels de santé ne peuvent pas le faire. Cela relève de l'État, qui doit prendre la hauteur nécessaire, sans s'arrêter aux mandats présidentiels, ministériels ou parlementaires. Un service avec une visibilité sur tous les circuits pourrait ainsi être rattaché au ministère de la santé.

Il est du rôle de la représentation nationale de prévoir annuellement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ainsi qu'à bien plus long terme une politique du médicament qui ne soit plus à courte vue, faite de rustines, mais une politique de prévision, en toute transparence. C'est essentiel non seulement pour le circuit français, mais également aux niveaux européen et mondial.

Il faudrait aussi une bonne information ascendante et descendante dans tout le circuit, depuis les industriels fabricants jusqu'aux pharmaciens, interlocuteurs directs du patient-usager, qui peuvent rétablir ce lien avec des traitements cohérents et une certaine compétence.

En cas de problème particulier de pénurie d'un médicament à long terme et de doutes sur la notion d'intérêt qui prévaut à l'arrêt du médicament, il faut communiquer auprès des usagers et des professionnels pour une bonne information sur la crise et rétablir la confiance.

Debut de section - Permalien
Catherine Simmonin, secrétaire générale de la Ligue nationale contre le cancer

Sur l'équité en termes d'accès sur les territoires, la négociation pour les hôpitaux en France est segmentaire. Mieux vaudrait une négociation centralisée. Doit-elle être assurée par le Comité économique des produits de santé (CEPS) ? Selon nous, le comité n'est pas en mesure d'assumer cette tâche, mais il faudrait regrouper les différentes structures pour une négociation centralisée. Lorsque vous êtes pris en charge dans un hôpital rural, vous n'avez pas les mêmes chances que dans un grand centre d'oncologie.

Il faut aussi relocaliser la production des molécules de base irremplaçables - environ trente-six en oncologie - sur un site européen contrôlé par la puissance publique européenne.

Parfois, les prix ne baissent pas forcément pour les biosimilaires, notamment pour l'imatinib qui a été génériquée. Le princeps standard homologué coûte 30 000 euros pour un an de traitement, contre 10 000 euros pour le biosimilaire, alors que le coût de production est de 150 à 200 euros. Les entreprises du médicament (LEEM) demandent une augmentation du prix des génériques. Mais, avec les prix consentis sur les innovations, les entreprises s'orientent davantage vers des productions innovantes, qui ne remplaceront pas les produits de base utilisés au quotidien en oncologie.

Debut de section - Permalien
Catherine Vergely, secrétaire générale de l'Union nationale des associations de parents d'enfants atteints de cancer ou de leucémie

Nos associations sont organisées en comités européens et internationaux. Les problèmes sont communs à tous les pays européens. Les pénuries dépendent des prix des médicaments.

L'Europe a encore des industries de chimie fine, agréées par l'Union notamment en matière écologique. Appuyons-nous sur cette industrie pour produire les molécules princeps. Les pays de l'Est ont aussi des fabricants de chimie fine capables de produire les produits pharmaceutiques ; recensons-les et appuyons-nous sur eux.

Debut de section - Permalien
Clarisse Fortemaison, coordinatrice du collectif TRT-5

Des outils existent depuis le décret de 2016 obligeant les industriels à fournir des plans de gestion des risques. Toutefois, il faut s'assurer de leur création, de leur qualité et qu'ils soient contrôlés en amont du risque de rupture.

Des mesures préventives et curatives sont nécessaires, comme la multiplication des sites de production, des lignes de production parallèles ou la constitution de stocks. Nous avons les moyens de cette politique pour prévenir des risques sur la santé publique et améliorer la qualité de vie de nos concitoyens.

Debut de section - Permalien
Yann Mazens, chargé de mission à France Assos Santé

Sur les stratégies commerciales des laboratoires, je vous renvoie au rapport de la Haute Autorité de santé de décembre 2017 sur la pénurie de vaccins contre les infections à pneumocoque. « Cette pénurie fait suite à des choix stratégiques des laboratoires Sanofi Pasteur et MSD Vaccins ». « Un arrêt de commercialisation du vaccin Pneumo 23 a conduit à un déficit de la couverture des besoins de vaccination des populations concernées. » Ce vaccin aurait dû être remplacé par un autre, mais cela n'a pas été le cas, ou il a été insuffisamment remplacé.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Merci pour ces interventions très denses et toutes ces informations.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Grelet-Certenais

On pourrait, préventivement, gérer la fabrication au niveau européen. Les laboratoires vont chercher des matières premières en Chine et en Inde, sous prétexte qu'elles n'existent pas en Europe. Sommes-nous dépendants ?

Récemment, le Gouvernement a reçu les laboratoires et leur a promis davantage de budgets pour leurs innovations. Or, selon vous, il faudrait maintenir les produits existants ayant fait leurs preuves... Il n'y a pas de solution ?

Debut de section - Permalien
Catherine Simmonin, secrétaire générale de la Ligue nationale contre le cancer

La fabrication a été délocalisée en Orient en raison de moindres coûts. La FDA arrête des chaînes de production en cas de non-respect des normes sanitaires ou de sécurité des personnes. Certains choix stratégiques répondent à un appât vers l'innovation, très lucrative aujourd'hui, au lieu de répondre à l'objectif premier de produire des médicaments à des fins de santé publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Médecin, j'ai vacciné de nombreuses personnes avec le Pneumo 23. Je n'ai jamais reçu d'indications de vaccination tous les ans ni vu cela dans les AMM. Il faut faire un vaccin et un rappel tous les trois ans. Les dernières préconisations faisaient état d'une vaccination tous les trois à cinq ans. Quel est le lien de causalité entre l'écart entre le rappel tous les trois ans et celui tous les cinq ans et la pénurie ? Cette durée repose sur des études médicales.

Debut de section - Permalien
Selly Sickout, directrice de SOS Hépatites

Je connais moins bien le dossier Pneumo 23 que celui de l'hépatite B. Dans cet exemple, les recommandations ont été mises de côté lors de la pénurie : il faut remettre cela dans son contexte.

Debut de section - Permalien
Yann Mazens, chargé de mission à France Assos Santé

Nous avons des témoignages. En cas de pénurie, il y a des recommandations vaccinales particulières. Les gens ne comprennent plus. Il est plus compliqué de stabiliser une politique vaccinale dans ce contexte.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Je partage le fait qu'il faut informer les patients en cas de pénurie, mais attention à ne pas créer de liens de causalité. Les obligations vaccinales ont été modifiées en raison du manque de confiance. Il est nécessaire d'avoir une information transparente et juste.

Debut de section - Permalien
Yann Mazens, chargé de mission à France Assos Santé

Certains patients ont témoigné avoir « bidouillé » en coupant des médicaments pour l'épilepsie afin de les donner à leurs enfants, ou commandé leurs médicaments à l'étranger ; cela pose des problèmes de sécurité sanitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Que pensez-vous de la distribution de médicaments en dehors des pharmacies ? Les usagers y sont-ils favorables ? Nous-mêmes sommes persuadés de la plus-value du conseil des pharmaciens...

Vos propos sur l'AMM, qui frisent l'accusation, me conduisent à m'interroger. Il faudrait se saisir de ce sujet. Cela dépend d'une agence de l'État. Nous devrions établir un état des lieux des agences publiques et parapubliques pour, éventuellement, les regrouper en une seule. Dans ce milieu, les interlocuteurs sont nombreux.

Debut de section - Permalien
Daniel Bideau, vice-président de l'UFC-Que Choisir et membre du bureau de France Assos Santé

La commercialisation hors officine doit être sécurisée pour les usagers-patients. Sur internet, il peut y avoir de tout : certains circuits, dépendant directement des officines, sont sécurisés. D'autres ne le sont pas du tout, avec aucune garantie d'obtenir la bonne molécule.

Nous devons avoir une certaine transparence et évaluer la commercialisation sur internet, à court et long terme, en matière de sécurité, de prix et de quantité vendue. Si les circuits sont sécurisés pour les officines françaises, ce n'est pas le cas à l'étranger.

Debut de section - Permalien
Catherine Simmonin, secrétaire générale de la Ligue nationale contre le cancer

En oncologie, nous avons quelques difficultés avec les AMM. La Ligue a demandé la liste des autorisations temporaires d'utilisation (ATU) par indication, pour un meilleur accès à l'innovation. Une fois l'AMM posée et que le laboratoire demande une autre indication, il n'est plus possible d'avoir une ATU par indication.

Autre problème, l'analyse génomique des tumeurs : des chimiothérapies innovantes sont ciblées sur le mélanome, et la même cible de la tumeur est rencontrée sur le cancer du poumon. Les patients sont au courant par leur oncologue que cette cible répondrait avec un traitement qui a une AMM sur le mélanome, mais qu'ils ne peuvent en bénéficier... La Ligue a raisonné sur une ATU nominative pour ces personnes laissées sur le bord de la route ? Cette personne de cinquante-cinq ans nous a écrit un message poignant : elle n'est pas à la fin de sa vie, mais elle a un cancer du poumon qui a cette cible, sans avoir accès à ce traitement...

Debut de section - Permalien
Catherine Vergely, secrétaire générale de l'Union nationale des associations de parents d'enfants atteints de cancer ou de leucémie

C'est exactement ce que connaissent tous les enfants atteints de cancer, qui ont des indicateurs de thérapies souvent très différents de ceux des adultes. Néanmoins, certains sont communs et les enfants n'ont pas accès à ces molécules innovantes puisque, par définition, ils ne sont pas dans l'indication pour laquelle l'AMM a été déposée. Nous demandons des extensions systématiques pour les enfants. Les AMM et les ATU doivent être faites en fonction des cibles et non plus de l'âge ou de la pathologie. En pédiatrie, 65 % des molécules utilisées chez l'enfant ne sont pas couvertes, au niveau européen, par une AMM pédiatrique. Un règlement pédiatrique européen, incitatif, a été mis en place. Les industriels se sont saisis du sujet, car le prix des médicaments est suffisamment élevé ; grâce au règlement, l'industriel bénéficie de six mois de protection supplémentaires sur son brevet et sur toutes les formes du médicament, y compris celles pour les adultes. Compte tenu du prix des molécules innovantes contre le cancer, c'est très intéressant financièrement !

L'AMM pose un problème global, mais imposons rapidement aux industriels des AMM pédiatriques systématiques, mais cela nous éloigne du sujet des pénuries.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Dans le rapport que j'ai réalisé avec Catherine Deroche et Yves Daudigny, nous avons bien pris en compte l'élargissement possible des ATU vers des extensions d'indications. Ces propositions ont été reprises.

Debut de section - Permalien
Catherine Simmonin, secrétaire générale de la Ligue nationale contre le cancer

Il s'agit d'ATU nominatives.

Debut de section - Permalien
Yann Mazens, chargé de mission à France Assos Santé

Quelle est l'innovation ? La définition n'est pas la même pour l'industriel et le patient... L'accès à l'innovation ne doit pas saper l'évaluation du médicament. Il faut un aspect précoce amélioré, notamment l'ATU, mais cela ne doit pas devenir un argument des industriels pour sabrer le dispositif d'évaluation du médicament, qui doit plutôt être renforcé.

Debut de section - Permalien
Catherine Simmonin, secrétaire générale de la Ligue nationale contre le cancer

L'évaluation en vie réelle est indispensable et n'est pas forcément très bien menée. Cela nous manque pour sécuriser l'innovation.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Merci pour toutes ces contributions, même si nous aurions souhaité disposer de plus de temps pour cette audition.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Notre mission d'information poursuit ses travaux par l'audition de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), représentée par le Dr Michèle Surroca, responsable du département des produits de santé, et son adjointe, Mme Paule Kujas. Je tiens à vous remercier, mesdames, d'avoir répondu à notre invitation.

Cette audition sera l'occasion d'appréhender ensemble le coût que peuvent représenter les ruptures de stock de médicaments pour l'assurance maladie, notamment en raison de la mise en place de traitements alternatifs ou de recours à des importations de produits qui doivent être reconditionnés. Il nous faut déterminer si une action sur les prix des médicaments s'impose pour prévenir la multiplication des tensions d'approvisionnement consécutives à des arrêts de commercialisation, par exemple dans le cas de médicaments anciens ou génériques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Je vous remercie moi aussi, mesdames, de votre présence. Vous avez reçu un questionnaire qui pourra servir de trame à cette audition et vous pourrez aussi, si vous l'acceptez, nous faire parvenir une contribution écrite afin que nous fassions la synthèse la plus complète possible d'ici à la fin du mois de septembre.

Je ne reviendrai pas sur la question du coût de ces pénuries, M. le président l'a évoquée. Quelle est votre appréciation des mesures de substitution prises dans certaines situations de pénurie ? Vous paraissent-elles présenter toutes les garanties en termes de sécurité et d'efficacité pour les patients concernés - le patient doit être remis au centre des préoccupations -, mais aussi d'efficience pour les finances sociales ?

Au cours des auditions, des représentants des professions pharmaceutiques ont évoqué comme un mode de gestion envisageable des situations de pénurie la possibilité, semble-t-il déjà mise en oeuvre au Québec, d'autoriser les pharmaciens à effectuer une substitution de molécule ou de traitement en cas d'indisponibilité du médicament prescrit par le médecin. Que pensez-vous de ce mécanisme ? Quelles sont, selon vous, les actions à mettre prioritairement en oeuvre pour assurer la bonne prise en charge des patients dans de telles situations ?

Dr Michèle Surroca, responsable du département des produits de santé à la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam). - Vous parlez d'une alternative au système actuel qui fait appel aux autorisations d'importation, gérées par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Dans ce cadre, la Cnam intervient en aval pour garantir la facturation de ces produits dans de bonnes conditions. Nous ne sommes pas les acteurs qui autorisent la commercialisation de ces produits pharmaceutiques ou apprécient la qualité de ceux-ci. Nous n'avons pas à porter de jugement sur la possibilité pour les autorités compétentes de dresser des listes de médicaments considérés comme parfaitement équivalents et présentant toutes les garanties nécessaires en matière de sécurité, à l'instar de ce qui se passe aujourd'hui pour les génériques, en vue d'élargir le panel de produits disponibles, dès lors qu'il n'y a pas de surcoût pour la collectivité.

Vous pouvez nous donner votre avis sur ce point...

Dr Michèle Surroca. - Comme je l'ai dit, dès lors qu'il s'agit d'un produit parfaitement équivalent - vous l'avez très justement souligné, le patient doit avoir le même accès à des produits de qualité -, sans surcoût, l'idée pourrait être tout à fait intéressante.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Pouvez-vous répondre de manière générale aux questions qui vous ont été adressées ?

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

Vous avez sollicité la Cnam pour avoir des données sur l'évolution du prix concernant quatre classes thérapeutiques ; nous vous les transmettrons dans le courant de la semaine prochaine.

Dr Michèle Surroca. - Nous n'aurons pas la profondeur de 2003, car il y a eu des modifications dans le suivi de ces molécules. Aussi, nous remonterons aussi loin que possible pour que vous ayez connaissance de l'évolution.

Nous n'avons pas connaissance des prix des médicaments hospitaliers : les médicaments sont achetés directement par les pharmaciens via des appels d'offres ; ils sont inclus dans les groupes homogènes de séjours (GHS). Pour plus de visibilité, vous pouvez prendre attache auprès de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), qui réalise une enquête annuelle sur les prix des médicaments hospitaliers.

Concernant les surcoûts dans la gestion des ruptures de stock de médicaments, le prix de certains produits importés est effectivement supérieur au prix du médicament en rupture ; l'exemple récent est le BCG (bacille de Calmette et Guérin) intra-vésical, dans le cadre de la rupture de stock de l'ImmuCyst®, un produit utilisé dans le traitement du cancer de la vessie. Les prix demandés par les laboratoires peuvent être supérieurs, et ils le sont très souvent. En revanche, dans le cadre des négociations avec les laboratoires, une clause prévoit que ces derniers fournissent l'intégralité des demandes du pays, sauf à voir le prix baisser.

Vous nous avez interrogés sur le coût annuel estimatif pour l'assurance maladie des ruptures de stock et tensions d'approvisionnement. Lorsque la France importe un produit, la réglementation exige que celui-ci soit fourni non plus par les pharmacies de ville, mais par les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé autorisés à la rétrocession, en vertu de l'article L. 5126-8 du code de la santé publique. La pharmacie facturera le produit à l'assurance maladie via un code générique, le PHI. Ainsi, 8 millions d'euros de produits ont été rétrocédés en 2017, sachant que ce chiffre est probablement sous-évalué, car certaines pharmacies utilisent d'autres codes génériques.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

Ce n'est pas un surcoût pour l'assurance maladie ; c'est une rétrocession.

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

Le prix est librement fixé par l'industriel, avec une marge de vingt-deux euros environ pour l'établissement : lorsque le prix est inférieur à vingt-deux euros, une circulaire précise qu'il n'y pas de marge.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Vous parlez des produits importés, avec l'accord de la Cnam dans les cas de pénuries ou de tensions ?

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

Exactement. En cas de pénurie, l'ANSM recherche un produit équivalent disponible dans les autres pays européens, elle donne alors une autorisation d'importation et le produit ne sera disponible que dans les pharmacies à usage intérieur (PUI). On parle de surcoût parce que, comme je l'ai dit, le prix est un peu plus élevé que le produit initial français.

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

Très souvent.

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

Je ne serai pas aussi catégorique, mais je dis qu'il est très souvent supérieur. Nous n'avons pas encore toutes les données, mais, au vu des derniers exemples, les produits sont effectivement plus chers.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

Cela prouve que les médicaments français sont moins chers.

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

C'est souvent la même molécule, mais avec un conditionnement, des résumés de caractéristiques de produit ou un dosage différent de celui qui est disponible en France. Dans tous les cas, il faut fournir aux patients une notice en français.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Et les autorisations de mise sur le marché (AMM) sont aussi différentes ?

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

Tout à fait. Les laboratoires décident de déposer des AMM comme ils le veulent.

Vous avez aussi évoqué la problématique des marchés hospitaliers.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Plus les marchés sont importants, plus les hôpitaux ont la possibilité d'avoir des prix intéressants, avec deux conséquences : le marché est moins intéressant pour l'industriel et, surtout, les productions sont concentrées sur un faible nombre de laboratoires, voire un seul. En cas d'incident, il y a donc pénurie. On en arrive à une injonction contradictoire : on demande aux hôpitaux de se regrouper pour avoir des prix plus bas, mais avec le risque plus grand de connaître une pénurie.

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

La massification des achats fait que les prix sont tirés vers le bas. Si l'industriel ne peut pas fournir, cela pose effectivement le problème de l'approvisionnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Dans le cadre de cette mission, on nous parle de prix trop bas.

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

Dans les achats hospitaliers, il faut distinguer les produits en monopole - en l'absence de concurrent, les prix ne baissent pas -...

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

Ce n'est pas là une critique.

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

Il faut donc les distinguer des produits en concurrence.

Dr Michèle Surroca. - Dans ce cas, cela peut poser problème.

Concernant les achats hospitaliers, c'est le laboratoire qui, dans le cadre d'un appel d'offres, propose son prix.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

Avec la création des groupements hospitaliers de territoire (GHT), les prix devraient baisser.

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

L'objectif est d'avoir un livret du médicament commun dans les établissements faisant partie du GHT. Mais il y avait déjà des groupements d'achats régionaux et nationaux ; le réseau UNICANCER achète pour les centres de lutte contre le cancer. Cette massification existe maintenant depuis une dizaine d'années.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

On demande aux hôpitaux de se regrouper, mais ils n'auront plus qu'un seul gros fournisseur. En cas d'incident sur la chaîne de fabrication, il y a pénurie.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

À force de vouloir le prix le plus bas, on va arriver à un moment à l'os. À l'image du numerus clausus, on défendait l'idée qu'un nombre moindre de médecins entraînerait une baisse des dépenses de santé. On ne peut pas massifier les malades, si je puis dire. À un moment, on ne pourra pas faire plus. Où s'arrête-t-on ? Il faudra peut-être se dire que l'on ne veut plus être confronté à ces problèmes délétères, avec la rupture de prise en charge thérapeutique, les pénuries plus ou moins prévues. Il s'agit là d'un véritable sujet de santé publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Grelet-Certenais

Mon propos va dans le même sens. La problématique, c'est celle du prix juste. Comment peut-on l'évaluer ? Du fait du monopole de laboratoires sur certains médicaments, ceux-ci coûtent très cher de façon injustifiée, ce qui crée des surcoûts importants.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Saury

Ce raisonnement pour le médicament hospitalier peut-il être étendu au médicament de ville ? Vous avez dit précédemment que vous imposiez le prix du médicament remboursable...

Dr Michèle Surroca. - Non.

Le prix du médicament vendu dans les officines est fixé par certaines autorités, dont la Cnam ?

Par ailleurs, en matière de prix, comment se place notre pays par rapport aux pays européens ? Le fait d'avoir contraint le prix des médicaments ne nous met-il pas dans une situation défavorable ? Cela n'incite-t-il pas les industriels à produire davantage pour les pays où le prix est plus élevé ?

Dr Michèle Surroca. - Sur la question du prix, nous intervenons parce que nous sommes membres du Comité économique des produits de santé (CEPS) au sein duquel ont lieu les discussions sur la tarification et la fixation des prix, sur la base d'une évaluation de la Haute Autorité de santé (HAS). L'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale prévoit dans son 6° que nous devons nous inspirer de l'existence de prix ou de tarifs inférieurs pratiqués dans d'autres pays européens présentant une taille totale de marché comparable, à savoir l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni.

Par ailleurs, l'accord-cadre signé entre le CEPS et le LEEM (syndicat professionnel Les entreprises du médicament) prend en considération des situations particulières : lorsque le coût de production a été augmenté ou lorsque des classes thérapeutiques doivent être maintenues sur le marché pour répondre à des exigences de sécurité sanitaire ou environnementale. Au moment de la fixation du prix et dans le suivi du prix, des garde-fous ont été prévus pour éviter l'arrêt de la production dans ces cas. Il s'agit d'une régulation subtile pour pouvoir garantir l'accès à la fois à des produits innovants plus coûteux, notamment les biothérapies, mais avec une véritable valeur ajoutée, et à des produits un peu plus anciens, génériqués, à un tarif moindre. C'est effectivement le juste prix.

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

Les laboratoires ne manquent pas de demander des hausses de prix pour des produits anciens, dont le prix de production est important.

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

Oui, bien sûr.

Dr Michèle Surroca. - Dès lors que l'argumentation est fondée, la demande est examinée par le comité.

Bercy travaille justement à l'élaboration d'un document normalisé pour tous les laboratoires.

Permettez-moi de revenir sur les médicaments hospitaliers. L'hôpital se trouve actuellement dans un équilibre assez instable dans la mesure où le produit ne doit pas dépasser 30 % du tarif du GHS. La régulation à l'hôpital et en ville est diamétralement opposée.

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

Exactement. L'établissement répond en général au mieux-disant dans les appels d'offres.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Grelet-Certenais

Comment expliquez-vous que le prix du BICNU®, qui avait disparu, soit passé de 30 euros à 1 500 euros aujourd'hui ? Vous dites que des laboratoires remettent sur le marché certains médicaments, sous réserve qu'ils puissent en augmenter le prix. Mais là on est dans des extrêmes incroyables !

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

Il y a des laboratoires qui ont toujours commercialisé le produit et arguent de l'augmentation des coûts de production. Concernant le BICNU®, la situation est complètement différente : le laboratoire a été repris par un autre. Nous partageons votre constat, mais ce produit est nécessaire pour traiter les mélanomes et les métastases cérébrales.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Les laboratoires délivrent des quantités déterminées aux grossistes-répartiteurs, qui ne correspondent pas obligatoirement aux demandes des pharmacies. Qui décide des quotas ? L'industriel ? Quel rôle joue la Cnam en la matière ? Existe-t-il éventuellement des accords entre les industriels et la Cnam ?

Dr Michèle Surroca. - La Cnam n'intervient pas du tout sur la question du contingentement.

Ce sont les industriels qui prévoient les quantités.

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

C'est l'ANSM qui traite cette question avec les laboratoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Une dernière question : qui, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, décide qu'une part du médicament ou des soins de ville doit contribuer à la diminution des dépenses ? Il y a forcément des échanges avec la Cnam. Au vu de la situation actuelle, est-il encore raisonnable de diminuer la part de la dépense relative au médicament ?

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

Oui, les projections de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) sont faites par le ministère de la santé.

Debut de section - Permalien
Paule Kujas, adjointe au responsable

Oui, bien sûr, nous sommes au courant.

Dr Michèle Surroca. - Les objectifs sont discutés. Quant aux moyens de les atteindre...

Cela ne concerne pas que la baisse des prix. Sont aussi évoqués un meilleur usage, le volume... Mais je suis d'accord, depuis quelques années, les baisses de prix sont très importantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Les déremboursements...

Dr Michèle Surroca. - C'est un autre sujet. Il y a une gestion sur les tarifs et une gestion sur les volumes par des actions de pertinence et d'amélioration du bon recours ; nous intervenons sur ces aspects. On est dans le juste prix, mais aussi dans le juste soin.

Concernant les déremboursements, doit être posée la question de savoir pour quelles raisons la collectivité paie. Cela passe par un processus de réévaluation. Il s'agit de mesurer la valeur ajoutée d'un produit pour la collectivité, considérant que le paysage thérapeutique et les alternatives ont changé.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Grelet-Certenais

Travaillez-vous en liaison avec les administrations médicales des autres pays européens ? Existe-t-il des critères communs ? Des offres sont-elles négociées ? Y a-t-il une première approche de négociation européenne ?

Dr Michèle Surroca. - Il y a une volonté de mutualiser des évaluations de technologie de santé - médicaments, dispositifs médicaux - et de partager des critères communs ; le projet EUnetHTA, European Network for Health Technology Assessment, le réseau européen en matière d'évaluation de technologies de santé, avait pour objet de conduire des évaluations communes avec des critères d'appréciation communs de la valeur ajoutée. Concernant les tarifs, les prix et l'accès au remboursement, chaque État membre a ses propres critères, contrairement à l'AMM où il existe un processus d'autorisation européenne. Or ce dispositif pourrait être intéressant pour les négociations de prix qui examinent le prix facial et le prix net remisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Nous vous remercions de vos interventions, mesdames.

Dr Michèle Surroca. - Nous vous enverrons les données chiffrées.

La réunion est close à 12 h 30.