Intervention de Bruno Carrière

Mission d'information sur la pénurie de médicaments et de vaccins — Réunion du 19 juillet 2018 à 14h00
Audition conjointe de représentants de centrales d'achats de produits de santé en milieu hospitalier

Bruno Carrière, directeur général d'UniHA :

Je suis accompagné du docteur Marc Lambert, pharmacien à l'Assistance publique de Marseille, qui a la particularité de piloter un marché important d'anticancéreux qui pèse plus d'un milliard d'euros en volume annuel. Vous avez évoqué, monsieur le président, un lien entre massification des achats et ruptures d'approvisionnement. Notre problématique d'acheteur consiste à assurer la continuité entre les producteurs, dont dépend la situation économique de l'offre, et les besoins des prescripteurs de médicaments. Or, le marché pharmaceutique se caractérise par une importante concentration des firmes industrielles, qui adaptent leur stratégie mondiale en fonction de l'attractivité des territoires en matière, notamment, de prix ou encore de stabilité des réglementations dont la fiscalité. Nous travaillons ainsi avec une cinquante d'entreprises, mais l'étroitesse du marché recouvre des situations fort hétérogènes entre simples distributeurs de produits, qui ne maîtrisent pas les phases amont de développement de produit et de mise sur le marché, ni les phases aval d'industrialisation - et à ce niveau les acheteurs apprécient l'influence ou le poids que pèse le distributeur dans un processus européen de centre de décision sur l'allotissement des volumes de production -, des entreprises pharmaceutiques qui sont des gestionnaires d'actifs - brevets et autorisations de mise sur le marché (AMM) - dont la démarche apparaît assez souvent uniquement patrimoniale, et désormais des entreprises pharmaceutiques qui épousent le plus souvent un périmètre incluant des activités de marketing, de mise sur le marché, de développement, voire de surveillance de fournisseurs auxquels on sous-traite la recherche et le développement avec des stratégies d'acquisition lorsque cela s'avère pertinent. À côté de cela, vous avez des façonniers, c'est-à-dire des industriels spécialisés dans la production des médicaments, parfois des principes actifs, qui peuvent travailler pour différentes enseignes pharmaceutiques.'' Comme il s'agit d'une activité globale, interviennent des stratégies de localisation des centres de production de médicaments et de principes actifs : lorsqu'une usine de principe actif connaît une difficulté de production, elle peut bloquer plusieurs mois l'ensemble de la chaîne de distribution. Les acheteurs doivent, en conséquence, être capables d'appréhender la diversité des situations, qui pourraient se présenter. Les ruptures, en effet, relèvent de causes multiples : un problème de qualité peut conduire à l'arrêt de la production dans une usine, et dans ce cas, lorsqu'une seule usine alimente le marché européen, c'est toute l'Europe qui, pendant plusieurs mois, sera confronté à l'indisponibilité du produit ; des problèmes de qualité peuvent se déduire des contrôles opérés 'par les autorités sanitaires - la Food and Drug Administration (FDA) a ainsi fait récemment fermer plusieurs usines de production de poches de perfusion, créant une pénurie du produit aux États-Unis - ; l'arbitrage entre pays en fonction du prix des médicaments - je pense notamment à 'l'albumine -, d'où une concurrence entre les nations sur les prix d'achat ; existent également des intermédiaires qui organisent la distribution et peuvent aussi polluer le circuit en réaffectant quelques volumes de médicaments initialement destinés à certains pays pour les réorienter vers d'autres pays plus rémunérateurs. Nous devons intégrer les différents risques associés à nos interlocuteurs à nos cahiers des charges pour aboutir au meilleur compromis entre contraintes économiques du marché et besoins des hôpitaux.

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