Intervention de Maurice-Pierre Planel

Mission d'information sur la pénurie de médicaments et de vaccins — Réunion du 20 juillet 2018 à 9h00
Audition de M. Maurice-Pierre Planel président du comité économique des produits de santé ceps

Maurice-Pierre Planel, président du Comité économique des produits de santé :

Le CEPS est un comité interministériel composé de représentants du ministère de la santé et des affaires sociales, du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, des caisses d'assurance maladie du régime obligatoire et des assureurs complémentaires en santé, ainsi que de deux personnalités qualifiées : son président et son vice-président. Il comporte une section des dispositifs médicaux et une section du médicament.

Vos questions renvoient à la question des compétences du CEPS. Une série de prix échappe à la compétence du CEPS : les prix intra-GHS, qui figurent dans les groupes homogènes de séjour servant à tarifer les activités hospitalières, sont négociés directement entre les établissements et les laboratoires.

Le CEPS est compétent sur un champ large, mais délimité : il s'agit des médicaments remboursables inscrits sur la liste en sus, les médicaments dits « de rétrocession » distribués en pharmacie hospitalière, essentiellement destinés au traitement du virus d'immunodéficience humaine (VIH) et du virus de l'hépatite C (VHC), et les médicaments de ville. Ils représentent 32 milliards d'euros. Les médicaments non remboursables, dits OTC (« over the counter »), ont un prix libre.

La question des critères de fixation du prix en France se pose depuis la création de la sécurité sociale et la décision de rembourser les médicaments. À la Libération, les prix étaient administrés pour la quasi-totalité des secteurs de l'économie. Le médicament y a été soumis, et le prix est fixé en fonction du coût de production du produit, majoré de l'inflation et de quelques dépenses administratives accordées aux laboratoires.

Ce système de fixation du prix perdurera jusqu'aux ordonnances Jeanneney de 1967. Entre 1967 et 1999, on bascule progressivement vers le facteur de la valeur thérapeutique du produit. Le critère du coût de production est abandonné parce qu'il ne favorise pas l'innovation et qu'il est inflationniste -il suffit de faire augmenter les coûts de production pour obtenir un prix élevé. Par ailleurs, on quitte le monde historique de la construction de l'industrie pharmaceutique en France -le pharmacien devenu un industriel qui a l'habitude de travailler avec les autorités publiques nationales et de leur transmettre des informations- pour entrer dans un monde globalisé, dans lequel les groupes internationaux n'ont pas le décompte par pays de leurs activités de recherche et développement, ce qui pose le problème de la transmission des éléments relatifs au coût de production.

Le système actuel date de 1999, et on peut à juste titre s'interroger aujourd'hui sur sa pertinence et son efficacité. Il repose sur le double système du service médical rendu -l'inscrit-on, ou non, au remboursement ?- et d'amélioration du service médical rendu (ASMR) -quelle est sa valeur par rapport à ce qui existe déjà ?-.

Les critères de fixation du prix des médicaments sont fixés dans la loi : la valeur thérapeutique, c'est-à-dire l'ASMR ; la population à traiter ; l'utilisation en vie réelle, qui consiste notamment à vérifier que les médicaments sont bien utilisés selon les indications pour lesquelles ils sont vendus ; l'évaluation médico-économique, critère introduit en 2004 et renforcé en 2012, pour les médicaments supposés innovants et ayant un impact budgétaire supérieur à 50 millions d'euros.

Ce dernier critère ne s'applique donc qu'à une partie des médicaments examinés par le CEPS. La France se distingue des pays anglo-saxons, dans lesquels l'évaluation médico-économique se fait pour l'inscription au remboursement et pas pour la fixation du prix, avec des seuils : si le prix est en dessous d'un certain seuil, il est inscrit au remboursement, sinon il ne l'est pas. Un médicament innovant peut ne pas être inscrit au remboursement au Royaume-Uni.

Le médicament a une vie, notamment tarifaire : son prix est le plus élevé lors de sa première commercialisation puis tout au long de sa vie il ne cesse de baisser, sous l'influence de différents facteurs : l'arrivée de concurrents et l'ancienneté d'inscription, avec la perte de la propriété intellectuelle sur la molécule.

Le CEPS n'est pas un acheteur : il fixe les prix. Il ne peut pas dire à un laboratoire qu'il ne fixera pas le prix d'un produit, même si c'est le vingtième produit dans une même aire thérapeutique. L'unique levier à sa disposition, c'est de dire au dernier arrivé que le seul moyen d'entrer sur le marché est d'être moins cher que les autres. Le code de la sécurité sociale précise que, quand un médicament n'apporte pas d'ASMR, il doit permettre de faire des économies. Ce sont les ASMR V, qui entrent avec un prix moins cher sur le marché et font ainsi baisser les prix des produits déjà présents.

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