La fabrication des vaccins à partir de micro-organismes vivants possède des spécificités. Les industriels fabricants doivent relever le défi de la durée de fabrication et de la variabilité liée au vivant, mais aussi celui de l'environnement réglementaire et du marché mondial, d'où leur besoin d'anticiper fortement les décisions.
Sanofi-Pasteur compte 12 établissements industriels dans le monde. Le plus gros établissement pharmaceutique de recherche et développement et de production de vaccin au monde est situé en région Rhône-Alpes ; un autre est implanté en Normandie. Plus de 6 000 personnes travaillent sur ces deux sites, qui font l'objet d'investissements considérables. La fabrication du vaccin, notre coeur de métier, est extrêmement longue, allant de 6 mois pour un vaccin contre la grippe à trois ans pour certaines combinaisons pédiatriques.
Il faut compter jusqu'à trois ans entre le lancement de la fabrication et la disponibilité des doses. L'anticipation est donc indispensable dans nos métiers. Une centaine de matières premières entrent dans la fabrication, notamment comme réactifs, et nous avons recours à plus de cent méthodes de contrôle pour garantir la qualité. Pour mettre à disposition un vaccin hexavalent, il faut qu'il ait passé quelque 1 200 tests. Les pharmaciens de nos usines attestent de la qualité, ou refusent la mise sur le marché. Avec les produits dérivés du sang, les vaccins sont les seuls produits faisant l'objet, en plus, d'un contrôle systématique et d'une libération par l'ANSM. Or, le contrôle de qualité consomme déjà 60 % du temps. De plus, les péremptions sont relativement courtes et il faut garder les produits au froid, ce qui rend plus difficile la constitution de stocks importants.
Ajoutons que la demande mondiale est aussi fluctuante que difficile à prédire. Outre les épidémies, il arrive que les autorités d'un pays disposent soudainement de moyens pour lancer des campagnes de vaccination. Ainsi, à la suite d'épidémies en 2014, la demande mondiale de vaccins pédiatriques a augmenté, en 2015, de 50 % car dix-sept États ont lancé des campagnes de vaccination et ont provoqué de ce fait une rupture. Pour compenser, nous avons accru la cadence, passant aux trois huit, parfois sept jours sur sept - mais, comme nous ne sommes que deux fabricants -compte tenu des prix et de l'écosystème mondial- à assurer la fabrication des vaccins pédiatriques qui contiennent l'antigène de la coqueluche, et que l'autre a rencontré des difficultés, il a fallu plusieurs mois. Ces tensions ont été douloureuses pour tout le monde - même pour nous, qui sommes aussi parents... - mais nous avons évité toute situation critique.
En matière de vaccins, les normes ne sont pas uniformisées dans le monde, non plus que les pharmacopées, qui précisent les spécifications auxquelles doivent répondre les vaccins et les tests applicables. C'est un véritable casse-tête ! Quant à l'AMM, à chaque fois que l'industriel améliore ses installations ou ses méthodes, il doit déposer une demande de variation. Selon les pays, le contenu de cette demande, et le délai de traitement, varient énormément. La reconnaissance mutuelle entre 27 pays européens est une bonne chose, mais nous servons 150 pays... Avec des réglementations en complexification constante, cela devient mission impossible. Quoi qu'il en soit, nous investissons constamment dans les compétences et l'amélioration des processus : un milliard d'euros depuis dix ans, et nous maintiendrons le même rythme -147 millions d'euros très récemment sur notre établissement de Val-de-Reuil afin de doper nos capacités de production de vaccin contre la grippe-, tout en continuant à coopérer avec les autorités de santé.