Intervention de Jean-Dominique Giuliani

Commission des affaires européennes — Réunion du 2 juillet 2020 à 11h05
Institutions européennes — Table ronde franco-allemande sur le thème : « quel projet allemand pour l'europe ? » autour de m. nicolas baverez économiste avocat contributeur à l'institut montaigne mme claire demesmay directrice du programme relations franco-allemandes du dgap deutsche gesellschaft für auswärtige politik institut allemand de politique étrangère mm. jean-dominique giuliani président de la fondation robert schuman et hans stark conseiller pour les relations franco-allemandes à l'institut français des relations internationales professeur de civilisation allemande à l'université de la sorbonne

Jean-Dominique Giuliani, président de la fondation Robert Schuman :

Je vous remercie pour votre invitation. Je suis heureux et honoré d'être présent parmi vous. J'en profite pour saluer mes camarades avec lesquels je note une convergence d'analyse.

Notre réflexion sur le terme de souveraineté reste à approfondir, notamment dans une perspective historique. En France, la souveraineté est attachée à l'État, alors qu'elle est attachée à la nation dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Lorsqu'un État s'est mis en place en Allemagne, des conséquences catastrophiques pour l'Allemagne et le continent européen en ont découlé. La France constitue une exception en Europe lorsque l'État incarne la nation et sa souveraineté.

Après la crise de la Covid-19, nous, Français, devrions nous interroger sur l'efficacité de l'État et sur sa verticalité. Ce point constitue une différence fondamentale avec l'Allemagne.

La réintroduction de l'Allemagne dans le concert des nations après le naufrage du nazisme s'est opérée de deux manières : l'insertion dans le concert des nations dans le contexte de la guerre froide ; l'intégration européenne et l'OTAN.

Depuis le naufrage du nazisme et ce XXè siècle dramatique pour l'Allemagne, ce pays n'est pas un État comme les autres et le restera très longtemps. À l'occasion du 70è anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, la chancelière a affirmé que « se souvenir des crimes, nommer leurs auteurs, rendre aux victimes un hommage digne, c'est une responsabilité qui ne s'arrête jamais. Ce n'est pas négociable et c'est inséparable de notre pays. Être conscient de cette responsabilité est une part de notre identité nationale ». Ce propos doit nous conduire à mieux comprendre cette part de l'identité allemande. Cette identité n'a jamais été stabilisée dans l'histoire du peuple allemand, et encore moins autour d'un État. Elle trouve deux stabilisateurs, l'Union européenne à l'extérieur, la constitution, le droit et la décentralisation en interne. La cour constitutionnelle de Karlsruhe protège ce système auquel sont attachés les Allemands.

Celui-ci entraîne néanmoins des contraintes importantes en matière de politique étrangère pour l'Allemagne. Hier encore, le parlement allemand a refusé de prononcer des sanctions à l'encontre d'Israël pour ses projets d'annexion en Cisjordanie. L'Allemagne estime ainsi ne pas être en mesure de sanctionner Israël en raison de son passé. Ces composantes de l'identité allemande expliquent d'importantes fragilités sur lesquelles la France devrait davantage s'interroger.

Le mot « souveraineté » gêne nos partenaires allemands, mais ceux-ci peuvent entendre les termes d'indépendance et d'autonomie. En effet, dans le contexte de la Covid-19 et de la crise économique qui en découle, le marché unique européen est en cause. Or, s'agissant de la structure du commerce allemand, les exportations intraeuropéennes représentent près de la moitié des exportations allemandes.

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