Monsieur Leconte a parfaitement raison. Vous faites allusion à un article de presse qui renvoie au fait que les institutions françaises ont été conçues par le Général de Gaulle pour effacer l'effondrement de 1940. À l'inverse, l'Union européenne est massivement calquée sur le modèle parlementaire. Par conséquent, l'Allemagne est « confortable » avec l'Union européenne, alors que la France ne comprend pas le fonctionnement des institutions européennes. Nous projetons à chaque fois notre image ancienne et archaïque d'un État efficace et vertical, alors que l'Union européenne est l'inverse : la formation lente d'un consensus qui anticipe les problèmes. Le modèle français présente toutefois des atouts en matière d'efficacité de chaîne de commandement et de diplomatie.
Il ne s'agit pas d'une opposition entre la France et l'Allemagne, entre la France et l'Union européenne, mais d'une addition de nos qualités qui représente l'idéal européen. La réactivité des institutions européennes mériterait d'être plus forte ; les Allemands y sont prêts en matière commerciale et pour sanctionner des acteurs qui ne respecteraient pas le droit européen. La cour de Karlsruhe a rappelé l'attachement des citoyens allemands à l'État de droit.
La chancelière évoque la nécessité de changer les traités européens pour les aligner sur la pratique. Aujourd'hui, nous avons dépassé les limites des traités. Nous avons développé des pratiques qui se situent hors traités. Nous devons donc modifier les traités, ce qui permettra de libérer l'initiative et la créativité allemandes. Les responsables français ont toutefois peur d'une telle perspective, eu égard à l'expérience de 2005.
Par ailleurs, certains propos sur notre pays ont peut-être été excessivement pessimistes. La France sait percevoir la recette publique depuis Louis XI. Elle est solide, ce qui ne doit pas l'empêcher d'être plus rigoureuse dans la gestion de la dépense publique. Au final, la France n'a pratiquement jamais fait faillite, au contraire d'autres États européens.
L'Allemagne apparaît plus compliquée que la France. En France, les décisions sont prises par le Président de la République et s'imposent au gouvernement et au parlement. En Allemagne, la chancelière n'est pas la seule à décider ; la décision est partagée notamment avec les Länder, la cour constitutionnelle et le parlement. Les Allemands se méfient de la concentration du pouvoir et du concept de « vision ». En France, nous attendons toujours une vision du Président et du Premier Ministre. En Allemagne, il existe à l'inverse des consensus économiques, sociaux et financiers. Nous devrions essayer de cultiver cette qualité. Pour les nouvelles technologies numériques, la France est plus agile que les Allemands. Ces derniers sont plus sensibles aux enjeux écologiques, même si leur industrie rencontre parfois des problèmes d'évolution. L'Union européenne se situe entre l'horizontalité allemande et la verticalité française. La France et ses institutions sont, au niveau européen, plutôt une exception que la règle.