Intervention de Yves Careil

Mission commune d'information sur le système scolaire — Réunion du 7 juin 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Yves Careil maître de conférences à l'iufm de bretagne

Yves Careil :

Je me définis comme un socio-historien. L'histoire donne, pour moi, leur poids aux enjeux du présent. La concurrence entre public et privé n'est pas de même nature en région parisienne et en Loire-Atlantique, où les établissements privés n'ont jamais été implantés au coeur des cités, mais en périphérie. Il n'en reste pas moins que l'écrémage s'y pratique. Le regard est peut-être plus bienveillant, mais dès que se pose un problème de discipline, on exclut l'élève, à la différence de l'enseignement public, qui a le devoir d'accueillir tout le monde, comme le rappelle Philippe Mérieux, pourtant fervent catholique. Il est évidemment beaucoup plus facile d'innover et de mettre en oeuvre une pédagogie profitable avec des élèves qui ne posent pas problème. Au niveau du lycée, plus sélectif, tout dépend de la localisation des établissements. A Nantes, les grands établissements, qu'ils soient publics ou privés, ont chacun leur composante, selon les quartiers. Les grands collèges privés accueillent les enfants de la bourgeoisie traditionnaliste bien-pensante, tandis que, parmi les trois établissements publics, l'un accueille les enfants de la bourgeoisie bohème, les « bobos », enseignants, architectes, l'autre ceux de la bourgeoisie libérale anticléricale dans la tradition du XIXe siècle, et le troisième, enfin, ceux de la bourgeoisie d'argent, qui va aussi vers le privé. Mais alors que la ville compte autant d'écoles privées que publiques, les premières se répartissent sur quatre des vingt secteurs.

La décentralisation ? Je m'en méfie. L'Etat doit plus que jamais jouer son rôle d'arbitre. Dans un de mes livres, publié en 1998, j'expliquais que les termes de la novlangue étant polysémiques, il ne fallait en user qu'en précisant le sens qu'on leur donnait. Il en va de même pour celui d'autonomie. Il peut signifier autogestion, indépendance à l'égard des pouvoirs, mais aussi fonctionnement managérial et partant, concurrence accrue entre établissements. Si un peu de concurrence ne nuit pas, exacerbée, elle conduit à se poser la question : quelle école veut-on pour quelle société ? Est-ce une société des égoïsmes et de l'entre-soi que l'on veut ? A vous de répondre, en prenant vos responsabilités.

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