Certes, les enseignants doivent rester maîtres de la conception de leur enseignement, mais je ne crois pas, en revanche, à la liberté pédagogique. Les travaux de recherche sociologique montrent que les disciplines qui sont alors privilégiées ne sont pas les mêmes selon l'origine sociale...des professeurs. J'ai fait ma thèse de doctorat sur les écoles primaires d'un quartier sensible de l'agglomération de Nantes. Et cela juste au moment où le profil des enseignants se transformait : l'instituteur d'origine populaire était peu à peu remplacé, pour faire court, par la femme de cadre supérieur. On a vu se lancer des innovations pédagogiques, qui réclamaient des établissements bien équipés ; et c'est ainsi que l'on est allé, peu à peu, rechercher des financements auprès des parents, ce qui a fini par créer une hiérarchie entre les établissements. L'enfer est pavé de bonnes intentions.
Autrefois, l'instituteur enseignait les maths, le français, l'histoire. Et puis, à partir des années 1970, au nom de l'épanouissement, de l'éveil, on en est venu à ne plus même apprendre aux enfants l'orthographe grammaticale. On a vu le désastre, vingt ans après. Je suis moi-même tombé dans ce travers, je plaide coupable. Mais j'ai heureusement rencontré un vieux hussard de la République, un homme extraordinaire, qui allait voir les parents pour les convaincre de laisser leur enfant à l'étude, un homme qui me disait : « Si tu ne fais pas le programme dans cette classe, qui le fera ? ». Quand je vois que l'on ne met plus les moyens, aujourd'hui, pour former les enseignants, cela m'indigne.