Nous avons travaillé à une évaluation nationale et, plus récemment, internationale portant sur huit pays d'Europe, financée par le programme Socrates de l'Union européenne.
Une remarque préliminaire : la permanence du vocable utilisé - politique d'éducation prioritaire - masque une forte discontinuité de l'objet. Celui-ci est marqué par des relances gouvernementales, qui sont autant d'extensions successives de son périmètre. Aujourd'hui, cette politique concerne plus de 1 000 zones et 25 % des élèves du primaire et du collège, contre moins de 300 zones et 7 à 8 % des élèves à l'origine. En France comme en Europe, on lui assigne désormais pour objectif la « promotion » des « potentiels » individuels avec un référentiel psychologisant, et non plus la lutte contre les inégalités sociales fondée sur une analyse sociologique - courant auquel j'appartiens - comme à ses débuts dans les années 1981 à 1983.
Son évaluation repose principalement sur deux indicateurs statistiques nationaux : l'un porte sur le parcours des élèves - leur progression de classe en classe - ; l'autre sur leurs performances - ce que les élèves ont appris. Leur analyse fait apparaître que le différentiel entre les élèves scolarisés en ZEP et les autres n'a ni baissé ni augmenté. Ses résultats, peut-on en conclure, sont décevants au regard des espoirs qu'on plaçait dans cette politique dans les années 1980. Pour autant, la réalité socio-économique des quartiers urbains - les zones rurales ne sont plus guère concernées - s'étant notablement dégradée, elle a permis une moindre augmentation des inégalités scolaires au regard de l'aggravation des inégalités sociales. Outre cette analyse grossière entre ZEP et autres territoires, nous disposons de l'étude réalisée par des inspecteurs généraux (Catherine Moisan et Jacky Simon) en 1997. Celle-ci s'attache à identifier les causes des réussites et des échecs dans les ZEP. A l'instar des rares travaux de recherche menés sur le sujet, elle souligne l'importance d'un pilotage politique continûment axé sur l'amélioration des apprentissages des plus démunis, de la taille de la zone - qui ne doit pas être trop vaste -, et du rôle de la scolarisation à deux ans. Hélas, les chercheurs ne sont pas toujours entendus des politiques, une plainte récurrente, me direz-vous....
L'effort financier est difficile à calculer car, en sus de la dotation du ministère en personnels et en crédits, interviennent les collectivités territoriales et les partenaires. Il est, du reste, relativement modeste : un élève en ZEP coûte environ 10 % de plus. Cet effort a rarement été ciblé. Je m'explique : ont été retenus les territoires les plus en difficulté selon des critères fixés par chacune des académies, mais les niveaux scolaires n'ont pas été hiérarchisés. La France, contrairement à certains pays anglo-saxons, n'a pas mis l'accent sur les apprentissages initiaux. Je vous renvoie à la circulaire relative aux « réseaux ambition réussite » (RAR), dont le dispositif Eclair prend la suite. Elle a été construite autour du collège, considéré à tort comme le maillon faible de notre système scolaire. Les symptômes des inégalités scolaires y sont certes les plus apparents mais cela revient à traiter la fièvre sans s'attaquer au mal. La rédaction de cette circulaire a été finalement remaniée au moyen de copier-coller, après que les syndicats d'enseignants du primaire soient montés au créneau. Plus personne ne se souvient de l'expérimentation sur les CP à demi-effectifs lorsque M. Bayrou était ministre. On l'a bâclée ; peu d'enseignements en ont été tirés.