Pour lui, une école commune n'avait pas de sens ; il y avait une école pour les riches et une autre pour les pauvres.
Professeur d'université, j'ai parfois tendance, moi aussi, à me demander ce que mes élèves ont appris durant leurs années de lycée... Plus sérieusement, il existe des effets de seuil : certains élèves de terminale ont un tel rapport à l'écrit qu'il est vain de leur demander d'étudier la philosophie, quelle que soit la qualité du professeur.
Il faut ménager des continuités à condition de conserver les ruptures : celles-ci sont structurantes dans la construction de la personnalité, tout comme la rupture entre école et famille. L'identification disciplinaire - la différence entre maths et physique, histoire et géographie - participe d'une culture commune. Ma religion n'est pas faite ; l'important est de ne pas calquer l'école sur le collège et le collège sur le lycée, disait déjà il y a 50 ans Henri Wallon.
La définition d'un socle commun, d'une culture commune, n'entraine pas forcément de réduction des inégalités scolaires, de la même manière que le SMIC n'a pas diminué les écarts salariaux. Ensuite, il existe deux façons d'envisager ce bagage : un kit de survie - c'est la conception dominante - et une conception que j'appelle propédeutique, en vue de préparer l'élève à des spécialisations ultérieures tout en autorisant des réorientations éventuelles. De fait, la culture commune doit se poursuivre au-delà la scolarité commune. La définition des compétentes du socle commun ne va pas dans ce sens : elles peuvent s'appliquer à des élèves de CM2 comme à des étudiants de licence. Résultat, leur contenu est défini par les tests. Or la prolifération de tests instrumentaux dans les pays anglo-saxons a singulièrement réduit l'enseignement : on y apprend seulement aux élèves à réussir aux tests... C'est le learning to the test.