Merci de nous avoir conviés aujourd'hui. Je vais commencer par vous donner quelques chiffres tirés du rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles. Tout d'abord, les effectifs concernés se montent à 392 000 élèves dans les établissements publics du secondaire. Depuis quatre ans, la population des élèves dans les collèges situés en ZUS a diminué de 10 %, contre 3,5 % dans les autres établissements. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène : dans le cadre de la rénovation urbaine, certains collèges ont été transférés hors quartiers ZUS, mais cela ne concerne que peu de jeunes. L'assouplissement de la carte scolaire peut également expliquer cette diminution d'élèves, un certain nombre de parents souhaitant inscrire leurs enfants hors de ces quartiers.
Certains chiffres sont encourageants : les efforts consentis par l'éducation nationale en faveur des établissements scolaires publics en ZUS se traduisent par des résultats statistiques : le nombre d'enseignants en ZUS diminue moins vite que dans les établissements hors ZUS, ce qui signifie que le nombre d'enseignants y baisse moins vite que le nombre d'élèves. Aujourd'hui, il y a 20,1 élèves par classe dans les ZUS contre 22,6 élèves au niveau national. En revanche, les établissements en ZUS concentrent plus d'enseignants de moins de 30 ans qu'ailleurs : 20,7 % contre 13,6 % en moyenne.
En 2008-2009, près de deux élèves scolarisés sur trois en ZUS ont des parents appartenant à des catégories sociales défavorisées alors que moins d'un élève sur six a des parents venant de catégories favorisées. Ces chiffres sont nettement différents de ceux que l'on peut observer au niveau national.
Le taux de succès au brevet des collèges et au bac augmente plus vite dans les ZUS qu'ailleurs, mais il reste un retard important à combler.
Tous ces chiffres démontrent de façon objective qu'il est nécessaire de poursuivre, et peut-être même d'intensifier, les efforts consentis au titre de l'éducation prioritaire dans ces quartiers. En outre, la géographie de l'éducation nationale ne correspond pas exactement à celle de la politique de la ville, ce qui complique l'exercice.
J'en viens aux actions en faveur des élèves en difficulté menées par l'éducation nationale et par la politique de la ville.
Pour ce qui concerne l'éducation nationale, certains dispositifs sont très efficaces. Je pense en particulier à l'accompagnement éducatif avec les études du soir. Cette action était nécessaire et il est indispensable de la poursuivre, quelles que soient les difficultés budgétaires, car elle permet de renforcer l'égalité des chances.
Autre action très importante : les dispositifs CLAIR et ECLAIR qui permettront aux responsables d'établissement scolaires d'avoir une plus grande liberté de choix pour recruter leur équipe pédagogique.
Les dispositifs de lutte contre l'absentéisme scolaire des moins de 16 ans et contre le décrochage scolaire mériteraient d'être généralisés car ils sont très efficaces avec, notamment, les micro-lycées. Le Comité interministériel des villes (CIV) qui s'est réuni le 18 février 2011 a pris un certain nombre de décisions à cet égard.
D'autres actions sont mises en place en dehors de l'éducation nationale : je pense en particulier aux missions locales qui aident les élèves ayant quitté prématurément le système scolaire à trouver un emploi.
Il y a deux ans, un programme pour développer les internats d'excellence a été lancé, avec pour objectif la création de 20 000 places dans ces internats ou des classes labélisées pour les élèves issus de ces quartiers. Le terme d'internat d'excellence n'est sans doute pas très bien choisi, puisqu'il s'agit de réunir les conditions de travail qui permettent de parvenir à l'excellence pour les enfants qui ne trouvent pas dans leur milieu familial ni dans leur situation matérielle les conditions pour effectuer un travail scolaire satisfaisant.
S'agissant de l'orientation, maintenant, l'une des inégalités les plus fortes subie par les habitants, et donc les jeunes de ces quartiers, est l'absence de tout réseau relationnel. Le service public doit donc améliorer la qualité de l'orientation proposée aux jeunes et leur faire mieux appréhender le monde du travail. Le Comité interministériel des villes du 18 février dernier a estimé que le stage professionnel des élèves en troisième devait avoir un réel contenu : parfois, les élèves de ces quartiers obtiennent un stage, mais d'autres, victimes de discriminations, n'y arrivent pas, ce qui les empêche d'avoir un premier contact avec le monde du travail. Des efforts vigoureux doivent donc être menés, mais pas seulement par l'éducation nationale. La politique de la ville doit aider les principaux des collèges à se constituer un réseau d'employeurs susceptibles de proposer de tels stages.
J'en arrive à la politique de la ville. Dans le domaine scolaire, nous menons plusieurs types d'intervention, notamment avec les contrats urbains de cohésion sociale que nous finançons grâce à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, afin de lutter contre le décrochage scolaire et pour accroître le soutien scolaire grâce à des associations.
Le programme de réussite éducative (PRE) est doté de plus de 80 millions d'euros : les enseignants doivent détecter dans leur classe les élèves qui rencontrent des difficultés particulières. Ensuite, le maire est chargé, avec une équipe constituée autour de lui, de mettre en place des actions spécifiquement adaptées aux difficultés rencontrées par l'élève, que cela soit des rendez-vous avec des psychologues, des psychiatres, des activités théâtrales, un soutien dans telle ou telle matière... Bref, il s'agit de proposer du cousu-main et c'est ce qui fait toute l'originalité de ce programme qui s'adresse à chaque élève en difficulté. Les maires disposent d'une très large autonomie pour mener à bien ce programme, que la politique de la ville cofinance.
Nous participons bien sûr aux internats d'excellence avec des financements spécifiques, comme à la lutte contre le décrochage scolaire et contre l'absentéisme. Nous finançons des postes d'adultes relais, dont certains sont placés auprès des responsables des établissements scolaires pour améliorer les relations avec les familles. Nous finançons aussi les associations de femmes relais dont l'une des missions est de tisser des liens entre les établissements scolaires et les familles, ne serait-ce que pour traduire les bulletins scolaires lorsque les parents ne maîtrisent pas suffisamment notre langue. Elles incitent aussi les familles à venir rencontrer les enseignants et à participer aux réunions des écoles ou des collèges.
Le Comité interministériel des villes du 18 février dernier a aussi décidé de lancer dans 33 quartiers expérimentaux des avenants aux contrats urbains de cohésion sociale destinés à impliquer davantage le droit commun de l'État dans les domaines de la sécurité, de l'emploi et de l'éducation : les crédits viendront des ministères et non plus de la politique de la ville. Dans le domaine de l'éducation, des engagements précis seront pris par l'inspecteur d'académie dans le cadre d'un avenant signé avec le maire, notamment sur les moyens humains - enseignants mais aussi postes d'infirmières - dont disposent les écoles en ZUS.
En dépit des réserves de l'éducation nationale, nous avons prévu d'adapter éventuellement le contenu des enseignements aux caractéristiques des élèves qui fréquentent ces écoles. Si nous voulons élever le niveau scolaire dans ces quartiers, nous devrons nous interroger sur la nature même des enseignements dispensés. Il ne s'agit bien sûr pas de proposer des enseignements au rabais, mais de s'adapter à des élèves qui ne parlent pas le français chez eux. Il y a en effet une inégalité majeure lorsqu'on ne peut assimiler l'enseignement donné à l'école. La réflexion doit se poursuivre afin de parvenir à l'intégration de ces élèves. Nous devrons donc accroître les marges d'adaptation des programmes. Cette dernière réflexion est plus personnelle qu'institutionnelle.