Intervention de Agnès Buzyn

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 12 novembre 2019 à 14h30
Audition de Mme Agnès Buzyn ministre des solidarités et de la santé

Agnès Buzyn, ministre :

Je ne regrette pas d'avoir appliqué le principe de précaution, même s'il a pu être mal interprété par la population.

Qui va payer pour tout cela s'il n'y a pas eu de polluants - hormis le carbone de la suie - issu de l'incendie ? Je suis ministre de la santé : je ne peux donc répondre à cette interrogation.

Quant à la parole publique, c'est un sujet qui me préoccupe depuis des années, en tant que scientifique et en tant que médecin. J'ai eu à gérer l'accident de Fukushima en tant que présidente de l'Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN). J'ai évoqué le risque de radioactivité sur tous les plateaux de télévision et sur toutes les stations de radio. Je sais donc bien que la parole publique est sans arrêt questionnée.

Pour autant, dire que les agences sanitaires ne sont pas des experts indépendants me trouble. Les agences sanitaires ne sont pas aux ordres. Elles sont composées d'experts, de scientifiques. Rien n'obligera jamais un scientifique à dire quelque chose qu'il ne pense pas. Je ne vois pas qui, dans ces agences, aurait envie de mentir à la population. Faut-il ne plus avoir d'agences de l'État sous prétexte qu'elles ne seraient pas indépendantes ? Faut-il que chaque citoyen effectue ses recherches pour son propre compte ?

On assiste à un glissement du discours concernant la parole politique et la parole institutionnelle. Nos institutions sont de très grande qualité. L'Anses, Santé publique France sont composées d'experts de haute valeur. Cela me choque qu'on mette leur parole en cause au motif que ce sont des agents publics. Ce sont avant tout des scientifiques et les expertises de ces agences font d'ailleurs souvent l'objet de groupes de travail de personnalités scientifiques extérieures, qui viennent apporter leur expertise pour traiter une question.

Je pense que c'est à nous tous de rétablir les choses et de dire que nos agences scientifiques et sanitaires sont indépendantes. On n'est pas dans l'URSS des années 1950. On ne leur donne pas d'ordres. On les saisit - c'est notre travail de politique -, mais la réponse est totalement indépendante.

Pour avoir été moi-même à la tête de trois agences sanitaires, l'IRSN, l'Institut du cancer (INCA) et la Haute Autorité de santé (HAS), je sais qu'aucun politique ne m'aurait fait dire ce que je ne pense pas. Il faut rétablir les institutions dans ce qu'elles ont de protecteur pour la population et ne pas laisser prospérer le doute sur le fait que nos agences, qui ne sont pas composées de politiques, pourraient émettre des avis faussés. On prend là un risque en termes d'image de ce que représente l'État pour la population. L'État, ce n'est pas qu'un Gouvernement et des politiques, l'État c'est aussi des institutions apolitiques.

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