Intervention de Laurence Boone

Commission des affaires européennes — Réunion du 27 octobre 2022 à 8h30
Institutions européennes — Audition de Mme Laurence Boone secrétaire d'état auprès de la ministre de l'europe et des affaires étrangères chargée de l'europe à la suite du conseil européen des 20 et 21 octobre 2022

Laurence Boone, secrétaire d'État :

À l'occasion de la Conférence sur la reconstruction de l'Ukraine, à Berlin, le 25 octobre, la présidente de la Commission européenne a mentionné la poursuite du soutien apporté à ce pays. Les besoins estimés pour faire face aux enjeux de survie au quotidien sont compris entre 3 et 5 milliards d'euros par mois, l'Union se montrant prête à fournir 1,5 milliard d'euros mensuels, soit 18 milliards pour 2023. Il faut distinguer cette aide des efforts de reconstruction, qui, eux, ne sont pas encore chiffrés. Le Président de la République a décidé d'organiser dans les prochaines semaines, à Paris, une conférence internationale pour la résilience de l'Ukraine, où seront discutées les modalités d'aide à court terme, notamment sur le plan humanitaire.

Vous l'avez évoqué, élaborer des mesures européennes en matière énergétique prend du temps. C'est la raison pour laquelle nous menons de nombreuses actions au plan national, comme le bouclier tarifaire. Les États européens disposent de mix énergétiques tous dissemblables ; la France, par exemple, dépend peu du gaz, à l'inverse de l'Allemagne et de l'Italie. Les mesures prises à vingt-sept doivent, par conséquent, satisfaire des contraintes différentes. Le plafond du prix du gaz fait peur à certains pays, qui redoutent, au travers d'une telle mesure, que l'Europe ne parvienne plus à se fournir, le gaz partant vers l'Asie. Le découplage du prix du gaz et de l'électricité bénéficierait à la France, mais coûterait cher à d'autres pays : nous devons trouver un mécanisme qui nous permette de bénéficier de cette mesure tout en évitant de faire supporter son coût par les pays producteurs d'électricité à partir du gaz.

Monsieur Fernique, vous qualifiez le projet de gazoduc MidCat d'entorse au non-financement des énergies fossiles. Vous l'avez souligné, le projet a changé : BarMar sera destiné à transporter de l'hydrogène vert. Ce ne sera pas un gazoduc, la proportion de gaz, considérée par l'Union européenne comme une énergie de transition, étant très limitée. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité « troquer » un projet pour l'autre. Notre objectif est de décarboner notre énergie. La mise en oeuvre, à la suite de la réalisation d'études de faisabilité et de conséquences environnementales, sera probablement discutée début décembre, au sommet des pays du sud de l'Union européenne.

La présidence tchèque l'a assuré : il sera réuni autant de Conseils Énergie que nécessaire afin de trouver des solutions, à commencer par une réunion le 24 novembre. Le comité des représentants permanents (Coreper) y oeuvre jour et nuit.

Les chefs d'État ou de gouvernement ont décidé de mettre en oeuvre la sixième tranche de la Facilité européenne pour la paix, pour un total de 3 milliards d'euros. Aucune comparaison publique n'est possible quant au soutien accordé à l'Ukraine : les informations relèvent du déclaratif, certains incluent les coûts de transport, sans même mentionner le fait que l'Ukraine a demandé à de nombreux pays, France incluse, de ne pas tout dévoiler. Notre pays prend pleinement sa part, tout comme, en proportion de leur capacité, de nombreux petits pays européens. Abonder une sixième tranche de cette facilité européenne permet de répondre aux besoins de l'Ukraine, mais pas seulement.

En matière de défense, nous avions pris du retard avant l'agression de l'Ukraine par la Russie ; nous devons désormais accélérer sur les projets communs, et ce sur toute la chaîne : recherche et développement, projets industriels, formation et coopération, boussole stratégique.

Je l'ai dit, la Chine a donné lieu à une discussion importante lors du Conseil européen. Le modèle allemand est fortement secoué par le changement de paradigme colossal qui est en cours, ce que le chancelier fédéral a lui-même reconnu à travers le terme de Zeitenwende. L'ombrelle militaire américaine avait été secouée sous la présidence Trump ; désormais, c'en est terminé d'une compétitivité fondée sur une énergie à bas coût fournie par la Russie ; les exportations vers la Chine sont bouleversées. La question est existentielle pour l'Allemagne : l'ajustement et la réorientation de la dynamique économique prendront du temps. À ce titre, les discussions au sein du Conseil européen ont eu une influence, comme le prouve la prise d'investissement d'une entreprise chinoise dans une activité allemande, qui est descendue - sans que le débat soit clos - de 35 % à 25 %.

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