Intervention de Bernard Godinot

Commission d'enquête Compensation des atteintes à la biodiversité — Réunion du 24 janvier 2017 à 18h30
Audition de M. Bernard Godinot directeur de projet M. David Bécart directeur environnement et développement durable et Mme Amandine Szurpicki responsable des mesures compensatoires de cosea concepteur-constructeur de la lgv sea

Bernard Godinot, directeur de projet de COSEA :

Etant salarié de Vinci, j'ai également un lien avec le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes puisque Vinci en est le concessionnaire.

M. David Bécart et Mme Amandine Szurpicki déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.

Longue de 340 kilomètres dont 38 kilomètres de raccordements, la LGV Tours-Bordeaux s'étend sur 113 communes - de Saint-Avertin en Indre-et-Loire à Ambarès en Gironde - et traverse six départements et deux régions. A partir de juillet 2017, elle assurera une liaison à grande vitesse en continu permettant de relier Paris à Bordeaux en deux heures et cinq minutes, grâce à une vitesse commerciale de 320 kilomètres par heure. Sa construction a nécessité le terrassement de 68 millions de mètres cube, la construction de 500 ouvrages de franchissement dont 19 viaducs et la pose de 1 320 kilomètres de rails. En charge de la conception et de la construction de la LGV, COSEA agit pour le compte de LISEA, qui est la société concessionnaire.

L'action de COSEA concernant l'environnement s'inscrit dans la continuité des procédures menées par SNCF Réseau, notamment des études d'impact du projet présentées dans le cadre des procédures préalables aux déclarations d'utilité publique (DUP) dites SEA 1 et SEA 2. Cette première phase a permis de définir la bande de passage du projet ainsi que les principales caractéristiques techniques de l'infrastructure. C'est à ce moment qu'a été mis en oeuvre, pour l'essentiel, le volet évitement de la séquence éviter-réduire-compenser (ERC).

Les études de conception et d'avant-projet détaillé ont permis à LISEA et COSEA de travailler en amont à la réduction des impacts du projet, d'abord dans le cadre de l'établissement de leur réponse à l'appel à projets, puis après avoir été retenus. Durant cette deuxième phase, des inventaires et des études complémentaires ont été menés afin de renforcer la connaissance des milieux naturels traversés. La conception des ouvrages a fait l'objet d'un soin particulier afin de maintenir les possibilités de circulation de la faune sauvage - terrestre et aquatique - de part et d'autre de l'infrastructure. Des viaducs ont permis de préserver les fonctionnalités des principaux corridors. De nombreuses études ont également été menées pour assurer la transparence hydraulique de la ligne ainsi que son insertion paysagère et environnementale.

L'exploitation des données d'état initial a conduit à une définition fine des emprises nécessaires à la réalisation de l'infrastructure, dans un objectif permanent de moindre impact. En concertation avec les services de l'Etat, ces éléments ont permis de faire aboutir les dossiers administratifs de demandes d'autorisations et de dérogations nécessaires à l'engagement des travaux. Début 2012, COSEA a ainsi obtenu pour le compte de LISEA deux arrêtés de dérogation au titre des espèces protégées - un arrêté ministériel et un arrêté inter-préfectoral -, quatre arrêtés au titre de la loi sur l'eau incluant des prescriptions au titre des sites Natura 2000 et six arrêtés départementaux au titre du code forestier. Ces arrêtés ont permis de déterminer les mesures d'évitement encore possibles, les mesures de réduction à mettre en oeuvre au moment de la réalisation des travaux ainsi que les impacts résiduels devant être compensés par COSEA.

Les arrêtés ont évalué la dette surfacique au titre des espèces protégées à 25 000 hectares. En mutualisant les mesures compensatoires, COSEA a pu circonscrire cette dette sur 3 500 hectares. Etait également prévue l'élaboration de documents cadres en concertation avec les professions agricole et sylvicole et les associations de protection de la nature ainsi que la validation de chaque site de compensation sur la base de dossiers justifiant de la plus-value écologique apportée. S'agissant du calendrier, les arrêtés prévoient que les sites protégés fassent l'objet d'une protection sur la durée de la concession.

Les arrêtés loi sur l'eau prévoient une compensation surfacique de 600 hectares de zones humides, une compensation linéaire de 44 kilomètres de berges et un calendrier de mise en oeuvre à échéance de la mise en service de la ligne.

Les arrêtés défrichement prévoient quant à eux un boisement compensatoire sur une surface de 1 350 hectares. Ce boisement est aujourd'hui en cours de finalisation.

COSEA a travaillé en concertation et en partenariat avec un large panel d'acteurs locaux : chambres d'agriculture, associations dont la Ligue de protection des oiseaux (LPO), Poitou-Charentes Nature et la Société d'étude, de protection et d'aménagement de la nature en Touraine (SEPANT), centres régionaux de la propriété forestière, sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), fédérations départementales de la pêche et, plus ponctuellement, syndicats de rivières, fédérations de chasse et experts indépendants.

Dans chaque région, un protocole a été construit, en concertation avec les structures partenaires, et signé par l'ensemble des parties prenantes. Des conventions bipartites ont également été signées par chacune des parties prenantes avec COSEA et LISEA : d'une durée de 25 ans, ces conventions permettent de clarifier leurs missions propres et de rémunérer les prestations correspondantes.

Le partenariat avec les acteurs locaux a permis, en premier lieu, de réduire l'impact du projet, en particulier au moment du démarrage des travaux. COSEA a consacré 72 000 jours à la réduction des impacts et mobilisé à cette fin une centaine d'ingénieurs, accompagnés d'une centaine d'experts issus de 20 structures différentes. Les enjeux et les actions de réduction à mettre en oeuvre ont ainsi pu être définis finement. Le bilan dressé par COSEA fin 2015, c'est-à-dire à la fin de la phase de génie civil et de terrassement, permet de constater que l'impact résiduel du projet sur les espèces protégées a pu être diminué de 12 % grâce à la mise en oeuvre des mesures de réduction. S'agissant des zones humides, le taux de réduction atteint 22 %.

En second lieu, le partenariat a été consacré à la mise en oeuvre des différentes étapes de la compensation. La première étape consistait en la définition d'un cadre commun de solutions équilibrées pour chacune des parties prenantes. Des négociations amiables ont été menées s'agissant des 3 500 hectares de dette surfacique, pour leur cession ou leur conventionnement. Des diagnostics écologiques ont été réalisés pour confirmer le potentiel écologique des sites, notamment au regard du critère d'additionnalité. Une fois les plans de gestion des sites élaborés, l'Etat a apporté sa validation finale.

Le cadrage exigé par les arrêtés a été réalisé de 2012 à 2013. Ce cadrage a notamment donné lieu à la rédaction d'une quarantaine de cahiers des charges relatifs à la restauration de différents milieux naturels, la délimitation des zones de prospection prioritaire, la définition du contenu des diagnostics écologiques, la définition d'une méthodologie d'évaluation des surfaces compensatoires et la préparation de conventions types pour la préparation des mesures. Il s'agit là d'une étape préparatoire essentielle pour répondre au mieux aux exigences de l'administration en matière de compensation mais également pour assurer l'acceptabilité des mesures sur les territoires ainsi que leur mise en oeuvre à grande échelle et sur le long terme. Notons que la doctrine ERC a été formalisée en parallèle de ce travail mené par COSEA.

Chaque année, un comité de suivi, qui regroupe notamment les élus locaux, les associations, les chambres d'agriculture, les services de l'Etat et trois représentants du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), dresse le bilan des actions menées. Le premier comité s'est tenu le 17 septembre 2012 et le dernier date du 12 décembre 2016. S'y ajoutent des réunions régulières avec les services de l'Etat.

A ce jour, 1 697 hectares de compensation ont été formellement validés par les services de l'Etat. En 2017, 79 sites identifiés comme présentant des risques de collision pour le vison et la loutre doivent être aménagés en remplacement de 313 hectares de compensation surfacique. Il s'agit là d'un projet de compensation innovant, lancé avec les associations de protection de la nature et qui a reçu un avis favorable du CNPN fin 2016. L'arrêté ministériel correspondant est attendu pour fin janvier. Par ailleurs, 317 hectares de compensation sont en cours d'instruction par les services de l'Etat et 1 200 sont en train d'être étudiés par COSEA et ses partenaires. Toutes ces mesures font l'objet de conventions dont la durée varie en fonction du type de milieu concerné. Elles seront maintenues par LISEA et au besoin renouvelées tout au long de la concession.

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