Commission d'enquête Compensation des atteintes à la biodiversité

Réunion du 24 janvier 2017 à 18h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 18h30.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Nous recevons pour notre dernière audition de la journée COSEA, concepteur et constructeur de la LGV Sud Europe Atlantique (SEA). Cette audition s'inscrit dans le cadre des auditions spécialisées que nous menons sur la LGV SEA, l'un des quatre projets étudiés plus particulièrement par notre commission d'enquête. Nous souhaitons, pour chacun de ces projets, analyser en détail la définition, la mise en oeuvre, le contrôle et le suivi des mesures compensatoires des atteintes à la biodiversité. Je précise que nous entendrons la semaine prochaine LISEA, société concessionnaire et maître d'ouvrage de la LGV SEA.

Notre réunion d'aujourd'hui est ouverte au public et à la presse. Elle fait l'objet d'une captation vidéo et un compte rendu en sera publié.

M. Bernard Godinot, directeur de projet, M. David Becart, directeur environnement et développement durable, et Mme Amandine Szurpicki, responsable des mesures compensatoires, représentent COSEA auprès de notre commission d'enquête. Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, je vais vous demander de prêter serment, en rappelant que tout faux témoignage et toute subornation de témoin sont passibles des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Bernard Godinot et David Bécart et Mme Amandine Szurpicki prêtent successivement serment.

En préalable de votre propos introductif, pouvez-vous nous indiquer les liens d'intérêts que vous pourriez avoir avec les autres projets concernés par notre commission d'enquête - A 65, réserve d'actifs naturels de Cossure en plaine de la Crau, projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes ?

Debut de section - Permalien
Bernard Godinot, directeur de projet de COSEA

Etant salarié de Vinci, j'ai également un lien avec le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes puisque Vinci en est le concessionnaire.

M. David Bécart et Mme Amandine Szurpicki déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.

Longue de 340 kilomètres dont 38 kilomètres de raccordements, la LGV Tours-Bordeaux s'étend sur 113 communes - de Saint-Avertin en Indre-et-Loire à Ambarès en Gironde - et traverse six départements et deux régions. A partir de juillet 2017, elle assurera une liaison à grande vitesse en continu permettant de relier Paris à Bordeaux en deux heures et cinq minutes, grâce à une vitesse commerciale de 320 kilomètres par heure. Sa construction a nécessité le terrassement de 68 millions de mètres cube, la construction de 500 ouvrages de franchissement dont 19 viaducs et la pose de 1 320 kilomètres de rails. En charge de la conception et de la construction de la LGV, COSEA agit pour le compte de LISEA, qui est la société concessionnaire.

L'action de COSEA concernant l'environnement s'inscrit dans la continuité des procédures menées par SNCF Réseau, notamment des études d'impact du projet présentées dans le cadre des procédures préalables aux déclarations d'utilité publique (DUP) dites SEA 1 et SEA 2. Cette première phase a permis de définir la bande de passage du projet ainsi que les principales caractéristiques techniques de l'infrastructure. C'est à ce moment qu'a été mis en oeuvre, pour l'essentiel, le volet évitement de la séquence éviter-réduire-compenser (ERC).

Les études de conception et d'avant-projet détaillé ont permis à LISEA et COSEA de travailler en amont à la réduction des impacts du projet, d'abord dans le cadre de l'établissement de leur réponse à l'appel à projets, puis après avoir été retenus. Durant cette deuxième phase, des inventaires et des études complémentaires ont été menés afin de renforcer la connaissance des milieux naturels traversés. La conception des ouvrages a fait l'objet d'un soin particulier afin de maintenir les possibilités de circulation de la faune sauvage - terrestre et aquatique - de part et d'autre de l'infrastructure. Des viaducs ont permis de préserver les fonctionnalités des principaux corridors. De nombreuses études ont également été menées pour assurer la transparence hydraulique de la ligne ainsi que son insertion paysagère et environnementale.

L'exploitation des données d'état initial a conduit à une définition fine des emprises nécessaires à la réalisation de l'infrastructure, dans un objectif permanent de moindre impact. En concertation avec les services de l'Etat, ces éléments ont permis de faire aboutir les dossiers administratifs de demandes d'autorisations et de dérogations nécessaires à l'engagement des travaux. Début 2012, COSEA a ainsi obtenu pour le compte de LISEA deux arrêtés de dérogation au titre des espèces protégées - un arrêté ministériel et un arrêté inter-préfectoral -, quatre arrêtés au titre de la loi sur l'eau incluant des prescriptions au titre des sites Natura 2000 et six arrêtés départementaux au titre du code forestier. Ces arrêtés ont permis de déterminer les mesures d'évitement encore possibles, les mesures de réduction à mettre en oeuvre au moment de la réalisation des travaux ainsi que les impacts résiduels devant être compensés par COSEA.

Les arrêtés ont évalué la dette surfacique au titre des espèces protégées à 25 000 hectares. En mutualisant les mesures compensatoires, COSEA a pu circonscrire cette dette sur 3 500 hectares. Etait également prévue l'élaboration de documents cadres en concertation avec les professions agricole et sylvicole et les associations de protection de la nature ainsi que la validation de chaque site de compensation sur la base de dossiers justifiant de la plus-value écologique apportée. S'agissant du calendrier, les arrêtés prévoient que les sites protégés fassent l'objet d'une protection sur la durée de la concession.

Les arrêtés loi sur l'eau prévoient une compensation surfacique de 600 hectares de zones humides, une compensation linéaire de 44 kilomètres de berges et un calendrier de mise en oeuvre à échéance de la mise en service de la ligne.

Les arrêtés défrichement prévoient quant à eux un boisement compensatoire sur une surface de 1 350 hectares. Ce boisement est aujourd'hui en cours de finalisation.

COSEA a travaillé en concertation et en partenariat avec un large panel d'acteurs locaux : chambres d'agriculture, associations dont la Ligue de protection des oiseaux (LPO), Poitou-Charentes Nature et la Société d'étude, de protection et d'aménagement de la nature en Touraine (SEPANT), centres régionaux de la propriété forestière, sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), fédérations départementales de la pêche et, plus ponctuellement, syndicats de rivières, fédérations de chasse et experts indépendants.

Dans chaque région, un protocole a été construit, en concertation avec les structures partenaires, et signé par l'ensemble des parties prenantes. Des conventions bipartites ont également été signées par chacune des parties prenantes avec COSEA et LISEA : d'une durée de 25 ans, ces conventions permettent de clarifier leurs missions propres et de rémunérer les prestations correspondantes.

Le partenariat avec les acteurs locaux a permis, en premier lieu, de réduire l'impact du projet, en particulier au moment du démarrage des travaux. COSEA a consacré 72 000 jours à la réduction des impacts et mobilisé à cette fin une centaine d'ingénieurs, accompagnés d'une centaine d'experts issus de 20 structures différentes. Les enjeux et les actions de réduction à mettre en oeuvre ont ainsi pu être définis finement. Le bilan dressé par COSEA fin 2015, c'est-à-dire à la fin de la phase de génie civil et de terrassement, permet de constater que l'impact résiduel du projet sur les espèces protégées a pu être diminué de 12 % grâce à la mise en oeuvre des mesures de réduction. S'agissant des zones humides, le taux de réduction atteint 22 %.

En second lieu, le partenariat a été consacré à la mise en oeuvre des différentes étapes de la compensation. La première étape consistait en la définition d'un cadre commun de solutions équilibrées pour chacune des parties prenantes. Des négociations amiables ont été menées s'agissant des 3 500 hectares de dette surfacique, pour leur cession ou leur conventionnement. Des diagnostics écologiques ont été réalisés pour confirmer le potentiel écologique des sites, notamment au regard du critère d'additionnalité. Une fois les plans de gestion des sites élaborés, l'Etat a apporté sa validation finale.

Le cadrage exigé par les arrêtés a été réalisé de 2012 à 2013. Ce cadrage a notamment donné lieu à la rédaction d'une quarantaine de cahiers des charges relatifs à la restauration de différents milieux naturels, la délimitation des zones de prospection prioritaire, la définition du contenu des diagnostics écologiques, la définition d'une méthodologie d'évaluation des surfaces compensatoires et la préparation de conventions types pour la préparation des mesures. Il s'agit là d'une étape préparatoire essentielle pour répondre au mieux aux exigences de l'administration en matière de compensation mais également pour assurer l'acceptabilité des mesures sur les territoires ainsi que leur mise en oeuvre à grande échelle et sur le long terme. Notons que la doctrine ERC a été formalisée en parallèle de ce travail mené par COSEA.

Chaque année, un comité de suivi, qui regroupe notamment les élus locaux, les associations, les chambres d'agriculture, les services de l'Etat et trois représentants du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), dresse le bilan des actions menées. Le premier comité s'est tenu le 17 septembre 2012 et le dernier date du 12 décembre 2016. S'y ajoutent des réunions régulières avec les services de l'Etat.

A ce jour, 1 697 hectares de compensation ont été formellement validés par les services de l'Etat. En 2017, 79 sites identifiés comme présentant des risques de collision pour le vison et la loutre doivent être aménagés en remplacement de 313 hectares de compensation surfacique. Il s'agit là d'un projet de compensation innovant, lancé avec les associations de protection de la nature et qui a reçu un avis favorable du CNPN fin 2016. L'arrêté ministériel correspondant est attendu pour fin janvier. Par ailleurs, 317 hectares de compensation sont en cours d'instruction par les services de l'Etat et 1 200 sont en train d'être étudiés par COSEA et ses partenaires. Toutes ces mesures font l'objet de conventions dont la durée varie en fonction du type de milieu concerné. Elles seront maintenues par LISEA et au besoin renouvelées tout au long de la concession.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Le but de notre commission d'enquête est de rendre plus fluide la mise en oeuvre de la séquence ERC et vous pourrez, en complément de votre audition, nous fournir par écrit des éléments de réflexion sur la façon dont pourrait être atteint cet objectif global.

J'aurai trois questions plus précises. Quel est le coût des mesures de réduction et de compensation pour le projet dont vous avez la charge et, au sein de cette enveloppe globale, celui des inventaires ? Quelles ont été les suites données à l'avis négatif du CNPN en 2012 ? Quelles conséquences avez-vous tirées de la condamnation intervenue en décembre 2016 sur des difficultés liées au chantier lui-même ?

Debut de section - Permalien
David Bécart, directeur environnement et développement durable de COSEA

Nous ne pouvons pas vous donner le coût global des inventaires. Pour leur majeure partie, ces inventaires proviennent d'études qui avaient été menées préalablement par RFF pour alimenter les études d'impact SEA 1 et SEA 2. Ces inventaires ont ensuite été complétés sur des points précis.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Avez-vous malgré tout des ordres de grandeur auxquels vous rattacher lorsque vous négociez avec un bureau d'études par exemple ?

Debut de section - Permalien
David Bécart, directeur environnement et développement durable de COSEA

Nous suivons des protocoles qui varient fortement selon le type de milieu et dépendent également d'analyses bibliographiques et cartographiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Existe-t-il aujourd'hui une forte concurrence entre bureaux d'études sur ces questions ? Notre question, in fine, est de savoir s'il faut envisager de labelliser ou certifier les bureaux d'études afin de renforcer la qualité des inventaires initiaux dont nous constatons qu'ils souffrent de manques pour certains.

Debut de section - Permalien
David Bécart, directeur environnement et développement durable de COSEA

Les bureaux d'études avec lesquels nous avons travaillé étaient intégrés dans notre groupement d'entreprises. En parallèle, nous avons fait appel à des spécialistes sur certaines questions. Dans ce cas, les protocoles sont suffisamment bien établis pour que les écarts d'offres entre bureaux d'études restent limités.

Debut de section - Permalien
Amandine Szurpicki, responsable des mesures compensatoires de COSEA

S'agissant du coût des mesures compensatoires, la fourchette qui vous a été indiquée au cours d'auditions précédentes, de 5 % à 10 % du coût total d'un projet, nous paraît cohérente. En ce qui concerne la LGV, COSEA est en charge de la mise en place des mesures compensatoires tandis que LISEA est responsable de leur maintien et de leur suivi.

S'agissant de la mise en place, les coûts sont très variables selon le type de mesure, en raison de la nature différente des milieux d'intervention. En moyenne, l'animation foncière représente 10 % du coût global de mise en place des mesures de compensation. Les études, au sein desquelles figure la réalisation des inventaires, en représentent 35 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Pouvez-vous me rappeler le budget total de la concession ?

Debut de section - Permalien
Bernard Godinot, directeur de projet de COSEA

La conception-construction représente environ 6 milliards d'euros. Le budget de la concession dans son ensemble s'élève à 8 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Si l'on considère que les mesures de compensation représentent environ 5 % de cette enveloppe de 6 milliards d'euros, soit 300 millions d'euros, et que les études représentent 35 % de ces 5 %, cela veut dire que vous y avez consacré plus de 100 millions d'euros ?

Debut de section - Permalien
Amandine Szurpicki, responsable des mesures compensatoires de COSEA

L'enveloppe de 5 % correspond à la fois à la mise en place des mesures et à leur maintien dans le temps. Or nous ne calculons les 35 % qu'à partir de l'enveloppe consacrée à la mise en place des mesures.

Debut de section - Permalien
Amandine Szurpicki, responsable des mesures compensatoires de COSEA

La mise en place des mesures étant encore en cours, il nous est plus facile de vous donner des moyennes et de vous indiquer que 35 % du budget devrait être consacré aux études.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Si 35 % du budget va aux études, cela laisse peu de place pour la mise en oeuvre des mesures en tant que telle. Comment l'expliquer ?

Debut de section - Permalien
Bernard Godinot, directeur de projet de COSEA

Par définition, nous ne pouvons vous répondre que sur le volet consacré à la mise en place des mesures.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Nous parlons bien de l'enveloppe de 6 milliards d'euros et, au sein de celle-ci, de 5% à 10 % destinés à la compensation ?

Debut de section - Permalien
Amandine Szurpicki, responsable des mesures compensatoires de COSEA

Les 5 % ne se rapportent pas aux 6 milliards d'euros puisqu'ils concernent également le suivi et le maintien des mesures compensatoires sur la durée de la concession.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Quand bien même nous parlons de 8 milliards d'euros, si je refais les calculs, j'arrive à un budget d'études aberrant.

Debut de section - Permalien
Amandine Szurpicki, responsable des mesures compensatoires de COSEA

Entendons-nous bien : l'enveloppe de 5 % concerne aussi le suivi et le maintien des mesures compensatoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Les sommes consacrées aux études n'en demeurent pas moins considérables.

Debut de section - Permalien
Amandine Szurpicki, responsable des mesures compensatoires de COSEA

Il faut bien distinguer la phase de mise en place des mesures et celle, plus longue, de leur suivi et de leur maintien, qui s'étendra de la mise en service à la fin de la concession. Nous ne pouvons nous exprimer que sur la mise en place. Au sein des sommes qui, aujourd'hui, sont allouées à la mise en place des mesures, 35 % sont en moyenne consacrés aux études.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Pourrez-vous nous détailler ces éléments par écrit ?

Debut de section - Permalien
Amandine Szurpicki, responsable des mesures compensatoires de COSEA

Les études représentent une part significative du coût de mise en place des mesures de compensation. Les frais liés aux acquisitions de terrains et aux indemnités versées aux propriétaires et exploitants de terrains qui conventionnent avec nous représentent 15 % de ce coût de mise en place et ceux liés aux opérations de restauration, 30 %. Tous ces coûts sont très variables d'un site à l'autre. Enfin, 10 % sont consacrés à l'encadrement et au pilotage de COSEA.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je suppose que vos négociations avec RFF ont porté sur le détail des coûts environnementaux du projet ?

Debut de section - Permalien
Bernard Godinot, directeur de projet de COSEA

La négociation a été globale.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Vous n'avez donc pas à rendre de compte à RFF sur le détail chiffré des mesures compensatoires que vous mettez en oeuvre ?

Debut de section - Permalien
Bernard Godinot, directeur de projet de COSEA

L'annexe 3 de notre contrat de conception-construction porte un échéancier sur lequel sont basées nos factures. Un contrôle sur cette base est opéré par le Lender's technical advisor (LTA) qui est le conseiller des banquiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

C'est donc, comme nous l'avons parfois déjà entendu, le conseiller des banquiers qui contrôle la mise en oeuvre de vos mesures compensatoires.

Debut de section - Permalien
Bernard Godinot, directeur de projet de COSEA

Vis-à-vis de l'État, des justificatifs sont également envoyés en parallèle au moment des financements opérés par RFF.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Puisque vous possédez les ratios assez précis que vous venez de nous donner, le détail financier des mesures environnementales mises en oeuvre chaque année est-il disponible ?

Debut de section - Permalien
Bernard Godinot, directeur de projet de COSEA

Le seul document financier détaillé est l'annexe 3 que j'évoquais. Elle prévoit, dès la signature du contrat, les différentes phases d'avancement des travaux qui portent notamment sur ces sujets-là. Je n'ai cependant pas les chiffres qui y sont indiqués en tête à propos des mesures environnementales. Nous vous le transmettrons par écrit.

Debut de section - Permalien
David Bécart, directeur environnement et développement durable de COSEA

S'ils ne sont pas financiers, des détails supplémentaires sont néanmoins donnés dans les arrêtés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Je suppose que les 340 kilomètres de ligne à grande vitesse traversent des champs et des bois. Pourriez-vous nous indiquer les proportions de chacun ? Le passage a-t-il engendré un conflit entre les agriculteurs et les forestiers, chacun d'eux préférant que le tracé passe en priorité chez l'autre ?

Vous précisez avoir reconstitué 1 350 hectares de forêt. Pouvez-vous nous préciser quelle était la taille de l'impact qui a nécessité cette reconstitution afin que nous puissions juger de son ampleur ? Cette reconstitution est-elle passée par de la plantation et, le cas échéant, sur quels terrains ?

En matière d'agriculture, avez-vous procédé au remembrement des parcelles sur l'ensemble des communes traversées ? Contrairement aux autoroutes, les voies de chemin de fer possèdent peu de ponts et il est souvent nécessaire de faire un détour important pour joindre deux parcelles lorsqu'elles ont été séparées par une ligne de TGV.

Dans mon département, nous avons connu des difficultés pour le rétablissement des ponts sur les routes départementales. Il n'est aujourd'hui plus possible de faire passer une moissonneuse-batteuse sur un pont de 4 mètres. Pour la LGV, avez-vous rétabli les ponts en fonction de leurs dimensions initiales ou des nouveaux besoins ? Ces questions peuvent sembler secondaires mais leur prise en compte est la garantie de bonnes conditions de dialogue avec le monde agricole.

Les agriculteurs ont-ils, dans leur ensemble, signé les protocoles d'accord proposés par l'intermédiaire des chambres de l'agriculture ou un certain nombre d'expropriations ont été nécessaires ?

Debut de section - Permalien
David Bécart, directeur environnement et développement durable de COSEA

Je ne possède pas en tête le ratio correspondant aux surfaces boisées et aux surfaces cultivées traversées par la ligne. Cette information pourra être transmise par écrit.

Le déboisement qui a donné lieu à la mise en oeuvre de mesures compensatoires correspond à une surface de 1200 hectares. Liées au maintien de la production forestière, ces mesures compensatoires sont à bien distinguer de celles relatives à la biodiversité. Ces 1 350 hectares de mesures compensatoires forestières peuvent prendre place dans tout le département concerné par le déboisement. La contrainte de proximité est donc plus faible que pour les compensations d'atteinte à la biodiversité qui doivent, le plus souvent, être mises en oeuvre dans une bande de 10 à 20 kilomètres de la ligne ferroviaire. Les terrains sont donc plus simples à trouver en matière de compensation forestière. Il s'agit de terrains non boisés, soit parce qu'ils le sont naturellement, soit parce qu'initialement boisés ils ont subi une tempête. Des conventions ont donc été passées afin de les boiser ou les reboiser.

Debut de section - Permalien
Bernard Godinot, directeur de projet de COSEA

En ce qui concerne le remembrement, une moitié des communes est en inclusion et l'autre est en exclusion. Ces deux options sont laissées aux communes elles-mêmes. Les remembrements par inclusion sont quasiment terminés alors que les remembrements par exclusion nécessitent un peu plus de temps. Il est dans notre intérêt que le processus aille le plus vite possible. Si nous les finançons, je précise néanmoins que les remembrements sont gérés par les conseils départementaux.

En ce qui concerne le rétablissement des ponts, un certain nombre d'engagements avaient été pris par RFF. Nous avons, par la suite, mis en place une concertation avec l'ensemble des maires des 114 communes concernées afin de traiter ce type de sujets et définir les largeurs des ouvrages. Le fruit de cette concertation a donné lieu à des conventions dont 90% sont aujourd'hui signées. Seul le problème de l'application de la taxe des autoroutes aux TGV entraîne quelques résistances.

Les négociations avec le monde agricole ont été initiées par RFF avant que nous en prenions la suite. Des protocoles nous liant avec les chambres de l'agriculture sur les 6 départements ont été signés. Si quelques cas posent problème, ces protocoles sont le plus souvent appliqués.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Lorsqu'une convention est passée avec l'agriculteur, quels types d'actions lui sont proposés pour la mise en oeuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité ? Quel est le niveau du dédommagement qui y est associé ?

Debut de section - Permalien
Amandine Szurpicky

Ces mesures sont relativement variées puisqu'il existe une quarantaine de cahiers des charges qui ont été élaborés avec les chambres d'agriculture, les associations de protection de la nature, les représentants des propriétaires forestiers, les conservatoires régionaux, les fédérations de pêche et encore bien d'autres parties prenantes.

Deux grands milieux de type agricole sont à distinguer. Le premier concerne les grandes plaines ouvertes puisque le tracé traverse 3 zones de protection spéciale (ZPS) avec des enjeux prioritaires pour la faune de plaine, dont l'outarde canepetière. Les mesures prévues permettent ici de convertir des terres cultivées ou en gel, en prairies afin de favoriser la nidification des espèces avifaunes. Certains cahiers des charges de type « mosaïque de cultures » allient à la fois productivité agricole et enjeux de biodiversité.

Nous indemnisons les agriculteurs en proportion de la perte qui est engendrée par rapport au maintien d'une agriculture productive classique. Les durées des conventions que nous passons avec les agriculteurs sont limitées dans le temps mais ces contrats peuvent être reconduits.

L'autre grande catégorie de milieux est de type humide, qu'il s'agisse de prairies humides ou de milieux intermédiaires. Les reconversions de cultures en prairies, bien qu'existantes, sont assez rares. La majorité des conventions porte sur l'évolution des pratiques agricoles dites « conventionnelles ». Il peut, par exemple, s'agir de supprimer tout traitement chimique et d'encadrer la fauche d'une prairie pour la rendre compatible avec la présence des espèces visées par les mesures.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Ces cahiers des charges ont-ils été fixés par des spécialistes ?

En matière de compensation forestière, la replantation fait-elle obstacle au paiement des taxes de défrichement ou de déboisement ?

Debut de section - Permalien
David Bécart, directeur environnement et développement durable de COSEA

La taxe de déboisement est due en l'absence de solution de compensation, or nos déboisements ont été totalement compensés.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Du fait de la compensation forestière inhérente au projet, quelle surface initialement agricole est devenue boisée par la suite ?

Avez-vous estimé la perte de biodiversité sur la fonction de production agricole sur ce même périmètre ? Quel est l'équivalent du chiffre d'affaires que représente le transfert des surfaces anciennement agricoles avant de devenir forestières ?

Debut de section - Permalien
David Bécart, directeur environnement et développement durable de COSEA

Nous vous transmettrons ces chiffres dès que nous aurons effectué les calculs nécessaires pour les obtenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Combien y a-t-il de passages pour le franchissement de la faune sauvage existent-ils sur les 340 kilomètres du tracé ? Quelles autres mesures avez-vous prises pour réduire l'impact de cette infrastructure à son égard ?

Debut de section - Permalien
David Bécart, directeur environnement et développement durable de COSEA

850 passages pour la faune sont présents le long du tracé dont certains passages « grande faune » (PGF) qui traversent les infrastructures par le dessus. Parmi ces 850 passages, 19 viaducs améliorent également la transparence de l'ouvrage dans les vallées. Des ouvrages équipés de banquettes ont également été mis en oeuvre pour le franchissement des cours d'eau. Les banquettes sont de petits escaliers latéraux qui permettent le passage de la faune quel que soit le niveau du cours d'eau. Des dalots ou des buses jalonnent l'ensemble de la ligne. Il s'agit d'ouvrages de petite dimension, de section rectangulaire pour les dalots et circulaire pour les buses, qui traversent le remblai de la ligne de part en part afin d'en assurer la transparence pour la petite faune. Un détail de ces 850 ouvrages pourra vous être transmis.

Ces mesures favorisant la transparence ne sont pas les seules mesures de réduction mises en place puisqu'il en existe 3 grandes catégories. La première, à laquelle sont rattachées les mesures déjà évoquées, vise le maintien de corridors de déplacement pour la faune. La deuxième vise à limiter les atteintes aux habitats aux abords de la ligne. Des mesures de réduction sont également appliquées à l'intérieur des emprises temporairement mobilisées et remises en état à l'issue du chantier. Les pistes nécessaires à la construction des viaducs de la ligne en sont un exemple puisque, recouvertes de géotextiles, elles permettent de retrouver le terrain naturel après démontage.

Des mesures de réductions sont également prises pour la protection des spécimens d'une espèce présents sur les emprises au début des travaux. Des arrêtés « espèces protégées » nous permettent de déplacer ces individus vers des zones refuges situées aux abords des emprises. Des protocoles de pêche, en ce qui concerne les batraciens ou les poissons, ont été mis en place. D'autres protocoles spécifiques aux boisements ont, par exemple, permis la fuite progressive du vison d'Europe présent au sud du tracé. Les emprises ont, par la suite, été fermées de manière hermétique pour éviter que les spécimens ne reviennent sur le chantier. Cette précaution nous permet par la suite d'artificialiser les milieux sans porter atteinte aux espèces.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

La partie du pays concernée par la ligne Tours-Bordeaux est relativement agricole. Quelle est l'ordre de grandeur des flux financiers nécessaires à la compensation des atteintes à la biodiversité en comparaison de ceux nécessaires à la compensation agricole induite par le projet ? Votre dossier est, en effet, un exemple assez représentatif et nous permettrait d'avoir un point de vue sur ces proportions qui font souvent débat, afin de savoir quel type de compensation prend le dessus sur l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Il s'agirait pour nous d'un moyen d'information et non de contrôle. Il nous permettrait d'établir les proportions respectives des différents types de compensations agricole, forestière ou en lien avec la biodiversité, qui sont attachées à un projet comme le vôtre.

Debut de section - Permalien
Bernard Godinot, directeur de projet de COSEA

Ces montants relèvent du secret des entreprises. Nous sommes très prudents quant à leur divulgation car décrocher un chantier de 6 milliards d'euros est un véritable combat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Je comprends le problème que peut vous poser la divulgation des sommes en cause. Vous pouvez néanmoins nous indiquer leurs proportions sous forme de pourcentages.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Votre propos me surprend. Je ne comprends pas en quoi relèvent du secret les proportions respectives des différents types de compensations mises en oeuvre sur un territoire donné à l'occasion de la construction d'un ouvrage puisque la mise en oeuvre de ces compensations relève de votre responsabilité.

Debut de section - Permalien
Bernard Godinot, directeur de projet de COSEA

Ces données prises dans leur ensemble constituent un élément en lien avec le prix que nous sommes susceptibles de proposer à l'occasion d'un appel d'offre. Or le prix est précisément l'élément déterminant d'une réponse à un appel d'offre.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Je souhaiterais poser deux questions en espérant que leurs réponses ne soient pas, elles, des secrets...

Les délaissés du tracé sont-ils mis à profit pour la conservation de la biodiversité aux abords de la ligne ? Les précautions mises en oeuvre lors des travaux ont-elles également épargné ces délaissés ?

Enfin, on constate fréquemment que les ouvrages d'art, souvent très couteux, mis en oeuvre pour favoriser le passage du grand gibier ont une efficacité relativement limitée au regard du peu d'animaux qui y passent effectivement. Avez-vous des chiffres concernant les dispositifs similaires que vous avez mis en place ?

Debut de section - Permalien
David Bécart, directeur environnement et développement durable de COSEA

Lors de l'achat amiable de terrains en vue de la construction de la ligne, il peut ouvrir que des parcelles situées à l'extérieur de l'emprise mais appartenant à un lot soient acquises en même temps que le reste du lot. Nous avons effectivement regardé si ces délaissés pouvaient être des sites de compensation et certains ont pu l'être. Dans certains cas, les mesures mises en place sur les zones temporaires de chantier sont allées au-delà de la seule remise en l'état initial du terrain et ont donné lieu à des mesures compensatoires. Ce processus a pu nous éviter d'utiliser des terres agricoles pour la mise en oeuvre de ces mesures.

Les guides existants sur les grandes infrastructures linéaires préconisent un ouvrage tous les 300 mètres. Il s'agit d'un certain nombre d'ouvrages de référence, qui peuvent être des viaducs ou des ouvrages de plus petite taille et qui nous sont imposés lors de l'instruction des dossiers. Je pense néanmoins qu'il faudrait une approche beaucoup plus qualitative. Nous nous sommes, en ce sens, concertés en amont du projet avec les fédérations de chasse pour déterminer l'emplacement des corridors. Nous y avons ensuite installé des ouvrages adéquats afin qu'ils soient bien utilisés. Les autres ouvrages de transparence sont plus communs et, il est vrai, moins utilisés. LISEA procède au suivi de l'utilisation de ces dispositifs et sera en mesure de vous fournir des informations à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Je vous remercie pour ces informations. Je compte sur l'envoi des développements écrits proposés en réponse à certaines questions qui vous ont été posées.

La réunion est close à 19 h 40.