Monsieur le rapporteur, vous me demandez des chiffres extrêmement précis et détaillés, portant sur les dix dernières années. Je les transmettrai à la commission, mais il faut que mes troupes y travaillent.
Vous m'avez d'abord interrogée sur le chiffrage global de l'évasion fiscale : par définition, à partir du moment où il s'agit d'une fraude, nous ne disposons pas, à ce stade, d'évaluation crédible.
Toutefois, je voudrais, si vous me le permettez, revenir brièvement sur votre propos liminaire.
Très clairement, le quinquennat a comporté deux phases.
Avant la crise économique qui nous a frappés, le Président de la République a souhaité relancer le pouvoir d'achat des classes moyennes via un outil fiscal : la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, qui a défiscalisé les heures supplémentaires - ce qui n'a concerné ni les hauts revenus ni les gros patrimoines - et allégé les droits de succession. Il est tout de même difficile de soutenir que cette loi était un cadeau fait aux riches ! C'était un cadeau pour les classes moyennes, pour les classes moyennes supérieures, mais pas pour les 3 millions de ménages les plus imposés et favorisés ; je tiens à le préciser.
De la même manière, je ne crois pas que l'on puisse dire que la défiscalisation des intérêts d'emprunt pour l'achat d'un premier logement soit un cadeau fiscal fait aux plus riches : quand on n'est pas propriétaire de son logement, on ne fait pas partie des riches ; on appartient à la classe moyenne qui essaie de devenir propriétaire. L'idée d'une France de propriétaires était chère au Président de la République.
Il faut également, dans cette première phase, inclure le bouclier fiscal ; j'y reviendrai.
La seconde phase a démarré tout de suite après la crise, laquelle a creusé les déficits par manque de recettes. Nous avons alors été obligés de déployer des filets de protection sociale extrêmement solides.
Monsieur le rapporteur, puisque nous sommes aujourd'hui enregistrés et qu'il y a des témoins, je me permets de vous rappeler un chiffre qui n'est pas souvent repris : la crise ayant exigé davantage de notre part pour protéger les plus fragiles, nous avons procédé, pendant le quinquennat, à 110 milliards d'euros de dépenses sociales supplémentaires, somme qu'il a bien évidemment fallu financer.
Avec tout le respect que je vous dois, je ne peux vous laisser dire que nous n'avons rien fait pour l'investissement. Outre les dépenses sociales que nous imposait la crise, nous avons engagé un plan de relance par l'investissement. Considéré comme exemplaire par l'OCDE, il a été suivi par l'ensemble des pays de cette organisation. Ensuite, nous avons lancé un grand emprunt - d'ailleurs à l'époque très critiqué par l'opposition - de 35 milliards d'euros pour investir dans les projets d'avenir.
Nous avons donc baissé les dépenses de fonctionnement de l'État, tendu des filets de protection sociale et investi dans l'avenir. Autrement dit, nous avons précisément conduit la politique que vous appelez de vos voeux.
Cette politique nous a coûté beaucoup d'argent. Elle a augmenté la dette de la France et creusé ses déficits.
Toutefois, c'est une politique de justice, et c'est une politique d'efficacité économique. Je l'assume totalement et je revendique le fait d'y avoir participé.
Comme vous le savez, nous avons décidé de supprimer le bouclier fiscal qui, en temps de crise, devenait inefficace ou plus exactement contreproductif.
Nous avons alors choisi d'augmenter les impôts sur les ménages qui avaient le plus de revenus et de patrimoines ; je peux vous le prouver.
Concernant les dividendes, dont vous avez évoqué l'augmentation, la taxation des revenus du capital est passée de 27 % en 2007 à 36,5 % en 2012. Sur la même période, la taxation des intérêts perçus est passée de 27 % à 39,5 %. Dans le même temps, la taxation des plus-values immobilières a augmenté de 27 % à 34,5 %, avec la fin de l'exonération des plus-values réalisées sur la vente, après quinze années de détention, des résidences secondaires. Les plus-values mobilières sont quant à elles passées de 27,5 % en 2007 à 34,5 % en 2012, et nous avons mis fin cette année à l'exonération des plus-values mobilières réalisées sur des titres détenus depuis plus de huit ans.
En réalité, notre taxation des revenus du capital est aujourd'hui supérieure de dix points à celle de l'Allemagne : dix points ! On ne peut donc pas dire que le Président de la République ait été le président des rentiers, alors qu'il a taxés ces derniers de dix points de plus que ne l'ont fait nos voisins allemands ; ce serait un contresens absolu. Bien au contraire, le Président de la République a été le président du travail : c'est la raison pour laquelle il a, par exemple, défiscalisé les heures supplémentaires et privilégié la baisse du coût du travail.
Monsieur le rapporteur, vous évoquiez la compétitivité de la France et son déficit commercial. Vous savez que nous avons proposé au Parlement, qui l'a adoptée, une « TVA antidélocalisation », laquelle baisse le coût du travail pour favoriser l'emploi et éviter les délocalisations. Je rappelle, d'ailleurs, que l'opposition entend revenir sur cette mesure si, par malheur, elle arrivait au pouvoir.
Le Président de la République a donc été le président du travail, et non pas celui du capital.
En ce qui concerne les grands groupes, vous avez évoqué la « niche Copé ». À cet égard, je tiens à préciser que le nom de ce dispositif ne me pose aucun problème ; j'en suis, au contraire, très heureuse. D'ailleurs, je suis persuadée que Jean-François Copé en assume pleinement la paternité.
Il faut tout de même revenir à la genèse de cette niche. Dans un rapport présenté en 2001, M. Charzat, dont il est permis de penser qu'il n'était pas alors totalement inféodé au Président de la République - je parle sous le contrôle des élus de Paris - a estimé qu'il fallait absolument mettre fin à un dispositif fiscal contraire à l'attractivité de la France et totalement dérogatoire au droit commun européen : la fiscalisation des plus-values sur les titres de participation des entreprises.
On s'était rendu compte, en 2001, que les grands groupes français partaient installer leur holding à Bruxelles ou au Luxembourg pour pouvoir défiscaliser les plus-values sur les ventes de titres qu'ils détenaient, à l'instar de ce que faisaient les grands groupes de tous nos voisins européens.
À la demande, notamment, de l'opposition, et en particulier de Mme Bricq, nous avons alors décidé d'instaurer une quote-part pour frais et charges sur ces plus-values - cette quote-part s'élève aujourd'hui à 10 %. Nous avons donc fait le maximum.