Commission d'enquête Evasion des capitaux

Réunion du 12 avril 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • administration
  • contribuable
  • convention
  • fiscal
  • fiscale
  • fiscaux
  • fraude
  • liste
  • évasion

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Mes chers collègues, nous accueillons Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Je vous rappelle, madame la ministre, que, conformément aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, votre audition doit se tenir sous serment et que tout faux témoignage est passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.

En conséquence, je vais vous demander de prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.

Levez la main droite et dites : « Je le jure ».

(Mme la ministre prête serment.)

Je vous remercie.

Madame la ministre, je vous propose de commencer cette audition par un exposé liminaire, avant de répondre aux questions de notre rapporteur, M. Éric Bocquet, puis des membres de la commission.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement

ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. - Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale est une priorité du Gouvernement depuis 2007, tout simplement parce que c'est d'abord et avant tout une question de justice et d'équité.

Les Français n'ont pas à payer l'addition fiscale que leur laissent tous ceux qui trichent en cherchant à échapper à l'impôt, pas plus qu'ils n'ont à accepter que des fraudeurs tentent, en toute illégalité, d'échapper à la redistribution des richesses ou même, comme aujourd'hui, à l'effort national de réduction des déficits publics.

Depuis cinq ans, notre détermination pour lutter contre cet incivisme intolérable est donc totale, avec trois maîtres mots : dissuasion, contrôle et répression.

Et parce que, sous l'impulsion du Président de la République, nous y consacrons des moyens considérables et sans précédent, nous commençons à gagner ce combat.

En quatre ans, nous avons ainsi doté l'administration fiscale de moyens qui ne lui avaient jamais été donnés pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, notamment contre les fraudes les plus complexes, et donc les plus coûteuses.

Notre priorité a été d'améliorer notre capacité de contrôle en renforçant considérablement notre arsenal juridique, technique, informatique et humain.

En effet, en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, il n'y a qu'une stratégie qui soit vraiment efficace : la peur du gendarme. Et, pour que le gendarme fasse peur, il faut qu'il soit beaucoup mieux armé que les fraudeurs.

C'est le sens du renforcement des outils de l'administration fiscale, que nous avons organisé méthodiquement, avec pas moins de vingt-trois mesures prises depuis 2007.

D'abord, nous avons renforcé la capacité d'enquête de la direction générale des finances publiques, la DGFiP, pour que ses contrôles soient mieux ciblés et les plus efficaces possibles.

L'éventail des outils juridiques que nous avons mis en place est très large, et nombre des vingt-trois mesures fiscales ont été votées à l'unanimité au Parlement.

Je veux insister principalement sur quatre outils.

Premièrement, nous avons mis en place un droit de communication pour que l'administration fiscale puisse obtenir de toutes les banques installées en France des informations sur les opérations de transferts de fonds réalisées à l'étranger. Concrètement, le fisc peut désormais connaître très facilement tous les mouvements de fonds réalisés par tel ou tel contribuable avec tel ou tel État, numéros de compte à l'appui.

Au total, 449 banques ont ainsi pu être interrogées sur l'identification des personnes ayant réalisé des virements supérieurs à 15 000 euros à destination de paradis fiscaux, ce qui a permis d'établir une liste de 1200 contribuables.

Deuxièmement, nous avons créé le fichier des évadés fiscaux, EVAFISC, qui nous permet d'avoir une base de données laissant présumer la détention de comptes bancaires hors de France par des particuliers ou des entreprises. EVAFISC est nourri par les réponses des banques, ainsi que par le service TRACFIN - Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins - et par tous les outils de l'État. Il comporte à ce jour plus de 95 000 informations sur des comptes bancaires de particuliers ou d'entreprises.

Troisièmement, nous avons mis en place une police fiscale, qui permet désormais au fisc d'utiliser des prérogatives de police judiciaire, comme la mise sur écoute ou les perquisitions, lorsqu'il travaille sur des formes de fraudes complexes. Alors que cette police fiscale compte moins d'un an d'activité, près de 60 affaires sont déjà traitées par les treize officiers fiscaux judiciaires de la DGFiP.

Pour vous donner un exemple très concret de la différence entre le fisc et la police fiscale, alors que le fisc doit prévenir au préalable le contribuable chez lequel il veut perquisitionner - on est dans une démarche administrative -, la police fiscale, elle, a le droit de perquisitionner - sous le contrôle du juge, évidemment - sans prévenir, démarche vraiment beaucoup plus efficace qu'un simple contrôle administratif du fisc « ancienne manière ».

Quatrièmement, enfin, nous avons instauré des outils de lutte contre la fraude de type « carrousel » de TVA. Face à ce phénomène européen de grande ampleur, nous avons pris des mesures législatives dissuasives à l'échelon national et placé la lutte contre cette fraude au coeur de la stratégie des services de contrôle fiscal.

S'il est vrai que nous avons d'abord été un peu surpris et pris de court par ces mécanismes, nous en avons maintenant véritablement fait une question centrale : nous avons évidemment agi non seulement sur le plan national, mais aussi sur le plan européen ; nous avons mis en place un système d'échange d'informations entre États membres, EUROFISC, lequel a été adopté au second semestre 2008, sous la présidence française de l'Union européenne, donc sous notre impulsion.

Ensuite, toujours dans le cadre du renforcement des outils de l'administration fiscale, nous avons amélioré la coopération entre les services de l'État, notamment par des croisements de fichiers, ce qui était également absolument indispensable.

Par exemple, cette coopération a joué à plein dans l'exploitation des fichiers HSBC et du Lichtenstein par l'administration fiscale, laquelle a travaillé avec la justice, la police et les douanes.

Nous avons également approfondi, avec la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, les échanges entre l'administration fiscale et les organismes nationaux de protection sociale. Ces échanges permettent de croiser les fichiers et, notamment, d'éviter le versement de prestations indues. Bien évidemment, ils nous permettent aussi d'améliorer encore nos contrôles sur les trains de vie des allocataires de prestations sociales ou de minima sociaux et, ainsi, de déceler certaines fraudes.

Dernier axe de renforcement : la cellule de régularisation, qui a fonctionné d'avril à décembre 2009. Ayant décidé que le contrôle devait être beaucoup plus strict pour les contribuables ayant des comptes non déclarés, nous avons tendu la main à ceux qui souhaitaient se mettre en conformité avec le droit plutôt que d'être rattrapés par le contrôle. Via la « cellule de régularisation », ces derniers ont pu déclarer leurs actifs et sortir de l'illégalité, sous réserve de payer les impôts et les pénalités afférents.

Enfin, sur le plan des ressources, aucun poste de vérificateur fiscal n'a été supprimé dans le contrôle fiscal depuis 2007. Nous n'avons pas appliqué à l'aveugle la règle du non-remplacement de un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, dont on parle souvent ; nous en avons fait un usage ciblé.

Les emplois de ces agents, qui sont en première ligne dans la lutte contre la fraude, ont donc été sanctuarisés pendant le quinquennat.

Mesdames, messieurs, nous avons su être cohérents : lutter contre la fraude nécessite non seulement des outils juridiques adaptés, mais aussi des moyens humains. L'effectif des 4500 vérificateurs en charge de lutter contre la fraude a donc été stabilisé. Cet effort est d'autant plus important que, sur la même période, c'est-à-dire depuis 2008, les effectifs de la direction générale des finances publiques ont été réduits de 10 %, ce qui correspond à 12 500 postes de moins.

Lutter contre l'évasion fiscale, c'est aussi mettre fin, par la loi nationale, aux schémas d'optimisation, en supprimant les « trous » dans l'assiette. Je parle sous le contrôle de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances : elle sait que nous avons comblé beaucoup de trous.

Le combat contre l'évasion fiscale ne se gagne pas uniquement par des moyens coercitifs ; il suppose également de sécuriser la législation fiscale afin de ne plus permettre, par le jeu de montages ou d'interprétations inventives, les « évaporations » de matière imposable.

Afin de fermer toutes les voies d'optimisation, la loi doit donc être aussi précise que possible ; elle doit être adaptée.

En la matière, le bilan du quinquennat démontre la volonté du Gouvernement : c'est plus d'une trentaine de mesures fiscales qui ont été prises pour renforcer l'assiette fiscale, qu'il s'agisse de l'impôt sur les bénéfices des entreprises ou de l'impôt sur le revenu.

J'en prendrai plusieurs exemples.

Nous avons supprimé les mécanismes d'optimisation des quotes-parts pour frais et charges dans l'application du régime « mère-fille » de taxation des dividendes.

Nous avons renforcé les règles de lutte contre la sous-capitalisation, laquelle permet à certaines sociétés de maximiser la déduction d'intérêts d'emprunts.

Nous avons taxé les biens détenus dans le cadre des trusts.

Nous avons supprimé la possibilité pour les non-résidents d'utiliser des sociétés civiles immobilières pour échapper à l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF.

Nous avons plafonné les niches fiscales, ce qui était inédit, et nous en avons baissé plusieurs fois le plafond.

Enfin, à l'automne dernier, nous avons, mis en place l'exit tax.

Ce n'est là qu'un florilège de la trentaine de mesures de comblement de l'assiette fiscale que nous avons prises.

Ce volet essentiel de la lutte contre l'évaporation de notre assiette fiscale est trop souvent négligé. C'est la raison pour laquelle je tenais, mesdames, messieurs les sénateurs, à en faire part à votre commission d'enquête. Ces mesures, souvent très techniques, passent quelquefois inaperçues. Pourtant, elles sont au coeur de la lutte contre l'évasion fiscale, car elles seules peuvent faire échec à l'imagination des conseillers fiscaux pour échapper à l'impôt en toute légalité.

Pour être efficace, le combat contre l'évasion fiscale doit aussi dépasser les frontières.

C'est la raison pour laquelle, depuis la fin de l'année 2008, le Président de la République a pris la tête de la mobilisation de toute la communauté internationale contre les États et les territoires non coopératifs.

Ainsi, c'est grâce à l'engagement personnel de Nicolas Sarkozy et à celui de la chancelière allemande que le G20 s'est saisi de la question de la transparence fiscale lors du premier sommet de Washington en 2008 et que des résultats concrets ont été obtenu dès 2009, lors du sommet de Londres.

Désormais, la transparence, la levée du secret bancaire, la coopération entre administrations fiscales sont reconnues à travers le monde entier. Qui aurait pu l'imaginer il y a seulement cinq ans ?

De nombreux pays ont modifié leur législation nationale afin de la rendre conforme aux engagements pris. Sur le continent européen, je pense au Liechtenstein, à l'Autriche, au Luxembourg. Mais je pense aussi à certains grands centres financiers asiatiques, comme Hong Kong ou Singapour, ou encore à des paradis fiscaux comme les Îles Caïman, les Îles Vierges britanniques ou les Bahamas.

Ces évolutions sans précédent ont en particulier été encouragées par la publication par l'OCDE de listes classant les juridictions en fonction de leur degré de transparence en matière fiscale.

Cette stratégie de stigmatisation, qui vise à inciter les paradis fiscaux à revenir dans le droit chemin, a immédiatement porté ses fruits : plus de 700 accords bilatéraux d'échange d'informations ont été signés à travers le monde depuis 2009, soit bien davantage que tout au long de la décennie précédente.

Cet indéniable succès donne une vraie leçon à tous ceux qui doutent de l'action politique parce que, là où tant de responsables politiques se sont contentés de dénoncer les paradis fiscaux sans jamais agir, le Président de la République a su démontrer que l'on pouvait, à force de volonté, avoir raison des citadelles les plus imprenables et, surtout, obtenir un consensus international sur des questions paraissant insolubles - et qui, en tout cas, le sont au niveau national.

Bien évidemment, la signature d'accords d'échange de renseignements n'est qu'un premier pas : nous devons nous assurer que ces accords sont suivis d'effets concrets.

Nous y avons veillé en mettant en place un Forum mondial qui assure le suivi des engagements pris et évalue l'efficacité de l'échange. Ce Forum permet de maintenir une pression très forte sur l'ensemble des paradis fiscaux, lesquels restent sous la menace de sanctions en cas de non-respect de leurs engagements.

Nous avons également veillé à ce suivi en traduisant dans l'ordre juridique national les engagements pris dans les enceintes multilatérales.

Le Gouvernement a très rapidement ouvert des négociations pour signer des accords bilatéraux avec les États figurant sur la liste de l'OCDE. Depuis cette date, 41 accords sont d'ores et déjà entrés en vigueur. Comme vous pouvez le constater, nous sommes donc, en matière de transparence, l'un des pays les plus investis dans la lutte contre les paradis fiscaux.

Parallèlement, nous avons durci les sanctions fiscales pour les États et les territoires qui refuseraient d'être coopératifs.

Parmi ces sanctions figure l'interdiction de principe de déduire les charges afférentes à des dépenses acquittées dans les États concernés - ce qui peut représenter des coûts très importants pour une entreprise.

Autre sanction : la majoration des taux de retenue à la source sur les flux financiers à destination des États concernés, de manière à faire perdre à ces derniers leur attractivité fiscale.

Nous avons également prévu la non-application de l'exonération des plus-values de titres et des dividendes en provenance des sociétés implantées dans un État ou dans un territoire non coopératif.

Enfin, nous avons créé une obligation documentaire spécifique et renforcée en ce qui concerne les transactions de toute nature réalisées par les groupes internationaux avec des entités situées dans un paradis fiscal.

Grâce à l'outil fiscal, c'est un véritable arsenal de sanctions économiques contre ces États que nous avons ainsi déployé.

Les sanctions concernent les États identifiés par l'OCDE et n'ayant pas signé d'accords avec la France, mais elles auront aussi vocation à s'appliquer à tous les États qui, avec le recul de l'expérience, n'appliqueraient pas les accords qu'ils ont signés avec la France de manière satisfaisante ; j'insiste sur ce point. Il s'agit d'éviter qu'un État ne signe un accord sans intention de l'appliquer, dans le seul but de sortir de la liste établie par l'OCDE.

Nous restons plus que jamais vigilants. Nous évaluerons chacun des accords ainsi que leur application et, s'il le faut, nous réinscrirons des États sur notre liste nationale, pour leur appliquer les sanctions prévues par notre législation.

Pour terminer, la stratégie face à la fraude et l'évasion fiscales a montré sa redoutable efficacité au travers des recettes fiscales qu'elle a d'ores et déjà rapportées à l'État.

Vous le savez, le contrôle fiscal a rapporté 16 milliards d'euros en 2010, soit 1 milliard d'euros de plus qu'en 2009.

Les premiers éléments - non définitifs - dont nous disposons pour 2011 témoignent de la poursuite de cette progression.

Ainsi, le nombre de comptes bancaires à l'étranger déclarés s'est établi à près de 77 000 en 2010, contre environ 25 000 en 2007 ; il a donc triplé sur la période.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous admettrez que c'est une très forte progression ! Nous ne pouvons que saluer cette volonté de transparence des contribuables, qui montre aussi l'efficacité de l'action gouvernementale.

En outre, la cellule de régularisation que j'évoquais tout à l'heure a permis de régulariser la situation de 4 700 contribuables et de rapatrier en France 7 milliards d'euros d'avoirs, lesquels produiront à l'avenir de nouvelles recettes fiscales. La régularisation elle-même a rapporté à l'État 1,2 milliard d'euros de droits et pénalités. C'est un excellent résultat, qui n'a aucun équivalent dans le passé.

Par ailleurs, vous le savez, un dispositif de contrôle exceptionnel concernant la « liste des 3 000 » de l'affaire HSBC a été mis en oeuvre. Huit cents contrôles ont d'ores et déjà été engagés, dont 350 sont achevés, avec 160 millions d'euros de recettes fiscales à la clé.

Les fraudes à la TVA de type « carrousel » réprimées sur la période 2008-2010 s'élèvent à 1 milliard d'euros. En 2010, l'administration a déposé, à l'encontre de leurs investigateurs, 29 plaintes pour fraude fiscale et 12 plaintes pour escroquerie.

Enfin, le nouveau système EUROFISC a permis l'échange, en 2011, de plus de 45 000 informations, portant sur 16 000 sociétés, pour un montant de transactions de 10 milliards d'euros.

Bien évidemment, ces résultats vont encore s'accroître, parce que tous les outils que nous venons de mettre en place et qui permettent à l'administration fiscale de planifier des contrôles de plus en plus ciblés vont monter en puissance. En réalité, l'enjeu ne porte pas sur le nombre de contrôles effectués ; il s'agit de réussir à cibler le contrôle en amont pour tomber pile sur le fraudeur et, de cette manière, rendre l'administration plus efficace.

Ainsi, la direction générale des finances publiques a mené une action afin d'identifier tous les achats effectués avec des cartes bancaires étrangères par des résidents français. Cela signifie que nous sommes aujourd'hui en mesure d'identifier les résidents français qui détiennent des comptes à l'étranger, y compris, donc, des comptes non déclarés. Ce test a été concluant puisque près de 100 contrôles ont pu être lancés grâce à ce dispositif.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tel est le premier bilan de notre lutte contre la fraude et l'évasion fiscale que je voulais vous présenter en attendant vos questions.

En toute franchise et en toute impartialité - si l'on peut être impartial à la veille des prochaines échéances politiques-, jamais aucun gouvernement n'avait affiché de tels résultats concrets en la matière. Nous avons pris des mesures strictes et audacieuses pour récupérer l'argent qui est dû à la République et à la nation. Dissuasion, contrôle et répression : telle est la voie que nous avons choisie. C'est la plus efficace et, surtout, c'est la seule que les Français acceptent.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Madame la ministre, je vous remercie.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Madame la ministre, votre audition de ce matin vient, si je puis dire, « à point nommé ».

En effet, notre commission en est en quelque sorte parvenue à mi-chemin de ses travaux, qui se tiennent depuis le début du mois de mars 2012 à un rythme soutenu. Après avoir auditionné pas moins de onze services de l'administration chargés de lutter contre toutes sortes de fraudes - évasion, blanchiment et autres pratiques répréhensibles -, il était intéressant que nous puissions à ce stade entendre le ministre en charge de cette administration et de cette compétence.

Puisque l'audition d'aujourd'hui est ouverte à la presse, je me permets d'énumérer les onze services que nous avons auditionnés, non pas dans un souci d'autoglorification, mais bien pour montrer à nos concitoyens le travail que la commission d'enquête a réalisé, et afin que chacun comprenne précisément de quoi nous parlons quand nous utilisons des sigles, ce que nous faisons en général très souvent.

Notre commission d'enquête a donc entendu les services suivants : la direction de la législation fiscale (DLF) ; la direction générale des douanes et droits indirects ; la sous-direction des affaires juridiques, du contentieux, du contrôle et de la lutte contre la fraude ; le directeur général des finances publiques (DGFiP) ; le contrôleur général de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière - je souligne l'intérêt de l'expression ; TRACFIN, que vous avez cité ; la direction nationale des vérifications de situations fiscales ; l'Autorité de contrôle prudentiel ; le Conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, lequel est aussi une dimension du sujet ; la direction nationale d'enquêtes fiscales ; enfin, la direction des vérifications nationales et internationales.

En outre, vous l'avez évoqué, de par le calendrier, nous sommes à l'heure des bilans : une séquence politique est en passe de s'achever.

Alors que la crise financière et économique frappe la planète, la fraude fiscale marque fortement l'actualité depuis quelques années. Nous avons donc décidé d'inscrire à l'ordre du jour de nos travaux la question de l'évasion fiscale, évasion qui indigne, choque, surprend. Dès lors, il importait que nous en comprenions les mécanismes et les ressorts, et que nous en déterminions l'ampleur.

À l'issue de nos travaux, nous remettrons un rapport assorti de propositions aux personnalités et services chargés de ces affaires après les élections.

Madame la ministre, j'entends bien votre enthousiasme. « Indéniable succès », « florilège », « redoutable efficacité » : je retrouve dans cette terminologie la marque du volontarisme affiché par le Président de la République en son temps, et par vous-même ce matin. Le 24 novembre 2011, vous disiez déjà : « certains préfèrent la voie de l'amnistie, ce n'est pas la nôtre. Notre méthode, c'est la peur du gendarme ». La « peur du gendarme » : vous venez à nouveau d'employer l'expression.

Permettez-moi toutefois de citer un chiffre qui atténuera l'enthousiasme général : sur les 230 requêtes d'informations adressées à 18 États, seules un tiers ont reçu une réponse. Il y a là un constat d'échec sur lequel nous devons nous interroger.

Si vous le voulez bien, je vous soumettrai mes questions en trois temps. Je laisserai ensuite à mes collègues le soin d'intervenir, de manière à rendre notre débat moins monotone et plus interactif, ce qui est toujours préférable.

Madame la ministre, vous avez présenté l'action des gouvernements auxquels vous avez appartenu comme témoignant d'une volonté résolue de lutter contre l'évasion fiscale internationale.

Or la politique fiscale que vous avez mise en oeuvre a été essentiellement marquée par la réduction de la fiscalité sur les hauts revenus, que ce soit ceux des particuliers ou ceux des entreprises. La semaine dernière, la presse, dressant un bilan de l'évolution de la fiscalité des dix dernières années - entre 2002 et 2012 - s'en faisait l'écho, et il apparaissait clairement que les hauts revenus et les gros patrimoines avaient principalement bénéficié des dispositions que vous avez mises en place.

Je ne mentionnerai que le bouclier fiscal et la formidable explosion des niches fiscales destinées aux entreprises, parmi lesquelles la palme revient sans doute à la « niche Copé ».

Madame la ministre, vous avez inlassablement expliqué, dans vos déclarations, que ces mesures répondaient à un double objectif : améliorer la compétitivité et l'attractivité économique du pays, prévenir l'exil fiscal des personnes à très hauts revenus et élever la rentabilité du capital.

Ce dernier objectif, partagé de par le monde par tous les gouvernements libéraux et se traduisant par une concurrence fiscale destructrice et sans fin, vous a d'ailleurs rendue aveugle à la manipulation de la finance par l'utilisation de l'effet de levier, élément essentiel du déclenchement de la crise actuelle, avec l'expansion sans précédent des revenus financiers versés aux actionnaires. Sur ce dernier point, les chiffres n'ont pas été démentis : entre 2008 et 2011, bon an mal an, le niveau des dividendes versés aux actionnaires du CAC 40 s'est élevé, à quelques variantes près, à environ 40 milliards d'euros annuels, indépendamment de l'état de crise, qui s'aggrave et qui, chaque mois davantage, plonge les pays dans l'austérité. De ce point de vue, la régularité a donc été remarquable.

De son côté, l'investissement stagnait, sans que n'ait lieu la réaction qu'aurait dû avoir un gouvernement soucieux de la justice sociale et de la croissance économique, à savoir la conduite d'une politique économique adaptée.

Politique fiscale, politique des revenus, politique financière, tout est allé dans le même sens : celui du triomphe de la rente sur l'investissement et sur le travail. D'une certaine manière, cette politique a été couronnée de succès...

J'en viens précisément aux grandes entreprises du CAC 40, évoquées à l'occasion de plusieurs auditions auxquelles a procédé notre commission. On le sait, le Conseil des prélèvements obligatoires l'a montré voilà quelques années, ces entreprises sont imposées au taux moyen de 8 %, contre un impôt théorique de 33 %.

Pour leur part, les très hauts revenus se voient appliquer un taux moyen d'imposition de 15 %, fort éloigné du taux marginal supérieur défini par le barème. Encore ce taux ne s'applique-t-il qu'à des revenus déclarés, dont nos premiers travaux nous laissent penser qu'ils sont probablement assez loin de rendre compte de la véritable situation de revenus des personnes en question.

Pour le reste, les objectifs affichés pour justifier cette politique n'ont selon nous pas été atteints.

Le déficit extérieur a explosé, la position financière nette de la France s'est considérablement dégradée et l'attractivité de notre territoire est moins bonne d'année en année.

Les exilés fiscaux sont-ils revenus ? Selon nos informations, et d'après les récents échos dont nous disposons, rien n'est moins sûr. Au contraire, certains avocats conseils fiscalistes estiment qu'il existe, pour l'heure, une certaine recrudescence de l'activité dans ce domaine.

Madame la ministre, n'avez-vous donc pas le sentiment que votre politique a échoué ? Compte tenu de la remise en cause partielle du bouclier fiscal et des annonces bien tardives et improvisées faites par le Président de la République, il me semble que l'on ne peut répondre que de manière positive à cette question.

Par ailleurs, je souhaite vous interroger sur des points précis de l'action prétendument conduite pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales internationales.

Pouvez-vous tout d'abord nous indiquer à combien vous chiffrez cette évasion et quels en sont les enjeux fiscaux pour notre pays ?

En ce qui concerne la lutte contre la fraude fiscale internationale et contre l'évasion fiscale abusive, je voudrais connaître le montant et la répartition des redressements ainsi que des pénalités auxquels elles ont pu donner lieu au cours des dix dernières années. Quel est le bilan du volet pénal de cette action du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Monsieur le rapporteur, vous me demandez des chiffres extrêmement précis et détaillés, portant sur les dix dernières années. Je les transmettrai à la commission, mais il faut que mes troupes y travaillent.

Vous m'avez d'abord interrogée sur le chiffrage global de l'évasion fiscale : par définition, à partir du moment où il s'agit d'une fraude, nous ne disposons pas, à ce stade, d'évaluation crédible.

Toutefois, je voudrais, si vous me le permettez, revenir brièvement sur votre propos liminaire.

Très clairement, le quinquennat a comporté deux phases.

Avant la crise économique qui nous a frappés, le Président de la République a souhaité relancer le pouvoir d'achat des classes moyennes via un outil fiscal : la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, qui a défiscalisé les heures supplémentaires - ce qui n'a concerné ni les hauts revenus ni les gros patrimoines - et allégé les droits de succession. Il est tout de même difficile de soutenir que cette loi était un cadeau fait aux riches ! C'était un cadeau pour les classes moyennes, pour les classes moyennes supérieures, mais pas pour les 3 millions de ménages les plus imposés et favorisés ; je tiens à le préciser.

De la même manière, je ne crois pas que l'on puisse dire que la défiscalisation des intérêts d'emprunt pour l'achat d'un premier logement soit un cadeau fiscal fait aux plus riches : quand on n'est pas propriétaire de son logement, on ne fait pas partie des riches ; on appartient à la classe moyenne qui essaie de devenir propriétaire. L'idée d'une France de propriétaires était chère au Président de la République.

Il faut également, dans cette première phase, inclure le bouclier fiscal ; j'y reviendrai.

La seconde phase a démarré tout de suite après la crise, laquelle a creusé les déficits par manque de recettes. Nous avons alors été obligés de déployer des filets de protection sociale extrêmement solides.

Monsieur le rapporteur, puisque nous sommes aujourd'hui enregistrés et qu'il y a des témoins, je me permets de vous rappeler un chiffre qui n'est pas souvent repris : la crise ayant exigé davantage de notre part pour protéger les plus fragiles, nous avons procédé, pendant le quinquennat, à 110 milliards d'euros de dépenses sociales supplémentaires, somme qu'il a bien évidemment fallu financer.

Avec tout le respect que je vous dois, je ne peux vous laisser dire que nous n'avons rien fait pour l'investissement. Outre les dépenses sociales que nous imposait la crise, nous avons engagé un plan de relance par l'investissement. Considéré comme exemplaire par l'OCDE, il a été suivi par l'ensemble des pays de cette organisation. Ensuite, nous avons lancé un grand emprunt - d'ailleurs à l'époque très critiqué par l'opposition - de 35 milliards d'euros pour investir dans les projets d'avenir.

Nous avons donc baissé les dépenses de fonctionnement de l'État, tendu des filets de protection sociale et investi dans l'avenir. Autrement dit, nous avons précisément conduit la politique que vous appelez de vos voeux.

Cette politique nous a coûté beaucoup d'argent. Elle a augmenté la dette de la France et creusé ses déficits.

Toutefois, c'est une politique de justice, et c'est une politique d'efficacité économique. Je l'assume totalement et je revendique le fait d'y avoir participé.

Comme vous le savez, nous avons décidé de supprimer le bouclier fiscal qui, en temps de crise, devenait inefficace ou plus exactement contreproductif.

Nous avons alors choisi d'augmenter les impôts sur les ménages qui avaient le plus de revenus et de patrimoines ; je peux vous le prouver.

Concernant les dividendes, dont vous avez évoqué l'augmentation, la taxation des revenus du capital est passée de 27 % en 2007 à 36,5 % en 2012. Sur la même période, la taxation des intérêts perçus est passée de 27 % à 39,5 %. Dans le même temps, la taxation des plus-values immobilières a augmenté de 27 % à 34,5 %, avec la fin de l'exonération des plus-values réalisées sur la vente, après quinze années de détention, des résidences secondaires. Les plus-values mobilières sont quant à elles passées de 27,5 % en 2007 à 34,5 % en 2012, et nous avons mis fin cette année à l'exonération des plus-values mobilières réalisées sur des titres détenus depuis plus de huit ans.

En réalité, notre taxation des revenus du capital est aujourd'hui supérieure de dix points à celle de l'Allemagne : dix points ! On ne peut donc pas dire que le Président de la République ait été le président des rentiers, alors qu'il a taxés ces derniers de dix points de plus que ne l'ont fait nos voisins allemands ; ce serait un contresens absolu. Bien au contraire, le Président de la République a été le président du travail : c'est la raison pour laquelle il a, par exemple, défiscalisé les heures supplémentaires et privilégié la baisse du coût du travail.

Monsieur le rapporteur, vous évoquiez la compétitivité de la France et son déficit commercial. Vous savez que nous avons proposé au Parlement, qui l'a adoptée, une « TVA antidélocalisation », laquelle baisse le coût du travail pour favoriser l'emploi et éviter les délocalisations. Je rappelle, d'ailleurs, que l'opposition entend revenir sur cette mesure si, par malheur, elle arrivait au pouvoir.

Le Président de la République a donc été le président du travail, et non pas celui du capital.

En ce qui concerne les grands groupes, vous avez évoqué la « niche Copé ». À cet égard, je tiens à préciser que le nom de ce dispositif ne me pose aucun problème ; j'en suis, au contraire, très heureuse. D'ailleurs, je suis persuadée que Jean-François Copé en assume pleinement la paternité.

Il faut tout de même revenir à la genèse de cette niche. Dans un rapport présenté en 2001, M. Charzat, dont il est permis de penser qu'il n'était pas alors totalement inféodé au Président de la République - je parle sous le contrôle des élus de Paris - a estimé qu'il fallait absolument mettre fin à un dispositif fiscal contraire à l'attractivité de la France et totalement dérogatoire au droit commun européen : la fiscalisation des plus-values sur les titres de participation des entreprises.

On s'était rendu compte, en 2001, que les grands groupes français partaient installer leur holding à Bruxelles ou au Luxembourg pour pouvoir défiscaliser les plus-values sur les ventes de titres qu'ils détenaient, à l'instar de ce que faisaient les grands groupes de tous nos voisins européens.

À la demande, notamment, de l'opposition, et en particulier de Mme Bricq, nous avons alors décidé d'instaurer une quote-part pour frais et charges sur ces plus-values - cette quote-part s'élève aujourd'hui à 10 %. Nous avons donc fait le maximum.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Certes, on peut toujours faire plus mais, à un moment donné, il faut arbitrer. En l'occurrence, nous devions choisir entre le risque de voir l'assiette fiscale - donc le rendement fiscal - disparaître totalement et le plaisir d'augmenter les impôts. C'est d'ailleurs le problème de la tranche maximale d'impôt sur le revenu à 75 %, dont M. Hollande a dit qu'elle rapporterait zéro euro !

Quand on taxe trop alors que les pays voisins ne taxent pas, l'assiette fiscale finit par s'évaporer et il n'y a plus d'impôt.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Nous nous sommes donc efforcés de trouver un juste équilibre entre la justice et l'efficacité fiscales. Bien évidemment, les deux sont nécessaires dans notre pays pour éviter non seulement l'évasion fiscale, mais aussi le départ de sociétés et de grands groupes.

En ce qui concerne la fiscalité des grands groupes, nous avons été très sensibles, monsieur le rapporteur, au problème que vous soulevez à juste titre : le fait que les grands groupes optimisant leur fiscalité grâce à des dispositifs qui leur sont propres soient moins fiscalisés que les PME.

Nous avons supprimé la possibilité de reporter les déficits, qui était évidemment surtout utilisée par les grands groupes ; cette mesure nous a rapporté 1,5 milliard d'euros. La quote-part pour frais et charges sur la « niche Copé » nous a rapporté 400 millions d'euros dès l'année dernière. À l'automne dernier, nous avons procédé à une surtaxe exceptionnelle d'impôt sur les sociétés de 5 % sur les grands groupes. La fiscalité des grands groupes s'élève désormais à 36 %, et non plus seulement à 33 %. Il est d'ailleurs un peu paradoxal que François Hollande propose de la ramener à 35 %...

Nous avons pris de nombreuses mesures anti-optimisation : je vous ai parlé, par exemple, de la lutte contre la déduction excessive d'intérêts, du dispositif sous-capitalisation. Nous devons encore travailler sur la question majeure des prix de transfert des grands groupes.

Je ne prétends pas que l'on a tout réalisé d'une manière parfaite ni que l'on a atteint l'état optimal des choses. Les travaux de votre commission d'enquête nous permettront d'améliorer encore la situation et de progresser ; je suis persuadée que vous nous ferez en ce sens des propositions très pertinentes et très intéressantes. En tout état de cause, on n'est pas encore à la phase ultime où tout est transparent, où l'on sait tout sur tout, où plus personne ne fraude.

En revanche, nous avons vraiment essayé d'aller dans la bonne direction. C'est ce qu'on a fait, me semble-t-il, avec l'obligation de documenter sur les prix de transfert. Ce point est important.

Pour répondre à la toute dernière question de M. Bocquet : non, globalement, les exilés fiscaux ne sont pas revenus, sans doute parce qu'il existe, en France, un risque politique qui, peut-être, s'appelle l'alternance. Et, si certains Français préparent leur départ, je ne pense pas que ce soit à cause des mesures du Gouvernement... En tout cas, ce n'est pas avec une mesure comme la tranche d'imposition à 75 % que les exilés fiscaux reviendront !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Monsieur le rapporteur, vous avez reçu des réponses complètes à vos questions ! Peut-être pourrait-on maintenant revenir sur le sujet de l'évasion fiscale, qui intéresse plus précisément la commission d'enquête, et laisser la parole à nos collègues qui souhaitent intervenir, de manière à créer une certaine interactivité. Autrement, à questions très complètes et très vastes, on risque d'avoir des réponses très complètes et très vastes...

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Excusez-moi !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Avant de laisser la parole à mes collègues, je souhaite avoir quelques précisions sur la manière dont l'administration a mis en oeuvre le bouclier fiscal.

Il est troublant de constater que certains contribuables, parmi les plus fortunés de France, ont reçu du Trésor public, au titre du bouclier fiscal, des remboursements de l'ordre de plusieurs dizaines de millions d'euros, avant de se voir signifier des redressements fiscaux pour des montants équivalents.

Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer si l'administration a systématiquement pris la précaution de vérifier l'état de la situation fiscale et la sincérité des déclarations patrimoniales des contribuables, je pense à un l'un d'eux en particulier, avant de les faire bénéficier du bouclier fiscal ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Tout d'abord, nous avons mis en place un système de contrôle très régulier des contribuables à fort enjeu : un contribuable ayant plus de 220 000 euros de revenus et plus de 3 millions d'euros de patrimoine fait l'objet d'un contrôle systématique tous les trois ans.

Nous considérons évidemment que l'attention doit être portée sur les très gros fraudeurs, qui utilisent des mécanismes d'une complexité redoutable pour le fisc.

Ayant prêté serment, je vous dis vraiment les choses telles qu'elles sont : il existe certainement des gens qui, malgré un contrôle fiscal, échappent à l'administration. Le contrôle permet toutefois de découvrir ce qui est visible. En tout état de cause, tous les contribuables ayant bénéficié du bouclier fiscal ont fait l'objet d'un contrôle fiscal préalable, dès lors qu'ils avaient plus de 220 000 euros de revenus et plus de 3 millions d'euros de patrimoine.

Par ailleurs, je dois évidemment opposer le secret fiscal à toute demande individuelle d'information sur la situation de tel ou tel contribuable. Je ne pourrai donc pas vous apporter de précisions sur la situation du contribuable auquel vous faites allusion.

Il faut que vous sachiez qu'il n'y a plus aujourd'hui de cellule fiscale au cabinet du ministre, c'est-à-dire que le ministre ne donne plus aucune directive en matière de contrôle fiscal. L'administration fiscale est pleinement en charge de ce contrôle depuis la circulaire de François Baroin au directeur général des finances publiques du 2 novembre 2010. Je vous en cite un extrait : « S'agissant plus précisément des programmes de contrôle, j'entends que l'administration fiscale fasse entièrement son affaire, sous votre autorité, de la détermination des contribuables, entreprises ou particuliers, dont la situation fera l'objet d'un examen particulier. Vous me tiendrez informé des dossiers susceptibles d'avoir un retentissement médiatique. Je m'abstiendrai de toute intervention, que ce soit dans le choix des contrôles, le cours des investigations ou les éventuelles décisions de poursuites pénales. »

J'ai continué à appliquer cette circulaire lors de mon entrée en fonction en qualité de ministre du budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Madame la ministre, ma première question concerne les relations avec l'extérieur.

Au cours des auditions de la commission d'enquête, nous nous sommes rendu compte qu'il existait une connexion très forte entre les paradis fiscaux, la fraude et l'évasion fiscale, et, par ailleurs, les risques de corruption et de blanchiment. Il s'agit de circuits complexes.

Sauf erreur de ma part, la France a été l'un des premiers pays à ratifier, en juillet 2005, la Convention des Nations unies contre la corruption, dite « Convention de Merida ».

Pourriez-vous nous dire où nous en sommes en termes de restitution de biens mal acquis ?

Ma seconde question, sans doute plus « basique », porte sur un sujet qui doit vous tenir à coeur.

Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu'il existe une distorsion entre, d'une part, l'enseignement dispensé dans nos grandes écoles de commerce, qui pousse à l'optimisation et qui peut être une porte ouverte sur la fraude fiscale et, d'autre part, la faiblesse de l'aide à la recherche universitaire et aux publications sur l'ampleur de ces phénomènes ?

En effet, ayant examiné ce sujet d'assez près, j'ai pu constater que, sur ces questions, l'université était vertueuse, tandis que la position des écoles de commerce suscitait l'interrogation. N'y aurait-il pas là matière à réflexion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Madame la ministre, vous le savez, le Sénat présente une particularité par rapport à l'Assemblée nationale : c'est la commission des finances, et non la commission des affaires étrangères, qui examine les conventions fiscales.

J'ai souvenir de la déclaration que vous aviez faite, le 24 novembre 2011 me semble-t-il, sur l'échange de renseignements à la suite des signatures de conventions ; nous examinions alors le projet de loi autorisant l'approbation de la convention fiscale entre la France et le Panama en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu. La commission des finances s'était alors appuyée sur vos propos pour refuser la ratification de ladite convention.

Excusez-moi de me répéter - je pose la question régulièrement - mais je voudrais vous rappeler qu'il existe un outil essentiel à la lisibilité de l'action du Gouvernement concernant ces échanges de renseignements et leur suivi : c'est le respect du fameux article 136 de la loi de finances de 2011, lequel a créé un bilan annuel des contrôles fiscaux des filiales détenues à l'étranger, sous forme d'annexe au projet de loi de finances initiale.

Or, au moment où je parle, nous ne disposons toujours pas de ce jaune budgétaire. Nous sommes pourtant le 12 avril ! Ce n'est pas normal.

Ce sujet constitue quasiment une question d'actualité puisque, comme chaque année à peu près à cette époque, la liste de ceux que la France considère comme des territoires non coopératifs - complémentaire de la liste issue du travail du Forum mondial de l'OCDE - est parue - ce matin - au Journal officiel.

Or, lorsque l'on examine cette liste, il est bien difficile de comprendre les choix opérés : d'une part, on ne dispose pas de l'information contenue dans l'annexe budgétaire que j'évoquais, alors qu'elle constitue un outil important ; d'autre part, les pays qui ont été radiés de la liste, outre Panama - nous avions compris qu'il s'agissait là, pour le Gouvernement, d'une urgence absolue - ne sont pas sans soulever quelques interrogations.

Vous avez indiqué tout à l'heure, dans votre propos liminaire, que la signature des conventions fiscales n'est qu'une première étape, devant être suivie d'effets concrets.

Or, je constate que le Costa Rica a été retiré de la liste française alors que, pas plus tard que le 5 avril 2012, c'est-à-dire la semaine dernière, le Forum mondial ne l'a pas admis à passer en phase 2, ayant estimé que « son droit interne risque de faire obstacle à l'efficacité de ses échanges de renseignements ». Je ne comprends donc pas le choix fait par la France.

Le Gouvernement a également retiré de la liste Belize, Dominique, Grenade, les Îles Cook, le Liberia, Saint-Vincent et les Grenadines et Oman, qui n'ont pas encore été évalués par le Forum.

Je veux donc comprendre les méthodes de travail de la direction de la législation fiscale, la DLF, qui lui permettent de juger si le pays concerné est doté d'une capacité normative. Je rappelle que, en séance publique, la majorité sénatoriale a unanimement rejeté la ratification de la convention avec le Panama parce que nous avons jugé - comme le Forum, du reste - que, malgré la volonté de ses dirigeants, ce dernier n'avait pas la capacité normative de ne plus être un territoire non coopératif.

Madame la ministre, comment procédez-vous pour établir la liste annuelle ? Vous préoccupez-vous vraiment des effets concrets, comme vous l'avez soutenu tout à l'heure ?

Pour ma part, je peux comprendre qu'il y ait, pour le Gouvernement français, des intérêts de nature économique ou diplomatique, à retirer un pays de la liste ou au contraire à l'y ajouter. Mais, faute d'information, le Parlement n'a pas la capacité de juger, de comprendre les choix opérés pour établir la liste.

Il est vraiment important que nous puissions comprendre les raisons pour lesquelles le Gouvernement décide de retirer ou d'ajouter un pays de la liste. J'aurais, en effet, pu également parler des pays qui y sont ajoutés.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Madame Bouchoux, c'est le ministère de la justice, et non pas l'administration fiscale, qui suit tous les dossiers de biens mal acquis, en lien d'ailleurs avec un certain nombre d'administrations des finances, notamment avec TRACFIN. C'est donc au ministère de la justice qu'il faudrait poser votre question.

En ce qui concerne les enseignements de nos grandes écoles et l'aide à la recherche, je pense que l'on peut en effet tout à fait imaginer de financer les programmes de recherche que vous avez évoqués. Encore faut-il respecter le cadre de l'autonomie des universités et des grandes écoles et que des chercheurs s'engagent dans de tels projets...

On pourrait d'ailleurs tout à fait imaginer que le ministère des finances promeuve lui-même de tels programmes de recherche. Pourquoi pas ? C'est une très bonne idée, que votre commission peut, d'ailleurs, nous suggérer.

En tout état de cause, je serai favorable à ce que la direction générale des finances publiques puisse financer certains travaux de recherche. Je ne sais pas si c'est très usuel mais, en tant qu'ancienne ministre de la recherche, je suis très favorable à ce que la recherche vienne irriguer l'action publique.

Sans goût du paradoxe, j'ajoute que l'on pourrait, sur ces sujets, utiliser les chercheurs des grandes écoles, lesquels sont certainement les plus compétents pour en parler puisqu'ils connaissent tous les mécanismes d'optimisation fiscale.

Le problème, c'est que, entre optimisation et évasion, la frontière est ténue. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous nous sommes attachés à boucher les trous de la législation.

En réalité, je pense que la solution la plus efficace, et je le dis pour mes collaborateurs - vous savez que les collaborateurs du ministre du budget finissent en général dans les cabinets de conseils fiscaux, tellement la loi fiscale est complexe -, consiste à simplifier la loi fiscale et à en boucher les trous. On mettra ainsi fin à une rente de situation des conseillers fiscaux, qui essaient, en effet, de trouver la faille dans la loi. Pour l'heure, on ne peut empêcher les grandes écoles de former les conseillers fiscaux à la loi telle qu'elle existe.

Je le répète : il serait intéressant de passer avec les chercheurs des grandes écoles des contrats de recherche portant sur l'évasion fiscale : si cela fait partie de la culture générale, et si cela correspond à un vrai travail, je pense qu'ils seraient partants.

Madame Bricq, mea culpa sur le jaune budgétaire : l'administration a eu beaucoup de travail sur le pacte de stabilité. Votre question méritait d'être posée, mais on me jure que vous aurez cette annexe dans les prochains jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Entre les deux tours de l'élection présidentielle !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Non ! Nous essaierons de le faire avant, pour vous permettre de travailler correctement.

Vous le savez, on n'a jamais intérêt à communiquer des informations entre les deux tours : on ne sait comment elles seront exploitées !

Je vais maintenant vous expliquer la manière dont on travaille.

Tout d'abord, je le rappelle, sur les 301 demandes formulées, en 2011, à destination des nouveaux États et territoires ayant signé une convention de coopération fiscale, un tiers des réponses reçues à ce jour sont satisfaisantes. Ces données ont été communiquées en novembre 2011.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

En effet, madame Bricq ! Mais il est en réalité un peu tôt pour faire une évaluation, comme il était trop tôt de vouloir évaluer le crédit d'impôt recherche six mois après sa mise en place.

Nous sommes obligés de travailler avec les pays pour voir où sont les points d'achoppement dans leurs droits nationaux ; il y en a souvent, et vous en avez d'ailleurs parlé.

Par exemple, le fait que le droit national suisse prévoie l'obligation d'informer tout détenteur d'un compte en Suisse d'une demande d'information fiscale faite par un pays étranger nuit un peu à l'efficacité du contrôle.

On doit donc identifier, dans les droits nationaux des pays avec lesquels on a signé des conventions, les dispositifs législatifs qui font blocage à la bonne exécution de la convention.

En parallèle, l'OCDE fait le même travail que nous : elle aussi cherche à identifier les points d'achoppement. Vous venez d'ailleurs de le dire à propos du Costa Rica, dont je ne connaissais pas la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Le Costa Rica n'aurait pas dû disparaître de la liste puisque l'OCDE ne l'a pas évalué en phase 2 !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Certes, mais le Costa Rica est évalué en phase 1.

Le travail du Forum mondial est différent de celui par lequel nous établissons notre liste. En ce qui nous concerne, nous partons de la liste de l'OCDE et nous en retirons tous les pays qui signent des conventions d'échange d'informations.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Madame la ministre, cela ne suffit pas ! Ce que je voudrais pouvoir apprécier, c'est votre calendrier de négociations.

Monsieur le président, je souhaite que soit versé dans les travaux de la commission d'enquête le calendrier de négociations en fonction duquel le Gouvernement retire les pays de la liste française, de manière que nous puissions apprécier ce que fait la DLF et ses critères d'appréciation.

S'il continue d'y avoir une liste nationale, alors même qu'il n'existe plus de liste noire au niveau de l'OCDE, c'est qu'il y a une raison ! C'est parce que les pays conservent la faculté de choisir avec quel État ils acceptent de signer des conventions.

Madame la ministre, vous me renvoyez à ce que l'on sait déjà depuis novembre 2011 : ce n'est pas ce que je vous demande ! Je veux que l'on comprenne les choix du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Ce qui nous préoccupe, c'est la négociation de l'accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

J'aimerais disposer du calendrier de la négociation qui s'engage chaque année et qui aboutit à l'élaboration de la liste.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Madame Bricq, j'essaie de comprendre ce que vous me demandez.

En réalité, il reste aujourd'hui très peu d'États sur la liste parce que nous avons réussi à mener des négociations avec l'essentiel des grands États avec lesquels nous avions des intérêts économiques.

Il en reste quelques-uns mais, vous l'avez vu, ils sont très peu nombreux.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ceux qui restent sont des paradis fiscaux ! Tout le monde le sait.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

C'est la liste noire : la liste des pays avec lesquels nous n'avons pas d'accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ce n'est pas parce qu'ils ont été retirés de la liste, pour avoir signé des conventions avec douze autres pays, qu'ils ne sont plus des paradis fiscaux !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Madame Bricq, il faut distinguer deux choses différentes.

Vous me demandez le calendrier de la signature des accords.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je vous demande d'abord celui de la négociation.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Est-ce le passé ou l'avenir qui vous intéresse ? Je ne le comprends pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je veux les deux !

La loi vous impose de nous informer sur les actes que vous avez accomplis par le passé.

À cet égard, je me permets de vous rappeler que le groupe socialiste a soutenu tous les dispositifs concernant la lutte contre la fraude fiscale présentés par votre prédécesseur, Éric Woerth.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Je sais que beaucoup de votes ont eu lieu à l'unanimité !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

On a toujours voté !

S'agissant du passé, je veux que la loi soit respectée, que le Gouvernement nous informe de l'exécution des textes votés par le Parlement.

S'agissant de la lutte contre les paradis fiscaux pour l'avenir, je veux comprendre la façon dont la liste française est établie, c'est-à-dire les choix à partir desquels le Gouvernement négocie avec tel ou tel pays avant de décider de le retirer de la liste.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

On ne fait pas de choix.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Vous parlez d'intérêts économiques et diplomatiques : ce ne sont pas des critères de choix.

La direction générale des finances publiques travaille avec les services des impôts des autres pays. Si ce travail se fait en lien avec le ministère des affaires étrangères, il s'agit vraiment d'un dialogue entre administrations fiscales, puis d'une décision des chefs d'État de signer ou non un accord. On n'a pas choisi tel ou tel pays ; on a proposé à tous les pays qui étaient sur la liste de négocier avec la France. Certains ont accepté, d'autres ont refusé. Avec ceux qui ont accepté, nous avons négocié la convention qui nous paraissait être la bonne, c'est-à-dire celle qui permet l'échange d'informations, la transparence et la coopération fiscale. C'est ainsi que les choses se sont déroulées.

Pour ma part, madame Bricq, le problème me semble être non plus le passé, mais l'avenir : maintenant que l'on a retiré ces pays de la liste, que fait-on pour s'assurer que les accords signés ne sont pas des accords de pure forme ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Des accords papier, si vous voulez, mais des accords efficaces ?

À cet égard, je pense que tout l'enjeu des prochaines années consistera à mettre ces accords sous vigilance. Telle est la position que je prendrai au nom du Gouvernement : entamer une période d'application vigilante pour voir si l'accord signé s'applique ou pas.

Et, si un accord n'était pas appliqué, il faudra revenir devant le Parlement, discuter de la situation du pays concerné et envisager un éventuel retour en arrière.

Comment sanctionne-t-on la non-application de l'accord ? Tel est, me semble-t-il, la question qui se pose aujourd'hui. Il ne s'agit plus de se demander si l'on a négocié avec des États qui sont des paradis fiscaux ! Plus on négocie, mieux c'est ! Il s'agit de s'interroger sur l'efficacité d'un accord qui a été signé.

C'est la raison pour laquelle je n'ai pas compris la position prise par le groupe socialiste du Sénat sur la convention fiscale avec le Panama : si le Panama accepte de signer un accord de transparence, signons avec le Panama ! Acceptons-en l'augure ! C'est un geste ; c'est une avancée ! Il faut signer l'accord, le ratifier, puis le faire entrer en vigueur.

Madame Bricq, vous présumez de la bonne volonté des parties avant même la signature de l'accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Non, madame la ministre ! Je ne présume pas. Je constate, sans comprendre, que certains États, tels que Trinidad-et-Tobago, bien qu'évalués « négativement » par le Forum, ne figurent plus sur la liste publiée aujourd'hui.

Compte tenu de ce que vous venez de dire, ces États devraient être ajoutés sur la liste publiée l'année prochaine !

Si tel n'est pas le cas, et si j'occupe toujours mes fonctions, l'année prochaine, je poserai la même question au Gouvernement, quel qu'il soit : je lui demanderai pourquoi, étant donné ce que vous - ministre en responsabilité - avez aujourd'hui déclaré, il n'a pas, au nom de la continuité de l'État, intégré sur la liste les pays considérés comme ne procédant pas à l'échange de renseignements par le Forum mondial.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Madame Bricq, vous êtes sans doute la seule dans cette salle qui soit assurée d'être à la même place dans quelques mois !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

C'est vrai, mesdames, messieurs les sénateurs : vous êtes tous ici assurés d'être encore à la même place dans quelques mois. Tel n'est pas le cas de la ministre en charge...

En tout cas, je comprends parfaitement la discussion qui s'engage ; nous devrons la poursuivre.

Cela dit, pour qu'un accord se mette en place, il faut du temps, il faut de la coopération. Or la coopération ne se décrète pas : il ne suffit pas de signer un accord ! Sur ce plan, je pense que le Gouvernement a bien agi.

Par exemple, en février dernier, nous avons envoyé en Suisse une délégation de la direction générale des finances publiques. Nous avons fait savoir que l'application de l'accord n'était pas aujourd'hui satisfaisante, que nous avions identifié, dans la législation suisse, deux ou trois problèmes pour obtenir des informations et que nous voulions que ces difficultés soient levées. L'administration suisse nous a répondu qu'elle allait faire des efforts en ce sens et voir ce qu'elle pouvait faire.

Il y a donc, une fois l'accord signé, une nécessaire phase de mise en oeuvre. Dans cette phase, on progresse ensemble, on discute, on se donne du temps. Pour ma part, je ne pense pas que l'on négocie des accords internationaux avec des pays qui nous sont très proches par leurs intérêts économiques en commençant par leur taper dessus, sur la simple base d'un avis émis par l'OCDE.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je ne parle pas de la Suisse. C'est un autre sujet.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Il faut donc que l'on travaille mais aussi, je suis d'accord avec vous, que l'on mette les accords sous vigilance. Toutefois, l'évaluation de ces accords ne peut se faire qu'après un certain temps d'application, de manière à pouvoir vérifier que l'on ne peut effectivement pas les appliquer.

J'ajoute que nous n'avons aucune naïveté sur ces accords. Vous l'avez entendu, nous avions déclaré, le 24 novembre dernier, que nous maintiendrions les pouvoirs d'investigation de la police fiscale sur tous les comptes détenus dans les pays avec lesquels nous avions signé un accord, pendant les trois premières années d'application de cet accord. Nous continuons donc à travailler avec ces pays comme s'ils n'avaient pas signé d'accord : le fisc poursuit son contrôle.

Cela prouve que nous ne sommes pas du tout naïfs sur ces accords : nous connaissons leurs limites. Ils n'en demeurent pas moins une formidable avancée : mettons-les sous vigilance, mais donnons-leur la chance d'être efficaces.

Madame Bricq, je suis d'accord avec vous : il ne faut pas être naïf du tout dans cette affaire. Et notre objectif, c'est vraiment la lutte contre les paradis fiscaux et la transparence.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Si j'ai bien compris, il existe une période probatoire de trois ans.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

En réalité, on a, de fait, institué une période non pas probatoire, parce que l'accord est signé, il est en vigueur, mais une période de vigilance pendant laquelle notre capacité d'intervention est totale et intacte puisque la police fiscale continue de pouvoir investiguer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Parmi les directeurs de votre administration que nous avons reçus, certains nous ont parlé de cette période et fait part des surprises, heureuses ou malheureuses, qu'ils ont pu rencontrer.

Mais, d'une manière générale, ce système a l'air de plutôt bien fonctionner sur le plan international.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

En tout cas, alors que l'on partait de rien, on est objectivement arrivé à quelque chose.

Ce sera certainement tout l'enjeu du prochain quinquennat que d'aller plus loin. Je sais d'ailleurs que Mme Bricq y jouera un rôle éminent !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

En tout état de cause, je continuerai mon travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

La parole est à M. le rapporteur, pour quelques questions complémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Madame la ministre, parlons du présent. Nous ne sommes pas dans un débat d'entre-deux-tours !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

C'est un débat d'étape.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

J'abonde dans le sens de ma collègue Nicole Bricq : sa question est pertinente et fondée. Sur ce sujet, vos services nous ont expliqué qu'ils se calaient sur les travaux du Forum, et non sur la liste de l'OCDE.

Cela signifie-t-il qu'il y a d'autres intérêts en jeu ? Si oui, lesquels ? Par ailleurs, combien tout cela a-t-il coûté en recettes fiscales à notre pays ? Avez-vous des éléments sur ce point ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas votre question.

Nous travaillons à partir de la liste de l'OCDE puis nous signons des accords, dont nous évaluons l'application. Si un pays n'applique pas un accord, nous pouvons l'ajouter sur la liste.

Le travail du Forum nous est évidemment utile. Nous participons d'ailleurs à ce travail puisque nous communiquons au Forum le résultat de nos observations de l'application des accords. Les travaux du Forum et ceux de la France se font donc en même temps. En revanche, nous ne sommes pas tenus par les phases 1, 2 ou 3 du Forum.

De quelle manière travaille le Forum ? L'admission de pays en phase 1 est déjà une façon de les faire entrer dans une logique de transparence et de contrôle. Le refus éventuel de les faire passer en phase 2 montre l'existence de problèmes dans l'application des accords. Il faut alors s'employer à les résoudre.

Si après deux ou trois ans, on constate qu'il subsiste un blocage, si le pays n'est pas très coopératif, si le fait qu'il ne peut pas entrer en phase 2 ne vient pas de blocages légaux, de sa législation...

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Madame Bricq, un blocage légal peut être levé !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Vous n'auriez pas dû signer un accord avec le Panama, qui n'avait pas la capacité normative d'être transparent.

Cela vaut aussi pour d'autres pays que vous avez retirés de la liste !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

L'avenir le dira !

C'est déjà énorme d'avoir pu signer une convention d'échange d'informations avec le Panama ! Qui aurait cru, il y a cinq ans, que la France réussirait à imposer au Panama un accord d'échange d'informations fiscales ? Si le Panama ne l'applique pas, on le montrera du doigt. Soyons donc vigilants dans l'application des accords, plutôt que de les refuser a priori.

Pour ma part, je suis par nature optimiste et confiante. Si quelqu'un vous permet d'avancer dans la bonne direction, il faut en saisir l'opportunité. En outre, il existe un effet de cliquet : ce qui est pris n'est plus à prendre. Il n'y a plus ensuite qu'à dérouler le fil des coopérations fiscales.

Toutefois, il ne faut pas être naïf : un pays peut chercher à nous leurrer. À cet égard, je vous ai parlé tout à l'heure de la peur du gendarme. Je considère que nous devons être extrêmement fermes sur l'application des accords.

Mais il faut vraiment laisser aux accords le temps d'entrer en vigueur et de s'appliquer. Tel est le message que je veux faire passer : s'il convient de mettre les accords sous vigilance, il faut quand même laisser un an de négociations entre les administrations fiscales pour faire progresser leur application. Sinon, ce n'est plus la peine de signer des accords ! On a passé des années à les négocier : on ne peut les mettre à terre avant même de les avoir appliqués.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Madame la ministre, puisque nous évoquons l'actualité internationale, laquelle est assez riche en matière fiscale, pouvez-vous nous faire part des derniers développements des accords Rubik, que la presse a évoqués ces derniers jours, en précisant la position de différents pays européens à leur égard ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Vous le savez, la France n'a pas souhaité donner suite aux propositions de la Suisse sur ces accords dits « Rubik », parce qu'ils lui ont paru contraires à la directive européenne « Épargne » et qu'ils lui semblent sanctuariser le secret bancaire suisse.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Je n'oublie aucun pays ! Je les ai d'ailleurs cités.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Signons-nous ou pas les accords Rubik avec la Suisse ? Telle est la question qui se pose aujourd'hui. Nos partenaires allemands rencontrent quelques difficultés pour faire ratifier l'accord par leur Parlement ; j'ignore s'ils y parviendront. Nous verrons...

Pour ma part, je pense que les accords Rubik ouvrent une brèche dans laquelle s'engouffreront un certain nombre d'États européens pour contourner les obligations de transparence de la directive « Épargne ».

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Madame la ministre, je me permets tout d'abord de vous rappeler que notre commission a formulé une demande officielle de communication du rapport de l'inspection générale des finances sur les contribuables à fort enjeu, ainsi que de ses annexes. Je profite de cette audition pour formuler à nouveau cette demande de manière publique.

Par ailleurs, vous avez déclaré que, en vertu de la circulaire Baroin, il n'y avait plus aujourd'hui, dans votre ministère, de cellule fiscale, donc plus aucune directive du ministre.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Il n'y en a plus sur les situations individuelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Nous avons régulièrement interrogé vos services sur leur marge d'autonomie, sur la façon dont étaient construits les programmes de vérification, de contrôle... Sur le sujet, tous ont évoqué une entière autonomie. Il n'a pas été question d'intervention, de directive ou d'indication des ministres en place.

Or vous nous dites aujourd'hui le contraire ! Je suis donc un peu surpris.

Permettez-moi d'élargir quelque peu mon propos. Le ministre du budget dispose de pouvoirs bien évidemment importants - ce qui est légitime - et même tout à fait considérables dans le domaine de la lutte contre la fraude fiscale. Il peut intervenir pour interrompre un programme de contrôle fiscal. Il a également une compétence discrétionnaire pour mobiliser l'action pénale, car sa décision de saisir la commission des infractions fiscales en est généralement une condition préalable.

Je voudrais recueillir votre sentiment général sur l'étendue de la compétence qui lui est ainsi attribuée : ne peut-on pas la considérer comme excessivement discrétionnaire ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Monsieur le rapporteur, je souhaite d'abord que vous m'expliquiez le sens de votre phrase : « Or, vous nous dites aujourd'hui le contraire ». En quoi mes propos d'aujourd'hui seraient contraires à ce que vous ont dit mes services : je viens de déclarer que je n'avais aucun pouvoir d'intervention dans les situations individuelles !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Vous avez dit qu'il n'y avait plus aujourd'hui de cellule fiscale au ministère, et donc plus aucune directive.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

En effet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Nous avons interrogé plusieurs de vos services sur leur marge d'autonomie dans la construction des programmes de contrôle : y avait-il de temps en temps des indications, des directives du ministre en place ? Il nous a systématiquement été répondu par la négative.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Ils ont donc dit la même chose que moi !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Cela sous-entend que de telles directives ont existé ! Tel est le sens de ma question.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Monsieur le rapporteur, je ne parle pas du passé : je parle de ce qui se fait aujourd'hui.

Si vous me demandez si, dans une période très antérieure à mes fonctions, la liste des contrôles fiscaux était soumise à l'approbation du ministre, je vous répondrai par l'affirmative. Tel n'est toutefois pas le cas depuis que je suis en fonction : cela ne se fait plus ; c'est une période révolue.

Je crois, d'ailleurs, que certains sénateurs se sont vantés d'avoir pu fixer la liste des contribuables contrôlés lorsqu'ils étaient ministres du budget. Vous voyez de qui je veux parler : cette personne n'était pas proche de Nicolas Sarkozy...

Je le répète : ces pratiques n'ont plus cours aujourd'hui. En effet, je n'ai connaissance des faits qu'au moment où la commission des infractions fiscales doit être saisie. Mais je dispose d'un avis documenté émanant de mes services. Dès lors, il m'est difficile de m'opposer à la saisine.

J'ajoute que ce pouvoir, qui n'est pas excessivement discrétionnaire - excusez-moi, il est quand même normal que le ministre décide de l'engagement de certaines poursuites ! - s'exerce sous le contrôle des présidents des commissions des finances et des rapporteurs généraux des deux assemblées, qui ont tous les quatre la possibilité de vérifier chacune des décisions prises par l'administration fiscale.

En réalité, ces personnalités ont une bien meilleure connaissance que moi d'un certain nombre de dossiers fiscaux sensibles. En effet, pour ne pas vous le cacher, le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, dont je rappelle qu'il est socialiste, a demandé la semaine dernière encore au directeur général des finances publiques l'intégralité des dossiers concernant toute une série de dossiers de contribuables individuels à fort enjeu qui avaient fait l'objet d'un certain nombre d'articles, sur internet et dans la presse, et de rumeurs de fraudes fiscales.

Il a donc pu constater par lui-même que l'administration fiscale avait fait son travail. Il a pu identifier lui-même tous les points de contrôle fiscal effectués par l'administration. Or je n'ai pas entendu M. Cahuzac émettre la moindre remarque sur la qualité ni sur l'impartialité du contrôle fiscal effectué.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

Madame la ministre, je veux vous poser une question d'actualité.

Deux des principaux candidats à l'élection présidentielle ont proposé une réflexion sur l'introduction, dans le code général des impôts, d'une clause sur la nationalité, laquelle viendrait s'ajouter à la pratique fiscale actuelle, fondée sur la seule territorialité, c'est-à-dire sur la notion de résidence - soit plus ou moins 181 jours de résidence dans un pays.

L'introduction d'une telle clause serait une évolution substantielle dans la conception même de l'imposition fiscale, en particulier pour les communautés françaises expatriées, qui sont en augmentation. Ces dernières sont naturellement soumises à l'application des 135 conventions fiscales bilatérales que la France a signées à ce jour avec autant de pays et qui, rappelons-le, empêchent la double imposition dans le pays de résidence et dans celui d'origine.

Ma question est la suivante : en votre double qualité de ministre du budget et de porte-parole du Gouvernement, cette prise en compte éventuelle de la nationalité vous semble-t-elle compatible avec l'existence des conventions fiscales bilatérales ?

Dans la négative, pouvons-nous envisager une révision générale de ces mêmes conventions fiscales pour prendre en compte à la fois la nationalité et la territorialité, de manière, on l'a bien compris, à élargir l'assiette de l'impôt ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Monsieur le sénateur, vous évoquez en réalité deux sujets.

Une position de principe consisterait à dire que tout national français résidant hors du territoire de France doit payer une partie de ses impôts en France.

Poser un tel principe nécessiterait la renégociation des 135 conventions que vous avez mentionnées, ce qui est un vrai travail de titan et ferait reculer n'importe quelle administration fiscale - même s'il est toujours possible de renégocier une convention.

Dans une autre vision des choses, qui me semble plutôt être celle du Président de la République, on considère que l'évasion fiscale se fait essentiellement avec un petit nombre de pays géographiquement très proches de la France et ayant des impôts notoirement moins élevés. Il faut alors renégocier les conventions fiscales qui nous lient à ces trois ou quatre pays dont la fiscalité est bien inférieure à celle de la France, de manière à permettre que la différence d'imposition entre l'impôt français et l'impôt payé dans ces pays puisse être reversée au Trésor français.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Madame la ministre, sans abuser de votre temps, que je sais très précieux, permettez-moi de vous poser deux questions supplémentaires.

Je reviens tout d'abord sur le taux de l'imposition des entreprises du CAC 40, réalité que M. le Président de la République a semblé découvrir. Ce dernier a d'ailleurs alors proposé d'établir une imposition des bénéfices réalisés par ces entreprises à l'étranger.

Un tel chiffre devrait à mes yeux susciter une étude systématique de la situation des entreprises du CAC 40 et, plus encore, une forme d'explication publique.

Je suppose que l'étude existe d'ores et déjà et que vous savez analyser ce que recouvre une réalité fiscale aussi choquante au premier abord.

On nous indique que les entreprises du CAC 40 sont contrôlées chaque année : on doit donc disposer de toutes les informations nécessaires pour, notamment, identifier le taux d'imposition effectif de chacune d'elles, non seulement en France, mais aussi dans le monde. On doit également disposer des éléments explicatifs.

Si tel n'est pas le cas, il faut que vous nous en expliquiez les raisons ! En revanche, si tel est bien le cas, notre commission serait satisfaite de disposer de l'ensemble de ces informations.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Une telle étude a déjà été publiée. Les informations sont assez connues.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Notre commission serait intéressée par ce document.

Ma dernière question concerne l'exit tax, mise en place en juillet 2011 afin de lutter contre l'évasion fiscale. S'il est encore un peu tôt pour l'évaluer, pensez-vous que cette mesure puisse être réellement efficace, dans la mesure où sa conformité avec le droit de l'Union européenne limite apparemment fortement son application ? L'exit tax présente en effet un risque d'incompatibilité avec les traités et les conventions fiscales internationales. Sommes-nous bien conscients de ce risque ? Celui-ci a-t-il été évalué par des consultations juridiques, notamment auprès des instances communautaires ? Qu'en est-il exactement ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

L'exit tax entrera en vigueur dès la déclaration d'impôt sur le revenu 2012. Le décret est paru et la circulaire est en passe d'être publiée.

L'exit tax est totalement compatible avec les traités en vigueur parce qu'elle s'applique au moment du départ du contribuable. En fait, l'exit tax est comparable aux déclarations de patrimoine que font les parlementaires en début et en fin de mandat : on demande au contribuable de déclarer, avant son départ de France, le montant des plus-values latentes qu'il a réalisées.

Si vous quittez la France avec un patrimoine mobilier supérieur à 1,3 million d'euros et si vous vendez ce patrimoine dans les huit ans suivant l'expatriation, vous êtes redevable d'une imposition sur la plus-value latente. En revanche, si, après vous être expatrié, vous revenez sans avoir vendu ce patrimoine, vous ne paierez rien.

Si l'on calcule la plus-value latente au moment où vous partez, l'imposition sur cette plus-value n'est due au taux français que si vous vous expatriez dans le seul but de vendre. Tel est le principe de l'exit tax.

Pour l'instant, on ne peut l'évaluer parce qu'elle n'est pas encore entrée en vigueur. Toutefois, elle est d'application relativement simple, d'autant plus que nous avons, grâce à l'ISF, une assez bonne connaissance des patrimoines des Français qui s'expatrient.

Monsieur le rapporteur, pour répondre à votre question sur les entreprises et leur taux de fiscalité, je vous transmettrai évidemment toutes les informations que vous me demandez, dans la limite, toutefois, du respect du secret fiscal et du secret des affaires.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Je dispose d'informations officielles sur le taux de fiscalisation des entreprises - émanant des entreprises elles-mêmes -, mais je ne peux communiquer les informations portant sur leur organisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Madame la ministre, il me reste à vous remercier pour cet exposé extrêmement complet. Il intervient à l'issue de la première étape des travaux de notre commission d'enquête, qui va désormais entamer une seconde série d'auditions.