Intervention de Nicole Bricq

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 12 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de Mme Valérie Pécresse ministre du budget des comptes publics et de la réforme de l'etat

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Madame la ministre, vous le savez, le Sénat présente une particularité par rapport à l'Assemblée nationale : c'est la commission des finances, et non la commission des affaires étrangères, qui examine les conventions fiscales.

J'ai souvenir de la déclaration que vous aviez faite, le 24 novembre 2011 me semble-t-il, sur l'échange de renseignements à la suite des signatures de conventions ; nous examinions alors le projet de loi autorisant l'approbation de la convention fiscale entre la France et le Panama en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu. La commission des finances s'était alors appuyée sur vos propos pour refuser la ratification de ladite convention.

Excusez-moi de me répéter - je pose la question régulièrement - mais je voudrais vous rappeler qu'il existe un outil essentiel à la lisibilité de l'action du Gouvernement concernant ces échanges de renseignements et leur suivi : c'est le respect du fameux article 136 de la loi de finances de 2011, lequel a créé un bilan annuel des contrôles fiscaux des filiales détenues à l'étranger, sous forme d'annexe au projet de loi de finances initiale.

Or, au moment où je parle, nous ne disposons toujours pas de ce jaune budgétaire. Nous sommes pourtant le 12 avril ! Ce n'est pas normal.

Ce sujet constitue quasiment une question d'actualité puisque, comme chaque année à peu près à cette époque, la liste de ceux que la France considère comme des territoires non coopératifs - complémentaire de la liste issue du travail du Forum mondial de l'OCDE - est parue - ce matin - au Journal officiel.

Or, lorsque l'on examine cette liste, il est bien difficile de comprendre les choix opérés : d'une part, on ne dispose pas de l'information contenue dans l'annexe budgétaire que j'évoquais, alors qu'elle constitue un outil important ; d'autre part, les pays qui ont été radiés de la liste, outre Panama - nous avions compris qu'il s'agissait là, pour le Gouvernement, d'une urgence absolue - ne sont pas sans soulever quelques interrogations.

Vous avez indiqué tout à l'heure, dans votre propos liminaire, que la signature des conventions fiscales n'est qu'une première étape, devant être suivie d'effets concrets.

Or, je constate que le Costa Rica a été retiré de la liste française alors que, pas plus tard que le 5 avril 2012, c'est-à-dire la semaine dernière, le Forum mondial ne l'a pas admis à passer en phase 2, ayant estimé que « son droit interne risque de faire obstacle à l'efficacité de ses échanges de renseignements ». Je ne comprends donc pas le choix fait par la France.

Le Gouvernement a également retiré de la liste Belize, Dominique, Grenade, les Îles Cook, le Liberia, Saint-Vincent et les Grenadines et Oman, qui n'ont pas encore été évalués par le Forum.

Je veux donc comprendre les méthodes de travail de la direction de la législation fiscale, la DLF, qui lui permettent de juger si le pays concerné est doté d'une capacité normative. Je rappelle que, en séance publique, la majorité sénatoriale a unanimement rejeté la ratification de la convention avec le Panama parce que nous avons jugé - comme le Forum, du reste - que, malgré la volonté de ses dirigeants, ce dernier n'avait pas la capacité normative de ne plus être un territoire non coopératif.

Madame la ministre, comment procédez-vous pour établir la liste annuelle ? Vous préoccupez-vous vraiment des effets concrets, comme vous l'avez soutenu tout à l'heure ?

Pour ma part, je peux comprendre qu'il y ait, pour le Gouvernement français, des intérêts de nature économique ou diplomatique, à retirer un pays de la liste ou au contraire à l'y ajouter. Mais, faute d'information, le Parlement n'a pas la capacité de juger, de comprendre les choix opérés pour établir la liste.

Il est vraiment important que nous puissions comprendre les raisons pour lesquelles le Gouvernement décide de retirer ou d'ajouter un pays de la liste. J'aurais, en effet, pu également parler des pays qui y sont ajoutés.

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