Intervention de Daniel Vasseur

Commission d'enquête Concessions autoroutières — Réunion du 2 juillet 2020 à 14h40
Audition conjointe de Mme Annie Podeur présidente de la deuxième chambre de la cour des comptes et de Mm. André Le mer président de section et daniel vasseur conseiller référendaire

Daniel Vasseur, conseiller référendaire :

Dans son rapport de 2013, la Cour émettait des recommandations assez précises sur cette question. Elle souhaitait en quelque sorte protéger l'Etat contre lui-même en préconisant de fixer une doctrine claire et des règles applicables assez strictes. En 2013, la Cour avait suggéré la mise en place d'une procédure interministérielle avec des étapes de rendez-vous associant tous les ministères concernés, et en n'oubliant pas en particulier d'associer le ministère des Finances qui se montre extrêmement rigoureux sur les aspects financiers quand le ministère des Transports donne parfois la priorité à la réalisation des équipements.

D'autres recommandations ont été formulées à l'occasion de ce référé. Objectiver les hypothèses économiques en en confiant l'élaboration à un organisme expert et en fixant une doctrine sur ce qui est compensable ou pas permettrait notamment de placer l'Etat en position de force vis-à-vis des sociétés concessionnaires.

Différentes couches de droit se sont ajoutées au cours des dix dernières années. La Commission européenne a fixé des règles assez claires de suivi de réalisation des travaux et de suivi de leur rentabilité dans le temps qui, à certains égards, étaient relativement révolutionnaires. Les concessions autoroutières sont fondées sur la théorie de la concession aux risques et périls du concessionnaire. Les sociétés ont arrangé les choses en leur faveur, l'Etat ne disposant pas toujours des moyens pour voir ce qui pourrait arriver, y compris au détriment des usagers. Après, plus aucun suivi n'est assuré. Les surcoûts sont supportés par le concessionnaire qui bénéficie en contrepartie des profits et effets d'aubaine liés à la baisse des taux d'intérêt et des gains de productivité non anticipés. En théorie, ce système garantit la recherche de l'efficacité. Cependant, cette efficacité bénéficie à l'usager dès lors que les concessions sont relancées. Dans un premier temps, elle constitue uniquement du profit supplémentaire pour les sociétés concessionnaires.

La Commission européenne a rejeté la théorie française, tenant absolument à ce que des clauses de bonne fortune s'appliquent, que la réalisation des projets soit suivie strictement et que la rentabilité en soit contrôlée de telle manière qu'en raccourcissant la durée de l'allongement ou en revoyant à la baisse les hausses tarifaires, les avantages soient rétrocédés aux usagers. Réduire le pouvoir de négociation représente une solution possible. Les sociétés apprécient avant tout qu'il reste des marges de manoeuvre. Or plus les règles sont définies a priori, plus l'intérêt du contribuable et de l'usager sera bien défendu.

Ces marchandages peuvent en outre conduire à des formes d'inégalité et d'arbitraire entre contribuables, d'une collectivité à une autre ou entre usagers et contribuables. Ces règles ne sont pas purement abstraites. Il s'agit parfois de savoir si tel ouvrage doit être financé par l'usager, dont le service va être amélioré ou par le contribuable local, parce qu'il va avant tout favoriser le développement de l'économie locale. Actuellement, ces sujets donnent lieu à une forme de marchandage alors que l'égalité de l'impôt devant la loi devrait conduire à se demander s'il revient au contribuable ou à l'usager de financer ce projet.

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