Intervention de Patrick Eveno

Commission d'enquête Concentration dans les médias — Réunion du 17 janvier 2022 à 15h35
Audition de M. Patrick Eveno professeur des universités en histoire des médias à l'université paris-i panthéon-sorbonne ancien président du conseil de déontologie journalistique et de médiation cdjm

Patrick Eveno, professeur des universités en histoire des médias à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne, ancien président du Conseil de déontologie journalistique et de médiation :

Je sais bien que les fréquences sont un bien public rare, mais je note qu'il existe des radios d'opinion : Sud Radio, Radio Courtoisie, Radio Libertaire, etc.

S'agissant de la télévision, la loi de 1986 s'explique par son contexte. Mais la distinction entre le pluralisme externe et le pluralisme interne est maintenant dépassée. Le pluralisme externe existe sur internet, sur YouTube, qui abrite de nombreuses chaînes, dont certaines ont plus d'audience que les chaînes classiques et qui se moquent du pluralisme interne et de la diversité d'opinion. Il suffit de consulter les sites egaliteetreconciliation.fr ou fdesouche.com, par exemple, pour s'en convaincre.

Dès lors, pourquoi n'assisterions-nous pas à l'émergence, parmi les chaînes de télévision, d'un bloc de la « réaco-sphère » bolloréenne ? Les chaînes concernées n'ont qu'une faible audience : moins de 4 % pour Europe 1, 2 % pour CNews, 2 % pour C8, etc. Si l'on veut bloquer cette fusion, il faudrait donc prévoir un seuil très bas, mais cela aurait pour effet de dissuader tout nouvel investisseur de s'engager dans la télévision.

Nous sommes à l'heure des Gafam et des réseaux sociaux. C'est pourquoi je propose plutôt de créer, dans le cadre du Media Freedom Act en cours de discussion au niveau européen, un Observatoire européen du pluralisme et de la transparence dans les médias, qui serait adossé à une Fondation européenne pour la liberté des médias. Un observatoire de la déontologie ne suffit pas. Il faut concilier la liberté de la presse et l'économie des médias. Il faut que les actionnaires puissent jouer leur rôle d'actionnaire, comme l'a fait Xavier Niel lorsqu'il a demandé à la rédaction du Monde, contre son avis, mais sans influer sur la ligne éditoriale, de diffuser une matinale par le biais d'une application sur les smartphones - et cela a marché, avec plus de 500 000 abonnés.

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