Intervention de Vincent Bolloré

Commission d'enquête Concentration dans les médias — Réunion du 19 janvier 2022 à 16h45
Audition de M. Vincent Bolloré actionnaire majoritaire du groupe bolloré ancien président du conseil de surveillance de vivendi et du groupe canal+

Vincent Bolloré :

Vous m'interrogiez déjà sur l'intervention il y a cinq ans. Les mêmes histoires se répètent indéfiniment. Maxime Sadaa avait déjà répondu il y a cinq ans concernant le Crédit Mutuel et d'autres histoires de même nature. Ses propos sont accessibles sur internet. Votre commission a en outre récemment reçu le patron des antennes de CNews. Il a assuré que personne n'était jamais intervenu, et en tout cas pas moi. Nous n'avons jamais discuté.

Ce hiatus sur les questions d'interventionnisme découle du fait que Canal était à l'époque en grande difficulté, perdant 400 à 500 millions d'euros par an. Vivendi était essentiellement contrôlé par des fonds américains qui n'avaient aucun intérêt à renflouer le groupe. Il a malheureusement fallu faire des économies. J'ai été envoyé pour m'en charger. J'ai alors été le bouc émissaire. Évidemment, quand vous cherchez à faire des économies, les gens préfèrent dire « c'est affreux, il intervient dans les contenus », sans en apporter aucun élément.

Pierre Lescure lui-même indiquait récemment que par le passé, Canal envoyait 500 personnes à Cannes pendant 15 jours pour le festival, pour 2000 euros par jour, soit 15 millions d'euros. Il fallait remonter 400 millions d'euros.

Tout ceci est donc venu du fait que nous devions faire des économies.

Vous avez évoqué I-Télé, qui a englouti 400 millions d'euros au cours de son existence. Il fallait y mettre fin.

Nous n'avons pas détruit de rédactions. Nous avons construit. En arrivant chez Canal, j'ai d'ailleurs indiqué que je n'étais pas la cause de leurs problèmes, mais leur conséquence, et peut-être leur solution. Aujourd'hui, les 8 000 collaborateurs continuent à travailler. Vivendi et Canal, c'est 300 millions d'obligations cinéma et audiovisuelles chaque année, et 500 millions d'euros investis dans le cinéma français et européen, 75 millions d'euros de redevance aux sociétés d'auteurs, 2,5 milliards d'euros d'impôts payés entre 2017 et 2021. C'est ce qui importe. À l'époque, j'avais employé le terme de « paratonnerre ». Je l'assume volontiers. Canal a réussi à se sortir de toutes ces questions, et est parvenu à s'internationaliser. À la différence de ses collègues français, le groupe Vivendi-Canal a réussi à se développer à l'international. Ses chiffres dans les différents métiers montrent d'ailleurs que l'essentiel est fait en permettant aux artistes extérieurs de rayonner.

En effet, nous ne produisons pas de brosses à dents. Les créateurs de contenus chez Havas, Canal ou dans l'édition sont extraordinairement sensibles par nature. Ma mère a été lectrice chez Gallimard pendant cinquante ans, et ramenait toujours des manuscrits à la maison. J'ai eu la chance de rencontrer des tas d'auteurs. Je sais ce que sont les journalistes et les créatifs. Nous n'avons pas détruit. Nous avons reconstruit. Aujourd'hui, nous comptons 120 ou 130 journalistes disposant de cartes de presse chez CNews.

Faire des économies est pénible. Perdre ce qui faisait votre monopole, votre richesse, n'est pas agréable. Face à ces situations, deux solutions s'offrent à vous : se laisser aller et faire faillite, ou reprendre, choisir des gens, les pousser à travailler ensemble, essayer de rayonner à l'international, où vous vous frottez aux concurrents réels, et vous donner les moyens d'avancer sur le long terme.

Notre groupe a réussi à se redresser. Je persiste pourtant à dire qu'il est encore petit. Il n'en reste pas moins qu'il n'y a aucune idéologie politique.

Vous avez parlé de la Libération. J'ai toujours affirmé être démocrate-chrétien. Outre ce fait, mon ADN est la liberté. Mon père était dans la résistance. Le 6 juin 1944, deux membres de ma famille figuraient parmi les 177 Français lors du débarquement. Ma grand-mère était au service action pendant des dizaines d'années, en particulier durant la guerre. J'ai un autre oncle dans Normandie-Niemen. Mon ADN montre que j'aime passionnément mon pays et la démocratie. Il me semble un peu facile de ressortir des histoires - à propos desquelles les personnes adéquates vous ont d'ailleurs répondu. Vous réentendrez prochainement Maxime Saada, et avez récemment auditionné Thomas Bauder. M. Vire, que je ne connais pas, a lui-même indiqué que je n'étais jamais intervenu.

Concentrons-nous sur la réalité des faits. Vivendi sera peut-être capable de faire rayonner la culture française et européenne dans le monde. Je crois que le rayonnement, l'aide aux créateurs, le soutien aux journalistes et aux dirigeants sont compatibles avec la réussite économique. Personnellement, je laisserai ma place aux équipes dont j'ai parlé plus tôt lorsque nous fêterons le bicentenaire du groupe.

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