Intervention de Vincent Bolloré

Commission d'enquête Concentration dans les médias — Réunion du 19 janvier 2022 à 16h45
Audition de M. Vincent Bolloré actionnaire majoritaire du groupe bolloré ancien président du conseil de surveillance de vivendi et du groupe canal+

Vincent Bolloré :

Des gens effrayés partent. D'autres, contents, arrivent. Il en va de même dans la vie, dans les partis politiques, à la Chambre. Nous n'avons pas détruit des rédactions pour nous retrouver face à un champ de ruine. Nous avons reconstruit, avec des gens qui en avaient envie. Certains peuvent ne pas souhaiter travailler avec les équipes que j'ai mises en place, pour différentes raisons. C'est leur droit. Je ne peux toutefois pas dire que nous avons fait partir des gens sans préciser qu'un nombre supérieur de journalistes est revenu.

Permettez-moi ensuite de vous donner un exemple très parlant de concentration horizontale. Aux États-Unis, Hachette et Editis étaient trop petits pour acheter les éditions Simon & Schuster. Ils auraient pu le faire ensemble, mais c'est finalement Bertelsmann qui l'a racheté. Même si Hachette et Editis se mariaient, ce qui n'arriverait pas sans que des mesures soient prises en France, nous ne serions encore que les troisièmes, loin derrière les premiers en termes de valeur et de profitabilité.

Il est sans doute encore plus intéressant d'évoquer la concentration verticale, dont le groupe Disney est un bon exemple. Personne ne demande d'interdire d'envoyer Blanche Neige ou Peter Pan à Eurodisney. La stratégie de ces groupes vise à faire un peu de tout à 360 degrés. Ils trouvent un personnage - ici, Mickey -, ils créent un journal, des dessins animés, des clubs et villages de loisir. Lorsque les personnages deviennent un peu désuets, ils réalisent des films avec des acteurs plus épicés. Ensuite, ils se tournent vers Marvel et les superhéros. À la fin, tout fonctionne ensemble. C'est le fameux soft power américain. Les Asiatiques en font de même.

Je ne voudrai pas vous laisser l'impression que nous allons lancer une grande machine. Pour que des créatifs restent avec vous, ils doivent être appréciés. Pour qu'un auteur écrive son livre, soit heureux et reste chez vous, vous devez lui donner un cadre personnel. Ce ne sont pas de grandes machines, mais au contraire des alliances faites sur mesure. Prenons l'exemple d'Alex Lutz, ayant commencé sa carrière en tant que speakerine dans des petits programmes de Canal. Il est aujourd'hui l'un des plus grands acteurs, connu à l'international. Angèle est elle aussi désormais connue à l'étranger. Mes successeurs, s'ils en ont l'envie et la possibilité, ont la grande chance de pouvoir prendre ces Français peu ou pas connus, et de les projeter dans le monde entier.

Dans le monde de l'édition, à l'exception de quelques personnes gagnant beaucoup d'argent, les auteurs ne s'en sortent pas avec leurs droits d'auteur. Un groupe capable de proposer à un auteur français de traduire son oeuvre à l'étranger, de l'adapter en série ou en plus petits éléments digitaux pour les passer sur Dailymotion, Canal ou autre, me semble être un sujet passionnant pour ce fameux softpower, qui reste très important pour la France.

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