Avec le rapporteur, David Assouline, nous avons souhaité consacrer une table ronde aux nouveaux médias, qui ont été créés dans des circonstances certes diverses, mais qui témoignent tous, à leur manière, du dynamisme de la presse dans notre pays.
Monsieur Edwy Plenel, vous avez été directeur de la rédaction du quotidien Le Monde entre 1996 et 2004, puis vous avez fondé le site web d'information Mediapart en 2008 qui se singularise en particulier par son engagement et des investigations au long cours, quelques-unes ayant particulièrement marqué l'actualité politique. Mediapart a inauguré le concept d'un site d'information payant, alors que la gratuité était à l'époque le modèle dominant. Vous revendiquez aujourd'hui près de 220 000 abonnés et votre pari économique semble gagné, puisque votre parution dégage des bénéfices. Je précise que, à partir de l'été 2019, Mediapart a changé sa structure de gouvernance afin que la totalité des parts du média soit détenue par un fonds à but non lucratif. Vous pourrez peut-être nous dire un mot de votre modèle de développement.
Monsieur Éric Fottorino, vous avez dirigé la rédaction du Monde de 2007 à 2011, soit quelques années après M. Plenel. Votre départ a été particulièrement commenté, et vous l'avez évoqué dans votre ouvrage paru en 2012 et intitulé Mon tour du « Monde ». Depuis cette date, vous n'êtes pas resté inactif, puisque vous avez notamment fondé l'hebdomadaire à succès Le 1, ainsi que des trimestriels comme America, dont la parution s'est achevée en août 2020, ou Zadig. Ces deux dernières publications ont inauguré en France les « mook », un objet éditorial à mi-chemin entre le livre et la publication de presse.
Monsieur Nicolas Beytout, vous avez dirigé les rédactions des Échos entre 1996 et 2004 et du Figaro entre 2004 et 2007. Vous avez également été président du groupe de médias de LVMH de 2007 à 2011. En 2013, vous avez créé le quotidien L'Opinion, à propos duquel vous aviez alors dit : « La ligne éditoriale de mon journal sera libérale, probusiness et proeuropéenne. » Le capital de votre journal n'est pas officiellement connu, vous pourrez peut-être nous en parler. En 2019, vous avez racheté L'Agefi. En plus de votre regard sur la concentration des médias, vous pourrez nous éclairer sur le modèle économique qui est le vôtre.
Madame Isabelle Roberts, vous êtes présidente du site web d'information Les Jours. Ce site, qui a été créé par des anciens du journal Libération en 2016, repose sur un modèle d'abonnement. Votre particularité éditoriale consiste à traiter les sujets sous forme de feuilleton, que vous dénommez « Obsessions ». Vous consacrez depuis cinq ans une de ces « Obsessions » à Vincent Bolloré, que nous avons auditionné mercredi dernier, dans une série intitulée « L'Empire », qui compte plus de 170 épisodes à ce jour. En plus des conditions de développement propres à votre média, vous pourrez peut-être nous apporter quelques informations sur ce sujet.
Nous vous remercions tous les quatre d'avoir pu vous rendre disponibles. Nous nous interrogeons en particulier sur deux points.
D'une part, les opérations de concentration sont souvent présentées comme indispensables à l'avenir de la presse par l'assise économique qu'elles offrent pour répondre aux enjeux concurrentiels et de transformation numérique. Or vous apportez la démonstration que des modèles alternatifs et indépendants peuvent voir le jour.
D'autre part, nous sommes attentifs aux garanties d'indépendance des rédactions. Sont-elles aujourd'hui suffisantes ? Peut-on les renforcer sans mettre en péril l'équilibre économique ?
Cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat. Elle fera également l'objet d'un compte rendu qui sera publié.
Enfin, je rappelle, pour la forme, qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous précise également qu'il vous appartient, le cas échéant, d'indiquer vos éventuels liens d'intérêts ou conflits d'intérêts en relation avec l'objet de la commission d'enquête.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Edwy Plenel, M. Éric Fottorino, M. Nicolas Beytout et Mme Isabelle Roberts prêtent successivement serment.