Le côté hétérogène de cette table ronde est une bonne occasion d'avoir un débat qui vous éclaire, mesdames et messieurs les sénateurs.
Nous avons entendu que la concentration était nécessaire pour avoir des champions nationaux. Nous, nous défendons un idéal démocratique, qui est professionnel et qui ne dépend pas d'un drapeau ou d'une identité nationale. On a évoqué Coty, en clair la presse vénale qui a accompagné l'extrême droite et le basculement de la France dans la collaboration avec Vichy.
La question de la concentration et des grands groupes est avant tout celle du pluralisme et de la diversité. Les champions doivent avant tout être démocratiques et professionnels, avec une presse aussi respectée que le sont The Guardian et le New York Times. Des champions professionnels ne donneraient pas le spectacle actuel d'une information polluée par les opinions. Selon nous, les vérités doivent être au coeur et éclairer le débat public. Ce n'est pas le déluge des opinions pour tuer l'information.
C'est ce que nous voulons illustrer avec Mediapart : nous publions chaque année tous nos comptes, au centime près. Nous avons plus de 200 000 abonnés payants, avec une audience de 4,5 à 5 millions de personnes. En 2021, nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 22 millions d'euros, pour un résultat net de 4 millions d'euros, soit 18 %, sans aucune manne, ni subvention publique ni actionnaire privé. C'est la voie du sursaut, il n'y en a pas d'autre. Mais pour que ce sursaut ait lieu, il faut un écosystème sain.
Je le redis, le plaidoyer pour des champions français détruit la valeur et la confiance. Demandez les chiffres d'un journal économique, La Tribune, et comment il a été détruit par Bernard Arnault et LVMH. M. Bernard Arnault est peut-être un industriel spécialiste du luxe, mais dans la presse, il ne sait pas faire, il ne sait que détruire de la valeur. Moi, je suis un patron de presse, je crée de la valeur. Mediapart, c'est 120 emplois, contre 25 à l'origine. Notre entreprise est profitable. Comment les élus de la Nation que vous êtes peuvent-ils justifier que la troisième, voire la deuxième fortune mondiale, et en tout cas la première fortune européenne, soit le premier bénéficiaire d'argent public dans la presse ?