Intervention de Pascale Magdelaine

Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe — Réunion du 11 avril 2013 : 1ère réunion
Audition de mmes anne richard directrice générale et pascale magdelaine responsable des observatoires économiques avicoles de l'institut technique de l'aviculture

Pascale Magdelaine, responsable des observatoires économiques avicoles :

La production mondiale de volaille a connu une hausse de 4 % ces dernières années et le volume des échanges a lui aussi augmenté. Le Brésil et les États-Unis sont les leaders sur les marchés mondiaux. Le Brésil, qui n'exportait pratiquement pas de volaille avant l'an 2000, exporte désormais 35 % de sa production, essentiellement des produits congelés et beaucoup de découpe. Les États-Unis quant à eux exportent les morceaux de volaille qu'ils ne consomment pas, notamment des cuisses et des pattes, qu'ils vendent à bas prix, ce qui explique que leurs exportations aient une valeur deux fois inférieure à celle des Brésiliens pour un tonnage équivalent.

10 % des volailles françaises importées proviennent de pays hors Union européenne et 90 % de pays de l'Union. La grande majorité des importations françaises sont très sécurisées car les importateurs français définissent des cahiers des charges précis avec leurs fournisseurs et établissent des audits sur place dans ces pays. Mais il existe aussi un autre marché où interviennent des traders et ce marché est beaucoup moins transparent.

En 1994, les pays de l'Union européenne représentaient marché de 20 % des volumes sur le marché mondial de la volaille. Leur part n'est plus que de 10 % en 2013. Certains grands pays producteurs aujourd'hui, comme le Brésil, bénéficient d'un approvisionnement bon marché en maïs et en soja. De plus, le coût de leur main d'oeuvre est beaucoup plus bas qu'en Europe : il en résulte que le surcoût de la production de poulet en France par rapport au Brésil est de 48 %. Par ailleurs, la baisse des tarifs douaniers et la baisse des restitutions aux exportations prévues par les accords de Marrakech de 1994 ont clairement pénalisé les exportations européennes sur le marché mondial. Or 20 à 25 % de la production française de volaille est exportée grâce au système des restitutions. Ainsi, le marché Proche et Moyen-Orient, en forte croissance, est aujourd'hui contrôlé à 80 % par les Brésiliens alors que les Européens en contrôlaient 50 % en 2000. Si les restitutions disparaissent complètement, nous devrons nous résoudre à abandonner les 20 % restant de ce marché aux Brésiliens.

La perte de compétitivité française dans le secteur de la volaille est surtout très nette vis-à-vis de nos partenaires européens, puisque la production allemande a presque triplé ces dernières années. La balance commerciale française du poulet est passée d'un excédent de 100 000 tonnes en 1997 à un déficit de 300 000 tonnes. Nos exportations ont baissé et 44 % de notre consommation est importée à 45 % aujourd'hui contre 10 % en 1990. Quasiment la moitié du poulet standard consommé en France est donc importé, à 90 % en permanence d'Europe !

Le problème de la compétitivité française est vraiment un problème intra-européen car nous sommes beaucoup moins compétitifs que les Allemands, les Néerlandais et les Belges. Ces difficultés peuvent s'expliquer par plusieurs facteurs : un environnement réglementaire particulièrement lourd - notamment la fiscalité -, une application trop rigoureuse des normes européennes en matière environnementale, des délais administratifs trop importants, un coût du travail élevé par rapport à l'Allemagne, qui n'hésite pas à utiliser des salariés des pays de l'Est dans ses abattoirs...

Je crois qu'aujourd'hui la question décisive posée à la filière est la suivante : les producteurs vont-ils totalement abandonner la production du poulet standard pour se concentrer sur les poulets labellisés ? Cette question, nous l'avons posée à la fois aux professionnels de la filière mais aussi aux associations de consommateurs, aux associations environnementales et aux associations de protection animale. Il est indispensable de faire des choix : il est difficile de consentir de trop gros efforts en matière de protection de l'environnement et de bien-être animal et d'être en même temps compétitif sur le poulet d'entrée de gamme.

Il serait aussi vraiment nécessaire d'augmenter la taille des élevages. Pour être pleinement efficaces, les élevages devraient comprendre environ 10 000 poulets. De trop petites unités de production ne peuvent être rentables si on exige qu'elles soient pleinement mises aux normes actuelles.

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