Nous recevons dans le cadre de la mission les syndicats agricoles. Aujourd'hui, il s'agit de la Coordination rurale.
Nous souhaitons recueillir votre avis sur l'état de la filière viande mais aussi sur certains points précis comme la question des circuits courts ou celle des niches comme le bio ou les produits de qualité comme les veaux de lait élevés sous la mère.
Je vous remercie de nous recevoir. En tant vice-président de la Coordination rurale, j'ai une approche généraliste de la filière viande.
Je suis installé en société avec mes trois frères dans l'Orne, où j'ai une activité de naisseur et d'engraisseur de jeunes bovins. Nous avons un troupeau de 200 vaches allaitantes de deux races différentes, charolaises et salers. Nous avons fait le choix d'exploiter deux races en raison de la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs, dont certains se tournent de ce fait plus facilement vers les salers. Nous avons également un atelier d'engraissement de jeunes bovins que nous exportons vers l'Italie et la Grèce. Nous produisons annuellement de 800 à 900 bovins. Notre exploitation, qui représente 460 hectares dont 280 hectares de prairie, comprend également un site de méthanisation et des panneaux photovoltaïques.
Nous ne sommes pas totalement autonomes - une autonomie complète serait de toute façon impossible à atteindre. La dépendance de notre exploitation concerne principalement les protéines. Par ailleurs, dans la mesure où nous avons un troupeau important de mères allaitantes, la production d'herbe mobilise une part importante de la surface de notre exploitation.
Nous remarquons qu'il nous faut augmenter notre production pour diminuer nos coûts de production. Le coût du matériel est de plus en plus important : le prix des round ballers a ainsi augmenté de 60 % en six ans. Puisque les prix de reprise ne suivent pas cette augmentation, nous n'avons pas d'autre choix que de produire davantage. Le problème est cependant qu'une telle augmentation accroît d'autant nos risques de pertes.
Sur la méthanisation, les producteurs allemands ont une longueur d'avance sur nous. La méthanisation apporte un complément de revenu pour mon exploitation. Nous avons opté pour une méthanisation individuelle, alors que des opérateurs financiers sont largement présents dans les groupes de méthanisation et spolient parfois plus ou moins les agriculteurs de ce qui devrait leur revenir. Une dérive se prépare aujourd'hui dans ce domaine.
Le prix de reprise de notre production de viande se situe en-deçà de nos coûts de production. Selon l'Observatoire des prix et des marges, pour un coût de production de 4,55 euros pour un jeune bovin R+3 - hors main-d'oeuvre, dont le coût s'établit à 1,12 euros -, notre prix de reprise est de 3,94 euros. Ce prix de reprise tient compte des 8 centimes de coût de transport facturés à l'agriculteur ; ce coût est en réalité variable et peut atteindre 12 à 14 centimes.
L'Observatoire des prix et des marges fait un excellent travail dans un domaine où l'information statistique partait de zéro. Les études qu'il réalise sur les coûts de production sont précises et exactes. Nous nous appuyons d'ailleurs sur ces travaux lorsque nous communiquons des chiffres. C'est pourquoi nous avons été très surpris d'entendre récemment le ministre chargé de l'agriculture donner à l'Assemblée nationale un prix du lait erroné.
Les informations issues de l'observatoire présentent néanmoins un biais s'agissant du prix à la distribution de la viande rouge. Les prix indiqués prennent en effet en compte le prix moyen de viandes de toutes origines, parmi lesquelles se trouvent des produits importés dont les coûts de production sont moins élevés que les nôtres. On compare donc des coûts de production nationaux avec des prix de vente de produits importés, ce qui n'a pas de sens.
La grande distribution, en s'appuyant sur les chiffres de l'Observatoire des prix et des marges, nous a indiqué que son rayon boucherie était déficitaire. Qu'en pensez-vous ?
Ce problème se pose aussi sur le rayon fruits et légumes de la grande distribution. Il faut préciser qu'à côté de ces chiffres déficitaires, les comptes de la grande distribution comprennent une ligne très importante de frais généraux non affectés, sur laquelle un certain nombre de marges peuvent être passées. Si la grande distribution ne peut pas faire de bénéfices sur son rayon boucherie, comment fonctionnent alors les magasins qui ne font que des produits frais ? L'Observatoire des prix et des marges a des moyens limités et n'a pas pu encore examiner tous ces éléments ; mais on devrait pouvoir éclairer certaines zones d'ombre. On peut en tous cas questionner la bonne volonté de la grande distribution lorsqu'elle doit faire preuve de transparence.
Afin de réduire les marges des intermédiaires, ne serait-il pas possible, à titre expérimental, d'associer les consommateurs à cette démarche en indiquant sur les emballages à la fois le prix payé par le consommateur et le prix qui revient au producteur ? Une telle expérimentation pourrait permettre une vraie prise de conscience de la part des consommateurs.
Je vous rappelle que l'Observatoire des prix et des marges est une structure légère, qui, certes, accomplit un travail considérable, mais à laquelle on ne peut pas adresser de demandes trop importantes.
Par ailleurs, il faut signaler que cet observatoire ne s'intéresse pas aux céréales, qui sont pourtant une matière première de base dans la production agricole, et ne travaille que sur la farine. La restauration hors domicile ne rentre pas non plus dans le champ de ses études. Malgré ses imperfections, je vous invite cependant à soutenir cet observatoire qui constitue un outil d'analyse très important.
L'observatoire des prix et des marges a mis en évidence le fait que la grande distribution gaspille davantage de viande qu'un boucher traditionnel. La diminution des pertes, qui est d'ailleurs en réalité supportée par les producteurs, constitue une piste pour améliorer la rentabilité des rayons boucherie de la grande distribution.
Une autre piste pourrait être celle de la valorisation du cinquième quartier, sur lequel nous perdons de l'argent. En Allemagne, celui-ci permet de couvrir les frais d'abattage et rapporte même parfois de l'argent au producteur.
En France, nous avons tendance à durcir les réglementations applicables au niveau européen, à « laver plus blanc que blanc »...
La mise en place de la traçabilité a coûté très cher. Elle a cependant permis d'augmenter le prix de vente de la viande.
La loi Galland interdit la vente à perte mais ne s'applique pas aux produits agricoles. Nous voulons que les prix de reprise de nos bêtes ne puissent pas être en-dessous de nos coûts de production. Il reviendrait peut-être à une loi sur l'agriculture de prévoir un tel mécanisme.
Nous recevrons prochainement M. Philippe Chalmin, Président de l'Observatoire des prix et des marges, qui pourra nous éclairer sur le fonctionnement de l'Observatoire. Pouvez-vous nous parler plus précisément de vos coûts de production, pour l'élevage bovin comme pour les autres types de viande ?
Un problème englobe l'ensemble des autres : la politique agricole menée depuis des décennies a créé deux types de marché. Le marché mondial de la céréale, donc de la matière première qui nourrit les animaux, est aujourd'hui devenu artificiel et spéculatif, décorrélé des coûts de production. D'un autre côté, le marché de la viande, dont la production est issue de ces céréales, est gouverné par l'impératif de compétitivité économique avec une règle du jeu particulièrement dure. C'est là que réside le problème majeur de l'agriculture aujourd'hui. Nous ne faisons qu'essayer de remédier ponctuellement aux symptômes sans nous attaquer aux causes. Or, les éleveurs, dont le métier est de faire naître, d'engraisser et de soigner des animaux, n'ont pas la culture de la compétitivité.
Le scandale de la viande de cheval est lié à l'organisation du système de coopération, et constitue une bonne illustration de ces travers. Le système coopératif est éclaboussé par l'affaire Spanghero. Cette entreprise est en effet une filiale de la coopérative Lur Berry, qui fait partie de Coop de France, et l'entreprise luxembourgeoise Comigel, qui produit dans un pays qui ne se caractérise pas par sa particulière transparence est en partie financée par Unigrains. C'est donc l'organisation de l'agriculture elle-même, sa concentration, qui a produit ce système aberrant. Un petit boucher n'a aucune raison de maquiller en boeuf de la viande de cheval pour gagner quelques euros de plus. Mais dans un système concentré - et cela vaut pour l'ensemble des secteurs de l'économie - la multiplication de ce type de petits profits permet de maximiser les gains. En raison du développement insidieux de la concentration, on peut se demander combien d'acteurs demeureront dans l'agriculture dans une vingtaine d'années. Peut-être n'y aura-t-il plus qu'une seule multinationale qui nourrira l'ensemble du monde ?
Je voudrais évoquer aussi la question des normes en matière de nitrates, qui constitue une énorme difficulté pour les éleveurs conduisant certains à arrêter leur activité et se convertir à la production de céréales. Les éleveurs n'ont pas le sentiment d'être les pollueurs que l'on présente et ne comprennent pas les normes drastiques qu'on leur impose. Les éleveurs brésiliens et argentins, avec lesquels nous sommes en concurrence, ne sont pas soumis à une telle pression normative.
On peut s'interroger sur la validité de la norme de 50 milligrammes de nitrates par litre d'eau au maximum. Une enquête parue en octobre 2012 dans le magazine Science et vie, qu'a complétée un article paru en mars dernier dans La France agricole, indique que le seul effet reconnu des nitrates sur l'organisme au plan médical est leur caractère indispensable au fonctionnement de celui-ci. Les scientifiques, notamment anglo-saxons, reconnaissent que les nitrates ont un effet bénéfique sur la santé, au plan digestif comme au plan cardio-vasculaire. La recherche se concentre aujourd'hui davantage sur les apports encore méconnus des nitrates à l'organisme que sur leurs effets nocifs. On comprend donc mal les obligations imposées aux agriculteurs, qui sont particulièrement coûteuses, et les inquiétudes infligées aux consommateurs. Augmenter le seuil maximal autorisé en matière de nitrates de 50 à 70 milligrammes par litres suffirait à soulager les éleveurs sans pour autant présenter un danger pour la santé publique. De la même façon, les termes du débat sur les algues vertes mériteraient d'être reposés.
Je suis conscient qu'il s'agit d'un sujet particulièrement délicat, tant nous avons pris l'habitude de présenter l'agriculture comme fautive sur la question des nitrates. Heureusement, certaines personnes sont conscientes de la nécessité de remettre nos dogmes en question, car il faudra répondre de l'inaction en cette matière dans quelques années. La directive européenne applicable contenant une clause de révision en fonction des avancées scientifiques, nous avons entrepris d'interpeller la Commission européenne sur ce point.
J'aimerais maintenant aborder la question de la répartition des élevages sur le territoire. Si dans le Grand Ouest, zone principalement céréalière, le mouvement de végétalisation déjà amorcé se poursuit, les productions laitières et de viande bovine vont être progressivement abandonnées.
La production est également menacée par la pyramide des âges. 60 % du cheptel allaitant français est détenu par des éleveurs de plus de 55 ans et le renouvellement des générations n'est pas assuré dans la filière viande.
Par ailleurs, même si les éleveurs ne parviennent pas à vivre de leur production, nous nous apercevons que le monde de l'argent a un oeil sur nous. Nous courons aujourd'hui le risque, sous prétexte d'être sauvés par certaines entreprises financières, de nous voir dépossédé de nos instruments de production.
Aujourd'hui, nous ne maîtrisons plus le fonctionnement de l'outil coopératif, que nous avons pourtant nous-mêmes développé : la concentration des voix - il n'est pas rare que certains membres représentent 1 000 voix - constitue un grave danger. Il est indispensable de restaurer le principe « un coopérateur égale une voix » afin que nous puissions diriger nos propres structures. Autre dérive de l'outil coopératif, certaines structures qui se développent et deviennent de plus en plus importantes menacent de faire mourir les petites coopératives. Alors que ces dernières continuent à se placer au service des producteurs, certaines coopératives importantes qui ont investi dans le secteur de la transformation sont partagées entre la défense des producteurs et celle des transformateurs.
Le cas de l'entreprise Gad en Bretagne, qui a été condamné avec d'autres par l'Autorité de la concurrence pour avoir artificiellement engorgé ses abattoirs dans le but de faire baisser le prix du porc alors même qu'il est majoritairement détenu par un groupement de producteurs, est à cet égard tout à fait symptomatique.
Un Haut conseil de la coopération avait été mis en place mais ne fonctionne pas bien. Nous demandons qu'il soit au moins ouvert aux organisations syndicales agricoles minoritaires, afin que ceux qui ont perdu leur représentation au sein ces énormes structures puissent faire entendre leur voix dans cette enceinte.
Le gouvernement prépare un texte sur l'économie sociale et solidaire qui pourrait peut-être répondre à cette demande.
Il faut tout de même souligner qu'un excellent éleveur peut faire un très mauvais gestionnaire. Les dirigeants de Lur Berry étaient-ils à leur place ?
Lorsqu'un éleveur est à la tête d'un groupe comme Lur Berri, ce n'est en réalité pas lui qui dirige : il s'entoure de diplômés de grandes écoles qui prennent en charge la gestion de l'entreprise.
Le problème de la coopération réside dans la taille des structures. Afin que les producteurs puissent rester au plus près de la gestion et de la décision, une vraie réforme doit être entreprise sur ce point. Une coopérative n'est pas censée rassembler l'ensemble des maillons d'une filière. Les avantages fiscaux doivent être réservés aux vraies coopératives, dont la qualité doit être appréciée en fonction de considérations de lien au territoire et au regard du chiffre d'affaires. Même Coop de France a des lobbyistes auprès des pouvoirs publics ; il est plus facile à ces structures de faire entendre de leur voix qu'à un producteur isolé. Mais pourquoi est-il nécessaire de faire du lobbying lorsqu'on produit une matière première indispensable à tous ?
Nous entendons votre constat. Cependant, dans le contexte de la mondialisation, il devient nécessaire pour l'ensemble des acteurs économiques de se regrouper pour peser sur les marchés. Quelles sont donc vos propositions ?
L'impératif de compétitivité économique ne fait pas partie du langage de l'élevage. Une vache ne comprend pas qu'elle doit être compétitive sur le plan économique !
Évidemment, mais on ne peut pas nier qu'il existe des produits venant de Nouvelle-Zélande ou d'ailleurs, bien moins chers que les produits français. On ne peut pas empêcher la grande distribution de se procurer la viande la moins chère ni les consommateurs d'acheter ce type de produits.
Mais pourquoi laisse-t-on entrer ces produits sur notre territoire ? Nous sommes mis en concurrence avec les éleveurs néo-zélandais, qui ont des coûts de production très faibles. La réponse à ce problème doit être d'ordre politique. Il nous faut décider quelle agriculture nous voulons et nous donner les moyens d'atteindre cet objectif. Il est toujours possible d'instaurer des droits de douane sur les produits importés.
Un éleveur néo-zélandais qui emploie 4 bergers pour 10 000 moutons ne peut pas être mis sur le même plan qu'un éleveur français, qui avec 300 brebis mères dépasse parfois sa capacité de travail. Au-delà de ces questions politiques que nous ne pouvons régler dans l'immédiat, ne serait-il pas possible d'améliorer la santé économique de nos filières grâce à la promotion des circuits courts et à la préservation des abattoirs de proximité ?
Nous avons toujours défendu la mise en place et la promotion des circuits courts, et nous nous battons pour conserver nos abattoirs de proximité.
Le fonctionnement des circuits courts n'est cependant pas exempt de difficultés. Véronique Le Floc'h, une agricultrice bretonne qui transforme elle-même sa viande et son lait et pratique la vente directe du producteur au consommateur, expliquait récemment à l'Assemblée nationale que sa situation était difficile. Dans de nombreux cas, le succès de la viande directe n'est qu'un feu de paille, car les consommateurs, bien que rassurés sur la traçabilité des produits, s'en détournent rapidement : certaines pièces sont difficiles à vendre et le prix des produits est élevé. La vente directe n'est donc pas la solution à l'ensemble de nos problèmes et tous les éleveurs ne peuvent pas se lancer dans ce type d'exploitation. C'est néanmoins une démarche importante dans la mesure où elle contribue à rapprocher le consommateur du producteur.
En outre, la vente directe en viande bovine ou ovine n'est possible que dans la mesure où il existe des abattoirs de proximité, ce qui est de plus en plus rare. Nous avons demandé la mise en place d'abattoirs mobiles, mais on ne peut pas utiliser ce type de dispositifs en France - alors qu'ils sont autorisés dans d'autres pays. Les abattoirs souffrent de la multiplication des normes. Certains peuvent cependant trouver de nouveaux débouchés dans la production de viande halal et ainsi assurer leur survie.
Vous dénoncez la concentration, qui est selon vous préjudiciable à la filière viande, mais vous nous expliquez en même temps que les filières de proximité sont difficiles à mettre en oeuvre et que leur structuration est particulièrement complexe. Ne pourrait-on pas dépasser cette aporie en promouvant les filières courtes au plan national ? Par ailleurs, pouvez-vous développer la question de cet abattoir qui a assuré sa survie en travaillant pour la filière halal ?
Les filières de proximité constituent une niche et ne peuvent concerner que de faibles volumes de production. Elles ne peuvent pas assurer la pérennité de l'ensemble de la filière viande. Les abattoirs de proximité souffrent en général d'un manque de volumes pour leur production, dans la mesure où de plus en plus d'éleveurs abandonnent leur activité pour produire des céréales. La mise en place d'une chaîne halal permet cependant d'attirer dans un abattoir des animaux qui, selon la logique géographique, devraient être abattus ailleurs.
Dans l'Orne, un abattoir a résisté grâce à une autre niche, la production de viande bio. Je partage l'idée qu'il est difficile de mettre en place des circuits courts. La création d'une boucherie directement rattachée à une exploitation représente de 80 000 à 100 000 euros d'investissement, entre le financement d'un laboratoire et celui d'un véhicule spécial. En outre, afin d'assurer la pérennité d'une filière de proximité, il devient rapidement nécessaire d'élargir le cercle de distribution de 20 à 40, voire à 60 kilomètres. Certains agriculteurs de mon département se trouvent ainsi obligés de vendre leur production sur les marchés de Paris. Certaines pièces de viande ne peuvent d'ailleurs être vendues dans un réseau de proximité et doivent nécessairement l'être à Rungis. Dans certaines régions touristiques, la niche des circuits courts peut assurer la survie de certaines exploitations. Pour la majorité des éleveurs, elles ne sont donc pas, tout comme la méthanisation, une solution miracle. M. Stéphane Le Foll semble croire que la méthanisation pourrait permettre de résoudre les problèmes de l'agriculture, mais ce n'est pas le cas.
M. Le Foll est plus modeste que cela : il considère seulement que nous sommes très en retard sur ce point par rapport à l'Allemagne, qui a fait un effort considérable de développement de ses sources d'énergie renouvelable.
La situation de la filière laitière française s'explique en partie par le fait qu'elle est en concurrence avec des exploitations allemandes dotées de méthaniseurs qui considèrent le lait comme un sous-produit. Nous n'avons pas développé ce modèle - et il n'est pas certain que ce soit souhaitable.
L'Allemagne compte environ 7 000 méthaniseurs, dont les plus anciens ont été posés il y a douze ans. Au moment où nous avons effectué la mise aux normes de nos exploitations, nous avons négligé d'y installer des méthaniseurs. Le développement des énergies vertes n'était pas alors à l'ordre du jour. Les méthaniseurs allemands sont aujourd'hui amortis, ce qui signifie que les producteurs de lait et de viande peuvent nous concurrencer sur les prix puisque leur exploitation dégage un revenu supplémentaire. L'Allemagne a dopé son agriculture en instaurant un prix de reprise de l'électricité de 21 centimes d'euro par kilowatt. C'est une subvention déguisée à son agriculture qui a aussi pu accroître sa compétitivité face à ses partenaires européens sans que personne ne s'en aperçoive. Là encore, nous avons manqué de réactivité.
L'imitation du modèle allemand a cependant ses limites.
La méthanisation est aujourd'hui très à la mode. Cependant, en tant que président d'un syndicat départemental de l'énergie, je suis beaucoup plus favorable au développement du photovoltaïque. Celui-ci permet en effet un raccordement beaucoup plus simple au réseau d'énergie, dans la mesure où toutes les communes ne sont pas desservies par le réseau de GDF.
La facilité du raccordement au réseau d'énergie dépend du type de structure de méthanisation dont on parle. Les enjeux ne sont pas les mêmes pour une production individuelle, dont la production de 100 à 150 kilowatts d'énergie peut facilement être absorbée par le réseau, que pour un groupe de méthanisation qui peut produire jusqu'à un mégawatt d'énergie et dont la production ne peut être transportée par le réseau. L'Allemagne a commencé par mettre en place des projets de groupe de méthanisation avant de faire marche arrière pour cette raison.
Que proposez-vous pour enrayer la baisse de la consommation de viande rouge ? Des initiatives pourraient-elles prises concernant par exemple l'étiquetage des produits ?
Un système de traçabilité reposant notamment sur des labels a été mis en place pour les viandes les plus chères. La mise en place du logo « Viande bovine française » (VBF) a constitué une belle avancée, mais il n'est pas certain qu'elle soit pleinement exploitée. Peut-être faudrait-il ajouter la mention de la région de production.
Ces étiquettes ne sont pas toujours très lisibles pour le consommateur.
Il pourrait être intéressant que le consommateur connaisse le prix brut de la viande qu'il achète. Mais nous butons toujours sur le problème de la lisibilité des étiquettes, d'autant plus que les consommateurs font leurs courses de plus en plus rapidement. Cette exigence de rapidité entre en contradiction avec la logique des circuits courts, dont l'organisation logistique prend du temps. Ces circuits demandent un très fort investissement aux agriculteurs, qui doivent développer un second métier et un second savoir-faire, et qui deviennent parfois davantage commerçants que producteurs. Nous ne sommes pas opposés au développement des circuits courts, et nous sommes ravis de constater la réussite de certains agriculteurs, qui contribue à rapprocher les producteurs des consommateurs. Mais il faut réaliser que ces filières de proximité exigent un effort très important de la part des agriculteurs.
Le développement des circuits courts risque de faire disparaître les petits bouchers de campagne. C'est l'amélioration du prix de reprise qui doit permettre à nos fermes de résister, et non notre tentative d'exercer le métier des autres.
J'aimerais maintenant aborder la question des organisations de producteurs non commerciales (OPNC). Selon le lobbying des coopératives de Coop de France, les OPNC présentent tous les défauts imaginables. Pour nous, elles constituent un moyen de maintenir une dimension humaine dans le négoce d'animaux, dans lequel les marchands de bestiaux jouent un rôle important qu'il est nécessaire de préserver.
A propos du fonctionnement de la coopération, nous n'avons pas abordé la question du renouvellement des conseils d'administration. Le renouvellement de ces conseils s'opère par tiers ; bien souvent, ce tiers est désigné par avance et les personnes méritantes mais qui ne suivent pas nécessairement l'avis majoritaire n'ont aucune chance d'être élues. C'est là encore une marque de la dérive du système de la coopération.
Avant de terminer cet entretien, j'aimerais balayer les quelques points que nous n'avons pas eu le temps d'aborder.
Nous défendons la libéralisation de la vente de céréales aux producteurs. La vente directe de céréales du producteur à l'éleveur, sans passage par un intermédiaire, est en principe interdite. Malgré les nombreux amendements que nous avons déposés sur différents textes de loi, une telle libéralisation a toujours été refusée - notamment sous l'influence de Coop de France.
L'autonomie alimentaire en ce qui concerne les protéines ne représente pas un enjeu de compétitivité mais une exigence de sécurité alimentaire.
Les perspectives de la filière bio sont sensiblement les mêmes que celles des circuits courts. Cette filière s'adresse en effet à une tranche de consommateurs limitée et son développement n'est pas favorisé dans le contexte de crise économique. Le marché reste timide et les espoirs de débouchés dans la restauration collective publique ont été quelque peu déçus : aujourd'hui, les menus bio ne représentent que 2 % des menus servis par ces structures de restauration.
Nous n'avons pas abordé la question de la déduction pour investissement (DPI), qui a été supprimée cette année pour le matériel agricole. Il faudrait qu'elle demeure pour le cheptel. Mais dans certaines zones, la DPI sert principalement à défiscaliser pour des raisons d'opportunité et perturbe le marché pendant quelques mois chaque année... Il faudrait subordonner la DPI sur le cheptel au fait de garder les bêtes dans l'exploitation pendant deux ans.
Nous avons le plaisir de recevoir la Direction générale de l'alimentation (DGAL), qui est une des pièces maîtresses du dispositif français de sécurité sanitaire.
Notre mission commune d'information a pour but de dresser un état des lieux de la filière viande et de trouver les moyens de rassurer les consommateurs après le récent scandale des plats cuisinés contenant de la viande de cheval alors qu'ils étaient censés contenir de la viande de boeuf.
Restaurer la confiance des consommateurs, c'est d'abord assurer la sécurité alimentaire. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a évoqué devant nous un tonnage très important de viande de cheval frauduleusement importée à la place de viande de boeuf : pourriez-vous nous exposer les risques liés à sa consommation pour la santé humaine, notamment en cas de présence dans la viande de cheval d'anti-inflammatoires ou de parasites ?
J'attends beaucoup de cette audition, parce que j'espère obtenir aujourd'hui des réponses à des questions que je me pose depuis longtemps sur l'abattage des animaux destinés à la consommation. Le règlement n° 853-2004 du 29 avril 2004 du Parlement et du Conseil prévoit des règles spécifiques d'hygiène pour les denrées animales. En matière d'abattage, il dispose - je le cite - « que la trachée et l'oesophage doivent rester intacts lors de la saignée sauf s'il s'agit d'un abattage selon un rite religieux ». Dans un article paru dans le Bulletin des vétérinaires de France, Mme Pascale Dunoyer, chef du bureau des établissements d'abattage de votre direction déclarait : « des pratiques liées à la mise en oeuvre de rituels d'abattage peuvent avoir des conséquences en matière de sécurité et de salubrité des carcasses. Nous pouvons citer à ce titre le tranchage de la trachée et de l'oesophage qui peut provoquer le déversement du contenu gastrique voire pulmonaire sur les viandes de tête, de gorge et de poitrine. La pratique de la shehita dans le rituel casher peut avoir deux conséquences majeures : lorsque la shehita est réalisée sur des carcasses au sol, la peau de l'animal peut être souillée. On note aussi que la boutonnière réalisée en vue de l'inspection des viscères peut provoquer une fragilisation des attaches des viscères avec un risque accru d'éviscération ratée et de souillure de la carcasse ». Pouvez-vous confirmer ou infirmer ces éléments ? Selon vous le mode d'abattage peut-il être à l'origine de contaminations graves à la bactérie escherichia coli ? Quand un lot de viande ou un produit sont contaminés, comment faites-vous pour établir l'origine de la contamination en l'absence d'information sur le mode d'abattage sur les étiquettes ? Pouvez-vous nous donner des chiffres précis sur l'abattage rituel ?
Un rapport du Conseil Général de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Espaces ruraux (CGAAER) pointe des dérives dans le système d'abattage des ovins et des bovins en France. Selon cet audit de 54 pages rédigé par dix experts et hauts fonctionnaires de la Direction générale de l'alimentation (DGA) et intitulé La protection animale en abattoir : la question particulière de l'abattage rituel, « le volume d'abattage rituel est estimé à 40 % pour les bovins et à 60 % pour les ovins alors que la demande en viande hallal ou casher devrait correspondre à environ 10 % des abattages totaux. Ce qui ne devait être qu'une dérogation s'est généralisé et il convient donc d'analyser les causes de cette dérive ». Vous allez sans doute me répondre que selon une étude menée par la DGAL en 2010 seuls 14 % des animaux de boucherie seraient abattus de manière rituelle. Ce chiffre vient de l'interprofession de la viande (Interbev). Mais vous êtes des scientifiques. Je pense donc que vous avez d'autres références : pourriez-vous nous communiquer les chiffres précis concernant l'abattage rituel, abattoir par abattoir ?
Je souhaiterais d'abord rappeler que le contrôle sanitaire de la filière viande est piloté au niveau national par le ministère chargé de l'agriculture et au sein de ce ministère par la DGAL, qui élabore les référentiels auxquels sont soumis les professionnels de la filière et en contrôle la bonne application par son dispositif d'inspection. Le système français de sécurité sanitaire est très encadré par la réglementation européenne. Le contrôle sanitaire est opéré à tous les stades de la production, de l'amont à l'aval, par la DGAL, en lien étroit avec la DGCCRF.
En matière de sécurité sanitaire des aliments, la responsabilité est d'abord et avant tout celle des professionnels, qui doivent se soumettre aux obligations qui leur sont prescrites par voie législative et réglementaire en ce qui concerne les matières premières, les installations techniques. Les professionnels ont notamment l'obligation d'élaborer un plan de maîtrise sanitaire prévoyant des autocontrôles et de les réaliser.
L'État est l'autorité de contrôle et de gestion des risques. Il doit s'assurer que les obligations imposées aux professionnels sont pertinentes, sachant que ces obligations sont définies dans leur grande majorité au niveau européen. Les contrôles officiels ont ensuite pour objet de vérifier que les professionnels disposent des moyens et des procédures nécessaires pour assurer la sécurité sanitaire des produits et respectent les obligations. La DGAL est, au sein de l'État, l'autorité compétente, pour contrôler que les plans de maîtrise sanitaire sont bien élaborés par les professionnels et appliqués pour empêcher toute dérive.
Afin de mener à bien ces contrôles avec la fréquence nécessaire, la DGAL dispose de moyens, tant en administration centrale que sur le terrain. Elle établit une programmation annuelle des contrôles de sécurité sanitaire, dans une perspective pluriannuelle. Les différents contrôles ont lieu à une fréquence régulière, qui est très variable suivant les types d'établissements. Ainsi, les établissements agréés ne subissent en principe une inspection complète que tous les trois ans mais elle peut avoir lieu tous les deux ans voire tous les ans si la situation l'exige. S'y ajoutent des contrôles spécifiques en cas de risques renforcés.
L'agrément sanitaire des abattoirs est désormais un agrément européen ; indispensable pour échanger des produits avec les autres pays de l'Union. Cet agrément sanitaire fait l'objet d'inspections périodiques par les services de l'État. Il existe un système d'inspection systématique et permanent de toutes les carcasses, dans le domaine des animaux de boucherie. Pour les volailles, le système est un peu différent puisque les professionnels peuvent être impliqués dans le contrôle des lots de volaille. Chaque carcasse fait l'objet d'une inspection individuelle très précise, avec des incisions ganglionnaires pour rechercher d'éventuelles pathologies. Ces contrôles pointus n'existent pas seulement en France, ils sont pratiqués partout en Europe et dans le monde.
En France, un peu plus de 1 000 agents participent à ces contrôles dans les abattoirs et apposent une estampille sanitaire ovale sur les carcasses salubres. Le ministre Stéphane Le Foll a rappelé que la sécurité sanitaire demeurait une fonction régalienne majeure à travers le plan stratégique du ministère de l'agriculture. L'État doit rester l'arbitre en la matière.
Notre programme de contrôle fait l'objet d'un dialogue de gestion une fois par an avec les services déconcentrés. Nous élaborons une analyse des besoins aussi fine que possible pour allouer nos moyens au dixième d'équivalent temps plein près. En ce qui concerne les abattoirs, la répartition des moyens se fait en fonction du type d'animal abattu et de la cadence de la chaîne de production. Pour maintenir l'inspection de chaque carcasse, nous sommes susceptibles de recourir au travail temporaire.
En tout état de cause, il n'y a jamais d'abattage sans inspection préalable. Je pense que le système est très fiable même si nous sommes aujourd'hui confrontés à une fraude de grande ampleur sur la viande de boeuf. Il y a beaucoup de sécurité au niveau des abattoirs et nous devrions vraiment être en mesure de rassurer le consommateur sur ce point.
En ce qui concerne l'impact potentiel sur la santé de la consommation de viande de cheval, il faut rappeler que cette viande n'est pas plus dangereuse que les autres. On la consommait d'ailleurs de manière habituelle il y a quelques décennies.
Notre inquiétude porte sur la viande de cheval importée de pays de l'Est et non sur la viande française dont nous savons qu'elle fait l'objet de contrôles rigoureux.
Il est vrai que la viande de cheval issue de certains pays est susceptible de poser quelques problèmes. Les chevaux peuvent être porteurs de parasites, de microbes, des métaux lourds peuvent s'accumuler dans leur foie, ils peuvent avoir fait l'objet d'un traitement médicamenteux, notamment à base d'anti-inflammatoires comme le phénylbutazone - médicament extrêmement efficace et peu coûteux. La réglementation impose qu'une limite maximale de résidus (LMR) et une dose journalière admissible (DJA) sont définies pour chaque médicament vétérinaire administré à des animaux susceptibles d'être ensuite consommés. Le phénylbutazone ne figure pas dans cette catégorie car la molécule se trouvait déjà dans le domaine public lorsque le principe des LMR a été mis en place dans les années 1990. Or un dossier de LMR coûte entre 500 000 et 1 million d'euros et aucun laboratoire ne s'est positionné pour faire une étude complète. Des études partielles ont été effectuées mais elles ont été arrêtées car il existait des doutes en matière de cancérogénèse. Le phénylbutazone ne peut donc être utilisée sur des animaux destinés à la consommation : c'est un principe européen. Il doit être indiqué sur le passeport de l'animal traité au phénylbutazone qu'il n'est pas propre à la consommation.
En France, il existe un plan de contrôle de l'utilisation du phénylbutazone. Les résultats sont systématiquement négatifs. Il y a cependant eu des résultats positifs avec de la viande de cheval anglaise entrée sur le territoire national. Les Anglais sont aujourd'hui beaucoup plus attentifs à ce danger alors qu'il ne s'agissait pas jusque-là d'une préoccupation majeure pour eux. Il n'y a pas réellement de risque sanitaire lorsque la consommation reste ponctuelle. Il pourrait y en avoir un en cas de consommation très régulière : c'est tout le principe de la dose journalière admissible (DJA).
Le cheval n'est-il pas susceptible d'être utilisé dans les collectivités, vu les tonnages importants qui arrivent en France ?
L'offre de viande de cheval, tant celle issue de la production nationale que des importations, ne permettrait même pas de satisfaire 10 % de la consommation de viande en France. Les volumes de viande de cheval disponibles sont donc très limités, il s'agit d'une production beaucoup plus restreinte que celle de bovins.
On nous parle pourtant hier de 50 000 tonnes de viande de cheval saisies dans 16 pays d'Europe depuis que le scandale a éclaté. Il s'agit de quantités très importantes, d'autant qu'il s'agit seulement de la viande saisie et non de la viande vendue.
Ces quantités peuvent paraître importantes mais si on compare ces chiffres avec ceux de la viande bovine, ils apparaissent plus raisonnables. 50 000 tonnes représentent la production d'un seul abattoir de bovins en un an.
Je suis surpris par votre remarque puisque vous semblez considérer que la consommation française de viande équine correspond à la production française. Or dans ma région de Franche-Comté, les producteurs de viande équine parviennent très difficilement à vendre leurs produits.
Si la filière de la viande équine s'organisait mieux, elle ne pourrait pas produire plus du double de ce qu'elle produit aujourd'hui. Si la consommation de viande de cheval doublait en France, la filière cheval française parviendrait tout juste à répondre à cette démarche supplémentaire.
Si la consommation doublait, certes. Mais aujourd'hui cette demande demeure insuffisante et seules l'Italie et l'Espagne permettent à nos producteurs d'écouler leurs productions. Du reste, les prix sont très bas et les bénéfices de la filière très réduits. Il y a là un vrai danger au niveau environnemental car nous avons besoin des chevaux comme des moutons pour entretenir nos paysages, notamment en zone de montagne. Notre pays risque de se couvrir de friches.
La DGAL va rester vigilante sur le problème de la viande de cheval anglaise.
La question du phénylbutazone ne se pose pas en Franche Comté car il s'agit d'une production équine bouchère qui utilise, tout comme les producteurs de bovins, des médicaments autorisés. Il n'y a pas de trace de phénylbutazone non plus dans la viande de cheval importée de Roumanie. C'est exclusivement dans de la viande de cheval anglaise qu'on retrouve de telles traces pour une raison simple qu'il s'agissait de chevaux de course et sûrement pas de chevaux destinés à la consommation humaine.
La rentabilité de la filière de la viande chevaline est pénalisée par la faiblesse de la demande. Nous vendons notre production à l'Italie, à la Suisse et à l'Espagne. Il existe en outre une concurrence entre les producteurs de poulains de boucherie, notamment en Franche Comté, et tous les chevaux de course, qui, lorsqu'ils n'ont pas été retirés de la consommation, peuvent rentrer dans la chaîne alimentaire, tirant les prix vers le bas. S'ajoutent à cela des importations traditionnelles depuis le Canada et l'Amérique latine, qui entrent aussi en concurrence avec la production française.
Il est vraiment important que la viande de cheval retrouve sa notoriété et le succès qui était le sien autrefois.
Lorsque le scandale de la viande de cheval a éclaté, un haut fonctionnaire roumain déclarait dans une émission télévisée que les directives européennes autorisaient certaines pratiques et l'un de vos collaborateurs lui a apporté un démenti formel. J'aimerais bien savoir qui a raison et qui a tort. Les lectures des directives effectuées en France et en Roumanie ne paraissent pas être exactement les mêmes.
Cette divergence portait sur l'anémie infectieuse des équidés, une maladie qui n'existe pratiquement plus en France. Il s'agit d'une maladie virale, spécifique à l'espèce équine. Lorsqu'un cas est détecté en France, la destruction est systématique. En Roumanie, il existe davantage de cas d'anémie infectieuse des équidés mais là-bas aussi les animaux sont saisis et ne sont pas consommés. Par contre, il est exact qu'il n'y a pas de retrait quand l'animal n'est pas malade et que le virus est enkysté au niveau des ganglions car la viande ne présente pas dans ce cas de risque pour la santé humaine. D'ailleurs, aucun animal n'est jamais totalement exempt de bactéries ou de virus. Lorsque l'animal est porteur d'une maladie potentiellement dangereuse pour l'homme, comme la tuberculose, il est repéré au niveau de l'abattoir et il est saisi.
En ce qui concerne la réglementation de l'abattage, les textes européens prévoient que l'animal, doit avoir fait l'objet d'une inspection ante mortem puis d'un assommage avant d'être ensuite suspendu et pour être saigné sauf si, par voie dérogatoire, l'absence d'assommage est autorisée pour des raisons rituelles.
Sur ce sujet, vous avez évoqué le rapport du CGAAER, qui date de quelques années. Je ne pense pas que nous puissions valider les chiffres qui figurent dans ce rapport : il s'agissait d'une enquête sur un échantillonnage d'abattoirs qui n'était pas représentatif. Il contenait cependant un certain nombre de remarques très pertinentes concernant le bien-être animal, l'hygiène et le phénomène conduisant certains abattoirs à généraliser l'abattage sous forme rituelle pour être capables de fournir des produits abattus rituellement à tout moment.
En cas d'abattage rituel, l'animal est immobilisé et saigné sans assommage. Il n'est donc pas possible de faire une incision dans la peau pour sectionner les carotides et les jugulaires, ce qui peut entraîner un risque de contamination de la partie basse de l'animal.
Cela nous a conduit à renforcer le dispositif normatif en 2011 pour redéfinir les conditions de l'abattage rituel en limitant l'abattage rituel au strict nécessaire et en renforçant les garanties sanitaires. Concrètement l'abattoir doit disposer d'un volume de commandes déterminé avant de procéder à des abattages rituels et des obligations renforcées en matière d'hygiène ont été mises en oeuvre, avec notamment une formation des sacrificateurs.
Des organismes de formation que nous habilitons selon les normes prévues par un règlement européen promulguée l'an dernier.
Le programme est prédéfini et les organismes religieux sont impliqués dans la formation.
Il est très important de ne pas tuer plus de bêtes que nécessaire mais aussi de ne pas gaspiller les denrées produites. Dans le rite casher, on ne consomme que les avants et pas les arrières. Dans le rite halal, on consomme beaucoup d'abats mais il est nécessaire de pouvoir commercialiser le reste de la carcasse.
Avec ou sans boutonnière, il existe toujours un risque de percer les intestins. Les pourcentages d'accidents d'éviscération varient fortement selon les abattoirs : tout dépendant de la qualité de leur travail, plus que du mode, rituel ou pas d'abattage. Ces accidents font l'objet d'un suivi statistique.
Il existe un risque accru de contamination en abattage rituel à deux niveaux : soit si l'on perce les intestins ou l'oesophage avec un possible déversement du contenu digestif qui souille la partie basse de la carcasse, soit lorsque l'on enlève la peau. L'abattage rituel doit clairement être pris en compte dans le plan de maîtrise sanitaire des abattoirs qui le pratiquent pour assurer le bien-être animal au moment de la mise à mort et garantir une maîtrise des procédures et des risques par les professionnels eux-mêmes.
Disposez-vous des chiffres de la contamination par la bactérie escherichia coli ?
Nous mettons en place depuis plusieurs années des plans de surveillance dont nous pourrons vous fournir les résultats. Au niveau des produits remis aux consommateurs, nous contrôlons tout particulièrement les viandes hachées.
Non, car ces tests sont effectués au niveau de la viande hachée, dans les établissements qui produisent cette viande hachée et non abattoir par abattoir. Les résultats que nous obtenons sont globalisés au niveau national.
Avez-vous une idée du pourcentage d'abattage rituel en France ? Que pensez-vous des chiffres de ce rapport CGAAER qui l'estimait à 40 % pour les bovins et 60 % pour les ovins ? Avez-vous d'autres chiffres ?
Nous ne confirmons pas ces chiffres car il s'agit d'un rapport partiel et non exhaustif. Nous disposons de chiffres obtenus il y a huit mois environ qui évaluaient le pourcentage d'abattage rituel en France à 14 % avec des variations plus importantes par espèces. Ces chiffres proviennent d'enquêtes auprès des directions départementales.
Escherichia coli représente un danger majeur. Des mesures strictes sont mises en place pour maîtriser la contamination par cette bactérie aux stades de l'abattage, de l'utilisation de la matière première et de la préparation des viandes hachées. Des plans de surveillance sont élaborés par les services officiels et des autocontrôles sont imposés aux industriels. Grâce à cela, nous avons fait des progrès très significatifs en matière de maîtrise des contaminations par escherichia coli sachant qu'il existe deux types d'accidents : ceux que l'on peut qualifier de sporadiques et les cas épidémiques. Il sera toujours très difficile de s'affranchir complètement du sporadique mais l'épidémique n'est pas acceptable. Un foyer a été détecté en juin 2012 avec un peu moins de dix cas. Même si ce nombre est faible, la gravité de cette pathologie fait qu'on ne doit pas la tolérer.
Dans la mesure où nous travaillons sur du vivant, il faut des mesures drastiques de prévention pour éviter la contamination de la carcasse, des pièces de découpe et de la viande hachée.
Un arrêté ministériel sera bientôt publié et imposera aux industriels de procéder à un contrôle libératoire et de retirer du marché les produits contaminés par escherichia coli. Jusqu'ici, pour des raisons techniques, les industriels n'avaient mis en place ce type de contrôle que pour la viande hachée surgelée. Ils devront désormais le faire sur la viande réfrigérée. C'est le seul moyen d'éradiquer de manière quasi absolue les foyers épidémiques. Il y a eu des réticences de la part des industriels car ils ne disposent pas tous de laboratoires. Les contrôles libératoires posent par ailleurs des problèmes de délais d'analyse, de stockage...
Scientifiquement, le fait que la trachée et l'oesophage soient sectionnés, que l'animal soit mis la tête en bas et les pattes en l'air, qu'il respire, que le rumen se déverse sur la plaie, est-ce une source de contamination escherichia coli ? Dans l'abattage conventionnel, il existe une agrafe et la mise à mort se fait par une saignée et non par un égorgement.
Effectivement, il peut y avoir un risque de régurgitation d'où l'importance des mesures de maîtrise sanitaire et des contrôles libératoires. Une étude des années 1980 montrait que si l'on saigne un porc avec un couteau stérilisé trempé dans une solution de clostridium en sectionnant la veine et l'artère, des traces de clostridium sont décelables dans le jambon car la circulation sanguine se poursuit encore. Connaissant ces risques, l'objectif est donc de mettre en place de nombreuses mesures de maîtrise pour éviter les contaminations.
Je souhaiterais que nous abordions à présent la question qui est à l'origine de notre mission, à savoir la question des normes et des contrôles industriels.
Les normes et contrôles industriels reposent avant tout sur le principe de l'agrément sanitaire délivré par l'État sous réserve du respect d'un certain nombre d'exigences en matière d'installation, de conditions de fonctionnement, de procédures de maîtrise sanitaire, de conditions d'approvisionnement et de formation du personnel. Cet agrément est accordé sur la base d'un dossier initial et de visites sur site. Il est ensuite maintenu par le biais d'inspections régulières. Il existe environ 13 000 établissements agréés dans la filière viande qui font l'objet de 10 000 inspections par an.
Existe-t-il une définition du minerai de viande et comment le contrôlez-vous ?
Il n'existe pas de définition du minerai dans les règlements européens du paquet hygiène. Il s'agit d'une définition professionnelle, consacrée par l'usage. En pratique, il s'agit de petits morceaux de découpe de viande : du muscle, le gras attenant et un peu de tissu conjonctif qui enveloppe les muscles. Il existe différents types de minerais selon leur teneur en gras, en protéines et en tissu conjonctif. Traditionnellement, ce sont des produits qui ne sont pas remis aux consommateurs mais des produits intermédiaires qui sont utilisés dans l'industrie. Le minerai peut être congelé ou frais.
Ces minerais sont-ils susceptibles de contenir des viandes issues de différents animaux ? Un minerai pourrait-il contenir par exemple du boeuf charolais et du buffle ? Faites-vous des tests ADN pour le savoir ?
Jusqu'à présent, les services officiels n'ont jamais pratiqué de tests ADN mais il est vrai que le récent scandale conduit à se poser de nombreuses questions.
Un point est très positif : nous ne connaissons pas de crise sanitaire. Les fraudes opérées ne présentent pas de danger pour la santé du consommateur et il n'y a pas de recyclage à grande échelle d'animaux abattus clandestinement. Néanmoins cette fraude conduit la DGAL à s'interroger sur la nécessaire évolution des plans de contrôle et des méthodes d'inspection. Le minerai n'était pas considéré comme particulièrement sensible dans nos analyses de risque dans la mesure où il s'agit de chutes de viande congelées, stockées à - 18°C, issues d'atelier de découpe agréés et provenant d'abattoirs où une inspection est systématiquement opérée. Nous avons fait des centaines d'enquêtes bactériologiques sur le minerai utilisé dans la production de viande hachée.
Je crois qu'en ce qui concerne l'abattage en France, nous sommes tous conscients que la traçabilité est bien assurée - j'ai pu suivre moi-même les achats de Mac Donald's en retrouvant les numéros d'abattoirs des animaux. Ce qui nous inquiète, ce sont les produits d'importation. L'industriel qui souhaite importer de la viande d'Amérique du Nord ou de Nouvelle-Zélande demande-t-il une autorisation ministérielle, ou bien s'agit-il d'un contrat de gré à gré avec un contrôle à l'entrée sur le territoire français ?
L'importation de viande issue de pays hors Union européenne est encadrée au niveau européen. Si l'on veut importer des viandes fraîches sur le territoire d'un État membre, il faut que le pays tiers d'où proviennent les bêtes dispose d'un statut sanitaire garantissant qu'il est exempt de maladies animales. L'agrément est donné par la Commission européenne. En ce qui concerne la viande de volaille par exemple, les autorités européennes se sont inquiétées d'un risque de contamination avec l'épisode de l'épizootie d'influenza en Chine et ont mis en place un embargo : la Chine ne peut pas exporter de volaille fraîche à destination de l'Union européenne. Le produits passent ensuite par un poste d'inspection frontalier accompagnés de certifications sanitaires établies par l'autorité compétente. Des contrôles sont ensuite opérés de manière à ce que la pression de contrôle soit suffisante.
Une fois ces produits de pays tiers sur le territoire national, garde-t-on trace de la race de l'animal et de l'abattoir dont la viande est issue ou n'a-t-on plus que le pays d'origine ?
On trouve indiqué sur l'étiquette l'abattoir de provenance pour les carcasses et les quartiers mais on ne trouve plus d'indication sur les éleveurs, contrairement à ce que l'on trouve pour les produits français.
Les étiquettes sont-elles assez explicites pour que le consommateur sache d'où provient la viande quand elle est produite par un pays tiers ?
Il est vrai que les étiquettes ne sont pas toujours faciles à lire. Il faudrait que le consommateur fasse l'effort de ne choisir que des produits pour lesquels toutes les informations sont fournies, ce qui aurait en outre le mérite de valoriser les produits d'origine française.
Pourriez-vous nous expliquer comment la brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) a opéré chez Spanghero ? Qu'y-a-t-elle découvert ?
La brigade peut être sollicitée par le ministre via le Directeur général de l'alimentation ou par la justice.
Dans l'affaire Spanghero, lorsque la DGCCRF nous a communiqué certaines informations, nous nous sommes interrogés sur la présence d'un risque sanitaire éventuel. Le ministre a décidé de suspendre les agréments de Spanghero et de demander à la BNEVP de se rendre sur place et de procéder à une investigation détaillée des installations, des produits et de la comptabilité. Cette décision a été prise le jeudi à 12 heures et les agents étaient sur place le vendredi matin à 9 heures.
Notre mandat était de vérifier que l'ensemble des produits présents, qui entraient dans la fabrication des produits de l'établissement, étaient conformes aux normes en vigueur. Nous avons trouvé un stock de 350 tonnes de viande. Pour que l'établissement puisse se remettre à fonctionner, il nous fallait contrôler à la fois les matières premières et les processus de production. L'activité de l'établissement étant arrêtée, il s'agissait surtout d'un contrôle physique des installations. Nous avons travaillé à quatre pendant trois jours de 9 heures à 19 heures : il s'agit d'une opération lourde en temps et en moyens. 90 % des 350 tonnes ont été contrôlées par sondages, en vérifiant les étiquettes. Ce travail a été effectué lot par lot, en décongelant les produits. Nous avons terminé nos investigations à la fin de la semaine suivante et c'est à cette occasion que nous avons découvert de la viande de mouton séparée mécaniquement. Il fallait avoir l'habitude de ce genre de matière première pour la détecter mais nous avions précisément procédé à une enquête sur la viande séparée mécaniquement dans toute la France en 2009.
La brigade peut être saisie soit par un procureur soit par le directeur général de l'alimentation. La direction identifie un problème, puis définit le contenu de l'enquête, notamment la représentativité de l'échantillon d'étude en fonction de la taille des établissements et de leur emplacement géographique. Parfois, l'enquête peut même porter sur la totalité d'une filière. Les enquêtes sont conduites à partir d'un questionnaire initial, ajusté au fur et à mesure. À l'issue de ces enquêtes, un rapport confidentiel est remis au directeur général. Nous procédons ensuite généralement à une restitution aux professionnels de ces constats. Le grand avantage de ces enquêtes administratives est que nous prêtons une très grande attention à la logique économique : il n'y a pas de fraude sans argent.
Dans l'affaire Spanghero, le travail de la brigade nous a permis de rétablir l'agrément sur une partie de l'activité et de maintenir la suspension sur une autre partie de cette activité pour poursuivre les investigations. Dans le cadre de l'enquête judiciaire, nous avons remis le procès-verbal au parquet.
La viande venue de Roumanie a-t-elle effectivement circulé jusqu'au Pays-Bas avant de venir dans le sud de la France ou n'y a-t-il que les papiers qui circulent ? Par ailleurs, je suis surpris que l'entreprise Spanghero qui a du faire des profits avec cette fraude, dépose le bilan.
L'entreprise Spanghero était en difficultés financières depuis fort longtemps. Elle n'avait retrouvé son équilibre qu'en décembre 2012. Lorsque l'on se trouve dans une situation de crise, la délinquance augmente, dans l'agroalimentaire comme partout. Il y existe des délinquants de métier, comme pourrait l'être le trader néerlandais impliqué dans cette affaire. Il existe aussi une délinquance d'opportunité qui se produit ponctuellement dans certaines entreprises, en particulier quand elles rencontrent des difficultés financières. Les cas risquent de se multiplier avec les difficultés des entreprises.
Le chiffre de 50 000 tonnes concerne une autre affaire que l'affaire Spanghero.
La viande reçue par Spanghero, en provenance de Roumanie, a bien transité physiquement par un entrepôt néerlandais. Nous avons d'ailleurs pu prouver que cette viande avait fait l'objet de manipulations physiques au niveau de cet entrepôt. Spanghero a reçu la marchandise sans la toucher physiquement puis l'a revendue à Tavola, une entreprise luxembourgeoise qui fabrique des plats cuisinés. Les Pays-Bas nous ont confirmé qu'ils avaient eux aussi découvert ce que nous avions mis en évidence par nos enquêtes sanitaires.
Il est important de savoir qu'au Pays-Bas, des mélanges de viandes ont été réalisés par des ateliers spécialisés, hors des entrepôts. Les autorités néerlandaises ont découvert qu'il y avait une absence totale de traçabilité entre ce qui entrait et ce qui sortait de ces établissements. C'est ce qui les a conduits à demander le retrait de 50 000 tonnes de viande.
En ce qui concerne l'affaire Spanghero stricto sensu, je souhaite insister sur un point essentiel : il ne s'agit pas d'une affaire française, mais d'une affaire européenne dont le principal acteur est le trader hollandais.
Je vous souhaite la bienvenue. Quel est point de vue sur la situation actuelle de la filière viande et sur la confiance que portent les consommateurs à ses productions.
Les incidents ou scandales ont tendance à se succéder dans le secteur de la viande. Quelles sont, à votre avis, les pistes pour renforcer la confiance du consommateur ? Comment vendre au juste prix des produits de qualité en préservant la viabilité économique de tous les maillons de la filière et en particulier celle des éleveurs ?
En préambule, je veux insister sur l'importance de la transformation dans la filière viande : les professionnels de la charcuterie sont attachés à la reconnaissance de cette réalité et l'intitulé de la mission d'information sénatoriale, tout en y faisant allusion, ne la souligne peut-être pas suffisamment.
Je rappelle que la transformation de la viande est une des premières industries de produits alimentaires d'Europe et qu'elle se rattache à de fortes traditions régionales. La production de l'Union européenne de produits à base de viande s'élève à 13,5 millions de tonnes, ce qui représente un chiffre d'affaires global de 75 milliards d'euros réalisés par 13 000 entreprises employant 350 000 personnes. Dans cet ensemble, la France représente environ 1,6 millions de tonnes avec 7,2 milliards de chiffre d'affaires et 60 000 emplois.
Je souligne, en second lieu, qu'il nous parait essentiel de prendre en considération, les spécificités culturelles, économiques, géographiques de chaque espèce : il faut donc se garder de trop globaliser le raisonnement sur la filière viande. Les habitudes de consommation nationale sont très différentes d'un pays à l'autre : on consomme en France 33 kg de viande de porc, 25 kg de volaille et 23 kg de boeuf par an. En Allemagne, les chiffres s'établissent à 60 kg de porc, 20 kg de volaille et 13 kg de boeuf. La partie transformée est également très variable selon les espèces : 70 % de la viande de porc est transformée en charcuterie ou en plats cuisinés alors que ce taux est d'environ 30 % pour les volailles et de 20 % pour le boeuf. Pour le porc, la transformation est donc un volet fondamental. Au total, et compte tenu de ces différences, nous appelons à ne pas opérer de généralisations hâtives et simplificatrices.
En ce qui concerne la crise que nous venons de traverser - et qui n'est pas de nature sanitaire - ma première remarque est que la fraude se détecte avec des contrôles, relève de sanctions sévères et se prévient grâce à un certain niveau de déontologie. En second lieu, lorsque le bruit médiatique, parfois relayé par les politiques, amplifie le phénomène de façon excessive et indifférenciée, nous estimons qu'on ne sert en rien la cause de l'information du consommateur : nos adhérents qui transforment du boeuf y sont très sensibles. Des négligences et des signes d'incompétences - je mets de côté la fraude - ont été constatées chez certains professionnels. En effet, la base du métier est de contrôler les matières premières : lorsque des soi-disant professionnels prétendent ne pas connaître les codes douaniers, ils font preuve d'incompétence notoire et ne me paraissent pas en capacité d'exercer leur métier. Le comportement normal des industriels ou des distributeurs qui sont clients de Comigel est de vérifier la nature de leur approvisionnement.
Il me semble d'ailleurs que c'est bien Findus qui a détecté l'anomalie de la viande de cheval.
C'est effectivement une filiale anglaise du groupe Findus qui a donné l'alerte. Mon expérience à la tête d'un grand groupe alimentaire me conduit à rappeler que la préservation de la marque est la première priorité pour des entreprises qui, avant d'apposer leur signalétique sur un produit, ont intérêt à procéder à toutes les vérifications nécessaires.
Il faut reconnaitre que les opérateurs de plats cuisinés qui assemblent des centaines de produits différents ont un métier très différent de celui des charcutiers. Je précise que ces derniers, qui connaissent particulièrement bien les caractéristiques des viandes qu'ils traitent, procèdent avant tout à un contrôle visuel. Un charcutier détecte immédiatement la couleur sombre de la viande de cheval et son odeur, lesquelles sont très différentes de celles du boeuf. Lorsque la viande est congelée, le charcutier la décongèle et lui applique une batterie de tests. S'agissant de ce que les professionnels du boeuf appellent, de façon péjorative, « minerai » - nous n'utilisons jamais ce terme et lui préférons celui de petits morceaux de viande - il est effectivement plus difficile d'en contrôler la nature. Raison de plus pour ne pas se limiter au contrôle visuel !
Je signale enfin que, début 2010, notre profession a été informée de l'existence de soupçons de fraude en Europe relative à la substitution de viande de cheval à celle de boeuf, à la suite d'une enquête lancée à la demande des autorités hollandaises. La fraude, qui concernait les années 2006 à 2009 portait sur 4.000 tonnes de viande. Les noms des personnes impliquées dans la fraude nous ont alors été communiqués : ces même noms semblent avoir étés retrouvés au cours des événements récents. Notre fédération de la charcuterie avait immédiatement alerté des risques de substitution la trentaine de ses adhérents qui utilisaient de la viande de boeuf. Certains de nos adhérents en ont tiré les conséquences en arrêtant de travailler avec les opérateurs figurant sur la liste qui nous avait été transmise. D'autres ont été tentés de continuer, les opérateurs mis en cause étant spécialisés dans la fabrication de produits à bas prix : nos industriels ont cependant, depuis 2009, procédé à des contrôles et à des tests ADN particulièrement rigoureux sur les achats de viande de boeuf.
Les négociants en viande, que l'on qualifie maintenant de « traders » dans la presse - le nom de « maquignon » n'étant guère valorisant -- sont des opérateurs traditionnellement utiles. En effet, nos adhérents qui ont une taille importante se tournent vers les marchés internationaux pour leur approvisionnement. Je rappelle ici que le porc consommé en France provient essentiellement de l'Union européenne. En revanche, les importations de boeuf en provenance du Brésil sont plus fréquentes.
On nous a indiqué qu'il s'agit parfois d'importations de buffle sous l'appellation de boeuf....
Je vous rassure sur ce point, c'est bien du boeuf qui est utilisé pour fabriquer, par exemple, de la Bresaola ou de la viande des Grisons.
A la différence des grandes, les petites structures, qui n'ont pas accès à une large palette de fournisseurs, font appel à des négociants. Ces derniers remplissent donc un rôle utile à l'importation mais aussi à l'exportation.
La chaîne d'approvisionnement n'est pas plus complexe dans notre secteur que dans d'autres : cette chaîne comprend les éleveurs naisseurs, les éleveurs engraisseurs, les abattoirs, les découpeurs, les transformateurs, les grossistes ou les centrales d'achat, les détaillants ou restaurateurs et enfin les consommateurs.
Quelles sont les voies d'amélioration de la situation ? D'abord, il convient d'appliquer des sanctions exemplaires - elles sont aujourd'hui insuffisantes. Je fais également observer que les outils de contrôle officiels ont subi, comme vous le savez, des diminutions de moyens et des restructurations qui ont donné lieu à certains dysfonctionnements.
Nous sommes partisans d'une vigilance d'Etat et de contrôles accrus au niveau européen. Il est d'ailleurs souhaitable que les systèmes de contrôle soient au même niveau dans les 27 pays de l'Union européenne.
En ce qui concerne l'autocontrôle, notre profession - artisans et industriels - s'est dotée, depuis 1969, d'un code des usages qui définit avec précision plus de 400 produits de charcuterie. Les tribunaux français se fondent sur ce code des usages pour déterminer l'existence une fraude. Par la suite, en 1993, nous avons mis en place, pour répondre aux exigences communautaires, un guide des bonnes pratiques d'hygiène et de contrôle HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point - analyse des dangers et points critiques pour leur maîtrise). Ces règles ont été reprises dans les normes ISO 9 000, 12 000 ou 14 000. C'est une obligation qui a reçu en 2010, soit vingt ans après, l'agrément tardif des autorités françaises. Par ailleurs, nos clients de la grande distribution ou de la restauration procèdent à des contrôles spécifiques de leurs fournisseurs.
J'attire également l'attention sur l'importance de la déontologie. En 2000, nous avons mis en place une charte déontologique sur les rillettes et un dispositif de contrôle de son application. Nous élaborons aujourd'hui une charte sur les saucissons secs.
Effectivement, mais les chartes portent également sur les caractéristiques du produit et sa composition.
Dans la pratique, nous utilisons assez peu les indications géographiques protégées (IGP) et je le regrette. On en recense, en effet, seulement cinq en France dans le secteur de la charcuterie, contre 40 en Espagne ou en Italie. Je rappelle que l'IGP correspond d'abord à un savoir faire et ensuite à une provenance géographique. En même temps, du point de vue économique, la charcuterie ne peut se développer qu'en s'appuyant sur un certain nombre de produits phare. Or les agriculteurs français ont traditionnellement adopté une conception restrictive de la provenance de la matière première, ce qui freine la possibilité de développer des IGP. En menant une politique plus offensive, l'Espagne et Italie ont réussi à encourager leurs exportations. Je crains que la France ne se soit tiré une balle dans le pied.
Pouvez-vous aborder la problématique de la traçabilité pour inciter les consommateurs à se porter sur les produits issus de la viande ?
En laissant de coté les deux derniers mois, je rappelle que, depuis 10 ans, notre profession a enregistré une progression de nos volumes de vente de + 2,9 % par an. Le consommateur nous fait donc globalement confiance. Nous avons fait des efforts pour réduire la teneur en sel ou en matières grasses de vos produits, que nous poursuivons sur la base d'une charte officielle. 40 % de nos produits sont vendus sous marque de fabricants ce qui est une proportion trop faible par rapport à celle des marques de distributeurs (MDD). Notre principale préoccupation concerne aujourd'hui notre relation avec nos grands clients et non pas avec les consommateurs.
Elles sont en passe d'être modifiées en ce qui concerne la viande crue : l'origine de l'élevage et de l'abattage sera certainement mentionnée à partir du 1er janvier 2014. Nous nous y préparons activement. Observons cependant que la fraude qui vient d'avoir lieu a concerné le boeuf qui, précisément, fait d'ores et déjà l'objet d'obligations renforcées d'étiquetage et de traçabilité. Il ne faut pas se méprendre : la fraude ne concerne pas les produits transformés mais bien la viande fraîche. Je note aussi au passage que les nouvelles obligations d'étiquetage ne concerneront pas le cheval, ce qui est surprenant.
En tant que fabricants de produits alimentaires, notre premier travail est de définir la recette du produit. Dans 60 % des cas nos adhérents sont sous-traitants de la grande distribution et, dans cette hypothèse, c'est cette dernière qui fixe le cahier des charges de la recette. La compétition, à travers les appels d'offre, se concentre sur le prix.
Vous ne voyez donc pas d'inconvénient a ce que l'étiquetage précise les quantités respectives de produit de viande ainsi que leur provenance?
La proportion des ingrédients de viande figure d'ores et déjà. L'origine n'est pas obligatoirement mentionnée. Si cela est utile, alors nous préciserons l'origine des viandes utilisées, notamment pour justifier le prix et améliorer les ventes. Ne confondons pas non plus transparence et traçabilité : nous assurons la seconde systématiquement, même si l'étiquetage ne le mentionne pas.
Est-ce un atout si on peut étiqueter la provenance française de la viande ?
Oui, mais je fais observer que la taille de l'emballage est limitée. Par ailleurs - et on ne le sait pas suffisamment - le numéro de l'usine de fabrication figure d'ores et déjà sur l'étiquetage : c'est l'équivalent d'une plaque minéralogique. Il faut mieux informer le consommateur sur ce point.
Le numéro de la fromagerie figure également sur les morceaux de Comté. Je voudrais vous interroger sur la problématique des marges : pourquoi la rentabilité du rayon charcuterie de la grande distribution est-elle satisfaisante alors que la boucherie y est déficitaire ?
Chaque viande a sa logique et son circuit économique spécifique. La grande distribution est très largement bénéficiaire sur les produits de charcuterie mais la situation est tout autre pour la viande fraîche. D'une manière générale, la grande distribution gagne plus d'argent sur les secteurs comme la salaison, où l'approvisionnement est assuré principalement par les PME plutôt que sur ceux comme les céréales pour les petits-déjeuners, où dominent les grandes marques.
Il faut bien prendre la mesure des causes des difficultés des éleveurs. Le monde de l'élevage insiste sur l'étiquetage mais, à mon sens, le vrai remède consisterait à ce que la grande distribution accepte les augmentations de prix que nous demandons : c'est la seule solution pour que la qualité soit préservée. Ce n'est pas en changeant l'étiquetage qu'on parviendra à modifier la logique économique.
La Confédération française de la boucherie, charcuterie et traiteurs (CFBCT) représente le secteur traditionnel des boucheries de quartier, qui reste extrêmement important en termes de chiffre d'affaires et d'emploi dans notre pays.
Outre mes fonctions de président de la CFBCT, je suis également président d'Interbev et de la chambre des métiers de l'artisanat de Paris.
La boucherie artisanale comme la grande distribution respectent le principe de la traçabilité des viandes bovines non transformées, puisqu'il s'agit d'une obligation réglementaire. Cette obligation constitue un héritage de la crise sanitaire de la vache folle.
La crise que nous traversons à l'heure actuelle n'est pas une crise alimentaire mais résulte d'une fraude économique, qui a été rendue possible par le manque de traçabilité des produits transformés. Les lasagnes en question ne contenaient pas de viande, mais du minerai, qui comporte de la viande mais également des nerfs, des tendons, des aponévroses, des tissus conjonctifs, et peut-être même parfois des abats, bien que leur utilisation dans ce cadre soit interdite par la réglementation. A l'heure actuelle, en l'absence d'obligation de traçabilité sur les produits transformés, l'information du consommateur sur ces produits est inexistante. De tels produits n'ont rien à voir avec des lasagnes confectionnées par un artisan traiteur, dont le prix de revient sera aussi très différent.
Notre pays s'est engagé dans une voie singulière, celle du « tout-industriel ». 80 % des produits consommés par les consommateurs français sont issus de l'industrie agroalimentaire. Nous avons tendance à favoriser l'industrie et la grande distribution, comme l'illustre la loi de modernisation de l'économie (LME) adoptée en 2008, qui a été dévastatrice pour les producteurs et pour le commerce traditionnel.
Cette fraude économique a engendré un regain d'intérêt chez les consommateurs pour les artisans et les commerçants de proximité, comme toujours en période de crise de confiance. Les boucheries artisanales ont ainsi connu une augmentation de leur fréquentation de l'ordre de 20 à 30 % en quelques jours. Les boucheries chevalines ont constaté une augmentation de 17 % de leurs ventes, ce qui signifie que les consommateurs ont redécouvert la viande de cheval de qualité - et non pas les minerais qui avaient envahi le marché industriel et qui circulaient depuis l'Europe de l'Est au gré du trading.
Cette augmentation de la consommation de viande de cheval signifie-t-elle que les consommateurs se sont tournés vers la viande de cheval pour elle-même, ou qu'ils ont découvert à l'occasion de cette crise que la viande de cheval était moins chère que le boeuf ?
La viande de cheval est en effet moins chère que la viande de boeuf. A l'heure actuelle, il s'agit principalement d'une viande d'importation. Le consommateur peut cependant trouver à la viande de cheval d'autres vertus que son moindre coût ; certains se souviennent peut-être que le mercredi était autrefois le jour du steak haché de cheval pour les enfants.
Les boucheries chevalines ayant fermé suite à une crise sanitaire de la viande de cheval, sa distribution passe aujourd'hui principalement par les boucheries traditionnelles et la grande distribution.
Peut-on considérer qu'à moyen et long terme, on consommera davantage de viande de cheval ? Certains espaces qui ne peuvent accueillir que des élevages ovins et équins pourraient se retrouver en friche si les cheptels ovins et la production de cheval continuaient à diminuer. Comment valoriser ou peut-être même réorganiser la filière chevaline et faire en sorte que les consommateurs retrouvent confiance dans la viande de cheval ?
La filière chevaline a été sinistrée, mais pourrait aujourd'hui profiter de cet intérêt nouveau pour la viande de cheval.
Il faut prendre conscience que la filière ovine, comme l'ensemble des filières, n'a un avenir que si les éleveurs sont payés au juste prix - ce que seules les boucheries artisanales offrent aujourd'hui. 60 % de la consommation de viande ovine provient de Nouvelle-Zélande. Nous avons accepté de vendre à bas coût alors que notre production ne peut pas suivre cet impératif. La grande distribution fait peser une pression très importante sur le monde de l'élevage, à tel point qu'à l'heure actuelle, les éleveurs se reconvertissent en céréaliers. Nous manquerons bientôt de viande en France ! Il est faux de dire que les Français mangent trop de viande, comme on l'entend souvent : la consommation dégringole chaque jour un peu plus et ne dépasse pas 70 grammes de viande par jour en moyenne.
On nous a indiqué, au cours de nos précédentes auditions, qu'il était impossible d'augmenter le prix de viande. Pourquoi la grande distribution, qui devrait avoir conscience que les filières françaises sont en danger et qu'elle devra de plus en plus recourir aux importations dans l'avenir, refuse-t-elle de le revaloriser ? On a le sentiment d'un véritable blocage.
La grande distribution n'a pas d'états d'âme et ne s'engage pas dans la défense des intérêts économiques des éleveurs. Certains jouent le jeu et privilégient les filières de production française, mais d'autres n'ont aucun scrupule à acheter de la viande d'importation, notamment néo-zélandaise dans le cas de la viande ovine.
Nous sommes très inquiets : en l'absence de juste rémunération des éleveurs, c'est l'ensemble de notre élevage qui est menacé, y compris l'élevage bovin qui résistait encore jusqu'à présent. C'est pourquoi nous incitons nos collègues, dont 7 000 sont bouchers abattants, à se rapprocher des éleveurs. Une charte a ainsi été élaborée entre la CFBCT et l'association Elvea, qui représente une grande partie des éleveurs indépendants. Nous essayons également de multiplier les accords départementaux et régionaux pour favoriser les véritables circuits courts, c'est-à-dire les circuits qui relient l'éleveur au boucher ou le grossiste au boucher. Nous sommes en revanche opposés aux ventes directes : chacun doit faire son métier.
Le problème de la filière viande n'est pas celui du nombre d'intermédiaires ; il est lié au prix de base de la viande, qui n'est pas du tout rémunérateur. On a mis dans la tête des consommateurs que tout devait être low cost. Pourtant, certains de mes clients n'hésitent pas à payer le juste prix pour des produits de qualité exceptionnelle, comme par exemple le veau fermier élevé sous la mère, qui n'a rien à voir avec des produits industriels.
Le développement de l'industrialisation et le pouvoir de la grande distribution risquent de réduire à néant les efforts accomplis sur les labels et les signes de qualité. Tout ce qui intéresse ces acteurs, c'est de vendre de la viande, qu'ils considèrent comme un produit générique. Nous nous targuons de l'inscription de notre gastronomie au patrimoine mondial de l'Unesco, alors que nous consommons du fromage industriel et de la viande de basse qualité ! Notre pays a été livré pieds et poings liés aux industriels et à la grande distribution ; c'est de là que viennent nos difficultés. La LME votée en 2008 était un cadeau fait à la grande distribution. Et comme les gouvernements précédents, le gouvernement actuel ne voit que par l'industrie. La grande distribution envahit peu à peu nos centres-villes, puisqu'aucune autorisation n'est nécessaire pour une surface inférieure à 1 000 mètres carré. En l'absence de protection de ceux-ci dans les plans locaux d'urbanisme (PLU), les commerces de bouche ont pratiquement disparu de nos villes. Nous avons fait des propositions pour modifier la loi en matière d'urbanisme commercial, d'encadrement des loyers commerciaux, de ventes directes. Ce n'est pas seulement la viande qui est concernée par le commerce parallèle, mais également les produits laitiers et les fruits et légumes. Il faut également s'intéresser à la pratique de l'abattage familial, qui est extrêmement opaque.
Avec la multiplication des contrôles, cette pratique a tout de même beaucoup diminué.
Il faut également évoquer la pratique de l'abattage clandestin. J'ai moi-même pu observer un abattoir qui avait été homologué pour la production de volaille et dont on voyait sortir des camions pour l'équarrissage. Je pense que nous ne sommes pas assez rigoureux sur cette question. Ne faudrait-il pas privilégier les petits abattoirs de proximité aux énormes usines d'abattage, même si on nous répète que cela coûte très cher ?
Le système d'abattoirs allemands comprend encore des abattoirs particuliers. Il faut donner la possibilité de créer des abattoirs plus petits, qui seront rentables. Un problème social nous menace. Les abattoirs Bigard, qui réalisent 60 % de l'abattage dans notre pays, sont en sous-exploitation, ce qui menace les emplois.
Par ailleurs, les petites entreprises de transformation de charcuterie sont actuellement très menacées, contrairement aux plus importantes d'entre elles. Elles produisent en effet des produits régionaux plus qualitatifs et sont confrontées à la crise économique.
Les collectivités territoriales tendent de plus en plus à privilégier les circuits courts. Ce développement risque-t-il de réduire les débouchés des boucheries traditionnelles ?
Un de mes collègues, qui fournissait la crèche et les écoles de son village depuis des années, a soudainement perdu l'accès à ce marché : une cuisine centrale avait été installée et il lui manquait un agrément européen pour répondre aux nouvelles exigences normatives. La plupart des institutions, comme par exemple les maisons de retraite, sont désormais obligées d'externaliser leur restauration auprès de grands groupes comme Sodexho en raison des règles drastiques qui doivent être appliquées. Les règles sanitaires et le principe de précaution vont tellement loin qu'ils excluent de fait l'artisanat et les petites entreprises. La restauration de collectivité ne permet plus aujourd'hui d'assurer une alimentation correcte à ses bénéficiaires ; en outre, elle ne privilégie pas nécessairement la viande française.
Il existe également parfois un problème de formation du personnel employé par la restauration collective : celui-ci fait davantage de l'assemblage de produits que de la cuisine.
L'étiquetage des produits est-il assez clair pour la ménagère qui fait ses courses ? Bien souvent, il faut à la fois une loupe et un décodeur pour lire les étiquettes.
Je pense que la mention de l'origine est absolument indispensable pour les produits transformés. Pour l'ensemble de nos produits, nous n'avons pas le droit à l'heure actuelle d'indiquer le nom de l'élevage dont ils sont issus, ce que souhaitent parfois faire certains bouchers de proximité. Il faudrait aussi améliorer l'information du consommateur sur les conservateurs et les exhausteurs de goût.
Nous vivons aujourd'hui sous le règne de la malbouffe industrielle. Notre pays compte pourtant de nombreuses spécialités de produits remarquables. Une viande qui n'est pas de qualité, qui n'a aucun goût, conduit à dégoûter les consommateurs. L'alimentation doit aussi être un plaisir.
Nous pourrions préconiser de valoriser les éleveurs locaux dans l'étiquetage des produits.
Au-delà de la crise liée à l'affaire de la viande de cheval, n'observez-vous pas un mouvement de retour vers les produits naturels ?
Cette fraude économique a au moins eu une vertu : elle a permis de relancer le débat sur l'alimentation. Celle-ci est entre les mains des puissances de l'argent, qui font du profit sur le dos des consommateurs. Il est indispensable que nos élus se penchent sur ces problèmes alors qu'il est déjà presque trop tard. Aujourd'hui, le consommateur a encore le choix des produits qu'il consomme ; ce ne sera plus le cas si l'urbanisme commercial ne permet pas de maintenir les commerces de proximité dans les villes et les villages. A Paris, en l'absence d'encadrement des loyers, seules des grandes marques ou des galeries d'art peuvent accéder à certains emplacements. Si nous souhaitons conserver nos commerces de proximité, nous devons nous en donner les moyens.
Nos coeurs de ville sont en effet riches d'enseignes d'assurance ou de banque, mais se vident de leurs commerces de proximité.
Un autre problème est celui de la formation des jeunes. 4 000 postes sont à pourvoir immédiatement dans le secteur de la boucherie. Nous nous efforçons depuis quelques années de redonner une image valorisante à nos produits et à notre métier. Cet effort a porté ses fruits : 8 000 jeunes sont aujourd'hui en apprentissage, et l'on voit apparaître un nouveau public de demandeurs d'emploi qui désirent se former au métier de boucher. Nous sommes cependant en difficulté pour répondre à leur demande puisqu'ils ne peuvent être formés en apprentissage.
Par ailleurs, nous manquons d'aides à la reprise des entreprises de boucherie, notamment en direction des jeunes. Un programme très positif a été mis en oeuvre en Corse. Une politique volontariste est nécessaire sur ce point.
Il est nécessaire en effet d'apporter des aides à l'investissement et à la reprise lorsque des besoins sont identifiés. Nous ne pouvons pourtant pas systématiquement aider tout le monde.
L'accompagnement des repreneurs dans leurs démarches fait partie des missions des chambres consulaires et des organisations professionnelles. Nous ne recevons cependant aucune aide de la part des pouvoirs publics. Où sont passés les moyens du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) ? Il est également prévu, dans le cadre du deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC), une aide au développement rural qui doit aussi concerner l'artisanat. Nous aimerions ne pas être oubliés.
Les fonds du Fisac sont en effet épuisés. Sur l'aide au développement rural, il est parfois difficile de distinguer le rural agricole du rural non agricole.
Un frein à la transmission et à la reprise d'entreprises de boucherie ne réside-t-il pas dans la pression des normes ? Certains commerces s'adaptent sans doute difficilement aux exigences applicables aux laboratoires par exemple.
Les normes et les réglementations existent certes, mais elles ne doivent pas constituer un frein à la reprise d'entreprises. Il suffit souvent de quelques travaux d'aménagement pour rendre une entreprise conforme à la réglementation. Même si certains se plaignent de la manière dont la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la direction générale de l'alimentation (DGAL) mènent leurs contrôles, ceux-ci aident à la mise aux normes. Nous essayons toujours pour notre part d'apaiser les tensions qui peuvent naître à cette occasion.
Sur le plan sanitaire, nous sommes inquiets de constater le retour de la tuberculose chez les bovins dans une dizaine de départements.
Le Livre noir de l'agriculture d'Isabelle Saporta avait dénoncé le système de l'élevage industriel porcin en Bretagne, qui conduisait à ce qu'on retrouve des antibiotiques dans les tranches de jambon. On a depuis fait largement diminuer la consommation d'antibiotiques. Cependant, compte tenu de la concentration d'animaux dans les élevages intensifs de poulets ou de porcs, des dérives sont toujours possibles.
Les produits importés qui proviennent de pays extra-européens présentent-ils toutes les garanties de sécurité ? Ce que l'on apprend sur les conditions d'élevage aux États-Unis et au Brésil est très inquiétant.
45 % de notre consommation de poulet provient du Brésil. Il est certain que dans certains pays étrangers, même au sein de l'Union européenne, le désir de traçabilité n'est pas aussi fort que chez nous. La traçabilité est aujourd'hui parfaitement assurée chez les bouchers sur la viande bovine non transformée. Il faudrait parvenir au même résultat sur tous les types de viande.
La viande importée sur notre territoire l'est-elle par des importateurs français, ou transite-t-elle par d'autres circuits ?
La Hollande a longtemps été une plaque tournante du commerce international de viande. Elle l'est moins depuis que les frontières sont davantage ouvertes, mais il en reste quelque chose, comme l'a montré l'implication d'un trader néerlandais dans le scandale de la viande de cheval.
Les bouchers vendent parfois de la viande d'importation comme du boeuf de Kobé, mais il s'agit le plus souvent de ventes de niche à un prix très élevé.
Nous avons le plaisir de recevoir l'Institut technique de l'aviculture (ITAVI).
La filière volaille, en particulier la production de poulet, est en grande difficulté aujourd'hui. Nous avons appris lors d'une précédente audition que 45 % de la viande de volaille consommée en France est importée. D'après le président de la Fédération des Industries Avicoles (FIA), la filière perdra 5000 emplois d'ici deux ans. Comment venir en aide à la filière et encourager la production de viande de volaille française, qui est de grande qualité ? Faut-il améliorer l'étiquetage en créant une mention « filière française de volaille » ? Faut-il créer davantage de labels qualité ? Quelles sont les niches qui existent dans la filière volaille ? Faut-il développer la production bio ? Les circuits courts ?
Je vais commencer par vous présenter l'ITAVI. Il s'agit d'un institut technique agricole, habilité par l'État, qui travaille pour toutes les filières avicoles françaises -poulets de chair, poules pondeuses, dindes, pintades, canard - et pour la filière poissons. L'institut peut financer des études qui ont essentiellement pour objet de rendre ces filières plus compétitives.
Notre objet d'étude, la filière volaille, est une filière très atomisée puisque chaque espèce possède ses spécificités. Mais c'est l'ensemble de la filière qui est confrontée aujourd'hui à d'importantes difficultés économiques.
En effet, si la filière volaille française est très présente dans de multiples niches de produits d'excellence, elle a complètement délaissé les consommateurs qui achètent des volailles premier prix. Elle ne fournit plus non plus l'industrie des plats cuisinés ni la restauration hors foyer. De fait, pour satisfaire ces besoins, il serait nécessaire de ramener les coûts de production au minimum à tous les échelons de la filière. Du coup, ce sont aujourd'hui les produits importés qui viennent satisfaire cette demande d'entrée de gamme. Les pays dont nous importons la viande sont des pays extra européens, mais aussi des pays européens dont les coûts de production sont nettement plus compétitifs que les nôtres.
La filière volaille comprend plusieurs maillons : les sélectionneurs, l'accouvage, les élevages de production qui engraissent la volaille, l'abattage, la découpe et la transformation. 60 000 personnes travaillent aujourd'hui dans la production de volaille de chair, la filière qui intéresse plus particulièrement votre mission. 60 % des 1,8 millions de tonnes de volailles sont des poulets, un pourcentage relativement faible par rapport aux autres pays mais qui s'explique dans la mesure où l'élevage de volailles secondaires -pintades, dindes, canards - est particulièrement développé en France.
La production de volaille française connaît globalement un recul depuis le début des années 2000. Après un point haut en 2000, la production a retrouvé son niveau du début des années 1990.
La consommation de poulet en France a augmenté ces dernières années mais cette hausse a essentiellement profité aux importations. La production a elle aussi augmenté, en particulier depuis 2007, mais uniquement grâce aux exportations. Les producteurs français exportent en effet de plus en plus de poulet vers le proche et le Moyen-Orient, même si leurs ventes stagnent sur les marchés européens. En ce qui concerne les autres types de produits, le canard se porte bien grâce au foie gras, la pintade connaît une érosion lente et les producteurs français de dinde ont vu reculer très nettement leurs parts de marché à l'exportation, avec notamment la perte des marchés anglais et allemand car des pays comme l'Allemagne et la Pologne ont développé leur production et suscité une nouvelle concurrence.
En ce qui concerne l'organisation de la filière, il est important de savoir que 60 % des éleveurs concluent des contrats de production avec des coopératives ou d'autres acteurs privés qui leur fournissent les poussins, récupèrent les volailles et les rémunèrent en leur garantissent une marge minimum à la condition de respecter certains critères de performance. Si les professionnels possèdent leur exploitation, ils travaillent donc en très étroite concertation avec les industriels, et c'est vraiment l'opérateur - intégrateur qui prend à sa charge l'augmentation des coûts en cas de fluctuation à la hausse du coût des matières premières, même si de nombreuses révisions de contrats se produisent actuellement : il devient en effet très difficile pour les coopératives, avec la crise économique, de supporter seules ces fluctuations.
Le marché de la volaille est très fragmenté en France puisque le principal opérateur français, LDC, ne détient qu'un tiers des parts de marché de la production française. Le phénomène de concentration n'existe pas davantage en Allemagne mais le principal producteur allemand concentre toute sa production dans 13 abattoirs seulement contre 35 pour LDC, alors que leurs parts de marché respectives sont équivalentes. La taille de l'outil industriel est beaucoup plus importante en Allemagne, ce qui confère aux abattoirs allemands une productivité très supérieure à celle des abattoirs français.
Pour être compétitif sur le poulet d'entrée de gamme, il faut absolument disposer de gros abattoirs aux capacités saturées. Un abattoir qui ne fonctionne qu'à 40% de ses capacités n'est absolument pas rentable, pas plus qu'un petit abattoir. C'est ce qui fait la force des Allemands, car partis de plus loin, ils ont récemment beaucoup investi dans de très gros outils. Il manque en France un ou deux acteurs industriels qui feraient le pari de reconquérir le marché français du poulet d'entrée de gamme avec des outils d'abattage-découpe très compétitifs car de très grande taille.
La production mondiale de volaille a connu une hausse de 4 % ces dernières années et le volume des échanges a lui aussi augmenté. Le Brésil et les États-Unis sont les leaders sur les marchés mondiaux. Le Brésil, qui n'exportait pratiquement pas de volaille avant l'an 2000, exporte désormais 35 % de sa production, essentiellement des produits congelés et beaucoup de découpe. Les États-Unis quant à eux exportent les morceaux de volaille qu'ils ne consomment pas, notamment des cuisses et des pattes, qu'ils vendent à bas prix, ce qui explique que leurs exportations aient une valeur deux fois inférieure à celle des Brésiliens pour un tonnage équivalent.
10 % des volailles françaises importées proviennent de pays hors Union européenne et 90 % de pays de l'Union. La grande majorité des importations françaises sont très sécurisées car les importateurs français définissent des cahiers des charges précis avec leurs fournisseurs et établissent des audits sur place dans ces pays. Mais il existe aussi un autre marché où interviennent des traders et ce marché est beaucoup moins transparent.
En 1994, les pays de l'Union européenne représentaient marché de 20 % des volumes sur le marché mondial de la volaille. Leur part n'est plus que de 10 % en 2013. Certains grands pays producteurs aujourd'hui, comme le Brésil, bénéficient d'un approvisionnement bon marché en maïs et en soja. De plus, le coût de leur main d'oeuvre est beaucoup plus bas qu'en Europe : il en résulte que le surcoût de la production de poulet en France par rapport au Brésil est de 48 %. Par ailleurs, la baisse des tarifs douaniers et la baisse des restitutions aux exportations prévues par les accords de Marrakech de 1994 ont clairement pénalisé les exportations européennes sur le marché mondial. Or 20 à 25 % de la production française de volaille est exportée grâce au système des restitutions. Ainsi, le marché Proche et Moyen-Orient, en forte croissance, est aujourd'hui contrôlé à 80 % par les Brésiliens alors que les Européens en contrôlaient 50 % en 2000. Si les restitutions disparaissent complètement, nous devrons nous résoudre à abandonner les 20 % restant de ce marché aux Brésiliens.
La perte de compétitivité française dans le secteur de la volaille est surtout très nette vis-à-vis de nos partenaires européens, puisque la production allemande a presque triplé ces dernières années. La balance commerciale française du poulet est passée d'un excédent de 100 000 tonnes en 1997 à un déficit de 300 000 tonnes. Nos exportations ont baissé et 44 % de notre consommation est importée à 45 % aujourd'hui contre 10 % en 1990. Quasiment la moitié du poulet standard consommé en France est donc importé, à 90 % en permanence d'Europe !
Le problème de la compétitivité française est vraiment un problème intra-européen car nous sommes beaucoup moins compétitifs que les Allemands, les Néerlandais et les Belges. Ces difficultés peuvent s'expliquer par plusieurs facteurs : un environnement réglementaire particulièrement lourd - notamment la fiscalité -, une application trop rigoureuse des normes européennes en matière environnementale, des délais administratifs trop importants, un coût du travail élevé par rapport à l'Allemagne, qui n'hésite pas à utiliser des salariés des pays de l'Est dans ses abattoirs...
Je crois qu'aujourd'hui la question décisive posée à la filière est la suivante : les producteurs vont-ils totalement abandonner la production du poulet standard pour se concentrer sur les poulets labellisés ? Cette question, nous l'avons posée à la fois aux professionnels de la filière mais aussi aux associations de consommateurs, aux associations environnementales et aux associations de protection animale. Il est indispensable de faire des choix : il est difficile de consentir de trop gros efforts en matière de protection de l'environnement et de bien-être animal et d'être en même temps compétitif sur le poulet d'entrée de gamme.
Il serait aussi vraiment nécessaire d'augmenter la taille des élevages. Pour être pleinement efficaces, les élevages devraient comprendre environ 10 000 poulets. De trop petites unités de production ne peuvent être rentables si on exige qu'elles soient pleinement mises aux normes actuelles.
Augmenter la taille des exploitations me paraît en effet indispensable.
Existe-t-il du minerai de volaille, comme on en trouve dans la filière de la viande bovine ?
Ce que l'on appelle le minerai n'est que l'intrant utilisé, par exemple dans la fabrication de plats préparés. Cette appellation ne préjuge en rien de la qualité de la viande dont il est composé.
Pensez-vous que le consommateur a conscience de consommer des produits importés, notamment lorsqu'il consomme des produits transformés ? Je crois que se pose aujourd'hui en France un problème de lisibilité des étiquettes. Ne pensez-vous pas que les Français souhaiteraient davantage consommer français ?
Je crains qu'en ce qui concerne les produits très transformés, les consommateurs ne s'intéressent que très peu à l'origine de la viande, contrairement à l'intérêt manifesté lors de l'achat d'un poulet entier. Mais il est vrai qu'une meilleure information et un étiquetage plus lisible seraient précieux pour les producteurs français.
Cela étant, l'énorme défi des années à venir reste à mon sens de faire en sorte que la filière devienne suffisamment compétitive pour pouvoir gagner de l'argent en produisant des poulets standards. Cela exigera de nombreux investissements puisque 80 % du parc de bâtiments utilisés par les éleveurs est à renouveler et à mettre aux normes. Il est aussi essentiel de mieux spécialiser les abattoirs en fonction des types de demandes auxquelles ils sont susceptibles de répondre. Aujourd'hui les outils n'ont pas été assez renouvelés et les conditions de travail se sont dégradées.
J'ai le sentiment que le consommateur, contrairement à ce qui se produit lorsqu'il achète un poulet entier, a perdu la conscience que, lorsqu'il achète un produit transformé, la viande provient d'un animal.
La réforme de la PAC et la question des restitutions, qui ont été baissées deux fois ces derniers mois, sont cruciales pour l'avenir de la filière. 23 % du poulet français - est exporté. Sans les restitutions, 23 % de la production française serait donc dangereusement menacée, en particulier en Bretagne, et nous risquerions de perdre des parts de marché au Proche et au Moyen Orient. Il serait nécessaire à court terme d'obtenir un délai supplémentaire avant de supprimer les restitutions, afin de laisser à la filière le temps de s'adapter. A moyen terme, une lueur d'optimisme pourrait venir du fait que le différentiel de coût avec le Brésil tend à se réduire en raison des hausses de salaire dans ce pays, même si l'écart en matière de coût du travail demeure très important.
Même les producteurs de label rouge doivent se poser la question de leur compétitivité. A une époque, les cahiers des charge était devenus extrêmement exigeants or il est capital de parvenir à vendre à leur juste prix les contraintes qui sont imposées aux producteurs par ces cahiers des charges car elles entraînent d'importants surcoûts.
Le foie gras est un très beau produit qui se heurte à la problématique du bien-être animal, puisque les producteurs sont attaqués par les associations qui traitent de ce sujet. De gros efforts ont été consentis, notamment sur la taille des cages où sont enfermés les canards, mais subsiste une forte controverse sur le concept de base de gavage des animaux. Les consommateurs conservent un attachement très fort au foie gras, symbole de la gastronomie française. Les choses sont plus complexes au niveau mondial avec notamment l'édiction d'une norme ISO sur le gavage des animaux suivie de près par les producteurs de foie gras qui craignent que leur profession ne soit mise en péril. Ce serait vraiment regrettable car il s'agit d'une filière merveilleuse, qui permet aux producteurs de bien gagner leur vie et à des jeunes de s'installer.
A l'heure actuelle en France, les filières animales souffrent énormément alors que les filières céréalières se portent très bien. Il faut parvenir à développer une solidarité entre les acteurs. Un mécanisme de contribution volontaire obligatoire (CVO) pourrait se mettre en place pour que les céréaliers puissent venir en aide aux éleveurs, qui constituent une partie de leurs débouchés. Je crois que les politiques devraient donner une forte impulsion pour permettre à cette CVO de se développer et faire en sorte qu'elle puisse contribuer à la modernisation des bâtiments d'élevages et à l'amélioration de la performance des abattoirs.