Juriste de formation, je travaille au sein d'une communauté de recherche dédiée aux politiques publiques en matière agricole et environnementale. Je m'intéresse, avec mon collègue Michel Pech, à la compensation écologique depuis 2013. À l'époque, le ministère de l'environnement souhaitait conduire plusieurs expérimentations analogues à celle de la plaine de la Crau, notamment en Bretagne. Nous abordons la question de la compensation sous l'angle du foncier : quel est l'impact de celle-ci sur les terrains agricoles, les outils de maîtrise foncière sont-ils adaptés, comment les agriculteurs répondent-ils à la compensation, et comment valoriser davantage l'activité agricole par le biais de la compensation ?
Nous évoluons dans un contexte marqué d'un côté par l'urbanisation, l'anthropisation et un développement économique qui accentue la rareté de la ressource agricole ; mais aussi, d'un autre côté, par des démarches de protection de cette ressource et de conciliation entre la production agricole et les productions jointes.
Le cadre juridique de la compensation se caractérise par sa complexité. Plusieurs dispositifs coexistent. Il y a ainsi des dispositions relatives à la compensation dans les études d'impact, les plans et documents ayant un impact sur l'environnement ; au titre des atteintes à la continuité écologique ; dans les objectifs de conservation Natura 2000 ; dans le cadre des installations ayant un impact sur l'eau, des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), des installations classées ; dans le code forestier, à propos des défrichements ; et enfin en matière de réparation des dommages environnementaux. Les maîtres d'ouvrage perçoivent ces dispositifs comme contraignants, difficiles à mettre en oeuvre et peu efficaces.
Les mécanismes de compensation impactent le foncier agricole. Parfois, les mesures sont mises en oeuvre par l'agriculteur lui-même dans le cadre d'un aménagement agricole ; mais il arrive aussi que des aménagements non agricoles grignotent les terres, non seulement à travers le projet lui-même mais aussi via les mesures de compensation. Les maîtres d'ouvrage ont besoin d'espaces à la fois pour le projet et pour la compensation, avec cette double contrainte supplémentaire que la compensation doit être mise en oeuvre au plus près du site, et concomitamment à la réalisation du projet. C'est donc assez complexe, et le maître d'ouvrage est conduit à des arbitrages entre des terres à valeur agricole intéressante et des terres à plus grande valeur environnementale ; il doit également s'occuper de la maîtrise foncière, un sujet juridiquement lourd qui impose de passer des contrats avec le propriétaire, lequel a souvent mis sa terre en location... Enfin, il faut mettre en oeuvre des mesures de compensation efficaces, efficientes et pérennes.