Le dernier rapport de l'Observatoire national de la biodiversité souligne que la France connaît une évolution inquiétante du nombre des espèces, un état mitigé des milieux naturels, avec la destruction des habitats. La population d'oiseaux régresse, tout comme les populations de chauves-souris, les milieux humides ou les grands espaces en herbe.
Face à ce constat, il importe que les grands projets d'infrastructures ne viennent pas s'ajouter aux autres facteurs d'érosion de la biodiversité. Or leur responsabilité potentielle est importante, notamment en termes d'effet barrière - c'est-à-dire lorsque l'infrastructure devient une frontière qui ne peut plus être passée. Les projets d'infrastructure peuvent aussi contribuer à la dissémination des espèces exotiques envahissantes, sans parler des mortalités animales, des perturbations et pollutions connexes, telles que les nuisances sonores.
Les grandes infrastructures, surtout celles qui sont linéaires, posent un problème de transparence. C'est surtout vrai pour les anciennes infrastructures, les nouvelles étant soumises à un droit plus rigoureux. Or je ne pense pas qu'il y ait une incitation à la mise à niveau des anciennes.
Je voudrais aussi mettre l'accent sur les outre-mer. On a beaucoup parlé de la métropole, où des expériences et un élargissement des connaissances ont été rendus possibles par la loi de 1976. Les territoires d'outre-mer sont en revanche confrontés à des problématiques particulières et les fonctionnalités écologiques des espèces qu'ils abritent ne sont pas complètement connues. Ces zones, où l'on démarre bien souvent à zéro, devraient pouvoir bénéficier de moyens leur permettant d'atteindre le même niveau que l'hexagone.
Une évaluation est-elle possible ? Comme Dominique Aribert l'a dit, aucun fichier ne permet de suivre les anciennes compensations. On ne sait pas si les évaluations ont eu lieu, ni si elles ont été faites correctement. C'est très difficile à évaluer. On aurait aimé qu'il y ait un bilan avant la loi biodiversité, car il aurait alors été plus facile de légiférer. Maintenant qu'un fichier sera à notre disposition, il faudra faire des évaluations régulièrement, sans attendre vingt ou trente ans avant de se retourner sur ce qui aura été fait.
À mon sens, l'État doit avoir une vision inter-régions, inter-territoires. Il doit aider les territoires à monter en puissance dans ce domaine. Je souligne qu'en Guyane, peu de bureaux d'études sont compétents. Les porteurs de projet se retrouvent donc sans ressources sur lesquelles s'appuyer. Les associations sont quand même en train de faire des mémoires sur la compensation, mais la situation est un peu celle de l'Hexagone il y a vingt ans. Apparemment, la situation est meilleure à La Réunion.
Je ne me risquerai pas à donner une définition de la compensation. Pour le WWF, il convient d'atteindre l'objectif ambitieux de zéro perte nette de biodiversité. La meilleure compensation pourrait donc être celle qui n'a pas lieu. Certains grands projets d'infrastructures se retrouvent parfois bloqués sans que les bonnes questions aient été posées en amont. Par exemple, plutôt qu'un TGV, un train pendulaire ne serait-il pas plus approprié ? Toutes les solutions techniques disponibles doivent être utilisées pour minimiser l'impact sur l'environnement. Mais la prise de décision sur ces grands projets est trop fragmentée et compartimentée. Comment faire ? Je n'ai pas la solution, mais je ne peux que faire le constat que ce mode de décision nous place dans une sorte de seringue dont on a du mal à sortir. Le temps politique n'est jamais celui du projet et il est impossible de remonter le temps.