Intervention de Marie-Christine Lepetit

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 7 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de Mme Marie-Christine Lepetit chef de l'inspection générale des finances ancienne directrice de la législation fiscale à la direction générale des finances publiques dgfip

Marie-Christine Lepetit, chef de l'Inspection générale des finances, directrice de la législation fiscale à la Direction générale des finances publiques :

Dans ce cadre, comment caractériser les actions menées ou non par les différents pays ?

Les règles générales de répartition du droit de taxer entre pays n'ont pas connu d'évolution radicale au cours des dix dernières années.

La question générale que je viens d'évoquer s'inscrit donc dans un mécanisme de discussion qui prend principalement sa source dans les travaux de l'OCDE, mais aussi, pour une petite part, dans ceux de l'ONU. Comme vous le savez, ces deux grandes organisations développent des modèles de répartition du droit de taxer entre pays, et, lorsque l'on observe l'action menée au cours des dernières années, tant par l'OCDE que par l'ONU, on voit certes que les règles ont évolué, mais sans pour autant engendrer une évolution radicale.

Nous constatons que les pays, qu'ils soient membres ou non de l'OCDE, appliquent assez généralement ces règles, que celles-ci découlent du modèle de l'OCDE ou du modèle de l'ONU. Aujourd'hui, dans l'économie ouverte que nous connaissons, on n'observe donc pas de dissonances considérables : au contraire, on constate un assez bon partage, et une certaine universalité des règles.

Toutefois, quand on approfondit la question, on vérifie que le diable se niche bien dans les détails : si vous avez l'occasion de rencontrer les représentants des entreprises, ils vous expliqueront que, face aux États qui prétendent tous taxer tout, les firmes sont souvent placées dans des situations de double imposition, que cela ne va pas, que tous les pays ne comprennent pas les règles de la même manière, etc. Bien sûr, il existe des frottements ! Mais il existe également des procédures d'arbitrage pour les régler.

Si j'en juge par la croissance du nombre de procédures amiables que nous gérons, ce constat m'encourage à considérer que ces règles fonctionnent et que le mécanisme est effectif.

En résumé, les règles générales de partage du droit de taxer n'ont pas connu de changements radicaux, et les pays manifestent une assez bonne communauté de vues, même si, je le répète, des États ont un peu de mal à appliquer et à admettre certaines règles, en particulier, le principe de pleine concurrence, que certains vont jusqu'à contester.

S'agissant, plus spécifiquement, des modifications, cette fois-ci radicales, qu'a enclenchées le G20 en 2009, la situation est différente : c'est tout l'objet du Forum que de tenter d'analyser chaque pays de manière détaillée, avec la même méthode, afin de déterminer s'ils sont ou non au standard.

Je vous renvoie, pour le détail - je n'ai pas le rapport avec moi - au travail rendu public par le Forum qui s'est tenu au cours des jours précédant le G20 de Cannes. Ce document traduit exactement le point que les travaux du Forum avaient alors atteint - nous étions en novembre 2011. Le constat est le suivant : nous avons examiné cinquante-neuf pays, parmi lesquels quinze présentent des carences sérieuses et qui, du coup, ont été priés de modifier leur législation, faute de quoi ils ne pourraient faire l'objet d'un examen en phase 2. Il n'était donc pas question d'une automaticité effective, il fallait avant tout que ces pays modifient leur droit interne.

Sur ces six pays, quatre se sont adaptés très vite, en particulier la Belgique, qui a aboli son secret bancaire. Ainsi, on dispose d'une traduction tout à fait concrète : on examine la situation des pays, on constate les carences et on détermine les États qui se conforment ou non. Et, tant qu'ils ne sont pas devenus de bons élèves, les pays sont mis au ban et critiqués.

À ce stade, on observe que ces mesures produisent des effets, étant donné que les pays engagent une évolution de leur droit, mais ce n'est pas à vous que je vais expliquer que l'élaboration de la loi demande du temps, notamment le temps de préparer les esprits et d'expliquer, sans compter que, parfois, une révision constitutionnelle est même nécessaire.

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