Le nombre de signalements a effectivement quintuplé entre 2016 et 2021, il faut y voir aussi un effet du changement des règles : la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 a, en particulier, exigé que les industriels déclarent plus tôt les risques de tension. Cependant, les chiffres montrent aussi que les déclarations suivies de mesures, donc qui correspondent à des tensions effectives, progressent aussi, passant de 25 % des déclarations en 2021, à 40 % en 2022, ce qui est significatif.
Les tensions et pénuries concernent-elles les produits matures, plutôt que les produits innovants ? C'est bien le cas, aussi parce que la demande est moindre pour ces produits - et que s'il peut y avoir des délais dans l'approvisionnement, on ne constate pas de pénurie pour ces médicaments innovants. On le voit bien pour les produits anticancéreux : les tensions et pénuries se produisent sur les médicaments de première intention.
Le document que je communique à votre commission montre bien, page 6, la chronologie des mesures que nous avons prises face à la pénurie de paracétamol. Les signes de l'augmentation de la consommation apparaissent dès la fin du premier semestre 2022 et des mesures ont été prises dès le mois de juillet, avec la recommandation, élaborée avec les représentants des pharmaciens d'officine, d'une distribution fractionnée, pour contenir les achats en prescription médicale facultative. Pour l'amoxicilline - page 7 -, face à la précocité des infections hivernales, nous avons pris des mesures dès le mois d'octobre dernier pour tenter de limiter l'impact des ruptures de stock. Vous savez que, depuis septembre 2021, les industriels doivent disposer d'un stock de deux mois pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) - il y en a environ 6 000 - et que ce délai est porté à quatre mois pour les MITM qui ont fait l'objet d'une pénurie dans les deux dernières années. L'amoxicilline est classée parmi les MITM et le délai de stock est porté à quatre mois pour la solution injectable. Ces stocks ont limité l'impact de la pénurie, laquelle est liée à la forte augmentation de la consommation - elle a gagné 45 % entre l'automne 2021 et l'automne 2022. Le paracétamol, lui, n'est pas un MITM, nous avons un débat à ce sujet avec les industriels, je pense que ce produit pourrait entrer dans cette catégorie, en particulier sous sa forme pédiatrique.
Les sanctions financières sont un outil important, le périmètre vient d'en être élargi, au 1er octobre 2022, nous avons publié les lignes directrices de l'usage que nous comptons en faire, j'espère que nous serons entendus. Sur le dernier trimestre de l'année 2022, trois procédures de sanction sont en cours, elles comprennent du contradictoire avec les industriels - qui disposent aussi de recours gracieux et contentieux. Les décisions de l'Agence sont publiques, y compris les montants des sanctions - cependant, comme la loi nous l'impose, le montant des sanctions n'est affiché qu'un mois, ensuite nous devons enlever l'information de notre site.
Le ministre de la santé a annoncé, à l'issue du comité de pilotage sur les pénuries tenu au début de ce mois, l'établissement d'une liste de médicaments critiques. Il s'agit de concaténer deux séries de données : la liste de médicaments considérés comme essentiels et indispensables, établie par la Direction générale de la santé, avec les sociétés savantes ; les états des lieux établis par les industriels sur la fabrication des médicaments, sur les chaînes de production et les composants, pour identifier les facteurs de vulnérabilité, on a vu pendant la crise sanitaire combien le fait de dépendre d'un fournisseur unique d'un excipient ou d'un principe actif, par exemple, rendait l'approvisionnement vulnérable, comme cela avait été aussi le cas en 2019 lors de la pénurie de corticoïdes oraux, liée au fait qu'il n'y avait qu'un seul façonnier. La concaténation de ces deux séries de données doit donc permettre d'établir, pour le mois de juin, une liste de médicaments critiques, qu'il faudra comparer avec celle de l'OMS, il y aura des recoupements.