Merci de votre invitation. Nous avons progressé dans le combat contre le dopage depuis la création de l'AMA il y a treize ans. Je remercie la France pour son engagement et son soutien constants. Votre gouvernement a joué un rôle dans la création de l'agence et l'une de vos ministres est devenue membre de notre conseil. La France a été un des premiers pays à ratifier la convention de l'Unesco. Elle apporte un soutien financier grâce à ses cotisations, et a collaboré avec nous pour développer le passeport biologique. Celui-ci a été introduit en 2007, après les cas de dopages révélés sur le Tour de France. L'AMA avait souhaité la tenue d'un sommet international. L'UCI l'ayant refusé, la France avait organisé une réunion à Paris. L'AMA a été d'accord pour laisser l'UCI piloter la mise au point du passeport biologique. De plus, un responsable français d'Interpol a travaillé avec nous dans le cadre d'un partenariat très fructueux, pendant plusieurs années, pour coordonner les enquêtes internationales et le recueil des informations. Les enquêtes occupent une place de plus en plus importante.
En 2005, L'Équipe a révélé que des prélèvements attribués à Lance Armstrong contenaient de l'EPO. L'AMA voulait lancer une enquête. L'UCI a refusé et lancé sa propre enquête tout en mettant en cause le laboratoire français. L'AMA n'a pas accepté ces allégations et a mis à jour les manoeuvres de l'UCI.
Si l'AMA a pu parfois émettre des réserves sur telle ou telle disposition de la loi française, la coopération avec le gouvernement et l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a toujours été exemplaire. Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, est membre de notre comité exécutif.
L'AMA a été créée en 1999, à la suite de l'affaire Festina. À l'époque, le combat contre le dopage n'était pas efficace, faute d'harmonisation. Le code mondial antidopage a été adopté en 2003 lors de la conférence mondiale sur le dopage dans le sport à Copenhague. Les gouvernements se sont alors engagés à le mettre en application avant les Jeux olympiques de 2004. L'AMA étant une organisation de droit privé suisse, un traité n'était pas possible ; c'est une convention, sous l'égide de l'Unesco, qui a été adoptée et qui est entrée en vigueur en 2007. À ce jour, 174 pays l'ont ratifiée.
Le code a été révisé en 2007 et la nouvelle version est entrée en vigueur en 2009. Une nouvelle modification est en cours, qui devrait être adoptée lors de la conférence mondiale de Johannesburg en novembre prochain et entrer en vigueur en janvier 2015. Le code dresse la liste des substances prohibées, harmonise les sanctions, détermine une procédure d'appel devant une cour d'arbitrage, prévoit la reconnaissance mutuelle des décisions. Il sert de fondement à un système juridique cohérent. Il définit des règles applicables par tous, aussi bien les pays dotés d'un droit bien établi en ce domaine que les autres. L'AMA soutient la création d'organisations régionales antidopage (ORAD) regroupant des pays pauvres qui s'associent, sur une base régionale, pour mutualiser les ressources, organiser des contrôles et des programmes d'action communs ; 15 ORAD ont été créées dans 123 pays. Un membre de l'AMA se consacre au suivi de leurs travaux. Nous apprécions le soutien de certaines organisations nationales, notamment pour former des experts nationaux dans certaines régions du monde, ainsi l'AFLD en Afrique francophone.
L'éducation et la prévention sont essentielles. L'AMA a développé des programmes de sensibilisation, qui visent les sportifs et leur entourage. Ils sont disponibles dans de nombreuses langues, gratuits, mis à disposition de toutes les organisations antidopage. L'AMA poursuit son action de prévention lors des grandes manifestations sportives. Ces programmes se sont révélés populaires et efficaces.
En ce qui concerne la lutte contre le dopage elle-même, le renseignement et les investigations prennent une importance croissante. Le dopage devenant intelligent, les tests doivent être plus efficaces. À chaque discipline de mener une analyse des risques de dopage, en lien avec l'AMA. Puis un plan de contrôles sera élaboré, centré sur les athlètes les plus vulnérables, les autres étant soumis à des contrôles aléatoires. Le passeport biologique comporte des informations qui sont exploitées pour mieux cibler les contrôles hors compétition. Le choix des substances testées sera validé par l'AMA, qui s'assurera de leur pertinence au regard de la nature de la discipline sportive. Les autres substances seront recherchées sur une base aléatoire. Nous économiserons ainsi des ressources et garantirons la meilleure efficacité des contrôles.
L'affaire Armstrong, l'affaire Balco, le compte rendu de la commission anti-crime australienne témoignent que les preuves non analytiques sont puissantes aussi. Mais les prérogatives des organisations antidopage pour diligenter des enquêtes sont très limitées, à moins que des lois nationales n'aient été votées en ce sens. Des dispositions seront introduites dans le nouveau code. Les sanctions sportives pourront être réduites et même annulées si un athlète coopère avec les autorités. Les enquêtes seront systématiques si des mineurs sont concernés.
Mais les autorités antidopage ne peuvent pas tout faire. Elles ont besoin de cadres juridiques nationaux adaptés, qui autorisent les échanges d'informations entre les douanes, la police, les fédérations sportives et les agences antidopage. Si les gouvernements comprennent l'importance d'adopter de telles lois, alors je serai optimiste pour l'avenir. En dépit de la conjoncture économique, il importe aussi que les pays augmentent leurs contributions à l'AMA et à leurs programmes nationaux. La lutte contre le dopage manque d'argent. Le budget de l'AMA s'établit à 28 millions de dollars, et n'a pas augmenté depuis deux ans. Comment mener des actions ambitieuses ? Nous avons besoin de davantage de ressources pour protéger la santé des athlètes et les rêves des sportifs qui ne se dopent pas.