Commission d'enquête sur la lutte contre le dopage

Réunion du 13 juin 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AMA
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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Nous sommes heureux d'accueillir, pour notre dernière audition, M. John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage (AMA). Last but not least !

Une commission d'enquête fait l'objet d'un encadrement juridique strict. Je signale au public présent que toute personne qui troublerait les débats serait exclue sur le champ. Je vous informe en outre qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. John Fahey prête serment.

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Merci de votre invitation. Nous avons progressé dans le combat contre le dopage depuis la création de l'AMA il y a treize ans. Je remercie la France pour son engagement et son soutien constants. Votre gouvernement a joué un rôle dans la création de l'agence et l'une de vos ministres est devenue membre de notre conseil. La France a été un des premiers pays à ratifier la convention de l'Unesco. Elle apporte un soutien financier grâce à ses cotisations, et a collaboré avec nous pour développer le passeport biologique. Celui-ci a été introduit en 2007, après les cas de dopages révélés sur le Tour de France. L'AMA avait souhaité la tenue d'un sommet international. L'UCI l'ayant refusé, la France avait organisé une réunion à Paris. L'AMA a été d'accord pour laisser l'UCI piloter la mise au point du passeport biologique. De plus, un responsable français d'Interpol a travaillé avec nous dans le cadre d'un partenariat très fructueux, pendant plusieurs années, pour coordonner les enquêtes internationales et le recueil des informations. Les enquêtes occupent une place de plus en plus importante.

En 2005, L'Équipe a révélé que des prélèvements attribués à Lance Armstrong contenaient de l'EPO. L'AMA voulait lancer une enquête. L'UCI a refusé et lancé sa propre enquête tout en mettant en cause le laboratoire français. L'AMA n'a pas accepté ces allégations et a mis à jour les manoeuvres de l'UCI.

Si l'AMA a pu parfois émettre des réserves sur telle ou telle disposition de la loi française, la coopération avec le gouvernement et l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a toujours été exemplaire. Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, est membre de notre comité exécutif.

L'AMA a été créée en 1999, à la suite de l'affaire Festina. À l'époque, le combat contre le dopage n'était pas efficace, faute d'harmonisation. Le code mondial antidopage a été adopté en 2003 lors de la conférence mondiale sur le dopage dans le sport à Copenhague. Les gouvernements se sont alors engagés à le mettre en application avant les Jeux olympiques de 2004. L'AMA étant une organisation de droit privé suisse, un traité n'était pas possible ; c'est une convention, sous l'égide de l'Unesco, qui a été adoptée et qui est entrée en vigueur en 2007. À ce jour, 174 pays l'ont ratifiée.

Le code a été révisé en 2007 et la nouvelle version est entrée en vigueur en 2009. Une nouvelle modification est en cours, qui devrait être adoptée lors de la conférence mondiale de Johannesburg en novembre prochain et entrer en vigueur en janvier 2015. Le code dresse la liste des substances prohibées, harmonise les sanctions, détermine une procédure d'appel devant une cour d'arbitrage, prévoit la reconnaissance mutuelle des décisions. Il sert de fondement à un système juridique cohérent. Il définit des règles applicables par tous, aussi bien les pays dotés d'un droit bien établi en ce domaine que les autres. L'AMA soutient la création d'organisations régionales antidopage (ORAD) regroupant des pays pauvres qui s'associent, sur une base régionale, pour mutualiser les ressources, organiser des contrôles et des programmes d'action communs ; 15 ORAD ont été créées dans 123 pays. Un membre de l'AMA se consacre au suivi de leurs travaux. Nous apprécions le soutien de certaines organisations nationales, notamment pour former des experts nationaux dans certaines régions du monde, ainsi l'AFLD en Afrique francophone.

L'éducation et la prévention sont essentielles. L'AMA a développé des programmes de sensibilisation, qui visent les sportifs et leur entourage. Ils sont disponibles dans de nombreuses langues, gratuits, mis à disposition de toutes les organisations antidopage. L'AMA poursuit son action de prévention lors des grandes manifestations sportives. Ces programmes se sont révélés populaires et efficaces.

En ce qui concerne la lutte contre le dopage elle-même, le renseignement et les investigations prennent une importance croissante. Le dopage devenant intelligent, les tests doivent être plus efficaces. À chaque discipline de mener une analyse des risques de dopage, en lien avec l'AMA. Puis un plan de contrôles sera élaboré, centré sur les athlètes les plus vulnérables, les autres étant soumis à des contrôles aléatoires. Le passeport biologique comporte des informations qui sont exploitées pour mieux cibler les contrôles hors compétition. Le choix des substances testées sera validé par l'AMA, qui s'assurera de leur pertinence au regard de la nature de la discipline sportive. Les autres substances seront recherchées sur une base aléatoire. Nous économiserons ainsi des ressources et garantirons la meilleure efficacité des contrôles.

L'affaire Armstrong, l'affaire Balco, le compte rendu de la commission anti-crime australienne témoignent que les preuves non analytiques sont puissantes aussi. Mais les prérogatives des organisations antidopage pour diligenter des enquêtes sont très limitées, à moins que des lois nationales n'aient été votées en ce sens. Des dispositions seront introduites dans le nouveau code. Les sanctions sportives pourront être réduites et même annulées si un athlète coopère avec les autorités. Les enquêtes seront systématiques si des mineurs sont concernés.

Mais les autorités antidopage ne peuvent pas tout faire. Elles ont besoin de cadres juridiques nationaux adaptés, qui autorisent les échanges d'informations entre les douanes, la police, les fédérations sportives et les agences antidopage. Si les gouvernements comprennent l'importance d'adopter de telles lois, alors je serai optimiste pour l'avenir. En dépit de la conjoncture économique, il importe aussi que les pays augmentent leurs contributions à l'AMA et à leurs programmes nationaux. La lutte contre le dopage manque d'argent. Le budget de l'AMA s'établit à 28 millions de dollars, et n'a pas augmenté depuis deux ans. Comment mener des actions ambitieuses ? Nous avons besoin de davantage de ressources pour protéger la santé des athlètes et les rêves des sportifs qui ne se dopent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Je vous remercie monsieur Fahey. Que pensez-vous du rapport Pound, sévère sur l'efficacité de la lutte antidopage dans le monde ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Ce rapport, intitulé L'inefficacité des contrôles, a été rédigé par un comité composé de représentants des agences antidopage, des fédérations sportives, des laboratoires, etc. Ils ont fait des recommandations à l'AMA, aux fédérations, aux laboratoires, aux athlètes. Nous avons publié ce rapport en mai et avons demandé aux différentes catégories concernées de nous adresser leurs contributions, que nous examinerons à la réunion du comité exécutif de septembre.

Le rapport souligne que la qualité des contrôles importe plus que la quantité. Il préconise l'exploitation de renseignements et prône des contrôles ciblés sur les athlètes davantage susceptibles de tricher : ceux qui font un retour après une blessure, ou ceux qui, ayant pris leur retraite, reviennent finalement à la compétition, après avoir échappé à toute surveillance pendant de longs mois... La coopération avec les forces de police est essentielle. On ne peut dicter aux États souverains leurs lois mais j'applaudis quand l'un d'eux adopte un texte de combat contre le dopage, comme la France et d'autres l'ont fait.

Les contrôles sanguins ne représentent que 3 à 4 % du total, or certains produits, comme les hormones de croissance, ne sont pas détectables par un autre examen. Les contrôles doivent être adaptés aux particularités des différents sports et des risques. Chaque année, 270 000 prélèvements sont réalisés dans le monde. Mais beaucoup ne sont pas analysés en totalité. Certaines agences antidopage ne recherchent pas l'EPO systématiquement dans les prélèvements d'urines. C'est dommage. Mieux vaut des contrôles plus complets, même moins nombreux. Autrement dit, nous n'avons pas bien travaillé et nous devons mieux faire : telles sont les conclusions du rapport Pound. Fin juillet nous recevrons tous les commentaires et contributions et verrons quelles recommandations méritent d'être traduites dans la nouvelle version du code.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Ce rapport propose que les agences nationales antidopage puissent contrôler tout athlète, national ou étranger, présent sur leur territoire. L'AMA est-elle favorable à ces contrôles systématiques ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Les agences sont financées par des crédits nationaux, avant tout pour tester les athlètes du pays. Elles rechignent à contrôler sans crédits supplémentaires les athlètes étrangers. C'est dommage ! Un athlète doit pouvoir être contrôlé à tout moment et dans tout pays, sinon nos règles resteront sans effet. Il existe des ententes bilatérales ou multilatérales. Les Canadiens ou les Américains contrôlent tout athlète y compris étranger sur leur sol, mais indiquent qu'ils ne savent pas toujours les localiser et se heurtent aux règles de la protection de la vie privée. D'autres obstacles sont d'ordre économique. Cependant aucune disposition du code ne s'oppose à de tels contrôles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

M. Patrick McQuaid, président de l'UCI, a déclaré qu'il était prêt à accueillir des observateurs indépendants de l'AMA sur le prochain Tour de France. Est-ce selon vous souhaitable ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Nous avons envoyé des observateurs indépendants à de nombreux Jeux olympiques (JO), d'été comme d'hiver, à d'autres manifestations sportives, et sur le Tour de France à deux reprises. Notre mission était de juger de la portée des mesures antidopage mises en place par les organisateurs. Nous n'étions pas sur le Tour de France l'an dernier. Nous serions ravis d'être invités par l'UCI, comme par toute autre organisation, pourvu qu'elle prenne à sa charge les frais car notre budget est limité. Je n'ai pas encore reçu d'invitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Il ne s'agit pas d'invitation : l'UCI a simplement proposé d'accueillir des observateurs. L'expression est ambiguë.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Pourquoi l'AMA n'impose-t-elle pas aux organisateurs, privés ou fédéraux, la présence d'observateurs indépendants lors des grandes manifestations ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Nous ne pouvons pas nous imposer. Nous devons travailler en collaboration avec les fédérations. Or, souvent, nous ne sommes pas invités. Quand nous le sommes - et que l'opération est financée par nos hôtes - nous envoyons toujours une équipe. C'est ainsi que nous sommes venus deux fois sur le Tour de France, mais pas l'an dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Certaines fédérations sportives sont-elles plus actives que d'autres dans la lutte antidopage ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Il est important d'entretenir des relations constructives avec les 360 signataires du code, acteurs nationaux comme internationaux, notamment les comités nationaux olympiques. Toutefois nous sommes aussi les gardiens du code et il nous appartient de faire appel devant l'instance d'arbitrage s'il n'est pas appliqué. Nous devons conserver une certains distance à l'égard des autres organisations, afin de préserver notre indépendance. Mais nous fournissons chaque fois que nécessaire notre soutien aux fédérations qui le souhaitent pour mettre en place des programmes antidopage. Nous ne cherchons pas à nous immiscer dans leur fonctionnement interne car elles sont autonomes. Il est vrai que certaines sont plus efficaces que d'autres, vous le savez, et vous savez lesquelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Disposez-vous des moyens suffisants pour sanctionner les fédérations internationales qui n'appliquent pas le code mondial ? Pouvez-vous exclure un pays des Jeux olympiques ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Non, nous n'avons pas ce pouvoir. Nos membres, pour la moitié représentants des pays membres, pour l'autre des mouvements sportifs nationaux, décident, lorsque nous estimons qu'un pays doit être exclu, d'en faire état ou non devant le Comité international olympique. C'est ce dernier qui statue. Le code prévoit des sanctions contre des particuliers, mais non contre des nations. Aucun pays n'a été exclu en treize ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Saisissez-vous Interpol ou Europol si vous avez connaissance de trafics de produits dopants ? Ces organismes s'appuient-ils sur vous dans leurs enquêtes ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Grâce à l'aide de la France, un officier d'Interpol se consacre à la lutte contre les trafics de produits illicites dans le sport. De nombreuses informations ont été recueillies grâce à la collaboration des 140 services de police et de gendarmerie réunis dans Interpol. Si l'on soupçonne un trafic, l'information est transmise au bureau d'Interpol du pays concerné. Grâce à nos demandes d'investigation, nous avons découvert que les mêmes réseaux mafieux sont impliqués dans le trafic de produits dopants, le trafic de drogues, le trucage des compétitions sportives. Interpol a appuyé les enquêtes de la commission de lutte contre le crime en Australie en début d'année. Il faut que les pays collaborent et se dotent d'un cadre législatif approprié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Avez-vous également des contacts directs réguliers avec les services policiers et douaniers des différents pays ? Ou passez-vous toujours par Interpol ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Nous avons signé une lettre d'intention avec l'organisation mondiale des douanes pour mettre en place une collaboration similaire à celle que nous entretenons en matière de police avec Interpol. Malheureusement aucun pays n'a encore accepté de mettre à disposition de l'organisation un agent en charge de cette mission.

Ces collaborations sont indispensables. En Australie, 40 % des sanctions résultent de renseignements fournis par les douanes ou la police. La loi autorise les échanges d'informations avec ces services. Lorsque la douane détecte un colis contenant des substances dopantes, elle consulte l'agence antidopage, recoupe les informations et parvient in fine à attraper en flagrant délit les athlètes qui se dopent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Seriez-vous partisan d'un renforcement des liens directs avec les instances policières et douanières nationales, si la question du financement était réglée ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Absolument. La coopération des forces de police et des douanes est essentielle pour démanteler les trafics dans les pays.

Les ressources sont rares. Lorsque j'étais ministre des finances en Australie, une grande partie de mon travail consistait à refuser des demandes de financement... Déjà, entre 100 et 120 pays ne peuvent faire plus que s'appuyer sur des organisations régionales antidopage. Ainsi le Kenya, dont les athlètes ont remporté onze médailles d'or aux JO de Londres, fait-il partie d'une organisation qui regroupe six pays. De nombreux sportifs d'autres pays vont s'entraîner sur les hauts plateaux. J'aimerais que le pays consacre quelques ressources à la lutte antidopage, mais je comprends que la santé ou l'éducation soient considérés comme prioritaires...

Avec plus d'argent, nous serions plus efficaces. Néanmoins, tout dépend de la volonté des pays. La France a contribué au financement d'un ORAD en Afrique. L'Australie en finance un autour des îles Fidji.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

La pénalisation de l'usage des produits dopants par les législations nationales vous aiderait-elle dans la lutte contre le dopage ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Oui, sans aucun doute. Mais les législateurs nationaux sont souverains. La France, l'Italie la Russie ont adopté des lois sévères. En Norvège le dopage est passible de peines pénales. Ce n'est pas le cas en Australie. Plus les sanctions sont fortes, plus elles sont dissuasives. Je n'exige rien des pays, mais j'applaudis lorsqu'ils s'orientent en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Les Européens sont opposés à l'existence de deux listes de produits interdits, l'une pendant la compétition l'autre hors compétition. Quel est votre avis sur ce point ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

La question est : telle substance procure-t-elle un avantage en compétition ? Notez que 8 % des résultats positifs aux anabolisants concernent la marijuana ou le cannabis, qui laissent une trace durable dans le corps. C'est ainsi qu'un joueur de football peut être en infraction avec le code de l'AMA le jour d'un match si dix jours auparavant il a fumé un joint au cours d'une fête - comportement qui n'a certes pas pour objectif de mieux jouer dix jours plus tard...

Pour déterminer ce qui doit figurer sur chacune des deux listes, il faut se demander si la performance est améliorée de manière non naturelle. En pratique, nous dépensons beaucoup d'argent pour confondre des fumeurs de cannabis qui ne sont pas réellement des tricheurs. Nous devons donc continuer à travailler sur les substances illicites, prises lors des compétitions ou en dehors de celles-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

La France, dans le cadre du suivi réglementaire, considère qu'il faut empêcher des sportifs ayant subi une infiltration de corticoïdes de participer à une épreuve. Comment expliquez-vous, à l'inverse, l'élévation du taux autorisé ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Notre comité exécutif examine chaque année la liste des substances interdites. Il se fonde sur les travaux du comité « Liste », composé de scientifiques, de pharmaciens, de biologistes, d'experts du monde entier, au courant de toutes les évolutions de la science : ce comité est donc à même de prendre de bonnes décisions. Les corticoïdes font l'objet d'un débat depuis quelques années. Les experts estiment qu'en-dessous d'une certaine quantité, ou lorsqu'elles sont absorbées par inhalation, ces substances n'ont pas d'effet sur les résultats sportifs. Quant à moi, je ne suis pas un expert. Les listes sont révisées chaque année : la caféine, par exemple, figurait sur la liste, elle en a été ôtée car le comité « Liste » a considéré que tout le monde consommant quotidiennement du café, on ne pouvait pas sanctionner les sportifs pour un tel motif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Vous avez insisté sur la nécessité de compléter le financement de l'AMA. Vous considérez que son budget est insuffisant pour faire face aux dépenses nécessaires à une amélioration de la lutte contre le dopage. Une taxe sur les droits de retransmission télévisuelle des compétitions internationales serait-elle envisageable ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Oui, bien sûr, mais ces droits sont négociés par les fédérations sportives, pas par nous. Certes, si chaque organisation sportive nous en reversait un petit pourcentage, par exemple 0,25 %, ce serait fantastique ! Mais je respecte entièrement leurs prérogatives. Nous dépendons en réalité des pays. La France contribue au financement de son comité national olympique. Elle pourrait, par exemple, aider le développement du rugby junior, ce qui permettrait à la fédération de dégager des ressources pour la lutte contre le dopage. Si les fédérations nationales en faisaient plus dans ce domaine, nous aurions moins à faire... Indirectement, nous dépendons de la générosité des gouvernements nationaux : s'ils soutiennent leurs fédérations, cela nous profite aussi. La lutte contre le dopage est une obligation morale, car la triche est intolérable. Chaque fédération doit se demander quel prix elle est prête à payer pour préserver l'intégrité de ses compétitions. Si elle perd sa réputation, elle perdra le soutien du public, celui des sponsors, les droits de retransmission, et son sport finira par disparaître. La triche est vraiment la force destructrice la plus redoutable. Ce message doit être diffusé aux fédérations par les gouvernements qui les financent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Quelle est votre appréciation de la performance du laboratoire de Châtenay-Malabry ? Que pensez-vous du fait qu'il soit administrativement rattaché à l'AFLD ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Je n'ai pas de commentaires à faire. Il me semble toutefois que le principe d'un tel lien n'est pas bon. Mieux vaut l'indépendance : il ne faut pas de lien entre ceux qui mènent l'enquête et ceux qui font les analyses. Sinon, ils sont plus fragiles et peuvent être attaqués... Il faut être attentif aussi à l'association entre certaines fédérations internationales et certains laboratoires. Si la fédération fait beaucoup travailler un laboratoire, celui-ci peut devenir financièrement dépendant d'elle, ce qui risque de créer des tentations. Il faut une séparation complète, qui seule envoie un message d'intégrité et suscite la confiance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Vous avez évoqué des difficultés relationnelles avec l'UCI. Faites-vous encore confiance à ses dirigeants ? Ou souhaitez-vous que le souffle du changement atteigne aussi cette instance internationale ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Pardonnez-moi si je dois utiliser un peu la « langue de bois » pour vous répondre. Ce n'est pas à moi de dire aux pratiquants d'un sport comment ils doivent se gérer. C'est à eux de se poser des questions. Nous savons bien qu'il y a eu des problèmes dans le monde du cyclisme : l'AMA doit son existence au scandale « Festina ».

J'ai dit que nous devions travailler ensemble. Le gouvernement français exerce des pressions en ce sens également, pour protéger le Tour de France contre une mauvaise réputation. Le cyclisme a une histoire à tout le moins turbulente. À présent, le passeport biologique est en place, depuis trois ans. Je suis heureux que vous ayez contribué à sa création. C'est aux fédérations nationales de dire si elles sont satisfaites de leurs dirigeants internationaux. La réputation, c'est tout. Je suis un amateur de sport, je regarde les compétitions et je vais aux matchs... jusqu'au jour où je n'ai plus confiance dans l'intégrité des joueurs. Nous avons fait de notre mieux pour appuyer l'UCI dans ces temps difficiles. Je n'ai aucun préjugé sur le cyclisme. J'ai écrit une lettre au dirigeant de l'UCI en février, dans laquelle je lui disais être prêt à le rencontrer, n'importe où dans le monde. Je n'ai pas reçu de réponse. Deux rencontres récentes entre des responsables de nos deux institutions n'ont donné aucun résultat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Vous avez évoqué le trucage des matchs. Le modèle de l'AMA doit-il être transposé au combat contre ce type de phénomènes, qui révèlent la main du crime organisé dans l'économie du sport ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Oui. L'AMA ne souhaite pas être chargée de travailler sur ce problème, sauf si ses membres décidaient d'élargir sa mission. C'est à eux de le décider : nous n'allons pas le réclamer. Je ne doute pas qu'une organisation semblable à la nôtre serait utile. Les paris illicites, grâce à Internet, franchissent les frontières. Les gouvernements peuvent jouer un rôle essentiel en cette matière. Certains ont fait adopter des lois sur la transparence et sur les règles d'organisation des paris. Mais pour lutter efficacement contre le trucage, il faudrait l'alliance des gouvernements et du monde du sport, et une convention internationale.

Quand la réflexion sur ce sujet aura abouti, la création d'une commission mondiale de l'intégrité dans le sport sera peut-être la solution pour une approche uniforme et complète de la lutte contre le trucage des matchs. Les valeurs sportives sont fondamentales, que nous inculquons aux enfants dès le plus jeune âge : savoir jouer à un jeu en respectant des règles, être juste, honnête... Ce sont des règles de vie.

Notre modèle est unique : je ne connais pas d'autre organisation qui travaille comme nous de concert avec les gouvernements. Nous sommes de plus en plus efficaces. Nous avons suscité une prise de conscience, et créé des mécanismes de lutte contre le dopage qui n'existaient pas il y a dix ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Est-ce votre conclusion, ou voulez-vous ajouter quelques mots ?

Debut de section - Permalien
John Fahey, président de l'Agence mondiale antidopage

Nous devons améliorer l'éducation de nos enfants sur les dangers du dopage sportif pour la santé. Notre code exige que nos signataires aient un programme d'éducation : ceux-ci demeurent souvent trop limités. Au Japon, en revanche, il y a dans chaque école primaire et secondaire un module d'éducation sur les dangers des drogues dans le sport. Les élites sportives ne sont pas seules concernées : dans les centres de fitness, combien d'adeptes avalent des comprimés pour avoir un corps parfait, et s'infligent de la sorte de grands dégâts. Nous publierons à la fin de l'année un module d'éducation à destination des écoles et des universités. Nous souhaitons mieux former les futurs éducateurs sportifs aux dommages produits par les substances illicites. La culture de la performance s'est développée dans les pays du bloc de l'Est, dans les années soixante-dix et quatre-vingt : après la chute du mur de Berlin, la transparence s'est développée.

Merci pour votre invitation, et merci d'avoir accepté que je m'exprime en anglais. J'ai suivi vos auditions, je connais les objectifs de votre enquête, et vous souhaite plein succès. C'est un sujet qui occupe ma vie depuis six ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Merci pour votre intervention. C'était la dernière audition de notre commission d'enquête. Nous présenterons notre rapport au mois de juillet prochain.