Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 9 décembre 2009 à 14h30
Droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le pacte civil de solidarité, ou PACS, fête cette année ses dix ans.

En effet, la loi du 15 novembre 1999 a créé une nouvelle forme d’union aux côtés du concubinage et du mariage : le pacte civil de solidarité, que pouvaient contracter des personnes de même sexe mais aussi de sexe opposé.

Je ne reviendrai pas sur les débats houleux qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale au moment de l’examen du texte ni sur l’opposition farouche de la majorité sénatoriale : heureusement, cela appartient, je veux le croire, au passé.

Si le PACS a bien constitué une avancée majeure pour les homosexuels, privés du droit de se marier et donc de se voir reconnaître des droits et une protection mutuelle dans leur vie quotidienne, il ne s’est pas résumé à une forme d’union réservée aux homosexuels, bien au contraire. Si les homosexuels constituaient 25 % des pacsés en 2000, ils n’en représentent plus que 5, 6 % en 2008.

Le PACS connaît un véritable succès, reconnu de tous. Ainsi, 146 084 PACS ont été signés en 2008, soit une augmentation de 43 % par rapport à 2007. Au total, près de 526 000 PACS ont été signés : plus de 1 million de personnes ont ainsi choisi de se pacser.

Ce succès tient au fait que le PACS a répondu aux aspirations de couples qui, ne désirant pas se marier, ou n’en ayant pas le droit, comme nous l’avons vu, n’en souhaitaient pas moins bénéficier d’un statut juridique protecteur et davantage organisé que le concubinage.

Le PACS permet ainsi à deux personnes d’organiser juridiquement leur vie commune. Il établit des droits et des obligations entre les deux partenaires en termes de soutien matériel, de logement, de patrimoine, d’impôts et de droits sociaux.

C’est ainsi que l’on n’hésite plus à parler du PACS, plus souple que le mariage mais plus protecteur que le concubinage, comme d’un « troisième mode de conjugalité ».

Dès 1997, puis en 1999, mon groupe et moi-même avons déposé des propositions de loi et des amendements tendant à renforcer les droits des couples non mariés. À l’époque, toute avancée a été balayée d’un revers de la main. Pourtant, les faits nous donnent raison.

Les dix années d’existence du PACS ont connu deux temps forts, qui ont nettement contribué à son succès. Le premier, c’est l’adoption de la loi de finances pour 2005, qui a instauré, dès le 1er janvier 2005, le principe de l’imposition commune pour les partenaires pacsés dès la première année.

Le second temps fort, c’est l’adoption de la loi sur les successions et les libéralités. Cette loi du 23 juin 2006 a profondément modifié la nature même du PACS, puisqu’elle en fait un véritable statut du couple, intégrant l’état de la personne : le PACS n’est désormais plus restreint à un simple contrat.

La loi de 2006 a bouleversé le régime patrimonial du PACS, en faisant de la séparation de biens le régime de droit commun et en octroyant de nouveaux droits aux partenaires. Elle a ainsi renforcé la solidarité entre les partenaires : ils doivent désormais s’apporter une aide matérielle et une assistance réciproques, et sont solidaires des dettes de la vie courante.

Un droit au maintien dans le logement a également été reconnu au partenaire survivant, sur le modèle du droit reconnu au conjoint survivant, sans qu’il y ait pour autant assimilation avec le statut de ce dernier.

Sur ces différents aspects, la loi du 23 juin 2006 a donc rapproché de façon considérable le statut du PACS de celui du mariage.

La proposition de loi que nous présentons aujourd’hui se situe dans cette voie mais ne prévoit pas, comme vous l’indiquez dans votre rapport, madame le rapporteur, une assimilation du PACS au mariage.

L’évolution du droit, marquée par la loi de finances pour 2005 et la loi sur les successions et les libéralités, a en réalité accompagné l’évolution de la société en instaurant l’égalité des couples homosexuels avec les autres couples, qui expriment des besoins parce qu’ils vivent ensemble selon leur choix.

Cette union est d’ailleurs devenue de plus en plus stable, même si l’on peut la rompre selon une procédure simplifiée. Il serait imprudent de dire que le PACS est un choix d’instabilité.

En effet, même si le recul est faible et si la durée des PACS dans le temps n’est que de dix ans, les chiffres viennent démontrer le contraire, comme nous l’apprend le ministère de la justice, en la personne de Joël Creusat, chef du bureau des dispositifs statistiques et des études. Il confirme ainsi que le PACS est bel et bien une union stable, avec un taux de dissolution de 15 % environ, alors que le taux de dissolution des divorces est de 30 %. Parmi ces ruptures, près d’un quart sont provoquées par des couples qui souhaitent, après s’être pacsés, se marier.

Ces chiffres montrent que le mode de rupture ne constitue pas la première motivation des couples qui décident de se pacser, si toutefois quelqu’un en doutait.

En outre, le nombre des divorces a connu un pic en 2005, suite à la réforme du divorce de 2004, qui en a simplifié la procédure. Le nombre de divorces par consentement mutuel est d’ailleurs toujours important aujourd’hui. Dès que la procédure de rupture a été simplifiée, les divorces ont augmenté : le mariage ne protège donc pas plus de la rupture.

Dix ans après la création du PACS, le bilan que l’on peut établir est finalement assez éloigné de ce que prédisaient ses détracteurs. Le PACS a acquis un statut juridique à part entière, conférant des droits et des obligations aux partenaires et il est plutôt synonyme de stabilité. Il n’est pas devenu ce mariage bis que certains craignaient, puisqu’il conserve une différence fondamentale avec le mariage : il ne crée aucun droit en matière de filiation et d’adoption, ou encore de procréation médicalement assistée.

C’est pourquoi, quelle que soit mon opinion personnelle et celle de nombreux parlementaires, je n’ai pas choisi de proposer une modification de la législation en matière de filiation pour les couples pacsés. Je propose seulement d’améliorer les droits sociaux afférents à l’union par PACS.

Cependant, si, force est de le reconnaître, le régime juridique du PACS a nettement été amélioré ces dernières années, il reste encore des domaines où un renforcement des droits des pacsés doit être envisagé.

Le PACS n’est plus simplement un contrat signé entre deux personnes. Toutefois, sa conclusion s’effectue toujours au greffe du tribunal d’instance. Mon groupe et moi-même avions, dès 1999, demandé que la conclusion d’un PACS s’effectue en mairie. En effet, l’établissement d’un certificat de concubinage est assuré par un officier d’état civil : pourquoi n’en serait-il pas de même pour le PACS ?

Un autre argument est venu, entre-temps, appuyer cette demande. La loi du 23 juin 2006 sur les successions et les libéralités a prévu que, désormais, il serait fait mention du PACS sur l’acte de naissance, avec mention de l’identité des partenaires. Cette nouveauté a été introduite dans la loi sur l’initiative du Gouvernement, en la personne de Pascal Clément, alors garde des sceaux.

Celui-ci ne voulait pas qu’il soit fait mention de l’identité du partenaire afin, d’une part, de préserver la vie privée des partenaires et, d’autre part, de ne pas conférer au PACS la qualité d’acte d’état civil. Je le dis sans porter de jugement.

Deux amendements avaient alors été proposés dans cet hémicycle, l’un, par Robert Badinter et ses collègues socialistes et, l’autre, par vous-même, madame Troendle, et plusieurs de vos collègues, afin de prévoir que l’inscription du PACS en marge de l’acte de naissance mentionne l’identité du partenaire. Ces amendements ont finalement été adoptés, contre l’avis de Pascal Clément qui s’exprimait ainsi : « à partir du moment où vous ajoutez le nom, vous faites du PACS un nouvel acte d’état civil »,

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