La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la désignation des 37 membres de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif au Grand Paris créée par le Sénat le 3 décembre 2009, en application de l’article 16, alinéa 2, du règlement, sur proposition de M. le président du Sénat.
Conformément à l’article 10 de notre règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer les droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG (n° 461 rectifié, 2008-2009 ; n° 114).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la proposition de loi.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le pacte civil de solidarité, ou PACS, fête cette année ses dix ans.
En effet, la loi du 15 novembre 1999 a créé une nouvelle forme d’union aux côtés du concubinage et du mariage : le pacte civil de solidarité, que pouvaient contracter des personnes de même sexe mais aussi de sexe opposé.
Je ne reviendrai pas sur les débats houleux qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale au moment de l’examen du texte ni sur l’opposition farouche de la majorité sénatoriale : heureusement, cela appartient, je veux le croire, au passé.
Si le PACS a bien constitué une avancée majeure pour les homosexuels, privés du droit de se marier et donc de se voir reconnaître des droits et une protection mutuelle dans leur vie quotidienne, il ne s’est pas résumé à une forme d’union réservée aux homosexuels, bien au contraire. Si les homosexuels constituaient 25 % des pacsés en 2000, ils n’en représentent plus que 5, 6 % en 2008.
Le PACS connaît un véritable succès, reconnu de tous. Ainsi, 146 084 PACS ont été signés en 2008, soit une augmentation de 43 % par rapport à 2007. Au total, près de 526 000 PACS ont été signés : plus de 1 million de personnes ont ainsi choisi de se pacser.
Ce succès tient au fait que le PACS a répondu aux aspirations de couples qui, ne désirant pas se marier, ou n’en ayant pas le droit, comme nous l’avons vu, n’en souhaitaient pas moins bénéficier d’un statut juridique protecteur et davantage organisé que le concubinage.
Le PACS permet ainsi à deux personnes d’organiser juridiquement leur vie commune. Il établit des droits et des obligations entre les deux partenaires en termes de soutien matériel, de logement, de patrimoine, d’impôts et de droits sociaux.
C’est ainsi que l’on n’hésite plus à parler du PACS, plus souple que le mariage mais plus protecteur que le concubinage, comme d’un « troisième mode de conjugalité ».
Dès 1997, puis en 1999, mon groupe et moi-même avons déposé des propositions de loi et des amendements tendant à renforcer les droits des couples non mariés. À l’époque, toute avancée a été balayée d’un revers de la main. Pourtant, les faits nous donnent raison.
Les dix années d’existence du PACS ont connu deux temps forts, qui ont nettement contribué à son succès. Le premier, c’est l’adoption de la loi de finances pour 2005, qui a instauré, dès le 1er janvier 2005, le principe de l’imposition commune pour les partenaires pacsés dès la première année.
Le second temps fort, c’est l’adoption de la loi sur les successions et les libéralités. Cette loi du 23 juin 2006 a profondément modifié la nature même du PACS, puisqu’elle en fait un véritable statut du couple, intégrant l’état de la personne : le PACS n’est désormais plus restreint à un simple contrat.
La loi de 2006 a bouleversé le régime patrimonial du PACS, en faisant de la séparation de biens le régime de droit commun et en octroyant de nouveaux droits aux partenaires. Elle a ainsi renforcé la solidarité entre les partenaires : ils doivent désormais s’apporter une aide matérielle et une assistance réciproques, et sont solidaires des dettes de la vie courante.
Un droit au maintien dans le logement a également été reconnu au partenaire survivant, sur le modèle du droit reconnu au conjoint survivant, sans qu’il y ait pour autant assimilation avec le statut de ce dernier.
Sur ces différents aspects, la loi du 23 juin 2006 a donc rapproché de façon considérable le statut du PACS de celui du mariage.
La proposition de loi que nous présentons aujourd’hui se situe dans cette voie mais ne prévoit pas, comme vous l’indiquez dans votre rapport, madame le rapporteur, une assimilation du PACS au mariage.
L’évolution du droit, marquée par la loi de finances pour 2005 et la loi sur les successions et les libéralités, a en réalité accompagné l’évolution de la société en instaurant l’égalité des couples homosexuels avec les autres couples, qui expriment des besoins parce qu’ils vivent ensemble selon leur choix.
Cette union est d’ailleurs devenue de plus en plus stable, même si l’on peut la rompre selon une procédure simplifiée. Il serait imprudent de dire que le PACS est un choix d’instabilité.
En effet, même si le recul est faible et si la durée des PACS dans le temps n’est que de dix ans, les chiffres viennent démontrer le contraire, comme nous l’apprend le ministère de la justice, en la personne de Joël Creusat, chef du bureau des dispositifs statistiques et des études. Il confirme ainsi que le PACS est bel et bien une union stable, avec un taux de dissolution de 15 % environ, alors que le taux de dissolution des divorces est de 30 %. Parmi ces ruptures, près d’un quart sont provoquées par des couples qui souhaitent, après s’être pacsés, se marier.
Ces chiffres montrent que le mode de rupture ne constitue pas la première motivation des couples qui décident de se pacser, si toutefois quelqu’un en doutait.
En outre, le nombre des divorces a connu un pic en 2005, suite à la réforme du divorce de 2004, qui en a simplifié la procédure. Le nombre de divorces par consentement mutuel est d’ailleurs toujours important aujourd’hui. Dès que la procédure de rupture a été simplifiée, les divorces ont augmenté : le mariage ne protège donc pas plus de la rupture.
Dix ans après la création du PACS, le bilan que l’on peut établir est finalement assez éloigné de ce que prédisaient ses détracteurs. Le PACS a acquis un statut juridique à part entière, conférant des droits et des obligations aux partenaires et il est plutôt synonyme de stabilité. Il n’est pas devenu ce mariage bis que certains craignaient, puisqu’il conserve une différence fondamentale avec le mariage : il ne crée aucun droit en matière de filiation et d’adoption, ou encore de procréation médicalement assistée.
C’est pourquoi, quelle que soit mon opinion personnelle et celle de nombreux parlementaires, je n’ai pas choisi de proposer une modification de la législation en matière de filiation pour les couples pacsés. Je propose seulement d’améliorer les droits sociaux afférents à l’union par PACS.
Cependant, si, force est de le reconnaître, le régime juridique du PACS a nettement été amélioré ces dernières années, il reste encore des domaines où un renforcement des droits des pacsés doit être envisagé.
Le PACS n’est plus simplement un contrat signé entre deux personnes. Toutefois, sa conclusion s’effectue toujours au greffe du tribunal d’instance. Mon groupe et moi-même avions, dès 1999, demandé que la conclusion d’un PACS s’effectue en mairie. En effet, l’établissement d’un certificat de concubinage est assuré par un officier d’état civil : pourquoi n’en serait-il pas de même pour le PACS ?
Un autre argument est venu, entre-temps, appuyer cette demande. La loi du 23 juin 2006 sur les successions et les libéralités a prévu que, désormais, il serait fait mention du PACS sur l’acte de naissance, avec mention de l’identité des partenaires. Cette nouveauté a été introduite dans la loi sur l’initiative du Gouvernement, en la personne de Pascal Clément, alors garde des sceaux.
Celui-ci ne voulait pas qu’il soit fait mention de l’identité du partenaire afin, d’une part, de préserver la vie privée des partenaires et, d’autre part, de ne pas conférer au PACS la qualité d’acte d’état civil. Je le dis sans porter de jugement.
Deux amendements avaient alors été proposés dans cet hémicycle, l’un, par Robert Badinter et ses collègues socialistes et, l’autre, par vous-même, madame Troendle, et plusieurs de vos collègues, afin de prévoir que l’inscription du PACS en marge de l’acte de naissance mentionne l’identité du partenaire. Ces amendements ont finalement été adoptés, contre l’avis de Pascal Clément qui s’exprimait ainsi : « à partir du moment où vous ajoutez le nom, vous faites du PACS un nouvel acte d’état civil »,
Je n’ai pas pour habitude de considérer les propos tenus par Gouvernement comme parole d’évangile, mais, force est de le constater, la modification du système antérieur du PACS, entraînée par la loi de 2006 et prévoyant que la déclaration de PACS sera mentionnée en marge de l’acte de naissance avec l’identité des partenaires, fait du PACS non plus seulement un contrat enregistré au tribunal d’instance, mais également un acte d’état civil.
L’inscription du PACS en marge de l’état civil, sans mention de l’identité du partenaire, était d’ailleurs l’une des recommandations de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la famille et les droits des enfants, présidée par Patrick Bloche et dont le rapporteur était Valérie Pécresse, dans son rapport du 25 janvier 2006. Le législateur est allé plus loin et nous nous en félicitons.
Cette question a donc dépassé les clivages politiques. J’en veux pour preuve le dépôt, le 15 octobre 2008, par le député et président du conseil général des Alpes-Maritimes Éric Ciotti, d’une proposition de loi visant à permettre la conclusion du PACS dans les mairies.
Selon l’exposé des motifs de cette proposition de loi, « le PACS est actuellement enregistré au greffe du tribunal d’instance qui, bien qu’il ait des compétences administratives n’en demeure pas moins un tribunal donc un lieu inadapté à la signature d’une convention établissant et organisant la vie commune d’un couple ».
Il est aujourd’hui totalement légitime de demander que le PACS soit enregistré par un officier d’état civil et non plus par le greffier du tribunal d’instance.
La mairie est un lieu symbolique, plus accessible et plus proche des citoyens, surtout depuis la réforme de la carte judiciaire qui prévoit la suppression de 178 tribunaux d’instance.
Tous les actes importants de la vie y sont enregistrés : naissance, mariage, décès et même, je le disais, certificat de concubinage ; le baptême républicain est lui aussi effectué en mairie.
Seul le PACS est enregistré au tribunal. Vous nous dites que les maires sont opposés à cette mesure : les mentalités évoluent, …
… puisque de plus en plus de mairies organisent des cérémonies de PACS.
Nonobstant de telles évolutions, soyons clairs, à part la position constante depuis dix ans du bureau de l’AMF, les maires n’ont pas été consultés sur la question.
L’évolution de la nature même du PACS nécessite donc que soient repensées les conditions de son enregistrement : nous proposons par conséquent de l’enregistrer en mairie.
De cela découle notre proposition de créer, à l'article 2, une procédure de « PACS in extremis », à l’image de celle qui existe pour le mariage, en cas d’empêchement grave ou de péril imminent de décès.
Vous indiquez, madame le rapporteur, que cet article serait satisfait grâce à la modification apportée par le biais de l’article 37 de la loi pénitentiaire à l’article 515-3 du code civil, aux termes duquel « le procureur de la République requiert le greffier du tribunal d’instance de se transporter au domicile » du partenaire qu’un empêchement grave interdit de se déplacer. C’est une procédure qui n’existait pas auparavant.
Mais l’article 2 relevant de la même logique que l’article 1er, nous demandons, par cohérence que, à la différence du droit nouvellement en vigueur, ce soit l’officier d’état civil qui se déplace, et non le greffier. Je crois cependant deviner que vous n’y êtes pas favorable.
Je n’évoquerai que brièvement la question de la reconnaissance en France des partenariats conclus à l’étranger, puisque la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures a fort opportunément remédié à cette lacune de la législation. C’était une demande ancienne, et je me réjouis qu’aujourd’hui elle soit entrée en vigueur.
En revanche, le PACS ne confère pas de droit en termes d’acquisition de la nationalité française. La question s’est néanmoins posée dans le passé, puisque la commission des lois de l’Assemblée nationale avait prévu, en octobre 1998, la prise en compte du pacte civil de solidarité dans l’examen d’une demande de naturalisation, avec une condition de durée du PACS fixée à un an, proposition finalement rejetée par les députés.
Sur ce point, notre position n’a pas varié. La proposition de loi que le groupe communiste avait alors déposée au côté de celle de nos collègues socialistes prévoyait déjà ceci : « L’étranger lié à un Français par un pacte civil de solidarité bénéficie de droits plus larges : il est considéré comme ayant des liens personnels en France de nature à lui ouvrir un droit au séjour et il peut acquérir la nationalité française par déclaration un an après la conclusion du pacte […] ».
Aujourd’hui, le droit applicable aux étrangers a été considérablement durci, notamment en ce qui concerne l’acquisition de la nationalité. Désormais, la condition de durée du mariage est fixée à quatre ans avant qu’un conjoint étranger de Français puisse demander sa naturalisation.
Nous n’avons pas voulu être provocateurs en abaissant ce délai à un an, comme le droit le prévoyait en 1998 : nous avons donc repris notre proposition initiale, en fixant la durée du PACS à quatre ans, comme le prévoit l’article 21-2 du code civil pour les conjoints étrangers de Français.
La facilité avec laquelle deux personnes peuvent conclure un PACS, sans contrôle du ministère public alerté par l’officier d’état civil, comme c’est le cas pour le mariage, laisserait à penser qu’après les mariages blancs et les mariages gris nous verrions apparaître les PACS blancs et – pourquoi pas ? – les PACS gris !
Ne partageant pas, comme vous vous en doutez, cette vision suspicieuse des unions entre une personne française et une personne étrangère, nous avons proposé d’étendre aux personnes liées par un PACS le droit à l’acquisition de la nationalité des conjoints.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’en viens maintenant à la deuxième partie de notre proposition de loi, qui tend à élargir un certain nombre de droits sociaux aux partenaires.
À cet égard, la question de la pension de réversion est emblématique. Elle se pose depuis maintenant plusieurs années sans jamais avoir reçu de réponse pour l’instant, alors que, dans le même temps, je l’ai dit, le droit, notamment le droit patrimonial, a considérablement évolué en faveur des personnes liées par un PACS.
Le droit a créé des droits et obligations réciproques : le principe de solidarité entre les partenaires s’applique durant leur vie commune. Les partenaires sont ainsi soumis à trois types d’obligation : une obligation d’assistance, impliquant une aide morale et psychologique ainsi que matérielle, à l’égard du partenaire en difficulté ; une obligation solidaire aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante ; une obligation de vie commune. Enfin, le principe de présomption de pouvoir pour les biens meubles détenus individuellement leur est applicable.
Le principe de solidarité s’applique du vivant des partenaires : pourquoi ne serait-ce pas le cas après le décès de l’un d’entre eux ? Prévoir l’attribution de la pension de réversion au partenaire survivant, c’est simplement répondre à cette simple question. Il convient de noter que de nombreuses personnes et institutions s’y sont déclarées favorables.
Je pense en tout premier lieu au Président de la République, qui, durant la campagne électorale, avait tenu l’engagement suivant : « Je suis donc pour une union civile homosexuelle qui ne passe pas par le greffe du tribunal d’instance, mais par la mairie. C’est logique. Et je vais ajouter ceci que je n’ai jamais dit encore : cette union civile, à la mairie, entraînera une égalité fiscale, sociale, patrimoniale totale avec les couples mariés, qui ira, par exemple, jusqu’au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel ».
Mais Nicolas Sarkozy n’a pas été le seul à se prononcer en faveur d’une telle évolution du droit. Pour notre part, nous la défendons depuis la création du PACS. Nous l’avons donc proposée dès 1999, puis nous avons déposé des amendements en ce sens à l’occasion des projets de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi qu’une proposition de loi en mars dernier.
En janvier 2006, la mission d’information de l’Assemblée nationale, citée précédemment, préconisait l’extension de la pension de réversion au partenaire survivant pacsé depuis au moins cinq ans.
La justice européenne s’est également prononcée sur la question du bénéfice de la pension de réversion dans le cadre d’un partenariat civil. Dans son arrêt Maruko du 1er avril 2008, la Cour de justice des Communautés européennes a considéré que le refus de verser une pension de réversion à des partenaires de même sexe constituait une discrimination indirecte en raison de l’orientation sexuelle prohibée par la directive 2000/78/CE.
La HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, s’inspirant de cet arrêt, a rendu, le 19 mai 2008, une délibération qui va encore plus loin que la jurisprudence européenne. S’appuyant sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et non plus sur la directive de 2000, elle a considéré que « les dispositions législatives issues du code de la sécurité sociale constituent une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle en excluant du droit à pension de réversion les partenaires survivants ».
Je citerai également rapidement – ma collègue Isabelle Pasquet y reviendra tout à l’heure – les prises de position du Conseil d’orientation des retraites ou encore de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS : tandis que le premier s’est prononcé en faveur de l’ouverture d’un débat, la seconde s’est dite favorable à l’extension de la réversion aux partenaires liés par un PACS, sous la condition d’une durée de PACS de cinq ans.
C’est enfin le Médiateur de la République qui préconise une telle extension, en diminuant la condition de durée à deux années.
L’Allemagne a été condamnée pour discrimination en ne prévoyant pas le bénéfice de la pension de réversion au partenaire survivant. Madame le rapporteur, l’un de vos arguments pour refuser aujourd’hui d’inscrire ce principe dans notre législation est de considérer l’Allemagne comme un cas particulier puisque le PACS n’y a été institué que pour les homosexuels, ceux-ci étant dans l’impossibilité de se marier.
Contrairement à ce que vous affirmez, plusieurs pays européens ont étendu leur législation en matière de réversion aux personnes liées par un PACS, et ce quel que soit leur sexe.
Au Royaume-Uni, les régimes complémentaires professionnels accordent une réversion au partenaire survivant, droit qui est parfois étendu aux concubins. Au Danemark, le régime de retraite complémentaire ATP et le régime complémentaire des fonctionnaires appliquent ce droit à la réversion, y compris aux concubins notoires. En Suède, le régime national d’assurance vieillesse lui-même prévoit un tel bénéfice, y compris aux concubins avec enfants, ainsi que le régime complémentaire professionnel des salariés du secteur privé. Aux Pays-Bas, un droit à la réversion est accordé par les régimes complémentaires professionnels, y compris aux concubins ayant déclaré leur concubinage par acte notarié.
Vous l’aurez compris, les différences de législations relatives aux retraites observées d’un pays à l’autre ne sauraient entraîner le refus d’un droit à pension de réversion pour des personnes qui bénéficient de l’assurance vieillesse d’un régime légal.
Tous ces pays européens ont adopté des législations bien plus favorables que la nôtre en matière de droit à la pension de réversion pour les partenaires survivants, certains d’entre eux accordant même ce droit aux concubins.
Cette évolution est finalement assez logique : elle correspond à l’évolution du couple. Pour les pays que je viens de citer, c’est finalement et avant tout l’existence d’une communauté de vie qui constitue le critère d’octroi de droits sociaux, et non la forme juridique de l’union choisie. L’exemple de l’Europe est donc très intéressant, mais c’est toujours la même chose : vous le citez uniquement lorsque cela vous arrange !
L’argument de la jurisprudence du Conseil d’État, que vous reprenez dans votre rapport afin de démontrer qu’il n’y a pas de justification à aligner les droits des pacsés en matière de réversion sur les droits des conjoints, n’est pas recevable. L’arrêt du 28 juin 2002 n’interdit pas de traiter deux situations juridiques différentes de manière identique : le principe d’égalité n’impose simplement pas un traitement identique. Mais le législateur peut tout à fait prévoir une égalité de traitement. Quant à l’arrêt du 6 décembre 2006, il a été rendu avant l’entrée en vigueur de la loi sur les successions et les libéralités, qui crée des droits et obligations en faveur des personnes pacsées quasiment identiques à ceux qui concernent les personnes mariées.
Le droit ayant été modifié dans un sens plus favorable aux personnes liées par un PACS, la question de l’extension du bénéfice de la pension de réversion se pose avec d’autant plus de pertinence et ne doit plus être reportée, comme vous nous le proposez, à plus tard.
Comment le Gouvernement peut-il, lorsqu’il s’agit de lutter contre les violences conjugales par exemple, mettre sur le même plan les couples pacsés, voire les concubins, et les couples mariés et refuser cette égalité s’agissant de droits sociaux ? Cette contradiction est incompréhensible et, à mon sens, injustifiée.
Enfin, je ne m’étendrai pas sur la question des congés pour événements familiaux, ma collègue Isabelle Pasquet aura également l’occasion de développer ce point. Il s’agit pour nous d’accorder des droits plus favorables aux personnes liées par un PACS que ce que prévoit le code du travail ou même certaines conventions collectives, dont ne bénéficient que très peu de salariés.
En conclusion, je ne peux que regretter la position de la commission des lois, qui invite à rejeter ce texte. Pour ce qui est du PACS en mairie, il ne fait pourtant que prolonger une évolution du droit dont le Parlement est lui-même à l’origine, puisque le PACS peut d’ores et déjà être considéré comme un acte d’état civil. S’agissant des droits sociaux, plus précisément du droit à la pension de réversion, il correspond à une évolution des attentes et des besoins des personnes pacsées, pour l’instant privées d’une juste contrepartie des obligations auxquelles elles sont soumises durant leur vie commune.
Mes chers collègues, j’en appelle donc à vous tous pour franchir une étape décisive dans l’histoire du pacte civil de solidarité !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis la création du PACS voilà maintenant dix ans, plus de 1 million de personnes ont choisi cette forme d’union. En 2008, 146 030 PACS ont été conclus, contre 273 500 mariages, soit environ un PACS pour deux mariages.
Le pacte civil de solidarité trouve son origine dans la volonté d’offrir à tous les couples, aussi bien hétérosexuels qu’homosexuels, un statut juridique plus organisé que le simple concubinage. Il établit des droits et des obligations entre les deux partenaires, en termes de soutien matériel, de logement, de patrimoine, d’impôts et de droits sociaux.
Il se situe donc à un stade intermédiaire entre le mariage et le concubinage, en cherchant à concilier la protection apportée par le premier avec la souplesse de formation et de dissolution permise par le second.
Il ne constitue pas, loin de là, une première étape avant le mariage : il intervient au moment où, pour d’autres couples, la solution du mariage est privilégiée. En outre, avec un recul de dix ans, il apparaît que le PACS n’est pas incompatible avec une certaine stabilité dans l’engagement.
C’est la raison pour laquelle le législateur a fait évoluer le PACS dans les dernières années, afin de renforcer la position réciproque des deux partenaires. En particulier, il a fait du PACS un véritable statut du couple, intégrant l’état de la personne, et a renforcé la solidarité dans le couple : les partenaires doivent s’apporter une aide matérielle et une assistance réciproques.
Pour autant, le PACS n’est pas et ne peut pas devenir un « mariage bis ».
En premier lieu, il reste un contrat essentiellement lié à la sphère patrimoniale. Juridiquement, il s’analyse comme un contrat à visée patrimoniale, destiné à protéger le couple formé par les partenaires et à régler les conditions matérielles de leur vie commune.
Même s’il obéit à quelques formalités de publicité spécifiques, puisque l’existence du partenariat est désormais mentionnée en marge de l’acte de naissance de chacun des partenaires, il ne peut être assimilé à un acte d’état civil.
S’agissant des effets personnels, il ne crée aucun droit particulier en matière de filiation, d’adoption, de délégation d’autorité parentale ou de recours à la procréation médicalement assistée. Les partenaires sont placés, de ce point de vue, dans la même situation que les concubins.
En second lieu, le PACS est un contrat au formalisme réduit pour sa conclusion, sa modification ou sa dissolution.
En tant qu’institution, le mariage répond à un certain nombre de contraintes procédurales qui s’imposent aux parties et qui leur interdisent d’en disposer librement. Au contraire, dès sa création, le PACS a été conçu comme un contrat à la libre disposition des partenaires.
Pour conclure un PACS, il suffit ainsi aux partenaires de se présenter en personne au greffe du tribunal d’instance du lieu où ils souhaitent fixer leur résidence commune – ou au consulat, s’ils résident à l’étranger – pour y faire enregistrer une déclaration conjointe mentionnant leur volonté de conclure un PACS.
Le texte présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et le groupe CRC-SPG a deux objets principaux : d’une part, rapprocher le PACS du mariage quant à ses modalités de conclusion et d’acquisition de nationalité ; d’autre part, renforcer l’égalité entre les personnes pacsées en matière de droits sociaux.
S’inspirant de préconisations du Médiateur de la République et de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, il prévoit d’améliorer le régime de la pension de réversion et celui des droits à congés pour événements familiaux en faveur des personnes liées par un PACS.
Je tiens néanmoins à souligner que, d’ores et déjà, le PACS permet aux partenaires de jouir de nombreux droits sociaux.
Il en est ainsi, notamment, de la couverture sociale par l’assurance maladie et l’assurance maternité lorsque l’un des partenaires n’est pas lui-même directement affilié à un organisme de sécurité sociale. Il en va de même s’agissant du droit à congés du salarié, puisque, en cas de décès de l’un des partenaires, l’autre bénéficie d’un congé de deux jours.
Par ailleurs, dans la fonction publique, un agent peut se voir accorder un maximum de cinq jours ouvrables lors de la conclusion de son PACS. Ce droit n’est toutefois pas applicable aux salariés du secteur privé, sauf conventions collectives en ce sens.
Dans le cadre de la fonction publique, l’existence d’un PACS permet de bénéficier d’un droit de priorité afin que le fonctionnaire puisse être affecté dans un emploi lui permettant de se rapprocher de son partenaire.
De même, le partenaire survivant d’un PACS peut obtenir le versement à son profit du capital décès prévu au titre de la sécurité sociale. Les fonctionnaires de l’État, un temps écartés, en bénéficient depuis le 21 novembre dernier, à condition que le PACS ait été conclu plus de deux ans avant le décès du de cujus.
Votre commission des lois a examiné cette proposition de loi le 25 novembre dernier. À cette occasion, elle a constaté que deux dispositifs de ce texte sont satisfaits par le droit en vigueur. C’est ainsi que la question du droit applicable aux partenariats enregistrés à l’étranger, qui pouvait effectivement soulever des difficultés d’appréciation, a été réglée par le législateur à l’article 1er de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit. Sur l’initiative du Sénat, notre droit prévoit désormais l’application de la loi de l’État d’enregistrement du partenariat.
Par ailleurs, la possibilité, mentionnée à l’article 2 de la proposition de loi, d’assurer l’enregistrement du PACS hors du greffe du tribunal d’instance en cas d’empêchement grave est satisfaite par l’article 37 de la loi pénitentiaire, promulguée le 24 novembre 2009.
Quant à la disposition de l’article 2 tendant à déclarer l’ordre public local inopposable à l’enregistrement par les autorités consulaires françaises de PACS à l’étranger, votre commission fait observer qu’elle est contraire à l’article 5 de la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires, qui prévoit explicitement cette opposabilité. Pour cette raison, elle doit être écartée.
D’une manière générale, votre commission a estimé que les indéniables rapprochements intervenus entre le PACS et le mariage n’imposaient pas, pour autant, ni en droit ni en pratique, une assimilation de principe entre ces deux formes de conjugalité.
Comme l’a indiqué le Conseil d’État en 2002, les liens juridiques qui unissent les signataires d’un PACS ayant été organisés par le législateur de manière différente de ceux qui sont applicables dans le cadre du mariage, le principe d’égalité n’impose pas qu’elles soient traitées, dans tous les cas, de manière identique.
Il n’y a donc aucune obligation juridique à traiter de manière identique le PACS et le mariage et, en conséquence, à faire découler de ces deux dispositifs les mêmes droits.
Dans ce contexte, rien n’impose d’aligner les conditions actuelles d’enregistrement des PACS sur la procédure suivie pour le mariage ; je pense, en particulier, à la substitution de la compétence du maire à celle du greffier du tribunal d’instance.
La procédure suivie fonctionne de manière satisfaisante au quotidien et ne constitue pas, en soi, une entrave à l’exercice, par les membres d’un couple, du droit de s’engager dans le cadre d’un PACS.
Sur un plan pratique, l’accomplissement de cette formalité, si elle était imposée aux maires, notamment dans les plus petites communes, constituerait pour eux une charge matérielle nouvelle. Elle viendrait en outre s’ajouter aux transferts récemment opérés dans des conditions financières difficiles pour les communes, à commencer par le recueil et la délivrance des titres d’identité ou, plus récemment, la mise en place, dans les mairies, de dispositifs destinés à favoriser l’accès au droit et à la justice.
Par ailleurs, vous avez, madame Borvo Cohen-Seat, dénoncé le fait que les maires n’avaient plus été consultés sur ce sujet depuis dix ans. Je vous rappelle que le bureau de l’Association des maires de France, l’AMF, s’est prononcé contre la conclusion des PACS en mairie en 2008. Or il me semble que l’AMF est tout à fait habilitée et détient toute la légitimité pour représenter les maires !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat fait un signe dubitatif.
La souplesse inhérente au PACS – souvent recherchée par les personnes qui voient justement dans l’institution du mariage un cadre juridique trop rigide et contraignant – justifie même, dans certaines hypothèses, un traitement différencié par rapport au mariage.
Tel est le cas, notamment, en matière de règles d’acquisition de la nationalité. La facilité de conclusion et de rupture du PACS, de même que le contenu plus limité que dans le mariage des obligations réciproques des partenaires, s’opposent par nature à ce que des effets pérennes, tels que l’attribution de la nationalité, puissent en découler nécessairement.
L’équilibre sur lequel repose le PACS, entre souplesse et protection, est fragile. Toute amélioration de la protection qu’il offre au couple peut sembler fondée. Cependant, il n’est pas exclu qu’elle ait pour conséquence une limitation de la liberté de chacun des partenaires, voire qu’elle rende nécessaire un contrôle plus poussé de l’autorité publique sur le partenariat conclu. Le danger est alors celui d’une dénaturation du PACS, ce qui justifie le refus de calquer son régime juridique sur celui du mariage.
L’initiative de notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat pose toutefois la question légitime de savoir s’il convient d’aller plus loin encore dans le renforcement de la protection des personnes qui ont fait le choix de s’engager dans le cadre d’un PACS.
Les auditions que j’ai conduites ont mis en relief la faible protection dont jouissent les partenaires d’un PACS lorsqu’il est mis un terme à ce dernier, non seulement en cas de décès de l’un d’entre eux, mais également en cas de séparation. Dans ces situations, le partenaire « délaissé » ou survivant apparaît dans une situation sans doute moins favorable que celle d’un conjoint divorcé ou survivant. Dans ces conditions, il n’est pas illégitime de souhaiter une amélioration de la situation.
La question du renforcement des droits sociaux accordés aux partenaires d’un PACS doit donc légitimement être posée. À l’évidence, elle recouvre, en premier lieu, la question de l’extension du bénéfice de la réversion au partenaire survivant d’un PACS. Dans une moindre mesure, elle concerne également les droits à congés pour évènements familiaux. Pour autant, ce questionnement doit être replacé dans le contexte plus large de la réforme des retraites et du renforcement du dialogue social.
Tout comme l’a jugé en 2007 la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, ou MECCS, de la commission des affaires sociales, la commission des lois estime que l’extension du bénéfice de la réversion au partenaire survivant serait légitime, à la condition qu’elle réponde à des conditions particulières de durée d’union et, surtout, qu’elle s’intègre dans une réforme plus globale du système actuel.
Or, le Gouvernement a annoncé pour 2010 une réforme globale des systèmes de retraite, y compris des dispositifs de réversion. C’est pourquoi votre commission estime préférable que la question de la réversion au profit du partenaire survivant soit examinée dans ce cadre. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande de bien vouloir nous confirmer aujourd’hui que cette question importante sera bien traitée à l’occasion de cette réforme.
S’agissant de l’extension au PACS du congé octroyé aux salariés en cas de mariage, votre commission a jugé important que cette mesure fasse l’objet d’un examen préalable par les partenaires sociaux. Or, à ce stade, il semble que cette question n’ait pas encore été pleinement explorée par les organisations syndicales et patronales, seuls certains accords de branche ayant prévu des droits en la matière, dans des conditions souvent moins favorables que pour la célébration d’un mariage. Votre commission est donc d’avis qu’il convient d’attendre que des négociations se soient engagées sur ce point avant que le législateur ne statue.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission a décidé non pas de rejeter votre texte, madame Borvo Cohen-Seat, mais de ne pas adopter de texte sur cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.-Exclamations sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, cette proposition de loi de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat est l’occasion de débattre du pacte civil de solidarité, dispositif dont nous avons tout récemment fêté les dix ans d’existence.
Institué par la loi du 15 novembre 1999 au terme de vifs et longs débats – je m’en souviens : j’étais député, à l’époque – qui avaient passionné nos concitoyens, le pacte civil de solidarité, désormais appelé PACS, rencontre depuis lors un succès indéniable. Si, la première année, 22 276 PACS ont été conclus, leur nombre a ensuite crû de façon très significative, de plus de 25 % par an entre 2002 et 2004, avant d’atteindre un pic de 50 % en 2005.
Bref, ce sont aujourd'hui plus de 1 200 000 personnes qui ont choisi cette forme d’union. Cette évolution ne peut être ignorée : le PACS est désormais entré dans les mœurs, aux côtés du mariage et du concubinage.
Il peut être relevé que, au cours de cette décennie, les profils des partenaires liés par un PACS se sont fortement modifiés. Si, à l’origine, un quart des PACS étaient conclus par des personnes de même sexe, aujourd’hui, 94 % des PACS sont le fait de couples hétérosexuels.
Répondant à des aspirations nouvelles, notamment à la possibilité de conclure, de modifier ou de mettre fin au contrat de façon aisée, le PACS doit sans doute son succès à la voie médiane qu’il offre aux personnes souhaitant vivre en couple : bénéficier de la souplesse du concubinage, notamment quant aux conditions de sa rupture, tout en bénéficiant de certains des droits reconnus actuellement aux époux.
Le succès croissant de ce mode contractuel d’organisation de la vie de couple a conduit le législateur à élargir et à clarifier les dispositions juridiques initialement adoptées. Il ne s’est pratiquement pas passé une année sans qu’intervienne une amélioration du PACS sur un aspect ou un autre.
Ainsi, le régime juridique du PACS a évolué, tout en préservant sa spécificité, que vous avez rappelée tout à l’heure, madame le rapporteur. Je reviens brièvement, à mon tour, sur certaines de ces évolutions.
Cinq années après la création du PACS, c’est la loi de finances rectificative pour 2004 qui a posé la première pierre de cette évolution en prévoyant, pour les partenaires, une imposition commune immédiate.
Ensuite, la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, a accru la sécurité juridique offerte par le PACS.
Les partenaires peuvent choisir entre un régime de séparation des patrimoines et un régime d’indivision organisée pour régler le sort des biens qu’ils acquièrent ensemble ou séparément et définir les pouvoirs de gestion qu’ils peuvent avoir sur ces biens.
S’ils souhaitent avoir les conseils d’un spécialiste sur ces questions, ils peuvent conclure une convention de PACS en la forme authentique en ayant recours à un notaire.
Le partenaire survivant est mieux protégé puisqu’il peut bénéficier, pendant un an après le décès de son partenaire, de la jouissance du domicile commun.
De même, les droits des tiers ont, eux aussi, été renforcés. Les tiers sont en effet informés, grâce à la publicité à laquelle est soumise la convention, une mention étant portée en marge de l’acte de naissance des partenaires.
Plusieurs autres dispositions législatives sont par la suite intervenues pour rapprocher, sur certains aspects – mais sur certains seulement –, le statut du « pacsé » de celui de l’époux.
Ainsi, la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat a poursuivi la démarche de protection du partenaire survivant en l’exonérant des droits de mutation liés au décès.
Puis la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit a autorisé la représentation, devant certaines juridictions, par le partenaire, tandis que la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a étendu le bénéfice de la suspension de la prescription entre partenaires, comme c’est le cas entre époux.
La loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a étendu au partenaire lié à un chef d’entreprise les mesures existant au profit du conjoint de l’entrepreneur.
Plus récemment, la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures a reconnu les partenariats enregistrés à l’étranger, sous la seule réserve qu’ils soient conformes à notre ordre public.
Cette loi prévoit également qu’à compter du 1er janvier 2010 le juge aux affaires familiales sera compétent pour connaître des procédures en matière d’indivision existant entre pacsés, comme de la liquidation des régimes matrimoniaux.
La loi pénitentiaire, adoptée le mois dernier, a facilité la conclusion du PACS dans l’hypothèse d’une détention et prévu également la possibilité pour le greffier de se déplacer pour recueillir la déclaration de PACS en cas d’empêchement grave de l’un des futurs pacsés, cette disposition s’appliquant d’ailleurs de façon générale, au-delà du cadre pénitentiaire.
Enfin, un décret publié voilà quelques jours a étendu aux partenaires, dès lors que le PACS a été conclu plus de deux ans auparavant, le droit au capital décès jusque-là réservé aux conjoints de fonctionnaires.
On le voit, les améliorations progressives que le Parlement et le Gouvernement ont apportées au régime du PACS et aux modalités de son enregistrement sont loin d’être négligeables.
Ces aménagements successifs ont été motivés par le souci de favoriser le PACS et de conforter le statut des futurs partenaires. Nul doute que ces évolutions ne sont pas étrangères à l’engouement croissant que suscite le PACS. Aujourd’hui, le succès de celui-ci est tel, avec un PACS pour deux mariages en moyenne et même un PACS pour un mariage à Paris, qu’il est clair que nous sommes parvenus à un tournant.
Il convient donc de s’interroger sur le PACS de demain, et c’est un des mérites de cette proposition de loi que de nous amener à nous pencher ensemble sur son avenir.
Plusieurs des questions que vous soulevez, madame Borvo Cohen-Seat, nous invitent ainsi à nous interroger, l’une des plus significatives étant celle qui porte sur la possibilité, également évoquée par Mme le rapporteur, de confier aux mairies la compétence pour enregistrer les PACS en lieu et place des greffes des tribunaux d’instance.
Je rappelle qu’en 2004 le groupe de travail installé à la Chancellerie avait proposé de maintenir la compétence de ces derniers pour l’enregistrement des PACS et que le législateur avait suivi cette proposition en juin 2006.
Il est vrai que, dans son rapport sur la répartition des contentieux rendu le 30 juin 2008, la commission présidée par le recteur Serge Guinchard a préconisé de transférer aux officiers de l’état civil les compétences assurées par les greffiers, préconisation que reprend l’article 1er de la proposition de loi.
Certes, la tâche consistant à enregistrer les déclarations de PACS ne constitue pas une attribution juridictionnelle, mais il nous paraît néanmoins difficile de confier cette tâche aux mairies.
Comme l’a rappelé Mme le rapporteur, le Gouvernement doit être à l’écoute des élus et prendre en considération les réticences de communes §…
… réticences déjà soulignées dans le rapport Guinchard et qui se sont encore exprimées récemment au travers de l’Association des maires de France.
C’est pourquoi je pense que la réflexion engagée sur ce point – à l’encontre de laquelle, on l’aura constaté dans mon propos, il n’y a pas, j’y insiste, de rejet de principe de ma part – doit se poursuivre.
Il y a un temps pour tout : la réflexion doit encore mûrir et, à confondre vitesse et précipitation dans le cadre de la présente proposition de loi, sur un sujet qui soulève encore toute une série de questions auxquelles nous n’avons pas répondu, nous nous éloignerions de l’objectif.
Les mêmes qui insistent pour que nous allions aujourd'hui dans cette direction seraient d’ailleurs les premiers à protester contre la nouvelle charge qui serait transférée aux collectivités locales sans que des discussions approfondies n’aient eu lieu.
Comme l’a rappelé Mme le rapporteur, nous avons écouté l’avis de l’Association des maires de France, et c’est encore une raison d’en rester là.
Les articles 2 et 3 de la proposition de loi énoncent des règles relatives aux PACS conclus à l’étranger ou dans des circonstances particulières résultant d’empêchements graves.
Nous l’avons vu, pour cette dernière hypothèse, une réforme est intervenue le mois dernier dans le cadre de la loi pénitentiaire ; il serait à mon sens prématuré de revenir aujourd’hui sur le dispositif qui vient d’être mis en place.
Par ailleurs, en ce qui concerne la conclusion d’un PACS à l’étranger auprès des autorités consulaires, vous proposez, madame Borvo Cohen-Seat, d’écarter toute interdiction résultant de l’ordre public local.
Il me semble qu’une plus grande prudence est nécessaire au regard des conditions posées par la convention de Vienne du 24 avril 1963.
Enfin, je note que la reconnaissance d’un partenariat conclu à l’étranger est possible depuis la loi du 12 mai 2009.
Vous proposez, à l’article 4, de faire produire au PACS les mêmes effets que le mariage en matière de nationalité.
Cette mesure ne peut-être satisfaisante dès lors que l’enregistrement du PACS ne prévoit aucun dispositif de contrôle par le procureur de la République afin de lutter contre les PACS frauduleux.
Dire que la question ne se pose pas ou que la poser signifie que nous sommes dans l’ère du soupçon ne correspond pas à la réalité que nous rencontrons les uns et les autres sur le terrain, dans nos mairies : parler de PACS frauduleux n’est pas laisser entendre que c’est la règle ; mais, on le voit bien en matière de mariages, le risque est réel.
Il n’est donc pas envisageable de prévoir qu’un étranger ayant conclu un PACS avec un partenaire de nationalité française puisse acquérir, après un délai de quatre ans, la nationalité française par déclaration.
Vous envisagez ensuite, aux articles 5 et 6, l’extension de la pension de réversion aux partenaires liés par un PACS, sans d’ailleurs conditionner la réversion à une durée de vie commune minimale.
Vous le savez, plusieurs rapports ont déjà été consacrés à la question des avantages familiaux de retraite et notamment des pensions de réversion. Je citerai notamment le rapport rendu en mai 2007 par les sénateurs Claude Domeizel et Dominique Leclerc, ainsi que le rapport du Conseil d’orientation des retraites de décembre 2008, dont aucun ne préconise l’extension pure et simple de la réversion aux pacsés.
À cela, il y a une raison simple : les devoirs et obligations des partenaires liés par un PACS ne sont pas comparables à ceux qui lient des époux, comme l’a relevé à plusieurs reprises le Conseil d’État, en 2002 notamment, dans l’arrêt Villemain.
Vous évoquez l’arrêt Maruko de la Cour de justice des Communautés européennes du 1er avril 2008, rendu à propos d’un partenariat conclu en Allemagne.
La situation ne me paraît pas comparable. En Allemagne, les partenariats autorisés en vertu de la loi du 16 février 2001 sont spécifiquement réservés aux personnes de même sexe. Le législateur allemand a souhaité créer une institution parallèle au mariage en permettant une union de deux personnes de même sexe. Il s’agit donc d’une démarche différente de celle qui a conduit en France à l’institution du PACS ; la situation française est donc différente.
Vous avez fait allusion à des propos qui ont pu être tenus dans le débat public, y compris par le Président de la République, sur l’opportunité de se poser la question de savoir si, sur ce point, s’agissant de personnes de même sexe et au-delà du dispositif du PACS tel qu’il existe aujourd'hui, des évolutions devaient être envisagées.
Personnellement, je n’y suis pas hostile, mais cela implique une autre démarche qu’une modification, au détour d’une proposition de loi, du dispositif du PACS.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat sourit.
Vous rappeliez vous-même ce qu’avait été en son temps le débat sur le PACS ; ayant alors voté celui-ci, je peux dire très librement que, sur une question aussi importante, j’estime qu’il faut que le débat ait lieu et qu’il ait lieu clairement, afin que chacun sache de quoi il retourne.
Il me paraît donc impossible d’envisager une évolution sur ce point et de se rapprocher d’autres dispositifs européens à travers la présente proposition de loi.
L’article 7 prévoit l’extension du bénéfice du congé pour événements familiaux.
J’attire votre attention sur le nécessaire respect de l’autonomie des partenaires sociaux en la matière, consacrée par la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social : il s’agit pour nous tous de prendre en compte la priorité donnée depuis 2007 au dialogue social et à la négociation interprofessionnelle.
Une éventuelle extension de cette disposition du code du travail à d’autres publics bénéficiaires supposerait donc à tout le moins l’accord préalable des partenaires sociaux, auxquels il convient de laisser une pleine autonomie en la matière.
À cette date, selon un pointage réalisé par les services du ministère chargé du travail, trente-cinq accords de branche traitent de la question des droits ouverts par le PACS dans le cadre des congés pour événements familiaux, ce qui prouve la dynamique conventionnelle en la matière. À ce stade, j’estime donc qu’il convient d’en rester là.
S’il devait y avoir en 2010 des discussions sur ce point, il faudrait qu’au préalable nous examinions tous les aspects et les implications de cette démarche et que la réflexion soit menée dans le respect du dialogue social. Mais, naturellement, madame le rapporteur, le Gouvernement est ouvert à cette réflexion.
En conclusion, madame Borvo Cohen-Seat, si les questions soulevées par vous-même et par vos collègues qui ont cosigné cette proposition de loi sont légitimes, les réponses qui y sont apportées ne paraissent pas, à ce jour, appropriées pour les raisons que j’ai tenu à vous apporter ; je n’ai pas voulu, en effet, rejeter vos propositions d’un revers de la main, car vous soulevez de vraies questions, mais je crois vous avoir exposé notre philosophie en la matière.
Vous avez dit que ce que disait le Gouvernement n’était pas parole d’évangile ; vous avez parfaitement raison, et le Gouvernement ne prétend d’ailleurs pas qu’il en soit autrement, mais permettez-moi de vous dire que ce que dit la HALDE n’est pas non plus parole d’évangile !
Toute proposition peut être soumise à la discussion, dans le meilleur esprit, et si le Gouvernement ne souhaite pas voir adopter cette proposition de loi, les réflexions n’en vont pas moins se poursuivre afin de permettre une évolution ou, plus exactement, une poursuite de l’évolution du PACS qui soit respectueuse du droit et conforme aux attentes de nos concitoyens.
Dernière remarque, il est vrai que la Chancellerie et, plus particulièrement, le garde des sceaux, qui s’implique fortement dans le cadre de la grande cause nationale de lutte contre les violences faites aux femmes, ont souhaité que les dispositions protectrices applicables aux conjoints victimes de ces violences soient étendues aux partenaires pacsés, mais la comparaison que vous établissiez, madame Borvo Cohen-Seat, avec les droits sociaux – à propos desquels il me semble vous avoir apporté des réponses respectueuses et équilibrées – m’a paru tout de même un peu étonnante.
Je vous remercie cependant, de même que Mme le rapporteur et, par avance, les orateurs qui vont suivre, de vos contributions à ce débat assurément intéressant et utile, même si vos propositions ne peuvent être acceptées, pour les raisons que je viens d’exposer, par le Gouvernement.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
M. le président. Je croyais que Cambacérès était le premier à avoir passé, avec le pacte de tontine – tontine qui n’a pas depuis été supprimée –, un PACS !
Sourires
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, quelle est la nature du pacte civil de solidarité et comment doit-il évoluer ? Telles sont les questions, lourdes d’enjeux sociétaux mais également très concrètes, soulevées par la proposition de loi qui nous est soumise.
Notre rapporteur a rappelé les chiffres : ils sont éloquents. En dix ans d’existence, l’histoire du PACS est donc celle d’une montée en puissance régulière. C’est un fait, le PACS s’est aujourd’hui imposé.
Dans le même temps, sa nature s’est aussi affirmée, et c’est de cela qu’il est aujourd'hui question : le présent texte tend à renforcer les droits des personnes liées par un PACS en alignant les principaux aspects de leur régime civil et social sur celui des personnes mariées.
Or, nous souscrivons pleinement au constat fait par notre rapporteur : le PACS n’a jamais été conçu comme un mariage bis, dont il se distingue juridiquement tant sur la forme que sur le fond.
Le Conseil d’État, dans une décision du 28 juin 2002, a bien perçu cette originalité : « La loi du 15 novembre 1999, qui crée une nouvelle forme d’union légale entre deux personnes physiques majeures, distincte de l’institution du mariage, ne peut être interprétée comme assimilant de manière générale les partenaires liés par un PACS aux personnes mariées ».
L’originalité du PACS réside dans l’association de son caractère contractuel et de son encadrement institutionnel, qui en fait un outil particulièrement adapté aux évolutions sociologiques familiales de notre temps.
Le PACS s’impose à une époque où le couple ne se réduit pas à une composante de la famille, mais s’avère être une entité indépendante, avec un statut spécifique, au sein de laquelle la liberté de chacun est privilégiée. Ainsi, contrairement au mariage, le PACS est un contrat au formalisme réduit, que ce soit pour sa conclusion, sa modification ou sa dissolution.
Sur le fond, l’article 515-1 du code civil en fait un contrat essentiellement circonscrit à la sphère patrimoniale. Ses effets extrapatrimoniaux sont très limités. Il a été rappelé, en particulier, que le PACS ne produisait aucun effet en matière de filiation et ne conférait pas au partenaire survivant la qualité d’héritier dans la succession de l’autre. Il n’a, ainsi, aucun effet sur l’établissement de la filiation, ne permet ni l’adoption plénière ni l’adoption simple, et ne crée aucun lien entre les partenaires et leur belle-famille.
Le PACS n’accorde qu’une place secondaire à la famille. Il consacre la notion de couple, ce qui explique son succès, y compris auprès des couples hétérosexuels.
Le PACS n’offre pas une protection équivalente à celle du mariage à l’égard du partenaire, notamment en cas de rupture ou de décès. Ce qu’il consacre, c’est la primauté de la liberté individuelle sur la protection de l’autre. Dans les faits, pas plus qu’en droit, le PACS n’est donc pas sociologiquement substituable ou confondu avec le mariage.
C’est à l’aune de ces considérations qu’il faut, à notre avis, envisager les mesures portées par le présent texte. Celui-ci entend infléchir la nature du PACS pour le rapprocher très fortement du mariage, ce qui n’est pas, comme je viens de l’exposer, sa vocation.
Cela ne signifie pas, pour autant, que le PACS ne doit pas évoluer. Il l’a d’ailleurs déjà fait à plusieurs reprises dans un sens positif, comme l’ont rappelé les orateurs précédents.
Nous ne sommes pas hostiles, par principe, à toute évolution du PACS, mais a contrario toute évolution n’est pas souhaitable, surtout si elle est trop rapide. Aussi nous réservons-nous un droit d’inventaire, que l’examen du présent texte nous donne l’occasion d’exercer.
Ce texte concerne tous les aspects juridiques du PACS. Cela étant dit, les propositions qu’il contient sont de très inégale importance. L’analyse qu’en a faite la commission nous semble donc pertinente.
La commission fait le double constat que les petites mesures portées par le texte seraient soit déjà satisfaites, soit inopportunes, et que les mesures plus substantielles, pour intéressantes qu’elles soient, mériteraient une analyse bien plus approfondie.
Au chapitre des petites mesures, l’enregistrement du PACS en mairie ne semble pas opportun, au regard des difficultés pratiques et financières imposées aux communes.
Quant à l’extension du congé pour mariage à la conclusion d’un PACS, la question pourrait en effet être examinée avec les partenaires sociaux, comme l’a proposé M. le secrétaire d’État.
Deux questions essentielles demeurent.
La première concerne l’acquisition de la nationalité française par le partenaire d’un Français ou d’une Française. Je rejoins, à cet égard, les objections invoquées par notre rapporteur, en particulier lorsqu’elle fait valoir que les partenaires d’un PACS ne sont pas placés dans la même situation que les époux au regard du contrôle opéré par l’autorité publique sur leur union. Si une telle solution était envisageable, ce serait au prix d’un renforcement de ce contrôle, ce qui n’est pas suggéré en l’occurrence ; elle devrait être, en conséquence, préalablement étudiée.
La seconde question, sur laquelle je ne m’étendrai pas, est relative aux pensions de réversion.
Compte tenu de l’importance de la question sur le plan financier, là encore, il n’est sans doute pas opportun de la trancher ici et maintenant. Une réforme globale du dispositif de la réversion étant prévue pour 2010, l’importance du dossier interdit d’en tronçonner l’examen.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, la majorité des membres de l’Union centriste soutient les conclusions de notre commission, et tient à féliciter Mme le rapporteur pour son excellent travail.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous venons de fêter les dix ans de l’adoption de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité. Cette réforme courageuse a mis fin à une véritable situation de non-droit pour les personnes ne souhaitant ou ne pouvant pas se marier. Comme cela a été dit, son bilan est plus que positif !
En dix ans, plus d’un million de PACS ont été célébrés, et leur nombre n’a cessé de croître de façon exponentielle durant cette période.
En effet, de 2001 à 2007, le nombre de PACS signés annuellement est passé de 19 000 à plus de 100 000. En 2008, 146 000 PACS ont été signés, soit une augmentation de 43 % par rapport à 2007. En comparaison, sur cette même année, le nombre de mariages était de 273 500, et il semble stagner depuis plusieurs années.
Ces données démontrent bien que le PACS a rencontré, et rencontre plus que jamais, un réel succès. C’est une réponse apportée aux nouvelles aspirations des Français ; je pense, en particulier, à celles de la communauté homosexuelle. Il a permis, à la fois, de signifier juridiquement l’union de ses contractants et de leur offrir, par là même, la souplesse du concubinage, d’une part, et la protection du mariage, d’autre part.
Le PACS est indubitablement un cadre d’union moderne, plus en phase avec notre société actuelle. Malgré tout, une inégalité très forte perdure entre les couples mariés et les couples pacsés.
Partant de ce constat, la présente proposition de loi vise à modifier la loi du 15 novembre 1999 : il s’agit de la moderniser en l’adaptant aux nouveaux besoins des Français et aux mutations sociétales. Elle est le fruit d’une réflexion collective, dans la continuité d’un mouvement engagé depuis plusieurs années aux niveaux européen et national.
En effet, la nécessaire modification de la législation entourant le PACS a rencontré, ces dernières années, un certain consensus. Cette législation a été modifiée dans un sens favorable lors de l’adoption des lois de finances pour 2005 et 2006, qui ont renforcé la solidarité dans le couple, et de la loi du 21 août 2007 modifiant les droits de succession.
La proposition de loi qui nous est soumise reprend les préconisations formulées par le Médiateur de la République, en avril dernier, et par la HALDE.
Je tiens aussi à rappeler qu’en 2007, lors de la campagne pour l’élection présidentielle, le candidat Nicolas Sarkozy avait annoncé qu’il était en faveur d’« une union civile homosexuelle qui ne passe pas par le greffe du tribunal d’instance, mais par la mairie ». Il avait même ajouté que cette union civile « entraînerait une égalité fiscale, sociale et patrimoniale totale avec les couples mariés ». Cette proposition de loi n’est donc rien de plus que la concrétisation d’un ensemble de préconisations et de promesses formulées ces dernières années.
Lors des débats en commission, je me suis réjouie que certains points aient recueilli un consensus, même si je regrette que leur mise en œuvre ait été repoussée.
Les membres de la commission se sont prononcés en faveur de l’institution d’un système de réversion pour le partenaire survivant d’un PACS, en précisant toutefois que cette mesure ne pourrait être mise en œuvre qu’en 2010, lors du débat sur les retraites. S’agissant de l’extension au PACS du congé octroyé aux salariés en cas de mariage, ils ont indiqué que cette question nécessitait un débat avec les partenaires sociaux, mais qu’ils n’y étaient pas opposés.
Ce sont des avancées. Il serait néanmoins nécessaire que ces positions soient précisées et adoptées à l’occasion du vote de la présente proposition de loi, afin que ces promesses deviennent des engagements.
Cependant, et je le déplore fortement, la commission a refusé d’avancer sur certains points centraux, ce qui l’a conduite à ne pas voter ce texte. Je pense, bien évidement, à la possibilité de conclure le PACS à la mairie.
Dans votre rapport, madame le rapporteur, vous précisez que le fait de se pacser devant le maire constituerait une charge matérielle nouvelle, pesant sur le bon fonctionnement des collectivités locales, et qu’il ne serait donc pas judicieux de le permettre. Je ne suis pas convaincue par cet argument !
En effet, de nombreux maires, de tous bords politiques, ont déjà conclu des PACS et ont eux-mêmes demandé que cette pratique soit généralisée.
De plus, avec la réforme de la carte judiciaire, l’argument de la surcharge matérielle n’est-il pas applicable également aux tribunaux d’instance, dont l’engorgement, déjà catastrophique, ne va faire qu’empirer ? Avec l’augmentation croissante du nombre de signatures de PACS, expliquez-moi comment, demain, les tribunaux pourront conclure 150 000 ou 200 000 PACS par an ?
La mairie est le lieu le plus accessible et le plus proche du citoyen. Par ailleurs, nous nous battons depuis dix ans pour que le PACS soit reconnu comme une forme d’union à part entière. Pourquoi, dans ces conditions, un acte aussi important ne pourrait-il pas être conclu à la mairie, lieu où sont déclarés tous les actes importants de la vie ?
Je tiens aussi à revenir sur l’article 4 de cette proposition de loi.
Cet article permet, après un délai minimum de quatre ans, l’accès à la nationalité française pour les étrangers signant un PACS avec un Français. Cette proposition n’est rien d’autre que la correction d’une iniquité de notre droit ! Les personnes pacsées, tout comme celles qui sont mariées, doivent pouvoir se réclamer de la nationalité française !
Je regrette que le seul argument avancé par la commission pour refuser de voter cet article soit celui de la « possible » fraude et de l’absence de moyens pour les autorités publiques de la détecter en amont.
Je sais que les thèmes de l’insécurité et de la suspicion collective sont évoqués de façon récurrente à l’heure actuelle, comme ce fut le cas, encore récemment, avec le « mariage gris », mais je trouve fort réducteur et dommageable de balayer cet article en invoquant cette seule dimension.
Pour clore mon intervention, je tiens à lever un malentendu que pourrait susciter ce texte.
Comme l’ont précisé certains de mes collègues lors des débats, il faut conserver l’idée que le PACS est, à l’origine, un intermédiaire entre le mariage et le concubinage, et qu’il ne doit pas faire office de « mariage bis ».
Nous sommes tout à fait d’accord avec cette analyse : le PACS ne doit effectivement pas être un mariage bis, mais il ne doit pas, pour autant, être une source d’inégalité entre les Français !
Pour les raisons que je viens d’évoquer, j’appelle l’ensemble des membres de cette assemblée à voter ce texte, qui s’inscrit dans la continuité d’un processus engagé depuis dix ans déjà et qui apporte une réponse aux attentes de nombreux Français.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, loin de moi l’idée de vouloir entrer dans ce débat enfermée dans un comportement rétrograde ou moralisateur, et de placer la proposition de loi de nos collègues du groupe communiste, républicain et citoyen dans le champ de la polémique.
Le pacte civil de solidarité a dix ans. Nous fêtons, à quelques jours près, la création d’un dispositif dont le succès ne s’est pas démenti sur cette période, bien au contraire, puisque le PACS progresse, en nombre de contrats conclus, d’une année sur l’autre. Le PACS est un fait ; il traduit une évolution des comportements de la société qui se diffuse de par le monde.
J’appartiens, au sein du RDSE, à un groupe de progrès, et je suis fière, avec lui, de porter ou de partager des idées progressistes. Pourquoi m’opposerais-je, dès lors, à un dispositif qui viendrait conforter les droits des personnes qui ont choisi, en toute connaissance de cause, un mode de conjugalité spécifique ?
Cependant – mais c’est là mon sentiment propre ! –, je ne peux que m’interroger, dans un cadre où les orientations sexuelles ou sentimentales des uns et des autres relèvent exclusivement du domaine privé, qui est un domaine sacré, sur la propension qui semble s’instaurer à mettre en concurrence mariage et PACS, comme s’il s’agissait de produits commerciaux.
N’avez-vous pas eu la curiosité d’aller sur internet et de découvrir les comparatifs entre ces deux formes de contrats, assortis des inévitables avantages et inconvénients de l’une et de l’autre ? Peut-être ne s’agit-il là que d’une simple information, impartiale, nécessaire avant de s’inscrire dans un engagement qui lie deux êtres mus par un intérêt autre – j’ose l’espérer ! – qu’administratif.
On a beaucoup parlé des « mariages blancs » ; sur le fond, mais pas sur la forme, je suis bien souvent d’accord. Mais un jour, bientôt, ne parlera-t-on pas des « PACS blancs », auxquels la fonction publique, en particulier, pousse ses personnels pour faciliter d’improbables mutations ou rapprochements ?
Je voulais seulement, dans ce propos introductif, souligner la valeur forte, la place prépondérante que j’accorde à l’engagement qui fonde le PACS.
Si un tel engagement existe, pourquoi refuser aux personnes qui ont contracté un PACS les mêmes droits que ceux qui sont ouverts par le mariage – passage en mairie, facilitation des conditions d’acquisition de la nationalité, obtention de la pension de réversion, congés pour événements familiaux ?
Sur ces points, je suivrai, à titre personnel, les conclusions de Mme le rapporteur.
Le Conseil d’État, dans un avis de 2002, a clairement indiqué que les liens qui unissent les personnes pacsées et les personnes mariées sont de nature différente. Il en a déduit que « le principe d’égalité n’impose pas qu’elles soient traitées, dans tous les cas, de manière identique ». L’important, ici, est la formule « dans tous les cas ».
Je ne vois rien de choquant, s’agissant d’un contrat qui n’emporte pas les mêmes conséquences que le mariage – en matière de fidélité, notamment –, à ce que l’engagement soit pris au greffe du tribunal d’instance.
Je ne vois rien de choquant non plus dans les conditions de durée imposées à une personne pacsée pour obtenir la nationalité française. L’écart d’un an retenu entre conjoints mariés et personnes pacsées vise à traduire le risque d’instabilité qui peut s’attacher au PACS.
Mais je suis prête, sur ce point, à me rallier à la proposition de loi, qui retient une durée commune aux deux situations de quatre ans. Si aujourd’hui 30 % des mariages donnent lieu à un divorce, la stabilité est aussi fragile dans l’un et dans l’autre cas, me semble-t-il.
En revanche, il ne me paraît pas anormal que l’on puisse aligner certains avantages à caractère social des personnes pacsées sur ceux dont bénéficient les personnes mariées : ainsi en va-t-il du droit à pension de réversion ou des congés pour événements familiaux. Dans l’un et l’autre cas, des accords de principe sont déjà intervenus, et s’ils nécessitent, j’en conviens, des prolongements, leur traduction législative ne saurait être trop longtemps différée.
Au-delà cependant de ces « ajustements », je voudrais soulever le problème plus fondamental de ces deux institutions que sont le mariage et le PACS.
De deux choses l’une : ou le mariage est clairement distinct du PACS par sa forme d’engagement et il emporte en conséquence, au regard des devoirs qu’il implique, des droits spécifiques ; ou le mariage et le PACS sont de plus en plus semblables, ouvrant les mêmes droits, et alors l’un ou l’autre doit être supprimé. Je m’interroge d’ailleurs sur le mariage entre personnes du même sexe ou de sexe opposé – hypothèse d’école aujourd’hui mais qui ne le sera peut-être plus demain –, à l’image de ce qui se pratique déjà dans certains pays européens.
J’admets qu’en ce qui me concerne, si ce principe ne me heurte pas fondamentalement, je reste très perplexe sur toutes les conséquences en matière d’adoption, de procréation, de bioéthique. Je ne voudrais pas que le texte que nous étudions aujourd’hui soit le cheval de Troie d’une aspiration qui, si elle doit être satisfaite dans l’avenir, ne se fera qu’au terme d’un débat infiniment plus large, sans hypocrisie aucune.
Vous comprendrez que, face à un texte qui est loin d’être anodin, les membres du groupe du RDSE se soient beaucoup interrogés. Les plus progressistes d’entre nous y sont favorables. D’autres, plus réticents ou plus sages – j’en suis –, s’y opposent. D’autres encore, les plus nombreux, choisissent de s’abstenir, conscients de l’absolue nécessité de réintégrer ce dispositif dans une réflexion plus large.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les propos que vient de tenir mon amie Nicole Borvo Cohen-Seat en guise de présentation de la proposition de loi que les membres de notre groupe ont déposée et que je partage pleinement.
À l’heure où nous abordons ce texte, souvenons-nous du contexte propre à l’examen du projet de loi portant création du PACS. Disant cela, je n’entends pas nous replonger dans les échanges parfois violents et les manifestations souvent haineuses qui ont accompagné l’adoption du PACS par les parlementaires. Ce dont je voudrais que nous nous souvenions, c’est du sentiment ressenti par un très grand nombre de nos concitoyens : pour une fois, la République les reconnaissait dans leur entièreté. Avec l’adoption de cette loi, les femmes et les hommes qui décidaient de partager, d’organiser ensemble leur vie sans recourir à la nuptialité, par choix ou parce que celle-ci leur était légalement impossible, obtenaient certaines formes de protection résultant elles-mêmes d’obligations. Paradoxalement, ces couples hétérosexuels ou homosexuels sortaient de la clandestinité, sous l’effet d’une loi portant l’ambition de leur reconnaître un droit à la différence.
Notre République, qui proclame sur les frontons des écoles et des mairies « liberté, égalité, fraternité », a traduit une nouvelle fois dans les faits, de manière bien concrète, ces nobles principes, en 1999, en décidant d’accorder à toutes et à tous sa protection, sans distinction de genre ou de sexualité.
Voilà dix ans, cette loi paraissait incontournable pour mettre enfin en adéquation les modes de vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens avec la législation. Force est de constater que, depuis, les équilibres généraux de notre société n’ont pas été bousculés : il suffit, pour s’en convaincre, d’observer de près le nombre de mariages qui n’a pas diminué.
Dix ans après, nous sommes convaincus qu’il faut aller plus loin encore, persuadés que les mesures contenues dans cette proposition de loi permettent l’égalité des droits, tout en respectant les choix de chacune et de chacun quant à l’organisation de sa vie de couple.
Je tiens à vous dire, monsieur le secrétaire d'État, que je ne comprends pas la réponse que le Gouvernement a apportée à mon collègue Guy Fischer lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
Comme nous le faisons depuis deux ans, nous avons présenté un amendement visant à obtenir l’élaboration d’un rapport sur le coût financier de l’extension du droit à pension de réversion aux couples pacsés. Nous demandions un simple rapport, l’application de l’article 40 de la Constitution rendant irrecevable tout amendement concernant l’extension elle-même. Nous formulons aujourd'hui cette demande d’extension sous la forme d’une proposition de loi.
À l’époque, M. Darcos avait répondu : « S’agissant du PACS, de nombreux rapports vont déjà dans un sens semblable à ce que souhaitent à la fois MM. Fischer et Cazeau, mais nous attendrons que les choses évoluent. […] Certes, la législation peut évoluer, et nous verrons alors quelle sera l’incidence sur la nature juridique et contractuelle du PACS ».
Cette réponse nous étonne, car il nous semblait qu’il nous appartenait justement, en notre qualité de législateur, de faire évoluer la loi et non d’attendre qu’elle se transforme ! Il nous appartient de décider de faire ou non évoluer la loi sur un choix qui, faut-il le rappeler, est un choix de société.
En effet, mes chers collègues, les dispositions que nous vous soumettons dans cette proposition de loi, notamment l’extension du droit à pension de réversion au partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité et des droits à congé lors de la conclusion d’un tel pacte, sont des mesures d’égalité.
Sachez, monsieur le secrétaire d'État, bien que M. Darcos, durant l’examen du PLFSS, ait jugé bon de préciser à propos du PACS : « il ne s’agit pas, que je sache, d’un mariage », que notre proposition de loi ne vise pas à substituer le PACS au mariage. Elle s’attache moins à la forme de l’union choisie ou à la sexualité des partenaires qui décident de s’engager qu’à leur volonté de se reconnaître mutuellement des obligations – la solidarité et l’entraide matérielle – et des droits, au premier rang desquels la pension de réversion.
Comme nous l’avons déjà dit, il est pour le moins paradoxal que la solidarité que les partenaires liés par un PACS se garantissent dans la vie ne se poursuive pas après le décès de l’un d’eux. C’est pourtant lorsqu’un tel drame survient que le survivant du couple, qu’il soit marié ou pacsé, est le plus dans le besoin. D’ailleurs, Mme le rapporteur ne s’y est pas trompée, précisant elle-même dans son rapport écrit : « Dans ces situations, le partenaire “délaissé” ou survivant apparaît dans une situation sans doute moins favorable que celle d’un conjoint divorcé ou survivant. Il n’est donc pas illégitime de souhaiter une amélioration de sa situation. »
En fait, nous devons répondre à la question suivante – et nous vous invitons à vous prononcer par la négative, mes chers collègues : devons-nous laisser les hommes, et surtout les femmes, qui survivent à leur partenaire dans les plus grandes difficultés financières, au prétexte que, couples hétérosexuels, ils n’auraient pas fait le choix de se marier ou que, couples homosexuels, ils n’en n’auraient pas eu la possibilité ? Les membres du groupe CRC-SPG estiment cette situation inacceptable, car ils n’oublient pas que derrière la forme d’union choisie se trouvent des femmes et des hommes.
La convergence des droits que nous proposons est socialement juste. Elle est même indispensable pour permettre de faire avancer collectivement notre société vers l’acceptation d’autrui.
Elle est aussi indispensable au plan de la licéité. Monsieur le secrétaire d'État, je ne vous rappellerai pas les obligations prises par notre pays au plan international et européen. Nous savons tous dans cette enceinte que ces engagements sont supranationaux et s’imposent à nous.
Tel est le cas de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».
J’anticipe d’ores et déjà votre réponse ; je sais que vous me répondrez que la loi n’interdit pas de traiter différemment des situations différentes. Cependant, nous ne devons pas perdre de vue que cette situation différente résulte précisément de notre législation, qui refuse cumulativement le mariage aux couples homosexuels et la possibilité aux couples pacsés de bénéficier, par exemple, du droit à pension de réversion. Le message est clair : vous imposez le mariage aux couples pacsés hétérosexuels qui veulent obtenir des droits supplémentaires et vous n’apportez aucune réponse aux couples pacsés homosexuels, les rendant responsables de cette situation en raison de leur orientation sexuelle. Cela n’est ni juste, ni légal.
Monsieur le secrétaire d'État, notre pays encourt le risque d’une condamnation prochaine par les instances européennes. Aussi je m’étonne que le Gouvernement, qui a été si prompt à réformer la majoration de la durée d’assurance au motif que la Cour de cassation avait ouvert une brèche, ne décide pas de tout faire pour se prémunir contre ce risque.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous sommes convaincus que la présente proposition de loi va dans le bon sens, qu’elle constitue la démarche législative nécessaire non seulement pour accompagner les évolutions des modes de vie, mais aussi pour transformer le regard que nous portons tant individuellement que collectivement sur autrui, nous voterons en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Je souhaite tout d’abord rendre hommage à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La proposition de loi qu’elle a déposée est un texte important, dix ans après l’adoption du PACS. Le rappel de l’évolution du PACS depuis sa création jusqu’à ce jour auquel elle a procédé dans son intervention était de qualité et a permis de replacer dans son ensemble l’évolution complexe de la situation.
En revanche, je ne souscris pas aux solutions qu’elle préconise, rejoignant en cela les propos de Mme le rapporteur, complétés par ceux de M. le secrétaire d’État.
Il convient de souligner une confusion de départ importante. Il existe une différence essentielle entre le PACS et le mariage que nous n’avions pas vue en 1999, madame Borvo Cohen-Seat. Le PACS est un contrat qui règle des problèmes exclusivement patrimoniaux, …
… alors que le mariage est une institution de la République, qui nécessite la reconnaissance de la République et justifie l’intervention de l’officier d’état civil. Je me rappelle qu’en 1999 certains avaient proposé que le PACS soit enregistré chez un notaire.
Le gouvernement de l’époque avait refusé, au motif qu’une telle démarche aurait été trop coûteuse. Pour rendre le PACS accessible à tous, nous avions donc prévu, et c’était là une véritable innovation, qu’il serait conclu devant le greffier du tribunal d’instance. Telle est la raison essentielle de ce choix.
Il est vrai qu’entre le mariage et le PACS il existe une différence essentielle : quand l’officier d’état civil lit les articles du code civil lors d’un mariage, il énonce une série d’obligations et d’engagements qui, naturellement, ne s’appliquent pas aux partenaires d’un PACS.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a mis l’accent sur un véritable problème : le PACS ne vise pas à régler le problème du mariage des homosexuels, qui a été résolu dans d’autres pays, comme en Espagne, au Canada ou en Belgique : il règle seulement les problèmes patrimoniaux.
Les auteurs de cette proposition de loi ont commis une deuxième erreur : aujourd'hui, comme plusieurs intervenants l’ont souligné, 94 % des pacsés sont non pas homosexuels, mais hétérosexuels ; j’en connais dans ma propre famille ! Ils se sont pacsés pour plusieurs raisons, et d'abord parce qu’ils ne voulaient pas passer devant le maire.
Par conséquent, vouloir le leur imposer parce que cela donnerait plus de solennité à la cérémonie ne correspond pas, à mon avis, au désir des 94 % d’hétérosexuels, qui se pacsent avant tout parce qu’ils veulent donner une certaine consécration à leur vie commune.
En revanche, je reconnais que des maires procèdent, comme dans le cas des parrainages civils, à l’enregistrement, sans valeur juridique particulière, de l’engagement de deux partenaires d’un PACS. Nous ne devons pas, me semble-t-il, nous révolter contre cette possibilité, qui existe et qui est utilisée par certains maires.
La plupart des pacsés ne demandent pas à passer devant un officier d’état civil pour bénéficier d’un simulacre de mariage. Vouloir assimiler progressivement le PACS à un mariage serait une erreur, parce que telle n’est pas sa nature. Le mariage est une institution, le PACS est un contrat, que l’on peut très facilement détruire.
J’en viens aux autres problèmes soulevés par cette proposition de loi, qui est tout de même extrêmement intéressante parce qu’elle pose les vraies questions.
Je ne reviendrai pas sur les articles 2 et 3, car ces problèmes sont déjà résolus. Je me contenterai d’évoquer la pension de réversion et le cas des conjoints survivants.
Je le répète, le mariage n’est pas le PACS. Certains pacsés auront été préalablement mariés, ou ils se marieront par la suite et auront eu une succession de partenaires. Appliquerons-nous les mêmes règles que dans le cas du mariage, pour lequel la pension de réversion est attribuée au prorata des années passées avec le conjoint ?
Je vous le dis tout de suite, je n’ai pas la réponse à cette question.
Madame Borvo Cohen-Seat, en ce qui concerne la pension de réversion, le problème que vous soulevez au travers de cette proposition de loi va très loin.
Bien entendu, qu’il soit marié ou pacsé, un couple est confronté aux mêmes problèmes en cas de disparition de l’un de ses membres, mais le conjoint survivant ne subit pas toujours une perte de revenu. Nous savons que, dans le régime général de sécurité sociale, la pension de réversion n’est pas de droit, alors qu’elle est automatique dans la fonction publique. Si la retraite ou les revenus du conjoint survivant sont supérieurs à un plafond, bien entendu, aucune pension de réversion n’est versée.
Madame Borvo Cohen-Seat, votre évocation des exemples étrangers est très intéressante. Je suggère qu’un rapport soit réalisé par le service des études juridiques du Sénat, afin d’examiner les conséquences des PACS ou des contrats équivalents qui existent dans d’autres pays.
En effet, les exemples tirés de pays scandinaves qui ont été cités ne m’ont pas convaincu, tout simplement parce que, dans ces États, c’est la personne dépendante qui se voit allouer la pension de réversion. Il ne s'agit pas forcément d’un partenaire dans le cadre d’une quelconque conjugalité : ce peut être un frère, une sœur, un enfant. L’idée est d’assister celui qui dépendait de la personne décédée et qui ne dispose pas des mêmes moyens ou revenus.
Il me paraît donc nécessaire de lancer une étude sur ce qui se passe dans les pays étrangers, que ce soit en Scandinavie, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, ou ailleurs.
Du reste, quand nous avons adopté la loi sur le PACS ou les autres textes qui ont suivi sur ce sujet, plusieurs parlementaires ont soulevé le problème des fratries. Les ministres successifs se sont engagés à apporter un jour une solution à cette question, car il arrive qu’un frère ou une sœur, à cause du décès de celui avec lequel ils ont vécu, se retrouve soudain seul et sans aucun moyen de survie.
Madame Borvo Cohen-Seat, vous avez donc soulevé une série de problèmes importants, et je vous en remercie. Toutefois, M. le secrétaire d'État comme Mme le rapporteur nous ont indiqué que nous pourrions, au cours de l’année qui va s’ouvrir, examiner de nouveau l’ensemble des problèmes liés aux pensions de réversion.
En ce qui concerne les congés, Mme le rapporteur a très bien souligné que ceux-ci relèvent, dans le secteur privé, des partenaires sociaux et des conventions collectives. Dans la fonction publique, le régime est aussi généreux à l’égard de ceux qui ont signé un PACS que des personnes mariées. D'ailleurs, si un grand nombre de fonctionnaires de l’éducation nationale ont recouru au PACS, c’est justement parce que, dès lors qu’ils vivaient ensemble, un certain nombre d’éléments les incitaient à s’engager dans cette voie.
Pour conclure, je le répète, nous devons disposer d’une étude comparative faisant le point sur la situation à l’étranger, et nous attendons avec impatience le débat qui aura lieu en 2010 sur les pensions de retraite en général, car ce problème ne peut être traité à part.
Toutefois, je le souligne, tant que le mariage restera une institution, le PACS ne pourra lui être assimilé. C'est pourquoi notre groupe se ralliera à l’intégralité des conclusions de notre rapporteur.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tout d’abord, je voudrais remercier Mme la présidente et les membres du groupe CRC-SPG d’avoir déposé cette proposition de loi. C’était là une bonne manière de célébrer les dix ans du PACS, notamment au Sénat, puisque c’est dans cette assemblée que les réticences ont été les plus nombreuses, il faut bien le dire.
À l’époque, il s’agissait de voter une loi pour des couples qui ne pouvaient pas – et ils n’en ont toujours pas la possibilité – ou qui ne voulaient pas – et ils n’en ont toujours pas la volonté – se marier ; ils souhaitaient éviter les incertitudes juridiques de l’union libre, même si, grâce à M. Gélard, le concubinage est désormais entré dans le droit, mais aussi s’épargner le divorce et le remariage, entre autres.
Aussi, monsieur Gélard, le PACS n’est pas seulement un contrat à visée patrimoniale. S’il n’était que cela, nous aurions décidé qu’il serait signé chez le notaire, comme le proposaient à l’époque certains députés de droite ou le professeur Jean Hauser, et le dossier aurait été clos.
Le PACS possède en outre un aspect symbolique : il s'agit d’une véritable union entre deux personnes. D’ailleurs, un article du code civil dispose que les personnes pacsées ont des droits, mais aussi des devoirs !
Dans la décision qu’il a rendue, le Conseil constitutionnel, saisi par l’opposition, a bien marqué cet aspect symbolique. Il a repris la rédaction de celle qui était alors la présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Mme Catherine Tasca, en définissant le PACS comme « un toit et un lit ». Dès lors que l’on évoque un lit, il s'agit non seulement de droits patrimoniaux, mais aussi, disons-le, d’une union sexuelle entre deux personnes de genre identique ou opposé.
Qui, après le déluge de critiques qui s’est abattu à l’époque sur le PACS, aurait cru que celui-ci entrerait aussi facilement dans la vie quotidienne, au point qu’aujourd’hui on entend à son égard un certain nombre de discours positifs ?
Faut-il rappeler ces critiques ? Sans doute non ! En tout cas, mieux vaut ne pas citer les noms de ceux qui ont proféré des phrases, qui sonnent encore à nos oreilles : « Le PACS est un contrat de bon plaisir » ; ou encore – là, c’est le bouquet ! – : « Le PACS se conclura au sein des services vétérinaires ». Aujourd’hui, toutes ces critiques sont battues en brèche par la réalité.
Le PACS était non pas un mariage pour les homosexuels, mais une institution ouverte à tout le monde et, aujourd’hui, les pacsés sont en majorité de sexes différents.
Le PACS n’était pas destiné à abolir le mariage, ni à diminuer le nombre de ceux qui s’engagent dans cette voie : il y en a toujours autant, voire davantage.
Le PACS n’était pas, comme le prétendait une célèbre députée de l’époque, un contrat ou une rupture « kleenex ». Il est une union aussi stable que les mariages, malheureusement pour les mariés et pour leurs enfants.
Le PACS n’était pas destiné seulement à ceux qui habitent les villes, aux intellectuels, aux « bobos », comme on dit aujourd’hui ! Il s’applique sur l’ensemble du territoire, dans tous les départements, y compris dans celui dont je suis l’élu, qui est un département rural. Dans les petites communes vivent des couples pacsés, homosexuels notamment, et tout le monde désormais trouve cela « normal », bien que ce terme ne soit pas approprié.
À l’époque, pouvions-nous aller plus loin ? Nous l’aurions voulu, sans doute ; néanmoins, on le sait, tout texte de loi est un compromis entre le Gouvernement et sa majorité, mais aussi au sein de la majorité elle-même. Nous avons donc fait ce qui était possible il y a dix ans, avec tout de même l’accord du Gouvernement – c’était indispensable ! – et le soutien des trois groupes qui composaient alors la majorité dite « plurielle ».
Que s’est-il passé depuis ? Mes chers collègues de la majorité, vous avez amélioré sans cesse ce texte, loi après loi, lorsque vous étiez à l’initiative de ces changements. Aujourd’hui, tel n’est pas le cas, et c’est peut-être pour cette raison que vous faites la fine bouche, ce qui est tout de même contradictoire ! §Mais si, mes chers collègues, vous avez amélioré le PACS, et sur des points essentiels, comme l’imposition commune au bout d’un an ou les droits de succession !
À l’époque, la lutte avait été terrible, parce que le ministère des finances était opposé à une telle mesure ; que le ministre s’appelle Dominique Strauss-Kahn ou Christine Lagarde ne change d'ailleurs rien à l’affaire !
C’est aussi grâce à vous que le PACS est inscrit en marge des actes d’état civil, ce qui prouve son existence, comme le demandaient d’ailleurs les notaires, qui, ainsi, savent qu’un tel pacte a été conclu.
Or, aujourd’hui, vous ne voulez pas aller plus loin, et ce malgré les propos tenus par celui qui est devenu le premier des Français, propos qui ont déjà été mentionnés, mais que je ne résiste pas au plaisir de citer de nouveau : « Je suis donc pour une union civile homosexuelle qui ne passe pas par le greffe du tribunal d’instance, mais par la mairie. C’est logique. Et je vais ajouter ceci, que je n’ai jamais dit encore – cela, nous le savons ! – : cette union civile, à la mairie, entraînera une égalité fiscale, sociale, patrimoniale totale avec les couples mariés, qui ira, par exemple, jusqu’au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel. »
Aujourd'hui, mes chers collègues, vous refusez de suivre le Président de la République alors qu’il est sur la bonne voie. En revanche, quand il se trompe, vous le suivez aveuglément, comme ce fut le cas récemment pour la taxe professionnelle, malgré quelques remous en surface !
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
De même, vous le suivez sur le débat relatif à l’identité nationale, puisque vous êtes tous d’accord, paraît-il, avec les propos qu’il a tenus sur ce sujet, par exemple, hier encore, dans le journal Le Monde, en réduisant cette question à celle de la présence de l’Islam en France, ce qui est honteux !
J’ai entendu aujourd'hui de belles paroles, mais, en réalité, c’est le bal des hypocrites, y compris sur les travées de l’Union centriste et du RDSE, et je le regrette ! Mes chers collègues, votre discours ne tient pas la route ; il est même totalement incohérent.
Vous nous affirmez que nous ne pouvons pas nous engager dans cette voie, que ce n’est pas le moment, qu’il faut laisser faire le temps… Mais, de grâce, votons une loi ! Les décrets d’application viendront ensuite, puis nous réunirons les partenaires sociaux pour prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre du dispositif.
La loi a pour objet d’établir un cadre général ! Or, celui-ci, nous vous le proposons : des droits sociaux nouveaux, des dispositions pour les étrangers qui se pacsent avec des Français et, surtout, la pension de réversion qui a été promise et qui est attendue.
En fait, chers collègues de la majorité, vous n’avez pas changé, vous ne comprenez pas les attentes de la société. Toutefois, soyez-en certains, un beau jour, ce que nous vous proposons aujourd’hui deviendra réalité. Que vous le vouliez ou non, le PACS comprendra un certain nombre de droits concernant la parentalité, notamment le statut des beaux-parents – Mme la secrétaire d'État Nadine Morano l’a d'ailleurs proposé, mais la majorité l’a refusé –, ainsi que l’adoption par des couples pacsés.
Car comment peut-on refuser aujourd’hui à 90 % des couples pacsés hétérosexuels la possibilité d’adopter, alors que quiconque peut le faire individuellement, en tant que célibataire ? On nage dans la contradiction la plus totale !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous étudions aujourd'hui est l’occasion pour moi, en tant que représentante des Français établis hors de France, de vous alerter sur la dimension internationale des dispositions juridiques régissant le PACS et sur leur application par nos administrations ; je me limiterai à cet aspect.
Nous sommes en effet confrontés à une multiplicité de législations nationales en matière de partenariats civils, dont les statuts peuvent être plus ou moins proches de celui du mariage. Il importe donc de veiller à ce que l’application de notre droit ne crée pas de discriminations.
L’enjeu est double, car il concerne les partenaires étrangers liés à un Français dans le cadre d’un PACS, d’une part, les conjoints ayant conclu une forme d’union civile à l’étranger, d’autre part.
Les conjoints unis civilement bénéficient des dispositions de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui proclame le droit à mener une vie familiale normale. Cela suppose, notamment, la possibilité pour des partenaires de nationalité différente d’obtenir un visa ou un titre de séjour. Or je constate un manque de transparence, de consistance, voire de considération dans la gestion de ces dossiers, gestion qui ne tient pas toujours compte du statut de couple qu’offrent ces partenariats.
Deux problèmes majeurs se posent.
En premier lieu, les délais de réponse aux demandes de visa et de titre de séjour de ces partenaires sont souvent aussi longs que pour les autres demandes, alors que devrait s’appliquer une certaine priorité. En effet, l’article 3 de la directive européenne de 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres implique, pour la France, de favoriser l’entrée et le séjour du « partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a une relation durable, dûment attestée ».
Il serait donc souhaitable de préciser les modalités par lesquelles la France favorise réellement l’entrée et le séjour du partenaire pacsé. En réponse à ma question écrite du 1er octobre dernier, le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire a indiqué que c’était l’examen au cas par cas des dossiers qui permettait l’application de cette disposition, le PACS constituant un élément d’appréciation de la situation personnelle.
Même si l’objet de mon intervention n’est pas de plaider pour un traitement égal des demandes de visa et de titre de séjour pour les conjoints qui sont mariés et pour ceux qui sont pacsés, cette position me semble très insuffisante pour garantir le respect des droits des partenaires unis civilement.
En second lieu, conformément à l’arrêt du Conseil d’État du 4 mars 2009, en cas de demande de partenaires pacsés, le refus de visa n’a pas à être motivé. Cela est gênant et peut donner lieu à des abus, puisqu’il est alors difficile de vérifier dans quelle mesure l’existence d’un partenariat civil a été prise en compte dans la décision de refuser le visa.
La motivation des refus de délivrance de visa me semble d’autant plus pertinente qu’elle se pratique déjà pour les membres de la famille d’un ressortissant de l’Union européenne, qu’il s’agisse du conjoint, des enfants ou des ascendants.
Par ailleurs, des clarifications me semblent nécessaires en ce qui concerne la reconnaissance des partenariats enregistrés à l’étranger. L’article 515-7-1 du code civil, créé par la loi de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures du 12 mai 2009, dispose : « Les conditions de formation et les effets d’un partenariat enregistré ainsi que les causes et les effets de sa dissolution sont soumis aux dispositions matérielles de l’État de l’autorité qui a procédé à son enregistrement. »
Cette disposition, qui satisfait l’article 3 de la présente proposition de loi, implique la reconnaissance en France des effets juridiques d’une union civile conclue à l’étranger tant que ceux-ci ne contreviennent pas à l’ordre public français. Ainsi, les droits dont ces couples bénéficient dans le pays d’enregistrement de leur partenariat sont reconnus par la France dès lors qu’ils n’excèdent pas les droits reconnus aux pacsés.
Une telle précision est importante, car les effets juridiques des unions civiles varient considérablement d’un État à l’autre, même au sein de l’Union européenne, certaines législations conférant à ces couples des droits égaux à ceux des conjoints mariés, tandis que d’autres leur reconnaissent des droits plus restreints qu’à des pacsés français.
À titre d’exemple, il m’a été transmis voilà quelques semaines une correspondance entre un couple uni par un partenariat civil britannique et l’administration fiscale française. Cette dernière indiquait que l’article 515-7-1 du code civil n’est pas censé donner aux partenariats civils britanniques les mêmes exonérations d’impôt sur les successions que pour les couples français pacsés. Aucune précision n’a été donnée à ce couple quant à l’étendue précise des droits dont ils pouvaient bénéficier. Je le regrette, car nous avons un devoir d’information à l’égard de nos concitoyens et de leurs partenaires étrangers, avant même que ceux-ci ne contractent une union civile.
Afin de faciliter les nécessaires efforts d’information vis-à-vis de l’administration et du public, il me semble indispensable qu’une étude comparée de la législation relative aux effets des unions civiles dans les différents pays de l’Union européenne soit menée, et que ses résultats soient largement diffusés via les consulats et les administrations françaises. J’ai déjà eu l’occasion de formuler une telle demande.
En conclusion, je regrette que cette proposition de loi n’aborde la dimension internationale de la législation sur le PACS qu’en matière d’acquisition de la nationalité. L’urgence, pour les partenaires civils étrangers et les couples mixtes unis par des tels partenariats, me semble résider dans la clarification de notre droit actuel et des procédures qui en découlent en matière tant de délivrance des visas et des titres de séjours que de droit social. Il importera ensuite de veiller à la bonne information des multiples administrations concernées, qui tendent, pour l’instant, faute d’éléments clairs, à opposer des réponses contradictoires aux administrés qui les sollicitent, ce qui peut être fortement préjudiciable.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de nombreux intervenants l’ont rappelé, nous fêtons les dix ans du PACS. Force est de constater que ce dernier a largement évolué, tout comme ont changé les mentalités à son égard.
Alors qu’il était considéré, à l’origine, comme une modalité d’organisation de la vie commune marginale, vouée à ne concerner que les couples homosexuels, il faut aujourd’hui se rendre à l’évidence : le PACS, ce projet audacieux, a conquis beaucoup de couples, au point d’ailleurs d’être devenu un cadre juridique privilégié par ces derniers, parfois au détriment du mariage.
D’année en année, le PACS a fait l’objet de réformes visant peu à peu à en rapprocher le régime de celui du mariage, sans qu’il soit jamais question de les confondre. Le chemin vers l’égalité entre partenaires et conjoints a été tortueux, mais il a permis de soulever un certain nombre d’incohérences et de discriminations vécues au quotidien par les partenaires de PACS.
Ainsi, permettez-moi d’abord de donner acte au Gouvernement des efforts qu’il a déployé dans ce sens ; ils ne sont pas minces. La loi TEPA du 21 août 2007 ainsi que la loi de finances pour 2008 sont, à cet égard, révélatrices du souci de mettre un terme aux discriminations subies par les partenaires de PACS dans de nombreux domaines, notamment fiscal ou successoral.
Monsieur le secrétaire d'État, vous l’avez souligné, un décret a été publié dernièrement, qui met en place l’extension du bénéfice du capital décès au partenaire survivant. Cette mesure que nous appelons de nos vœux depuis des années a enfin été adoptée.
Évidemment, il faut se féliciter de ces avancées. Toutefois, elles ne sauraient masquer le chemin qui reste encore à parcourir pour atteindre une égalité parfaite entre partenaires et conjoints. Tel est d’ailleurs l’objet de cette proposition de loi, qui regroupe tous les domaines en souffrance, ceux qui ont été volontairement oubliés par le législateur et par le Gouvernement et qui méritent une attention toute particulière.
Je remercie les signataires de la proposition de loi de cette excellente initiative, qui a le mérite de regrouper la quasi-totalité des défaillances du cadre légal du PACS au regard du principe d’égalité. Les mesures justes et équilibrées que contient ce texte placent le principe d’égalité au premier plan des considérations qui doivent prévaloir pour toute réforme du PACS.
Les opposants à l’évolution du PACS avancent souvent un argument, présent d’ailleurs dans le rapport de la commission des lois : il n’existe aucune obligation juridique à traiter de manière identique le PACS et le mariage et, en conséquence, à faire découler de ces deux dispositifs les mêmes droits.
J’ai envie de répondre que cette obligation juridique existe : le principe d’égalité, fondateur de notre République. Si le PACS offre aujourd’hui, dans de nombreux domaines, les mêmes droits que le mariage, ce n’est pas par largesse ou par ouverture d’esprit : c’est parce que le législateur est tenu de se conformer à ce principe d’égalité.
Permettez-moi d’illustrer cette obligation par un exemple que beaucoup ont cité, celui de l’extension du bénéfice de la pension de réversion au partenaire survivant.
Dans ses délibérations n° 2008-108 et 2008-110, la HALDE a considéré que le refus d’étendre le bénéfice d’une pension de réversion au partenaire survivant d’un PACS constituait une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle : « les obligations pesant sur les conjoints et les partenaires sont suffisamment comparables, au regard de l’objet poursuivi par la pension, pour rendre injustifiée toute différence de traitement en la matière ».
Dans un arrêt du 1er avril 2008, la Cour de justice des Communautés européennes a également considéré que le refus de versement d’une pension de réversion à un partenaire survivant constituait « une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle » prohibée par la directive en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.
L’obligation juridique que la commission des lois peine à trouver existe bel et bien : le principe d’égalité de traitement de tous les citoyens. C’est tellement vrai que la commission a pris ouvertement position pour une telle extension, sous quelques réserves qui semblent d’ailleurs légitimes.
Nous pensons que l’égalité en matière de droits sociaux entre partenaires et conjoints doit être une priorité pour le Gouvernement et pour nous tous et ne saurait attendre la réforme des systèmes de retraite. En repoussant une telle réforme à 2010, le Sénat contribue à morceler l’évolution inévitable du PACS, par l’adoption, au fil de l’eau, de règles éparses, sans approche globale et cohérente.
Seul un texte exhaustif sur le PACS est à même de garantir une mise en œuvre rapide de ce principe d’égalité. Ce texte, nous l’avons sous les yeux. Les sénatrices et sénateurs Verts s’en félicitent et ils le voteront.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’apporterai simplement quelques réponses à certains aspects ponctuels du sujet.
La question de la pension de réversion pour le pacsé survivant, évoquée par Mme le rapporteur et par plusieurs orateurs, fera sûrement l’objet d’un traitement particulier lors du grand débat national sur les retraites qui intéressera tous nos concitoyens. À cette occasion, nous pourrons mesurer les implications concrètes des mesures proposées, la diversité des situations et envisager les évolutions que plusieurs d’entre vous, Mme Muguette Dini notamment, appellent de leurs vœux.
J’ai répondu, dans mon intervention liminaire, aux interpellations de Mme Nicole Bonnefoy et de M. Jean-Pierre Michel sur les propos du Président de la République. Cette question doit faire l’objet d’un débat spécifique. On ne peut se contenter d’y répondre en modifiant le PACS. À l’évidence, le PACS concerne tout type de couple. Mais il est incontestable que la question se pose.
Madame Escoffier, s’agissant des « PACS blancs », l’existence éventuelle de cas de fraudes ne peut suffire à justifier un alignement total des régimes du mariage et du PACS, car ces engagements recouvrent des réalités distinctes : ils ont chacun leur sens, leur utilité, et ne font pas double emploi ; ils répondent à des aspirations différentes.
Vous avez également évoqué le mariage homosexuel. C’est un autre sujet ! La proposition de loi ne l’a pas abordé, mais je ne fais aucun procès d’intention à ses auteurs, qui ont soulevé de bonnes questions. Néanmoins, vous avez jugé utile d’en parler, car ce sujet fait partie du débat public et suscite de multiples discussions et controverses.
Monsieur Gélard, c’est avec un grand intérêt, comme toujours, que nous avons tous écouté votre intervention.
Le PACS est soumis à un formalisme très réduit. Il se distingue du mariage en ce qu’il ne comporte pas les mêmes obligations et n’offre pas la même protection en cas de rupture. L’intérêt sui generis de ce régime plus souple doit être préservé.
C’est pourquoi il ne faut pas chercher à rapprocher le PACS du mariage dans tous ses aspects. Cela n’exclut pas de le faire sur certains points, comme nous l’avons déjà effectué. Mais, au-delà de ces améliorations importantes, un rapprochement à tout prix n’aurait pas de sens.
S’agissant de la pension de réversion, vous avez suggéré d’élargir la réflexion en établissant une comparaison avec les dispositifs en vigueur à l’étranger, ce qui me paraît en effet utile.
Madame Pasquet, en ce qui concerne le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, Xavier Darcos a indiqué qu’il existait suffisamment de rapports, notamment ceux du Sénat et du Conseil d’orientation des retraites, et qu’aucun ne préconisait l’alignement strict des régimes. Il n’a pas dit autre chose !
Madame Garriaud-Maylam, je répondrai à deux points de votre intervention.
Tout d’abord – et je vous sais sensible à cette question en votre qualité de sénateur représentant les Français établis hors de France – l’absence de motivation concerne non pas spécifiquement les demandes des partenaires pacsés, mais l’ensemble des visas. En revanche, les motivations sont portées à la connaissance des demandeurs de visas en cas de recours devant la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et, par la suite, en cas de recours devant le Conseil d’État.
Je souligne que la conclusion d’un PACS est prise en considération pour la délivrance d’une carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale. Dans le cas du partenaire pacsé, ce titre est délivré de plein droit en application de la loi du 15 novembre 1999.
Ensuite, pour ce qui est des questions fiscales, mon collègue en charge de ce dossier est en train d’y travailler. Les partenaires britanniques se verront appliquer les mêmes règles fiscales que les pacsés français dès lors qu’ils résident sur le territoire français. Le courrier dont vous faites état n’est plus d’actualité depuis la loi du 12 mai 2009. La réponse qui vous a été adressée, si elle est ultérieure à cette date, est erronée, et je la corrige par mon propos.
Madame Boumediene-Thiery, vous avez rappelé l’évolution du PACS ; je n’y reviens pas.
Concernant la pension de réversion, comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, la jurisprudence communautaire que vous avez citée s’applique à une hypothèse distincte, le partenariat de vie allemand, qui comprend une obligation de solidarité. Une réflexion est certainement à engager sur ce type de partenariat. Cependant, et il ne s’agit pas là d’une réponse dilatoire, la question est trop vaste pour être traitée à l’occasion de l’examen de la présente proposition de loi.
Tels sont les éléments de réponse, fort incomplets, j’en ai conscience, que je suis en mesure de vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
TITRE IER
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE CIVIL
CHAPITRE IER
Dispositions relatives aux modalités de conclusion du pacte civil de solidarité
I. – L’article 515-3 du code civil est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « au greffe du tribunal d’instance dans le ressort duquel » sont remplacés par les mots : « à la mairie de la commune dans laquelle » ;
2° Dans le deuxième alinéa, les mots : « au greffier » sont remplacés par les mots : « aux services d’état civil de la mairie » ;
3° Dans le troisième alinéa, les mots : « Le greffier enregistre » sont remplacés par les mots : « Les services de l’état de civil de la mairie enregistrent » et le mot : « fait » est remplacé par le mot : « font » ;
4° Dans le quatrième alinéa, les mots : « au greffe du tribunal » sont remplacés par les mots : « à la mairie ».
II. – L’article 515-7 du même code est ainsi modifié :
1° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« En cas de mariage ou de décès, les services de l’état civil de la mairie enregistrent la dissolution et font procéder aux formalités de publicité. »
2° Dans le quatrième alinéa et dans la deuxième phrase du cinquième alinéa, les mots : « au greffe du tribunal d’instance du lieu de son enregistrement » sont remplacés par les mots : « à la mairie » ;
3° Dans le sixième alinéa, les mots : « Le greffier enregistre » sont remplacés par les mots : « Les services de l’état civil enregistrent » et le mot : « fait » est remplacé par le mot : « font » ;
4° À la fin du septième alinéa, les mots : « au greffe » sont remplacés par les mots : « à la mairie » ;
5° Dans le neuvième alinéa, les mots : « au greffier du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « aux services de l’état civil de la mairie ».
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui par le groupe CRC-SPG du Sénat suggère, à l’article 1er, que la formalité d’enregistrement du PACS soit effectuée par les services de l’état civil de la mairie et se substitue à l’enregistrement au greffe du tribunal d’instance.
Deux points essentiels vont à l’encontre de ce choix.
Le premier, d’ordre matériel, est le coût de gestion, qui représenterait une charge trop importante, notamment pour les petites communes, sans oublier les problèmes éventuels d’archivage de contrats.
Le second point négatif est la notion même de contrat. Les officiers d’état civil que sont les maires ne sont pas habilités à recevoir et à enregistrer des contrats. Leur honneur est de célébrer des mariages. La mention désormais portée en marge de l’acte de naissance de chacun des partenaires du PACS ne saurait faire de ce contrat un acte d’état civil au même titre que le mariage.
En effet, le PACS peut se conclure par le biais d’une simple convention sous seing privé. Il peut être librement modifié sur le fondement d’une convention modificative et dissous par la volonté unilatérale de l’un des partenaires. Il est principalement limité à la sphère patrimoniale.
Si le PACS semble présenter certaines similitudes ou ressemblances avec le mariage, la plupart de ses conditions de conclusion, modification et dissolution divergent totalement. C’est en raison de ses qualités de souplesse et de liberté que certains couples choisissent ce contrat.
À défaut de son existence, ils n’auraient probablement pas envisagé de se marier.
Le mariage est un engagement libre et sans contrainte, où les contractants se doivent « fidélité, secours et assistance » et endossent la responsabilité d’élever les enfants qui naîtront de leur union, selon les termes des articles 212 et 213 du code civil qui leur en font obligation.
Enfin, même s’ils sont conscients que le mariage est un engagement humain avec ses grandeurs et ses faiblesses, tous ceux d’entre nous qui ont reçu des consentements et déclaré unis par le mariage les couples qui ont dit oui devant eux savent que le moment qui se vit alors est solennel, réellement sincère pour la majorité d’entre eux.
Pour ces raisons, on ne peut prendre le risque que le PACS, auquel est reconnue la facilité à défaire aisément le lien, soit assimilé au mariage fondateur de la famille, socle de notre société. C’est en tout cas ainsi que l’a voulu le code Napoléon. Comme l’a rappelé notre collègue Patrice Gélard, c’est une institution de la République.
Compte tenu de l’ensemble de ces observations, le groupe UMP votera contre l’article 1er.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Le texte que nous examinons cet après-midi est une belle loi. Le principe d’égalité des citoyens est en effet l’un des ferments de notre République.
Cette proposition de loi entrera en vigueur un jour ou l’autre, soyez-en convaincus : la législation ne peut être indéfiniment en décalage avec la réalité et l’évolution de notre société. Certes, un tel progrès ne sera pas accompli cet après-midi, compte tenu des positions prises par la majorité et le Gouvernement. Mais ce texte sera adopté, j’en suis persuadé, lors d’une future session parlementaire. À vous, mes chers collègues, de savoir avec quelle majorité ce geste décisif sera accompli.
Le texte relatif au pacte civil de solidarité, adopté en 1999 après de houleux débats, n’est pas parfait ; il reste discriminatoire à certains égards. C’est à nous, parlementaires, que revient aujourd’hui l’honneur d’améliorer cette loi qui, bien qu’incomplète, a constitué une grande étape.
Nous ne sommes plus en 1999 : les temps ont changé, les mentalités ont, semble-t-il, progressé. Mais force est de constater que, dans cet hémicycle, les résistances subsistent.
Les polémiques et les débats d’alors appartiennent à une époque révolue, les outrances aussi.
Mes chers collègues, la mairie est un lieu symbolique, qui marque toutes les grandes étapes, heureuses ou douloureuses, de la vie d’un individu. La mairie constitue le cœur de nos communes.
Dès 1792, les registres paroissiaux ont été remplacés par les actes d’état civil. À vous entendre aujourd’hui, je n’ose imaginer les débats qui ont dû se dérouler à l’époque. Sans doute devait-on considérer que c’était une hérésie et que seul le mariage religieux devait compter.
La mairie est un lieu commun, reconnu, accessible et proche de l’ensemble des citoyens. La France compte 36 000 communes pour 473 tribunaux d’instance ; la démonstration de l’accessibilité est faite.
Je pose aujourd’hui cette simple question : pourquoi le PACS n’aurait-il pas droit au même traitement que les autres actes d’état civil ?
L’état civil est lié à la citoyenneté et il est indissociable de la mairie. Le PACS modifie l’état civil de la personne. Tout pacsé voit porter en marge de son acte d’état civil la mention du PACS. Ainsi, tout contribue à faire de la mairie le lieu naturel d’enregistrement du PACS.
Vous nous expliquez que, pour être louable, cet article n’en est pas moins difficilement applicable en raison de l’augmentation considérable de la charge de travail que ce déplacement engendrerait dans les services d’état civil municipaux. Croyez-vous qu’il y aura la queue tous les jours dans les petites communes pour conclure un PACS ? À qui allez-vous faire croire cela ? De même, le nombre de mariages à enregistrer est-il si élevé ? Cet argument est fallacieux !
Comment non plus ne pas tenir compte de la réforme de la carte judiciaire ? Votre gouvernement s’apprête à supprimer 178 tribunaux ! Même dans la capitale, où nous sommes encore privilégiés, il ne subsistera plus, à l’horizon de 2015, qu’un tribunal d’instance pour tout Paris dans la cité judiciaire de Batignolles !
Autant dire que la surcharge de travail évoquée pour les mairies vaut également pour les greffes des tribunaux.
Je conclurai mon propos en citant, à l’instar de Jean-Pierre Michel, les propos tenus par l’un des candidats, qui doit vous être cher, aux dernières élections présidentielles : je suis pour une union civile qui passe non pas par le greffe du tribunal d’instance, mais par la mairie.
Il faut aujourd'hui mettre en pratique ces promesses électorales et suivre l’évolution de la société.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis de l’inscription à notre ordre du jour de la proposition de loi du groupe CRC-SPG tendant à renforcer les droits des personnes liées par un PACS.
Depuis sa création en 1999, le PACS a fait son chemin. Il s’est imposé, aux côtés du mariage et du concubinage, comme l’une des modalités d’union entre deux personnes.
Une telle création procédait d’un constat simple d’évolution de notre société où certains couples s’installaient dans la vie commune sans disposer d’un cadre juridique autre que le mariage. C’était le cas des couples homosexuels, et c’est, je veux le rappeler, du combat de leurs associations qu’est né le PACS.
Ce combat fut aussi porté par un très petit nombre de parlementaires, dont je m’honore d’avoir fait partie avec notre collègue Jean-Pierre Michel, face à l’hostilité ou au scepticisme de beaucoup.
L’absence de reconnaissance de ces couples et leur mise au ban de la légalité constituaient une discrimination. Il nous a fallu mener – je parle de la gauche, dans toute sa diversité – une réflexion juridique, bien entendu, mais surtout politique sur l’idée que l’on se fait de la justice et de l’égalité.
II était de l’intérêt de la société de ne pas se borner à constater un état de fait, mais de lui apporter une réponse juridique. Il n’était ni juste ni responsable de laisser des hommes et des femmes, parce qu’ils ne voulaient pas du mariage ou parce que le mariage ne voulait pas d’eux en raison de leur orientation sexuelle, en dehors du droit et condamnés souvent à la dissimulation.
Dans une société qui connaît la fragilisation de la famille et l’amoindrissement du sens des responsabilités, il était urgent de faire bénéficier ces couples, homosexuels comme hétérosexuels, d’une protection juridique. Loin de l’image communautariste que l’on a voulu donner à ce texte, il participait, nous ne le dirons sans doute jamais assez, du combat républicain de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
C’est bien le sens que lui ont donné les Français qui sont plus d’un million aujourd’hui à vivre leur union dans le régime du PACS. Ils ont ainsi apporté un réel démenti à toutes celles et ceux qui ont, lors de sa discussion, usé de la caricature. Je me réjouis à cet égard qu’aux propos virulents qui avaient accompagné la loi de 1999 se soit aujourd’hui substitué un débat plus apaisé.
Je me félicite que la droite, par la force des choses, devant le succès réel qu’est le PACS, s’y soit aujourd’hui ralliée.
Je souhaite que les engagements de campagne du chef de l’État inspirent à la majorité la volonté réelle d’apporter au PACS les améliorations nécessaires.
L’argument du temps, monsieur le secrétaire d'État, ne tient pas. Il est bien des engagements que le Président de la République a pris alors qu’il était encore candidat et qui ont été rapidement mis en œuvre !
En tant que présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale lorsque le PACS a été voté, j’avais souhaité que celui-ci fasse l’objet d’un suivi, et cette proposition de loi y contribue. Dix années après le vote du PACS, elle cherche légitimement à renforcer les droits des personnes liées par un pacte civil. Je n’en évoquerai que deux aspects.
L’article 1er de la proposition de loi vise à transférer des tribunaux d’instance aux mairies la compétence d’enregistrement des PACS. Le législateur ne peut pas négliger le fait que la réforme de la carte judiciaire entraîne un éloignement des tribunaux d’instance qui ne doit pas avoir pour effet de compliquer la vie des citoyens. Quelle meilleure entité que la mairie, à laquelle tous nos concitoyens sont attachés et qu’ils identifient parfaitement pour tous les actes de l’état civil, pour célébrer une telle union ?
L’argument de Mme le rapporteur relatif à la charge éventuelle pour les petites municipalités que constituerait cette proposition…
…est interprété par notre groupe comme une boutade. En raison de l’importance des charges transférées aux collectivités locales ces dernières années, sans compensation, il est difficile d’entendre un tel argument, d’autant qu’il n’est pas avéré compte tenu du faible nombre de PACS célébrés dans les zones rurales.
En revanche, l’économie générée pour les citoyens concernés, qui n’auraient pas à se rendre dans un tribunal d’instance qu’on éloigne de chez eux, est réelle.
Enfin, disons les choses explicitement : la célébration du PACS au tribunal d’instance judiciarise la procédure, alors que l’objet du PACS visait avant tout à reconnaître de manière républicaine l’engagement que prennent l’une envers l’autre deux personnes, et non pas à régler uniquement des problèmes patrimoniaux. Les mairies sont les mieux placées pour les actes républicains par excellence que sont le mariage, le PACS et les déclarations de concubinage.
Enfin, je souhaite évoquer l’article 4 de la proposition de loi, qui vise à permettre l’acquisition de la nationalité française par les conjoints étrangers pacsés.
Si la République reconnaît, par l’enregistrement d’un PACS, la légitimité d’un couple, comment pourrait-elle simultanément nier l’attachement à la nation française du conjoint étranger ? En cette période où le Gouvernement fait planer des doutes sur les fondements de l’identité française, …
…ne pas faire du PACS une voie d’accès à la nationalité française constitue précisément une atteinte à notre identité. Ne pas reconnaître l’appartenance à notre nation à une personne à qui l’on reconnaît officiellement un attachement à l’un de nos ressortissants n’a aucun sens.
Le texte de 1999 a permis l’entrée dans la légalité ; celui que nous examinons aujourd’hui doit être un pas de plus vers l’égalité, non pas l’égalité entre le mariage et le PACS, mais l’égalité de droit des citoyens.
C’est pourquoi j’appelle à voter en faveur de cet article et soutiens l’ensemble de la proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je me dispenserai sans doute de prendre la parole sur les articles suivants ; aussi, je tiens à dire quelques mots à propos de cet article 1er.
Tous les arguments ne sont pas recevables. Mme Tasca a excellemment expliqué ce qu’il en était de la prétendue surcharge de travail qui pèserait sur les mairies. Pour ma part, je tiens à revenir sur les propos de M. Gélard, dont nous écoutons toujours très attentivement les avis, puisqu’ils sont ceux d’un expert en matière juridique.
Mon cher collègue, je vous ai expliqué, ou, plus précisément, rappelé – je me garderai bien de vous expliquer quoi que ce soit – comment le législateur en est venu à inscrire le PACS en marge de l’état civil, avec mention de l’identité du partenaire. En prenant une telle décision et en faisant le choix de ne pas préserver l’anonymat du pacsé, le législateur faisait du PACS un acte d’état civil. Aussi, je ne comprends pas que vous prétendiez aujourd’hui que le PACS n’en est pas un !
Ensuite, vous nous expliquez que le PACS ne saurait être enregistré en mairie au motif qu’à la différence du mariage il n’est pas une institution. Mais, mon cher collègue, puisque le certificat établissant le concubinage notoire est enregistré en mairie, irez-vous jusqu’à dire que celui-ci est une institution au même titre que le mariage ? Franchement, vos arguments ne sont pas recevables et, pour cette raison, je les récuse totalement.
Plus généralement, certains d’entre vous, chers collègues de la majorité, donnent une très mauvaise image de l’usage des droits du Parlement. Les mêmes qui affirment ne pas s’opposer frontalement à telle ou telle disposition de la proposition de loi que je défends nous expliquent néanmoins que celle-ci mériterait un examen plus approfondi. Faut-il rappeler que le PACS a été créé voilà dix ans et qu’il appartenait au Gouvernement de prendre l’initiative de le faire évoluer ?
Malheureusement, en la matière, vous n’êtes pas pressés de mettre en œuvre les promesses du candidat Nicolas Sarkozy, aujourd’hui Président de la République. Vous avez fait preuve d’une plus grande célérité pour faire voter d’autres de ses promesses !
Fallait-il que la proposition de loi émane de la majorité ?…. Lorsqu’un texte vient en discussion, vous avez tout à fait l’occasion, ainsi que vous vous plaisez à le souligner quotidiennement, d’exercer les prérogatives du Parlement, d’engager un débat de fond sur telle ou telle question ou de procéder à la nécessaire évaluation de tel ou tel dispositif. Or vous vous êtes bien gardés de tout travail d’évaluation en ce qui concerne les collectivités locales, la pension de réversion, etc.
Enfin, en refusant toute évolution du PACS, vous méconnaissez complètement les recommandations tant de la Cour européenne des droits de l’homme que de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE : que vous le vouliez au non, vous discriminez une catégorie de personnes qui, en raison de leur orientation sexuelle, n’ont pas la possibilité de contracter un mariage. Que le PACS s’adresse à la fois aux hétérosexuels et aux homosexuels, je m’en félicite, car cela va à l’encontre du communautarisme ; j’avais moi-même défendu ce point de vue.
Bien évidemment, je soutiens cet article, et je demande que le Sénat se prononce par scrutin public.
Le groupe socialiste votera l’article 1er. Contrairement, peut-être, à d’autres articles de cette proposition de loi, celui-ci pourrait entrer immédiatement en vigueur, car il ne nécessite ni une consultation des partenaires sociaux ni l’adoption préalable d’une loi générale sur les retraites et les pensions de réversion.
En outre, la réforme de la carte judiciaire entraînera la disparition d’un certain nombre de tribunaux d’instance et contraindra donc les personnes souhaitant conclure un PACS à parcourir de plus grandes distances pour se rendre au greffe le plus proche de leur domicile.
Par ailleurs, je voudrais lever une ambigüité : l’article 1er, madame Dupont, ne vise aucunement à instituer une célébration par le maire.
Pourquoi « heureusement » ? Restons calmes !
Aux termes de l’article 1er, les services de l’état de civil de la mairie ne feront qu’enregistrer la déclaration conjointe des personnes qui concluent un PACS. Il n’est pas question d’une quelconque célébration. Ne confondons pas tout ! Il n’en demeure pas moins que les maires conservent toute latitude pour organiser une cérémonie, comme ils peuvent le faire actuellement pour les parrainages républicains ou les célébrations de noces d’or.
Sachez, mes chers collègues de la majorité, que certains de vos collègues de l’UMP sont favorables à ce que le PACS soit enregistré en mairie. Ainsi, notre collègue Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, a déposé en 2008 une proposition de loi en ce sens, proposition de loi approuvée par Nadine Morano. Aussi, je vous invite à suivre les recommandations de Mme la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Vos propos sont contradictoires ! Vous avez fait allusion aux recommandations de la HALDE. Or il s’agit d’union civile. Vous m’accorderez que ce n’est pas l’objet de notre débat ! Que certains aient formulé telle ou telle proposition, c’est autre chose. Aujourd’hui, il est question du PACS, qui est un contrat. Jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas un acte d’état civil. Depuis la Révolution, puisque certains l’ont évoquée, les seuls actes d’état civil reconnus comme tels sont les actes de naissance, les actes de mariage et les actes de décès !
Ce sont les seuls actes mentionnés dans le code civil. Un maire n’a pas qualité pour « inventer » d’autres actes d’état civil. Pour que le PACS soit considéré comme un acte d’état civil, il faudrait l’assimiler à une union comparable au mariage. Or nombre de personnes qui concluent un PACS tiennent à conserver une certaine discrétion et ne voudraient surtout pas le signer en mairie.
Même si le PACS est mentionné en marge de l’état civil, avec l’identité des partenaires, ces informations ne sont pas communicables à tout le monde. En tant qu’officier d’état civil, je ne me sens pas habilité à recevoir un contrat et à vérifier un certain nombre de formalités, travail qui incombe au greffier d’un tribunal d’instance, qui est juriste.
Certains, pour justifier la conclusion du PACS en mairie, invoque la notion de proximité. Mais je rappelle que de nombreux actes touchant à la vie quotidienne de nos concitoyens, par exemple en matière de tutelles, doivent être enregistrés auprès du greffe d’un tribunal d’instance. Le greffier est un professionnel qualifié qui peut procéder à un certain nombre de vérifications.
Il n’est jamais sain de tout mélanger !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Patrice Gélard. Je rappelle que le HALDE n’est ni une juridiction ni le législateur. Seuls le législateur et le juge peuvent dire le droit !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je voudrais bien savoir de quels contrôles parle M. le président de la commission. La conclusion d’un PACS entre deux personnes n’est soumise à aucun contrôle, que je sache. Le greffier du tribunal d’instance se contente de l’enregistrer et de la valider. Je ne crois pas qu’il ait le droit de contrôler quoi que ce soit.
Je mets aux voix l'article 1er.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 101 :
Nombre de votants336Nombre de suffrages exprimés328Majorité absolue des suffrages exprimés165Pour l’adoption141Contre 187Le Sénat n'a pas adopté.
M.
L’article 515-3 du code civil est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, en cas d’empêchement grave, le procureur de la République du lieu d’enregistrement du pacte civil de solidarité peut requérir l’officier de l’état civil de se transporter au domicile ou à la résidence de l’une des parties pour l’enregistrement du pacte civil de solidarité. En cas de péril imminent de mort de l’un des futurs partenaires, l’officier de l’état civil peut s’y transporter avant toute réquisition ou autorisation du procureur de la République auquel il doit ensuite, dans le plus bref délai, faire part de cet enregistrement hors de la maison commune. »
« Mention en est faite dans la déclaration de pacte civil de solidarité. »
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« À l’étranger, l’enregistrement de la déclaration conjointe d’un pacte liant deux partenaires dont l’un au moins est de nationalité française et les formalités prévues aux deuxième et troisième alinéas ainsi que celles requises en cas de modification du pacte sont assurés par les agents diplomatiques et consulaires français. Les partenaires ne peuvent se voir opposer de considérations d’ordre public local. »
Cet article est important, puisqu’il a été décidé que le PACS continuerait d’être enregistré au greffe du tribunal d’instance. Je souhaite intervenir sur les lacunes de ce dispositif.
Aujourd’hui, une personne qui souhaite conclure un PACS doit se déplacer physiquement au greffe du tribunal d’instance.
Cette obligation de comparution personnelle est, dans bien des cas, un obstacle à la conclusion d’un PACS pour de nombreux concitoyens. Si la question de l’enregistrement du PACS en prison a été résolue, …
… tout à fait, mais le problème subsiste pour les personnes qui ne peuvent pas se déplacer parce qu’elles sont malades ou handicapées.
Pour le moment, cela ne figure dans aucune loi ! Il se peut que des arrangements soient possibles dans les faits, mais la loi dispose que les personnes doivent se présenter physiquement.
Nous souhaitons donc que, pour les personnes handicapées ou malades, cette exigence de comparution personnelle ne soit plus un obstacle à l’exercice du droit de conclure un PACS. Il est important de permettre aux greffiers du tribunal d’instance de se transporter chez les personnes concernées ou dans les hôpitaux afin de permettre l’enregistrement du PACS.
Je tiens à vous rassurer, madame Boumediene-Thiery : les mesures dont vous faites état figurent dans la loi pénitentiaire. Cette dernière ayant été promulguée, le dispositif est applicable.
Le texte est rédigé dans des termes très généraux et il peut ainsi s’appliquer à tous les cas d’empêchement grave. La Chancellerie a privilégié une interprétation souple de la loi, puisqu’elle engage les greffiers à se déplacer auprès des personnes hospitalisées, afin de leur permettre de conclure un PACS avec leur partenaire.
Puisque ce dispositif est appliqué, pourquoi ne pas le faire figurer dans la loi ?
Madame Boumediene-Thiery, je vous confirme, après Mme le rapporteur, que ce dispositif est prévu dans la loi pénitentiaire, laquelle a été promulguée. La notion d’ « empêchement grave » recouvre tous les cas que vous avez évoqués. Il est inutile de le répéter !
L'article 2 n’est pas adopté.
Après l’article 515-7 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. … – Les conditions de formation et les effets d’un partenariat enregistré ainsi que les causes et les effets de sa dissolution sont soumis aux dispositions matérielles de l’État de l’autorité qui a procédé à son enregistrement. »
L’article 3 vise à confirmer une disposition qui avait été introduite dans la loi de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures que le Sénat a adoptée voilà près d’un an. Nous en avions discuté avec Alima Boumediene-Thiery et le Médiateur de la République. Donc, on grave dans le marbre d’une autre loi – mais elle est appropriée – une mesure qui existe déjà.
Je tiens par ailleurs à attirer l’attention de notre Haute Assemblée sur l’aspect fiscal. Dans une lettre en date du 30 novembre, M. le ministre du budget explique que, dorénavant, en ce qui concerne les droits de succession et l’impôt sur le revenu, les personnes ayant conclu un PACS à l’étranger sont soumises aux mêmes conditions que les personnes qui ont fait enregistrer leur PACS en France ou qui sont mariées. L’aspect fiscal est donc résolu.
Comme l’a rappelé M. Yung, cet article reprend une disposition qui a été insérée par voie d’amendement dans la proposition de loi de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, adoptée en mai 2009.
Cela étant, monsieur le secrétaire d’État, je profite de l’occasion pour vous interroger sur la mise en œuvre de cette mesure six mois après son adoption. En effet, depuis, la reconnaissance des partenariats enregistrés à l’étranger aurait dû être coordonnée et complétée par des instructions à l’attention de toutes les administrations concernées, afin de déterminer les effets concrets du nouvel article 575-7-1 du code civil. Or, à ce jour, aucune instruction ne semble avoir été prise pour éclairer les administrations concernant les modalités d’application de cette mesure.
J’ai adressé plusieurs courriers à des ministres dont l’administration est impliquée dans la mise en œuvre de cet article. Mais je n’ai toujours pas reçu de réponse. De nombreux couples qui devaient bénéficier de cette disposition se voient opposer une fin de non-recevoir par diverses administrations, lesquelles parfois ne connaissent même pas l’existence de la reconnaissance des partenariats étrangers.
Je réitère donc devant la Haute Assemblée notre souhait de voir cet article produire le plus rapidement possible tous ses effets. Le Gouvernement entend-il prendre rapidement une instruction générale pour mettre un terme à cette carence ?
Monsieur Yung, avant la loi de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures du 12 mai 2009, il était effectivement impossible pour les partenaires étrangers de se prévaloir en France du PACS qu’ils avaient conclu dans leur pays. Ils étaient contraints de rompre leur contrat pour faire enregistrer un nouveau PACS en France. La reconnaissance de la validité des effets juridiques en France des partenariats enregistrés à l’étranger permet à présent d’éviter cette difficulté.
Je vous rappelle pour mémoire que la disposition en question résulte d’un amendement adopté par le Sénat et qui a abouti à la création de l’article 515-7-1 du code civil, lequel satisfait l’objectif fixé dans l’article 3.
Par conséquent, cette mesure figure à la fois dans la loi de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures et dans le code civil. Elle est donc applicable, sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans une nouvelle loi.
Je n’ai pas grand-chose à ajouter à l’excellente réponse de Mme le rapporteur.
Monsieur Yung, vous avez répondu par avance sur l’un des points essentiels, à savoir l’aspect fiscal, en évoquant la lettre de M. Woerth, qui indique clairement que des instructions ont été données.
Cela étant, pour que toutes les dispositions s’appliquent sans difficulté dans tous les domaines, notamment social, des instructions doivent être données. Le Gouvernement s’appliquera à faire connaître les mesures qui n’auraient pas encore été diffusées.
En tout état de cause, sur les points les plus importants, le texte est désormais mis en œuvre.
L'article 3 n’est pas adopté.
Après le deuxième alinéa de l’article 21-2 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’étranger ou apatride qui conclut un pacte civil de solidarité avec un partenaire de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter de l’enregistrement du pacte civil de solidarité, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu’à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les partenaires depuis l’enregistrement du pacte civil de solidarité et que le partenaire français ait conservé sa nationalité. »
L’article 4 aborde une question difficile. Les sénateurs représentant les Français de l’étranger sont souvent saisis de situations douloureuses. Il n’est pas rare que des personnes qui ont conclu un PACS enregistré devant une autorité consulaire à l’étranger se voient refuser leur visa – mais ce n’est pas l’objet de cet article – ou, plus grave encore, soient déboutées de leur demande d’obtention de la nationalité française.
L’argument fondé sur la règle générale d’acquisition de la nationalité française n’est pas convaincant dans la mesure où il s’agit de personnes qui ont conclu un PACS avec un citoyen français. Ce faisant, elles se sont, en quelque sorte, rapprochées de la France.
Le deuxième argument est malheureusement d’ordre sécuritaire : c’est la poursuite, la stigmatisation des couples dits « binationaux ». D’ailleurs, ce terme est mauvais, car il renvoie à la vilaine expression des « mariages gris » : dès qu’un couple se forme entre un citoyen français et un étranger, ce dernier est automatiquement suspecté de vouloir, par ce biais, obtenir indûment la nationalité française. Je citerai à cet égard tout le travail qui a été effectué par l’association Ban public.
L’argument du formalisme est également mis en avant. Le mariage, qui est un acte formel, donnerait lieu à un certain nombre de vérifications, contrairement au PACS. C’est faux ! Quand on signe un PACS, on doit fournir un certain nombre de documents, de certificats ; des vérifications d’identité sont faites ; on contrôle également si les personnes ne sont pas mariées ou pacsées. Cet argument du formalisme ne devrait donc pas emporter l’adhésion.
En outre, si certains restaient pacsés pendant quatre ou cinq ans uniquement pour obtenir la nationalité française, ils seraient vraiment très patients !
Les arguments mis en avant par Mme le rapporteur n’étant pas fondés, nous soutiendrons l’article 4.
M. Jean-Pierre Michel applaudit.
L'article 4 n’est pas adopté.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DROITS SOCIAUX
CHAPITRE IER
Dispositions relatives à la pension de réversion
I. – Dans le premier alinéa de l’article L. 353-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : « son conjoint survivant », sont insérés les mots : « ou son partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité ».
II. – L’article L. 353-2 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « son conjoint », sont insérés les mots : « ou son partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité » ;
2° Dans le deuxième alinéa, après les mots : « son conjoint », sont insérés les mots : « ou son partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité » ;
3° Dans le dernier alinéa, après les mots : « du conjoint », sont insérés les mots : « ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ».
III. – La première phrase du premier alinéa de l’article L. 353-3 du même code est ainsi rédigée :
« La pension de réversion est répartie entre les différents conjoints ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité au prorata de la durée respective de chacun des modes de vies communes mentionnées à l’article L. 353-1, dûment constatées avec l’assuré. »
IV. – Le deuxième alinéa du même code est ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du précédent alinéa ».
L’article 5 prévoit d’ouvrir le droit à pension de réversion aux couples pacsés. Le sujet a déjà été évoqué à plusieurs reprises cet après-midi, mais je souhaite effectuer un petit rappel.
Le PACS permet d’ores et déjà aux partenaires de jouir de nombreux droits sociaux, lesquels se caractérisent notamment par l’octroi de la qualité d’ayant droit pour les prestations d’assurance maladie et maternité, lorsque l’un des partenaires n’est pas lui-même affilié à un organisme de sécurité sociale.
En cas de décès de l’un des partenaires, le PACS ouvre droit à un congé de deux jours et au versement du capital décès au profit du partenaire survivant. Plus spécifiquement dans la fonction publique, sa conclusion permet de bénéficier de cinq jours ouvrables et d’un droit de priorité.
Cela étant, le renforcement des droits sociaux des pacsés m’apparaît totalement légitime, et je soutiens sur ce point la démarche des auteurs de la proposition de loi.
Si, lors de la création du PACS, celui-ci avait une visée essentiellement patrimoniale, les différentes évolutions législatives lui ont attribué certains effets personnels.
Aujourd’hui, le PACS est une véritable convention équilibrée entre le besoin de protection et la volonté de souplesse, qui en font ses grandes qualités.
D’ailleurs, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, au sein de la commission des affaires sociales de notre assemblée, a rendu un rapport d’information en 2007, recommandant l’extension du bénéfice de la pension de réversion aux partenaires pacsés, mais ce à une double condition.
D’une part, cette extension doit répondre à des conditions particulières de durée d’union. C’est ce que vous nous proposez, en disposant que ce droit s’applique au prorata de la vie commune, à l’instar du droit applicable aux couples mariés.
D’autre part, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale recommande que l’extension de ce bénéfice s’intègre dans une réforme plus globale du système actuel. Mes collègues du groupe UMP et moi-même partageons cette position, qui est d’ailleurs celle de notre rapporteur. L’étude comparative avec les autres pays européens proposée par Patrice Gélard sera très utile.
Eu égard au coût financier et à la complexité que le dispositif de réversion peut représenter, nous sommes particulièrement attachés à ce que cette possibilité soit envisagée dans le cadre plus large du débat sur la réforme des retraites de 2010 que le chef de l’État et le Gouvernement ont annoncé en octobre dernier.
Au vu de ces quelques observations, le groupe UMP ne votera pas l’article 5.
Avec cet article, notre groupe propose d’étendre le droit à pension de réversion – qui est actuellement limité aux seuls couples mariés – aux partenaires liés par un PACS.
Aujourd’hui, le PACS est devenu un mode d’organisation de la vie commune choisi par plus de 146 000 personnes en 2008. Il s’agit là de femmes et d’hommes qui ont fait le choix d’aller au-delà du concubinage, y compris du concubinage notoire, en reconnaissant l’autre, ce qui implique à la fois des droits et des obligations, en premier lieu le devoir de solidarité et d’assistance réciproque.
Malheureusement, cette solidarité s’éteint avec le décès de l’un des partenaires, alors que c’est précisément dans une telle situation que le partenaire survivant a sans doute le plus besoin de la traduction, principalement financière, de cette solidarité.
C’est pourquoi nous saluons les évolutions progressives de la législation en la matière ; je pense particulièrement à l’extension au partenaire survivant du droit au maintien dans le logement, à l’alignement sur les règles applicables aux couples mariés pour les droits de succession et de mutation, qui résulte de l’adoption de la loi TEPA en 2007, ou, plus récemment encore, au décret du 20 novembre dernier autorisant le versement du capital décès au partenaire lié par un PACS à un fonctionnaire d’État ou hospitalier décédé.
Toutes ces mesures témoignent immanquablement d’une évolution progressive, mais certaine, vers un alignement des droits. Cet alignement légitime tarde cependant à prendre toute son ampleur et certains droits restent fermés aux couples pacsés ; je fais allusion, naturellement, au droit à pension de réversion, mais aussi à la rente viagère attribuée au titre de la contamination par l’amiante, puisque les pacsés ne peuvent bénéficier de la majoration de la rente prévue pour les seuls conjoints lorsqu’ils atteignent l’âge de cinquante-cinq ans.
Des progrès restent donc à accomplir non pas tant pour assimiler PACS et mariage, mais pour permettre de ne pas rajouter à la peine des partenaires survivants les difficultés financières et matérielles qui suivent souvent le décès d’un conjoint, d’un concubin ou d’un pacsé.
D’ailleurs, les avis sur le sujet sont unanimes, et même ceux qui sont opposés au PACS en tant que tel – je pense particulièrement à l’Union nationale des associations familiales, l’UNAF – reconnaissent que cette situation peut placer le partenaire survivant disposant de peu de ressources personnelles, c’est-à-dire, en pratique, souvent des femmes, dans une situation de grande fragilité financière.
La proposition que nous formulons apparaît donc comme une mesure juste sur le plan social. Telle est d’ailleurs la conviction du Médiateur de la République ou du Conseil d’orientation des retraites.
Je voudrais également attirer votre attention sur le fait que la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale préconisait une telle extension, notamment dans son rapport d’information n° 314, remis par nos collègues Claude Domeizel et Dominique Leclerc et déposé le 22 mai 2007.
Je sais aussi que de très nombreux parlementaires sont sensibles à cette proposition, y compris dans les rangs de la majorité. Il suffit de lire le rapport remis par Mme Troendle sur cet article pour s’en convaincre : vous estimez vous-même, madame le rapporteur, que « l’octroi du bénéfice de la réversion au partenaire survivant ne serait pas illégitime ». Toutefois, vous proposez d’attendre – comme le suggérait M. Darcos lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale –, au motif qu’en 2010 devrait s’engager une réforme d’ampleur sur les retraites. D’ailleurs, M. Darcos a rejeté pour la deuxième fois un amendement qui prévoyait le dépôt d’un rapport portant sur le coût de l’extension de la réversion et permettait de disposer des éléments nécessaires pour s’exprimer en toute connaissance de cause.
J’avoue ne pas comprendre ce report, puisque, dès lors qu’il s’agit de réduire les droits, le Gouvernement et sa majorité n’attendent pas ; j’en veux pour preuve l’amoindrissement de la majoration de durée d’assurance pour les femmes, qui aurait également pu attendre la réforme sur les retraites que nous examinerons dans quelques mois.
En conclusion, je souhaite rassurer Mme Troendle concernant sa crainte de voir apparaître des PACS de complaisance afin de bénéficier de la pension de réversion.
L’article 5 prévoit d’appliquer la règle du partage au prorata du temps vécu ensemble, ce qui limite considérablement les risques de fraudes. En effet, pour bénéficier d’une part importante de la pension de réversion, il faudra avoir vécu un temps suffisamment long avec son partenaire.
L’extension du bénéfice de la pension de réversion au conjoint survivant d’un PACS serait une avancée majeure. En effet, la signature en mairie est importante, mais elle est symbolique.
Cette extension réparerait une injustice. Je ne vois pas en vertu de quoi un conjoint survivant ayant signé un PACS ne toucherait pas cette pension de réversion, alors qu’une épouse mariée seulement pendant deux ans en serait bénéficiaire au prorata temporis.
Nous répondrions aussi aux observations de la HALDE. J’entends bien les arguments du doyen Patrice Gélard : la HALDE n’est pas le législateur. Certes, mais elle est tout de même une autorité de référence !
Nous répondrions également à l’objection de la Cour de justice des Communautés européennes, qui s’est exprimée sur la question.
Nous nous mettrions ainsi au niveau de nombre de pays européens. La France, pays des droits de l’homme, va-t-elle être à la traîne de l’évolution de la société ? Refuser une telle avancée n’est pas à l’honneur des parlementaires.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit tout à l’heure que ce point serait examiné dans le cadre du grand débat sur les retraites. J’ose espérer que ce sera fait sans détour et que la question sera enfin réglée positivement en 2010.
M. Jean-Pierre Michel applaudit.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Marques d’impatience sur les travées de l ’ UMP.
Vous savez toutes et tous ici que l’application de l’article 40 de la Constitution, qui interdit aux Parlementaires d’aggraver les charges de l’État, empêche de déposer un amendement portant extension du droit à pension de réversion pour les pacsés.
Nous l’avons encore expérimenté à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2010 : nous avions présenté un tel amendement, qui a été déclaré irrecevable en application de l’article 40, ce qui nous a contraints à proposer un amendement prévoyant un rapport sur le coût d’une telle mesure, lequel a d’ailleurs été repoussé.
Pour notre part, nous sommes convaincus qu’il faut aller de l’avant, qu’il s’agit non seulement d’une mesure de justice sociale, mais également d’une mesure de bon sens. En effet, et ce n’est pas notre collègue Dominique Leclerc qui nous contredira, ce report fait courir le risque d’une condamnation de la France par la Cour de justice des Communautés européennes ; je fais expressément référence à l’avis de la HALDE, qui considère que la France, en refusant le droit à pension de réversion pour les partenaires liés par un PACS, méconnaît les dispositions de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.
J’ai pris connaissance du rapport de Mme Troendle, et son argumentation visant à écarter ce risque ne me convainc pas. Si le Conseil d’État a rappelé que le principe d’égalité n’imposait pas que des personnes placées dans des situations juridiques différentes soient traitées dans tous les cas de manière identique, il ne s’est pas opposé à une modification législative visant à revenir sur ces situations juridiques différentes.
Par ailleurs, on ne peut ignorer que cet avis, rendu en 2002, ne peut tirer toutes les conséquences des évolutions législatives intervenues, notamment celles qui sont issues de la loi du 23 juin 2006, qui a constitué un pas supplémentaire vers l’alignement des droits des couples pacsés sur ceux des couples mariés.
En outre, depuis 2002, la représentation nationale a adopté la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Pour mémoire, celle-ci proscrit les discriminations indirectes et dispose, dans son article 1er : « Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa – cela fait notamment référence à l’orientation sexuelle –, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime ».
Or priver du droit à pension de réversion le partenaire survivant d’un PACS liant deux personnes de même sexe, au motif qu’il faudrait conserver une spécificité au mariage, mariage auquel n’ont précisément pas droit les couples homosexuels en raison même de leur orientation sexuelle, est, à n’en pas douter, une discrimination indirecte, proscrite à la fois par les directives européennes et par la législation nationale.
Nous voterons évidemment cet article et espérons que nos collègues, tant de l’opposition que de la majorité, décideront eux aussi de faire avancer les droits et les protections des personnes liées par un PACS.
L'article 5 n’est pas adopté.
I. – Dans le premier alinéa de l’article L. 38 du code des pensions civiles et militaires de retraite, après les mots : « les conjoints d’un fonctionnaire civil », sont insérés les mots : « et les partenaires auxquels il est lié par un pacte civil de solidarité ».
II. – L’article L. 40 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, après les mots : « au conjoint survivant », sont insérés les mots : « ou au partenaire lié par un pacte civil de solidarité » ;
2° Dans le deuxième alinéa, après les mots : « du conjoint survivant », sont insérés les mots : « ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ».
III. – Le premier alinéa de l’article L. 43 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase, après les mots : « conjoint survivant ou divorcé », sont insérés les mots : « ou le partenaire survivant d’un pacte civil de solidarité » ;
2° Il est procédé à la même insertion dans les deux dernières phrases.
IV. – Le premier alinéa de l’article L. 45 du même code est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« La pension de réversion définie à l’article L. 38 est répartie entre les différents conjoints, divorcés ou survivants, ou les partenaires liés par un pacte civil de solidarité au prorata de la durée respective de chacun des modes de vie commune mentionnés à l’article L. 38.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du précédent alinéa ».
V. – L’article L. 46 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « le conjoint survivant », sont insérés les mots : «, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité » ;
2° Dans le même alinéa, après les mots : « nouveau mariage », sont insérés les mots : « ou un pacte civil de solidarité » ;
3° Dans le dernier alinéa, après les mots : « concubinage notoire », sont insérés les mots : « ou le partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité dissous ».
VI. – L’article L. 50 du même code est ainsi modifié :
1° La première phrase du I est complétée par les mots : « ou aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité » ;
2° Dans le premier alinéa du II, après les mots : « aux conjoints survivants », sont insérés les mots : « ou aux partenaires survivants d’un pacte civil de solidarité » ;
3° Dans le III, après les mots : « aux conjoints survivants », sont insérés les mots : « ou aux partenaires survivants d’un pacte de solidarité ».
L'article 6 n’est pas adopté.
L’article L. 3142-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « ou la conclusion d’un pacte civil de solidarité » ;
2° Dans le sixième alinéa, après les mots : « le mariage », sont insérés les mots : « ou la conclusion d’un pacte civil de solidarité ».
L’article 7 a pour objet de permettre aux salariés de bénéficier de congés pour événements familiaux liés à la conclusion d’un PACS par eux-mêmes ou leurs enfants.
Certes, comme le reconnaît la rapporteur, les conventions collectives de branche peuvent prévoir des règles plus favorables aux salariés, et ce y compris en l’absence de dispositions législatives. C’est d’ailleurs le cas pour une partie des 4 millions de salariés actuellement couverts par un accord de branche traitant du PACS et des 2 millions de salariés pour lesquels les accords de branche ou les conventions prévoient explicitement des congés pour événements familiaux liés à un PACS. On en conviendra, nous sommes loin du compte, l’effectif salarié étant de 22 millions dans notre pays !
Aussi ne pouvons-nous, pour notre part, nous satisfaire de cette situation. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’aller au-delà, afin de permettre à l’ensemble des salariés de bénéficier de ces droits.
Je dois également indiquer que je ne comprends pas l’argument consistant à opposer à cet article les nouvelles règles concernant la négociation collective. En effet, à ce jour, et jusqu’à ce qu’intervienne éventuellement la réforme de la législation voulue par le président du Sénat, seuls les projets de loi, c’est-à-dire les textes émanant du Gouvernement, doivent être soumis à négociation avec les organisations syndicales.
Par ailleurs, nous ne partageons pas l’analyse de Mme la rapporteur sur une absence de consensus sur la question, et nous cherchons d’autres raisons au faible nombre de conventions garantissant explicitement des droits pour les partenaires pacsés. En effet, nous considérons que les conventions collectives sont le fruit d’une évolution des rapports de force et de négociation dans les entreprises : en la matière, on ne peut minorer l’importance des conséquences de la crise ou de la massification du chômage.
C’est pourquoi le groupe CRC-SPG est convaincu qu’il est nécessaire d’agir pour appuyer les partenaires sociaux et leur permettre, précisément, de se référer à la loi et d’engager par la suite, dans leur entreprise ou dans leur branche, des négociations en vue de modifier les conventions. Il ne serait pas acceptable, en effet, que, sous prétexte de respecter le dialogue social, une très grande partie des salariés de notre pays se voient privés d’une évolution législative qui leur serait plus favorable et qu’ils sont très nombreux à attendre.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes convaincus de l’importance de cet article, que nous considérons comme un premier pas dans une démarche facilitant l’ouverture de négociations entre les partenaires sociaux, étant entendu que ceux-ci sont naturellement libres de prévoir des dispositions plus favorables que celles que nous proposons.
Cet article concernant le congé pour événement familial en cas de PACS vise à mettre un terme à la discrimination actuelle, en la matière, entre salariés du privé et fonctionnaires. Puisque ces derniers bénéficient de cinq jours au maximum d’autorisation exceptionnelle d’absence pour événement familial en un tel cas et qu’aucune disposition ne permet de justifier une différence de traitement avec les salariés du privé, il me semble important de remédier à cette discrimination pour rétablir une certaine égalité.
L'article 7 n’est pas adopté.
Les conséquences financières résultant pour les organismes de sécurité sociale de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 402 bis, 438 et 520 A du code général des impôts.
L'article 8 n’est pas adopté.
Tous les articles de la proposition de loi ayant été successivement repoussés, il n’y a pas lieu de procéder à un vote sur l’ensemble.
La proposition de loi est rejetée.
Je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif au Grand Paris.
La présidence n’a reçu aucune opposition. En conséquence, elles sont ratifiées et je proclame membres de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif au Grand Paris M. Bernard Angels, Mme Éliane Assassi, MM. Robert Badinter, Denis Badré, Laurent Béteille, Dominique Braye, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Caffet, Christian Cambon, Mme Claire-Lise Campion, MM. Yvon Collin, Philippe Dallier, Mme Isabelle Debré, MM. Christian Demuynck, Philippe Dominati, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Léonce Dupont, Jean-Paul Emorine, Jean-Pierre Fourcade, Jacques Gautier, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Michel Houel, Mme Françoise Laborde, MM. Serge Lagauche, Roger Madec, Jacques Mahéas, Hugues Portelli, Yves Pozzo di Borgo, Mme Catherine Procaccia, MM. Thierry Repentin, Charles Revet, Roger Romani, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, Bernard Vera, Mme Dominique Voynet.
Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point à propos du scrutin n° 97 du 7 décembre 2009, qui portait sur les amendements identiques n° II-105, II-172 rectifié quater et II-261, tendant à supprimer l’article 45 bis du projet de loi de finances pour 2010.
M. Jacques Legendre a été déclaré comme votant contre les trois amendements, alors qu’il souhaitait s’abstenir.
Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. La rectification nécessaire sera publiée en annexe du Journal officiel.
L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur la proposition du Gouvernement au Président de la République, tendant à l’organisation d’une consultation des électeurs de la Guyane et de la Martinique sur le changement de statut de ces collectivités (application de l’article 72-4 de la Constitution).
La parole est à Mme la ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République a décidé de consulter les populations de Martinique et de Guyane sur l’évolution institutionnelle de leurs collectivités.
Ces consultations constituent un événement marquant dans les relations entre la République et ses départements et régions d’outre-mer. Pour la première fois, en effet, les électeurs ne seront pas confrontés à un choix purement binaire entre un projet institutionnel et le statu quo, mais pourront choisir librement parmi plusieurs évolutions possibles : l’institution d’une collectivité autonome régie par l’article 74 de la Constitution, dont le statut, établi par une loi organique, précisera l’organisation institutionnelle et les compétences ; la fusion du département et de la région en une collectivité unique dans le cadre du régime actuel de l’article 73 ; le maintien d’une organisation administrative identique à celle qui est en vigueur en métropole.
Les électeurs de la Martinique et de la Guyane auront à répondre le 10 janvier prochain à la question suivante : « Approuvez-vous la transformation de la Martinique – ou de la Guyane – en une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution, dotée d’une organisation particulière tenant compte de ses intérêts propres au sein de la République ? »
En cas de réponse négative à cette première consultation, ils auront à répondre, le 24 janvier, à la question suivante : « Approuvez-vous la création en Martinique – ou en Guyane – d’une collectivité unique exerçant les compétences dévolues au département et à la région tout en demeurant régie par l’article 73 de la Constitution ? »
Ces consultations reposent sur une démarche qui vise à répondre aux attentes exprimées par les élus. En effet, cette réforme statutaire a été voulue par les élus, pour être mieux en phase avec la réalité des enjeux sociaux que connaissent ces collectivités.
Pour les outre-mer, la question statutaire ne doit pas être le point essentiel : le statut n’est qu’un outil au service des territoires. La question primordiale est aujourd’hui celle de leur insertion régionale, de leur développement et de leur cohésion sociale.
De plus, les consultations des 10 et 24 janvier prochains prennent une tout autre dimension, puisqu’elles s’inscrivent dans la réflexion plus générale lancée par le Président de la République dans le cadre des états généraux de l’outre-mer, lesquels, comme vous le savez, ont permis à l’ensemble de nos concitoyens ultramarins de s’exprimer sur l’avenir des outre-mer, mais aussi d’envisager de nouvelles formes de gouvernance économique, sociale et institutionnelle.
C’est pourquoi l’évolution institutionnelle de ces collectivités n’est pas une fin en soi, mais constitue un instrument parmi d’autres, qui peut contribuer, si ces territoires le souhaitent, si leur population le souhaite, à nouer la « relation rénovée avec la métropole » que le Président de la République appelait de ses vœux en concluant le conseil interministériel de l’outre-mer, le 6 novembre dernier.
Cette démarche n’est pas un projet du Gouvernement : celui-ci n’a fait que proposer au Président de la République de soumettre au vote de la population de la Martinique et de la Guyane une réforme voulue par les élus. Le Président de la République n’a rien imposé ; il a, au contraire, privilégié l’écoute et le dialogue avec les représentants élus de ces collectivités.
Conformément aux engagements qu’il avait pris aux Antilles, le Président de la République a donné une suite rapide aux résolutions adoptées les 18 juin et 2 septembre derniers par les congrès des élus départementaux et régionaux de Martinique et de Guyane.
Ces résolutions, qui ont ensuite été votées en termes identiques par les conseils généraux et régionaux de ces collectivités, comportent des projets d’organisation institutionnelle révélateurs de la détermination de la majorité de ces élus à exercer davantage de responsabilités dans le cadre de l’article 74 de la Constitution.
Sur la base de ces délibérations, le Président de la République a donc pris la décision de donner la parole aux ultramarins. Dès lors qu’il était saisi par les élus, il a souhaité que les électeurs puissent s’exprimer librement sur l’ensemble des différentes évolutions institutionnelles, non seulement sur celle qui est prévue à l’article 74 de la Constitution, mais aussi sur celles de l’article 73, avant la réforme des collectivités territoriales qui, en dernier ressort, sera rendue applicable de droit dans ces collectivités. Les mêmes élus seront alors à la fois conseillers généraux et régionaux, car « le statu quo n’est pas nécessairement la meilleure voie », comme ils le soulignaient.
C’est pourquoi une seconde consultation sera organisée le 24 janvier sur la création d’une collectivité unique régie par l’article 73 en cas de vote négatif lors de la consultation du 10 janvier. Cette démarche est d’ailleurs celle qu’avait annoncée le Président de la République le 26 juin dernier, lors de son déplacement à Fort-de-France.
Le Président de la République, souvenez-vous, avait alors souhaité que les électeurs puissent s’exprimer librement sur ces deux évolutions institutionnelles : « Ce qui compte, disait-il, c’est que les Martiniquais aient le choix ; un véritable choix. »
Par ailleurs, le Président de la République, dans ce souci d’écoute et de dialogue, a pris acte, pour la Guadeloupe, de la demande des élus d’un délai supplémentaire de dix-huit mois avant de se prononcer sur une éventuelle évolution. S’agissant de la Réunion, le Gouvernement n’a été saisi d’aucune demande, les élus ayant jusqu’à ce jour exprimé leur attachement au maintien d’une organisation institutionnelle identique à celle qui est en vigueur en métropole.
J’en viens maintenant aux options précises qui seront présentées aux électeurs lors des consultations des 10 et 24 janvier prochains et aux conséquences de leurs votes.
La consultation du 10 janvier portera sur l’institution en Martinique et en Guyane d’une collectivité régie par l’article 74 de la Constitution, dotée d’un statut particulier.
Ce statut sera établi par une loi organique, qui définira la nouvelle organisation institutionnelle de la collectivité, ainsi que la répartition des compétences entre l’État et la collectivité.
Cela signifie que le degré d’autonomie, le choix des compétences transférées par l’État et le régime juridique des lois et règlements qui s’y appliquent est adapté aux capacités, aux besoins et aux responsabilités que la collectivité entend assumer.
Certaines collectivités, comme Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, disposent de compétences qui ne sont pas très éloignées de celles des départements et des régions, et les lois et règlements s’y appliquent, pour la plupart, de plein droit. D’autres collectivités, comme la Polynésie française et Wallis-et-Futuna, jouissent, au contraire, de davantage d’autonomie et l’État n’y exerce plus que des compétences purement régaliennes.
Les élus martiniquais et guyanais désirent disposer d’importantes prérogatives en matière fiscale ainsi que de compétences nouvelles, par exemple en matière d’aménagement du territoire, d’environnement et d’urbanisme. En revanche, ils ont exprimé le souhait que, dans les matières qui demeureront de la compétence de l’État, comme la protection sociale, la logique d’identité législative continue de prévaloir.
Le Gouvernement donne acte aux congrès de Martinique et de Guyane de leurs demandes, qu’il prendra naturellement en compte dans le cadre de la concertation sur le futur statut de ces collectivités.
Je tiens cependant à rappeler que, conformément à l’article 74 de la Constitution, qui fixe certaines limites aux compétences transférées, l’État conservera l’exercice de ses prérogatives régaliennes, comme la garantie des libertés publiques, la défense, la sécurité et la justice, qui demeureront de sa compétence.
J’ajoute qu’un passage au régime de l’article 74 n’entraînerait aucune conséquence automatique pour ce qui concerne le statut de région ultrapériphérique au sein de l’Union européenne dont jouissent ces collectivités. Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, ce statut ne peut être modifié que par une décision prise à l’unanimité du Conseil européen et le Gouvernement n’envisage nullement un tel changement, sauf si les collectivités le demandaient ultérieurement.
Le régime de l’article 74 ne constitue donc ni un abandon de la République ni une exclusion de l’Union européenne, mais bien plutôt une façon de reconnaître le droit de ces populations à la différence et leur aspiration à plus de responsabilités, dans le respect des garanties fondamentales des libertés publiques et sous le contrôle toujours attentif des autorités de l’État.
Si le « non » l’emporte lors de cette consultation du 10 janvier, une seconde consultation sera organisée le 24 janvier. Elle portera cette fois sur l’institution d’une collectivité qui exerce les compétences dévolues au département et à la région tout en demeurant régie par l’article 73 de la Constitution.
Cette organisation administrative résultera d’une loi ordinaire intervenant, là encore, après une phase de concertation locale avec les élus locaux. Elle ne se traduira par aucun changement en ce qui concerne les compétences dont dispose la collectivité ou dans les conditions d’application des lois et règlements. Elle permettra uniquement de mettre fin à une situation introduite en 1982 en raison de la jurisprudence du Conseil constitutionnel d’alors, souvent critiquée pour sa complexité administrative et totalement inédite en Europe : l’existence, sur un même territoire, de deux collectivités distinctes, qui font de la Martinique et de la Guyane des régions « monodépartementales ».
Cette dualité institutionnelle peut être source de coûts, de confusion et d’inefficacité. Elle peut nuire aux politiques menées localement, en particulier en matière d’aménagement du territoire et de développement économique.
Est-il ainsi concevable que, dans les départements d’outre-mer, le conseil général et le conseil régional disposent chacun de compétences spécifiques en matière de transports, ce qui rend difficile la mise en place d’une politique cohérente dans ce domaine à l’échelle du territoire ?
Cette dualité institutionnelle n’offre pas non plus aux collectivités un cadre adapté à l’exercice satisfaisant des pouvoirs spécifiques d’adaptation que leur confère l’article 73 de la Constitution.
Une réponse positive à l’une de ces deux questions permettrait ainsi d’en revenir à davantage de simplicité et de cohérence : un territoire, une collectivité ; une assemblée élue, un exécutif responsable devant cette assemblée.
Ce nouveau statut résulterait d’une loi organique, si le « oui » l’emporte le 10 janvier, ou d’une loi ordinaire, si le « oui » l’emporte le 24 janvier, élaborée après une phase d’étroite concertation avec les élus locaux.
Si le « non » l’emporte à ces deux consultations, nous ne resterons pas pour autant dans l’immobilisme. Le projet de réforme des collectivités territoriales aura en effet vocation à s’appliquer dans les départements et régions d’outre-mer qui n’auront pas fait le choix d’une évolution spécifique. Comme en métropole, le projet prévoit que des conseillers territoriaux siègeront à la fois dans les conseils généraux et dans les conseils régionaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez compris, la première consultation portera sur l’autonomie institutionnelle, et la seconde, si elle est organisée, sur la rationalisation des structures administratives. Comme je l’ai rappelé en préambule, le Gouvernement n’entend pas prendre parti entre l’une et l’autre de ces options.
S’il n’exprimera donc aucune préférence, le Gouvernement veillera en revanche à informer les électeurs sur les enjeux des scrutins et à garantir scrupuleusement que la campagne soit organisée dans des conditions de démocratie et de transparence incontestables.
De même, le Gouvernement veillera à une stricte équité entre les deux consultations. Celles-ci seront donc organisées exactement de la même façon : la campagne officielle précédant chaque consultation sera d’une semaine ; les partis et les groupements politiques pourront être habilités à participer à cette campagne si sept élus en Martinique et quatre en Guyane, parmi les parlementaires, les conseillers généraux et les conseillers régionaux, déclarent y être affiliés ; s’ils sont habilités, ils disposeront au total de deux heures de campagne radiodiffusée et de deux heures de campagne télévisée ; ils pourront également faire imprimer des affiches et faire diffuser des circulaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les consultations des 10 et 24 janvier démontrent que le Gouvernement est disposé à répondre aux demandes de faire évoluer les structures institutionnelles, économiques et sociales actuelles des départements et régions d’outre-mer en tenant compte des attentes de leurs populations. Il s’agit de créer ensemble, si les territoires le souhaitent, de nouveaux modes de gouvernance, plus respectueux de leurs spécificités géographiques, économiques, sociales et culturelles.
Tel est l’esprit dans lequel le Gouvernement s’engage à mettre en œuvre les choix qui seront exprimés par les Martiniquais et les Guyanais en janvier prochain.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 10 janvier 2010, les électeurs de la Guyane et de la Martinique devront se prononcer pour ou contre la transformation de leurs départements-régions d’outre-mer respectifs en collectivités d’outre-mer.
Le Président de la République a décidé, en effet, de répondre favorablement à la demande que lui ont adressée leurs élus réunis en congrès sur la base de l’article 62 de la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000.
En ce qui concerne la Martinique, le congrès des élus départementaux et régionaux s’est prononcé dès la première réunion à une très forte majorité – plus de 74 % des voix – en faveur d’un statut régi par l’article 74 de la Constitution.
C’est en fait la deuxième fois que les Martiniquais sont appelés à se prononcer sur un changement de cadre institutionnel.
La première fois, c’était en 2003 : ils avaient été consultés sur la création d’une collectivité unique régie par l’article 73 de la Constitution, et donc par le principe de l’identité législative.
Le « non » l’avait emporté de très peu, au terme – il faut le dire – d’une intense campagne de désinformation menée par un front d’opposants radicaux au projet envisagé : un front hétéroclite, où les traditionnels intégristes du droit commun côtoyaient des personnalités jusque-là plutôt connues pour leurs discours en faveur de la promotion de l’identité et de la responsabilité martiniquaises.
Je ne m’étendrai pas sur les intérêts divers et les arrière-pensées politiciennes qui cimentaient ces alliances objectives. Mais, ce qui est certain, c’est que la force de ces motivations était parvenue à affranchir de tout scrupule les animateurs de la campagne du « non ». À défaut de pouvoir convaincre avec des arguments sérieux, ils choisirent de manipuler les esprits en jouant sur l’émotion humaine la mieux partagée : la peur. Le procédé est utilisé, on le sait, depuis la nuit des temps, avec toujours une redoutable efficacité, vérifiée d’ailleurs en 1981, quand une véritable panique fut suscitée outre-mer sur le thème du « largage ».
L’arme de la peur joua donc à plein avec de puissants moyens de propagande, et l’on entendit sans cesse la menace d’une perte de tous les acquis sociaux, avec notamment cet argument concernant le RMI ou l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA : « C’est le département qui vous verse ces allocations ; s’il n’y a plus de département, elles ne pourront plus vous être versées. »
De vives critiques s’élevèrent contre la loi organique prévue à l’article 73 pour la mise en œuvre des dispositifs permettant aux assemblées locales d’obtenir du Parlement certaines habilitations à disposer d’un pouvoir normatif local limité. On prétendit, en effet, que le Parlement y introduirait des éléments non souhaités par les Martiniquais, alors qu’en réalité cette loi ne pouvait même pas prendre en compte les propositions des élus, qui, réunis à diverses reprises en congrès, avaient souhaité un élargissement de leurs compétences et un renforcement bien plus important de leur pouvoir réglementaire.
Enfin, on alla jusqu’à affirmer que la réforme ouvrait carrément la voie à l’indépendance de la Martinique !
La dramatisation fut donc portée à son comble, particulièrement illustrée par cette perle publiée par le quotidien local, dans un texte de propagande occupant une page entière §: « La situation du moment rappelle étrangement les derniers jours de la ville de Saint-Pierre en 1902 ! »
Madame la ministre, mes chers collègues, j’ai le sentiment, depuis déjà quelques mois, de revivre le même scénario catastrophe !
Évidemment, les attaques visent désormais le passage au régime de l’article 74. Et la collectivité unique, tant diabolisée en 2003, est devenue la bonne solution pour laquelle ses détracteurs d’hier appellent à voter sans réserve le 24 janvier, lors de la seconde consultation prévue par le Président de la République en cas d’échec du « oui » le 10 janvier.
Les opposants forment de nouveau un front hétéroclite, mais qui comporte désormais un important parti de la gauche autonomiste, le parti progressiste martiniquais, le PPM, ce qui constitue évidemment un élément supplémentaire de désorientation des citoyens martiniquais. En effet, même si, en 2003, certains de ses dirigeants avaient affiché des positions on ne peut plus ambiguës, ce parti, dont j’étais alors membre, était officiellement pour le « oui ». Ses dirigeants actuels prétendent que la transformation de la Martinique en collectivité d’outre-mer est dangereuse : d’abord, parce que, selon eux, le régime juridique de l’article 74 entraîne une rupture du principe d’égalité ; ensuite, parce que les Martiniquais n’auront pas la possibilité de se prononcer sur le contenu exact de la loi organique qui sera votée par le Parlement pour définir le statut de la nouvelle collectivité.
Ils appellent donc à voter pour le maintien de la Martinique dans le régime de l’identité législative, mais, en même temps, ils annoncent qu’ils se font fort d’obtenir, d’ici à cinq ou six ans, un statut de très large autonomie, grâce à un article nouveau de la Constitution prévoyant expressément, de surcroît, des garanties relatives à l’égalité et aux droits acquis, avec, bien sûr, une loi organique dont les électeurs martiniquais pourront contrôler au préalable le contenu, paraît-il…
Je ne m’attarderai pas sur le caractère irréaliste d’une telle position, ni sur les motivations stratégiques qui la sous-tendent. Mais il est certain qu’elle contribue à obscurcir le sens que pourrait avoir un éventuel vote positif le 24 janvier prochain.
De qui serait-ce la victoire ? Des partisans d’une simple collectivité unique ? Des partisans de la troisième voie ? Des partisans d’un article 73 « révisé », ou encore des partisans d’un article 73 « plus », puisque certains se sont affirmés comme tels ? On serait alors, en tout cas, assuré d’assister à une relance immédiate du débat institutionnel, et même à son exacerbation !
Pour leur part, les partisans de la transformation de la Martinique en une collectivité d’outre-mer ne sont pas dans une telle confusion. Même s’ils appartiennent à des familles politiques différentes et n’ont pas tous la même vision de ce que pourrait être, un jour, le statut idéal pour la Martinique, ils acceptent l’idée de participer ensemble, et sans plus attendre, à une avancée significative. Ils ne considèrent nullement le régime de l’article 74 comme une panacée et n’en attendent pas de miracles, mais ils savent que ce cadre offre des possibilités incontestablement plus intéressantes que celui de l’article 73 et ne menace nullement, ainsi que vous l’avez souligné, madame la ministre, les acquis sociaux ou le statut de région ultrapériphérique, comme le prétendent les semeurs de peur !
Bien sûr, on essaie de faire croire que l’article 73 comporterait des possibilités encore insuffisamment exploitées. En réalité, comme je l’avais souligné à l’occasion des débats relatifs à la réforme de la Constitution de 2003, cet article promet plus qu’il ne permet réellement. Ses limites sont d’ailleurs inhérentes à la finalité qui lui est fondamentalement assignée, à savoir l’identité législative.
Dans ce régime, il faut en prendre son parti, ce qui prime, c’est le droit commun. Les habilitations destinées aux assemblées départementale et régionale n’ont, en pratique, qu’une portée limitée. Les procédures prévues pour leur obtention sont, en effet, compliquées, très encadrées et ne peuvent aboutir qu’avec l’accord et l’engagement très soutenu du Gouvernement. En outre, il est facile de les remettre en cause à l’occasion de débats parlementaires postérieurs à leur obtention.
En revanche, l’article 74 de la Constitution permet aux élus, dans les domaines pour lesquels ils ont obtenu le régime de spécialité législative, de disposer, de façon pérenne, d’outils réglementaires d’adaptation et d’exécution leur conférant une capacité d’agir plus importante et mieux adaptée aux réalités locales, aux besoins et aux aspirations des Martiniquais, notamment à leur souhait de voir s’amorcer un réel développement endogène de la Martinique.
Or, n’en doutons pas, parmi les handicaps structurels reconnus comme freins au développement, il en existe un que l’on oublie souvent dans les discours officiels : le handicap institutionnel. Il explique pourtant largement le fait que tous les efforts accomplis par les élus martiniquais, que le réel dynamisme de nos acteurs économiques et que la succession des plans de développement mis en œuvre n’aient jamais pu répondre pleinement aux objectifs visés.
Madame la ministre, mes chers collègues, la Martinique est dans une situation de plus en plus préoccupante. Cette situation, à l’évidence, lui interdit d’envisager de se réfugier frileusement dans le statu quo, d’autant que des évolutions sont inéluctables dans le cadre de la réforme territoriale qui devrait entrer en vigueur en 2014 et qu’il importe d’éviter de voir appliquer chez nous, une fois de plus, des dispositions avant tout conçues pour l’Hexagone, comme ce fut le cas lors des lois de décentralisation de 1982-1983 et, plus récemment, en 2004, lors de l’acte II de la décentralisation.
Le peuple martiniquais exprime une très grande aspiration au changement, qui s’est d’ailleurs manifestée très fortement pendant les événements de février dernier. La consultation du 10 janvier prochain lui offre la possibilité d’amorcer rapidement, et de façon réaliste, un tel changement.
Toutefois, il importe d’informer correctement les citoyens pour qu’ils puissent décider, en toute lucidité, de l’opportunité de saisir cette possibilité. À cet égard, le Gouvernement doit prendre pleinement ses responsabilités en faisant notamment respecter un minimum d’équité au regard des moyens que chacun des deux camps peut mettre en œuvre.
Pour ma part, je reste convaincu que, malgré les moyens financiers considérables mis au service des détracteurs de l’article 74, les forces vives, la jeunesse et, disons-le, une majorité de Martiniquais, conscients des enjeux, feront, le 10 janvier prochain, le choix du « oui », celui d’un nouvel élan pour la Martinique.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation de la Guyane est singulière au sein de la République française, et à ce plusieurs titres.
En premier lieu, la Guyane est de loin le plus vaste département français, avec un territoire continental de près de 90 000 kilomètres carrés, ce qui le distingue des outre-mer insulaires.
En deuxième lieu, les communes de Guyane ont une superficie moyenne très supérieure à celle des communes de la métropole, puisqu’elle est de 3 932 kilomètres carrés, contre une superficie moyenne de 15 kilomètres carrés à l’échelon national, ce qui engendre forcément des coûts et des besoins plus importants, tant pour le fonctionnement général que pour les investissements.
En troisième lieu, la population de la Guyane s’élevait à 221 500 habitants au 31 décembre 2008, mais il faut savoir que son taux de croissance est l’un des plus élevés au monde : 3, 9 % par an en termes réels, contre 2, 2 % en moyenne nationale. En cinquante ans, la population guyanaise a été multipliée par huit, alors que celle de la France métropolitaine progressait de 4 %. Selon toutes les prévisions, la Guyane comptera plus de 400 000 habitants en 2020.
La Guyane dispose de réels atouts, dont l’intérêt est manifeste pour la France : son positionnement géographique en fait un site exceptionnel pour ses activités spatiales ; sa forêt amazonienne fait partie des quinze derniers grands massifs forestiers recensés dans le monde et contribue à améliorer le bilan carbone de la France qui, grâce à cet apport, peut pleinement jouer son rôle en matière de lutte contre le réchauffement climatique et se positionner, au sommet de Copenhague, comme un pays leader en la matière. Je souligne, au passage, que nous n’avons pas été invités à ce sommet ! En outre, la Guyane dispose de nombreuses ressources peu exploitées, mal exploitées ou volontairement inexploitées.
Pourtant, tous les indicateurs économiques sont au rouge : tout d’abord, le produit intérieur brut guyanais par habitant n’est plus que de 47 % du PIB français, soit, de loin, le plus faible des quatre DOM ; 25 % des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit le pourcentage le plus élevé des DOM ; le chômage est trois fois plus important qu’en métropole, touchant près du quart de la population, et même près de la moitié des jeunes, contre 20 % à l’échelon national ; enfin, le taux de couverture des importations par les exportations, en constante dégradation, n’est que de 9, 2 %.
Il s’agit donc d’un véritable décrochage, qui dénote la faillite d’un système reposant exclusivement sur les transferts publics en provenance de la métropole. La diminution des dépenses publiques ne peut immanquablement qu’entraîner des conséquences graves, et c’est précisément ce qui se passe actuellement.
Une telle dépendance, à quelque niveau qu’elle se situe, ne peut pas être porteuse d’avenir et d’espoir.
Après avoir été successivement une colonie de plantation, une colonie de peuplement – sans aucun succès, il est vrai ! –, une colonie pénitentiaire, une colonie de consommation, imagine-t-on que la Guyane se contentera aujourd'hui de devenir une sorte de colonie spatiale, doublée d’un conservatoire de la biodiversité – autrement dit, un simple pion sur un échiquier, engagée dans un jeu qui la dépasse et dont elle ne peut rien maîtriser ?
Nous ne pouvons plus nous en remettre éternellement à d’autres pour construire la Guyane. D’ici à 2020, la population guyanaise doublera : cela suppose la création dès maintenant de 5 000 emplois nouveaux par an, contre 1 000 aujourd’hui. Or cet objectif semble impossible à atteindre, sauf à prendre des mesures propres à assouplir les rigidités qui empêchent la population locale de prendre en main les ressources guyanaises.
La première de ces mesures consiste à renforcer les pouvoirs locaux de décision économique afin de rendre les richesses plus accessibles à la population. Le développement endogène est une nécessité inéluctable, mais il ne sera possible que si l’on parvient à faire sauter certains verrous.
C’est pour cette raison que je choisis le régime de l’article 74 de la Constitution, qui nous offre davantage de possibilités que celui de l’article 73 pour nous approprier et exploiter à notre profit nos propres ressources.
Prenons l’exemple des richesses minières, qui sont abondantes en Guyane.
La Guyane dispose d’un potentiel aurifère élevé, douze fois plus que celui du Surinam, selon les opérateurs miniers du département, soit plus de 120 tonnes selon le BRGM, le Bureau de recherches géologiques et minières. Or la production déclarée atteint à peine trois tonnes et est en chute libre depuis que le Gouvernement a décidé de faire élaborer un schéma minier qui s’impose, de surcroît, à notre propre schéma d’aménagement régional.
Nous, parlementaires guyanais, avions tenté d’obtenir, lors de l’élaboration de la LODEOM, la loi pour le développement économique des outre-mer, que les collectivités locales soient associées à l’élaboration de ce schéma minier. Notre démarche fut vaine : ce schéma n’est que l’œuvre d’un fonctionnaire d’État à la retraite et, dans sa formulation actuelle, il constitue une entrave au développement de la Guyane, une « mise sous cloche », selon les propres termes du rapport de la mission commune d’information sénatoriale. Voilà un exemple, et ce n’est pas le seul, d’une activité porteuse d’emplois – 2 000 emplois directs et 8 000 emplois indirects, selon les opérateurs miniers – verrouillée sur l’initiative de l’État, et ce au détriment de l’intérêt local !
Oui, je choisis l’article 74, et j’appelle à voter en sa faveur, car il dispose que les collectivités d’outre-mer qu’il régit « ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d’elles au sein de la République ». En optant pour ce régime, nous pourrons penser notre développement en fonction de nos réalités et de notre environnement propres.
Trop souvent, trop facilement, en raison du régime d’assimilation de l’article 73, la Guyane est purement et simplement assimilée aux petites économies insulaires de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion. Il en résulte que les mesures et les dispositions prises en leur faveur lui sont calquées, alors que le contexte global de la Guyane ne présente que peu de similitudes avec celui de ces îles. La LODEOM en est un exemple frappant : elle a été façonnée, revue et corrigée en fonction essentiellement de la situation antillaise, qui, il est vrai, paraissait à l’époque plus brûlante que celle des autres outre-mer.
Oui, je choisis l’article 74, car les collectivités régies par celui-ci bénéficient, contrairement à certaines allégations, des mêmes garanties constitutionnelles en termes de dotations financières de l’État. D’ailleurs, nos collègues Marc Massion et Éric Doligé, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Outre-mer », n’ont pas manqué de relever dans leur rapport que « les dotations budgétaires de l’État sont à peu près équivalentes que le territoire soit un département d’outre-mer ou une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution ».
Oui, je choisis l’article 74, car il nous permet, en cas de transfert de la compétence fiscale, d’améliorer le niveau de nos recettes et d’obtenir une plus grande liberté d’utilisation de l’outil fiscal comme instrument d’une politique de développement, en particulier au regard des contraintes du droit communautaire.
Oui, je choisis l’article 74, car il est sans incidence sur l’appartenance à l’Union européenne. En effet, l’élément qui détermine le statut d’une collectivité, en droit européen, est le champ de compétences qui lui est transféré. Ainsi, celle qui choisit de se faire transférer la compétence douanière sort automatiquement du statut de région ultrapériphérique, ou RUP. La Guyane a souhaité garder son statut de RUP et n’a pas demandé le transfert de compétences en matière douanière ; elle continuera ainsi à bénéficier des fonds réservés à ces régions.
De même, le passage du statut de département et région d’outre-mer à celui de collectivité d’outre-mer n’implique pas automatiquement et nécessairement la remise en cause des lois et des droits sociaux dont bénéficie aujourd’hui la population. C’est en effet la loi organique portant statut de la collectivité qui déterminera les domaines dans lesquels la législation nationale s’appliquera sur le territoire. Tout dépendra donc du statut défini par la législation organique. Le congrès des élus de Guyane a opté pour la sanctuarisation de la compétence d’application des lois sociales dans les attributions de l’État, se plaçant sur ce point en situation d’identité législative, tout comme Saint-Barthélemy et Saint-Martin, qui sont passées du régime de l’article 73 à celui de l’article 74 de la Constitution.
Chers collègues, il me tenait à cœur d’insister sur ces différents points. Prononcés devant vous, à la tribune de la Haute Assemblée, mes propos revêtent un caractère plus solennel, et leur authenticité est réaffirmée. Cette authenticité est nécessaire pour contrer les craintes infondées, attisées à des fins essentiellement politiques, par les détracteurs de l’article 74, qui n’hésitent pas à recourir à des arguments fallacieux pour ajouter de la confusion à un débat qui paraît déjà technique à la population. À ce sujet, je souligne d’ailleurs que les membres de la mission commune d’information sénatoriale sur la situation des départements d’outre-mer, qui s’en sont rendu compte lors de leur passage en Martinique et en Guyane, ont proposé que soit organisée une véritable campagne d’information en vue d’éclairer véritablement le choix des électeurs.
Madame la ministre, vous allez vous rendre en Guyane demain : il vous appartient d’apporter une information objective sur l’évolution proposée.
L’article 74, tout comme l’article 73, sont des outils prévus par la Constitution française. Autrement dit, soyons bien clairs : si le choix se porte sur l’article 74, la collectivité unique de Guyane qui en découlera demeurera toujours dans la République française. Dites-le bien aux pourfendeurs de l’article 74 – très souvent vos compagnons de Guyane –, et dites-leur surtout de respecter la Constitution. On ne peut se déclarer plus Français que ceux qui défendent l’article 74 et tenir des propos contraires à la Constitution ! Dites-leur de ne pas transformer la consultation référendaire du 10 janvier en première étape des régionales de mars. Enfin, dites-leur d’être en harmonie avec les propos du chef de l’État quand il déclarait, le 6 novembre :
« Vous avez aussi fait part, lors des états généraux, de votre volonté de pouvoir trouver en vous-mêmes les ressorts de votre propre développement économique.
« Vous savez combien je tiens, moi aussi, à ce que l’État accompagne les outre-mer dans cette démarche. Il s’agit, bien sûr, d’une préoccupation économique, mais aussi d’une question de fierté. Une volonté de prendre en main son propre développement. L’État sera à vos côtés. »
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en ce 9 décembre 2009, nous débattons de la consultation des populations de la Martinique et de la Guyane sur l’évolution institutionnelle et statutaire de ces départements.
Cette consultation aura lieu les 10 et 24 janvier prochains. Le 10 janvier, les citoyens auront à se prononcer sur la transformation de nos départements en collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution. S’ils répondent par la négative, ils seront de nouveau convoqués le 24 janvier afin de dire s’ils souhaitent que la région et le département fusionnent dans une collectivité unique régie par l’article 73 de la Constitution.
Je suis à la fois heureux et inquiet de cette consultation et des conditions de son organisation par le Gouvernement. Je vais m’efforcer de vous expliquer ces sentiments mitigés, en insistant sur la situation que je connais le mieux, celle de la Martinique.
Je suis heureux de l’organisation de cette consultation principalement pour deux raisons.
La première est que je suis depuis longtemps convaincu que la forme organisationnelle de nos territoires est inadaptée. Les limites de cette organisation étaient posées, dès l’origine, dans le principe même de la région monodépartementale. Comment gérer efficacement un territoire où se superposent totalement ces deux collectivités, à plus forte raison lorsque ce territoire, pour paraphraser Aimé Césaire, tient dans « la calebasse d’une île » de quatre-vingts kilomètres sur trente ? Cette difficulté originelle n’a malheureusement pas été démentie par les faits. Les conseillers régionaux et généraux de la Martinique se sont plusieurs fois réunis en congrès pour conclure à la nécessité d’une collectivité unique, et une fois pour s’accorder sur une synthèse entre le schéma régional de développement durable et l’agenda 21 conçu par le département.
Si cet effort de synthèse est louable, il est tout de même symptomatique qu’il n’intervienne qu’au terme d’un travail de plusieurs années réalisé séparément par chacune des deux collectivités. Un document d’orientation incontestable pour une approche globale du développement de la Martinique aurait évidemment gagné à être non pas conclu, mais élaboré par les deux ensemble.
Je suis donc heureux de l’organisation de cette consultation, car quelle que soit l’option qui sera retenue par les populations, je suis confiant qu’elle ne sera pas celle du statu quo institutionnel.
La seconde raison pour laquelle je suis heureux est que cette consultation et les changements qui s’ensuivront devraient enfin nous permettre de dépasser le débat sur le statut de la Martinique.
En effet, depuis 2003 et la première consultation qui avait concerné la Guadeloupe et la Martinique, le débat institutionnel et statutaire est demeuré extrêmement vivace et envahissant sur la scène politique. Si cette vivacité n’est pas problématique en soi, puisqu’elle témoigne de l’attachement des élus martiniquais à trouver la forme statutaire et organisationnelle la plus adaptée au développement du territoire, la place occupée par ce débat est telle que l’on peut légitimement s’interroger sur ses effets pervers. Le temps passé à se déterminer sur la question institutionnelle comme préalable au développement est, de toute évidence, un temps pendant lequel se cristallise le « mal-développement ». Si nous ne parvenons pas à intensifier de façon significative la lutte contre ce mal-développement qui mine nos sociétés, il ne servira à rien d’avoir acquis le meilleur statut du monde.
Nos populations ne s’y trompent pas, qui nous rappellent au quotidien leurs attentes en matière d’emploi, de logement et de lutte contre la vie chère.
Les événements du début de l’année sont là pour le prouver, et les très nombreux témoignages recueillis en mai dernier, lors des déplacements sur le terrain de la mission d’information que j’ai eu l’honneur de présider, en attestent également.
Il est urgent d’apporter des réponses concrètes à nos concitoyens, sous peine de perdre leur confiance. Plus nous prendrons de temps pour régler cette question d’organisation institutionnelle et statutaire, plus nos populations nous soupçonnerons d’en faire le prétexte de nos difficultés à développer la Martinique et à résoudre les problèmes du quotidien.
Cela m’amène à exprimer mes regrets quant aux modalités d’organisation de ces consultations et mes inquiétudes quant à la phase qui suivra.
Mon premier regret porte sur la « règle du jeu » de la consultation fixée par le Président de la République. En effet, si ce dernier applique l’article 72-4 de la Constitution en consultant les populations concernées, préalablement à l’élaboration d’une loi organique, les conditions de cette consultation n’en sont pas moins discutables.
Dès lors que la consultation porte sur plusieurs hypothèses et degrés d’évolution, je regrette, pour ma part, qu’elle soit échelonnée dans le temps. Cette consultation par étapes crée une grande confusion dans l’esprit de nos concitoyens. Il eût été plus simple et plus clair de mettre directement « en concurrence », à la même date, les deux ou trois types d’évolution proposés.
Par ailleurs, il est regrettable que les populations concernées soient interrogées sur un simple principe, sans aucun document de présentation de la nature des changements concrets induits dans l’une ou l’autre des hypothèses. Il est entendu qu’il revient à une loi organique de fixer le contenu définitif de l’éventuelle évolution, mais cela ne faisait pas obstacle à la production par l’État d’un projet descriptif des évolutions prévisibles dans l’un ou l’autre cas.
Toutes choses égales par ailleurs, on peut, à cet égard, prendre pour exemple les documents transmis à la population française à l’occasion des référendums sur les traités européens. Bien entendu, il s’agit pour l’État non pas de s’engager dans le débat, mais de fournir à la population des éléments pour comprendre un débat déterminant pour son avenir. Notre mission commune d’information a souligné l’importance d’une telle démarche pédagogique préalable, permettant, pour le plus grand bénéfice de la démocratie, de dissiper les peurs irrationnelles et de clarifier la donne. Mais l’État est resté sourd !
Au final, nous voilà donc invités à nous prononcer sur un changement dont les tenants et aboutissants ne seront effectivement définis qu’après que nous aurons donné notre réponse. Cela pourrait paraître drôle si ce n’était, en réalité, extrêmement grave !
En l’état, il ressort que le passage au régime de l’article 74 comporte trop d’inconnues, …
Pourtant, comme je le disais précédemment, nous ne pouvons en aucun cas nous en tenir au statu quo, tant la volonté de changement est forte à l’heure actuelle. Mais un changement statutaire aussi important doit résulter d’un désir profond des citoyens.
Dès lors, l’article 73 « aménagé » et la création d’une collectivité unique s’imposent à mes yeux comme une évidence. Selon moi, en effet, cette nouvelle collectivité favoriserait de façon significative la mobilisation des moyens autour d’un projet de développement pour la Martinique. Au-delà, il conviendra que l’État porte désormais plus d’attention à nos demandes en matière tant de développement social et économique que d’aménagement du territoire et de fiscalité.
Mes inquiétudes ont également trait à la suite réservée à ces consultations.
Il n’aura échappé à personne que le contexte général dans lequel nous débattons de ces consultations est particulièrement difficile, et c’est là un euphémisme ! La sévérité de la crise mondiale a eu une incidence particulière dans nos régions économiquement fragiles. Ce contexte a cristallisé, notamment en Martinique, des tensions qui couvaient depuis des décennies, pour déclencher un conflit social sans précédent au début de l’année 2009.
Pour répondre à cette crise, le Gouvernement a fait voter dans l’urgence la LODEOM, destinée à soutenir nos économies d’outre-mer. Mais, près d’un an après son adoption, la LODEOM n’est toujours pas appliquée, madame la ministre !
Mes motifs d’inquiétude sont donc de deux ordres.
Premièrement, le Gouvernement saura-t-il mieux gérer les délais de l’après-consultation que ceux de l’après-LODEOM ? Comme je l’ai dit précédemment, il faut traiter rapidement la question statutaire, afin de concentrer notre énergie sur le projet de développement de la Martinique.
Pour ma part, je souhaite que, quelle que soit l’évolution choisie par nos populations dans les semaines à venir, celle-ci soit traduite rapidement dans les faits. La Martinique ne pourra en aucun cas attendre une mise en œuvre calée sur le calendrier de la réforme des collectivités territoriales annoncée pour 2014 !
Deuxièmement, l’État tiendra-t-il ses engagements en matière de développement économique ? L’exemple de la LODEOM et celui de la réduction des budgets dédiés à l’outre-mer sont, à cet égard, très inquiétants. Le projet statutaire ne saurait être conçu comme l’alpha et l’oméga du développement économique de nos territoires. Il ne faut pas chercher à tromper nos populations sur ce point ! Si une organisation institutionnelle mieux adaptée et des libertés locales renforcées doivent permettre de mieux agir sur le développement de la Martinique, le statut ne peut constituer en lui-même un projet. Ce projet, il revient aux élus, aux acteurs économiques et à la société civile de la Martinique de l’établir, et à l’État de le soutenir en apportant les moyens qui sont de son ressort.
Je conclurai en rappelant que ce débat intéresse non pas seulement la Guyane et la Martinique, mais bien l’ensemble des collectivités territoriales qui composent la République. Comme la plupart de mes collègues ici présents, je suis un fervent partisan d’une réforme qui réaffirme et approfondisse le caractère décentralisé de l’organisation de l’État. Comme la plupart de mes collègues ici présents, je serai donc attentif à ce que ma région ne soit pas le laboratoire d’une réforme gouvernementale qui confonde approfondissement des libertés locales et désengagement de l’État !
M. Daniel Marsin applaudit.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette fin d’année 2009 constitue la charnière entre deux périodes assurément décisives pour les régions françaises d’au-delà des mers.
Paul Valéry écrivait : « L'histoire, je le crains, ne nous permet guère de prévoir, mais, associée à l'indépendance d'esprit, elle peut nous aider à mieux voir. »
Après l’assimilation commencée dans l’entre-deux-guerres, la départementalisation en 1946, la décentralisation en 1982 et en 2003, et à l’heure de la réforme des collectivités territoriales, le moment est venu, à mes yeux, de franchir une nouvelle étape dans un processus dont l’enjeu, s’agissant en tous cas de la Guyane, est de poser enfin les conditions d’un développement que tout le monde s’accorde à vouloir endogène et durable.
Sur ce point, si nous devons nous garder d’attendre d’un statut ce qui relève d’un projet de société, nous ne devons pas non plus considérer, notamment pour la Guyane, cette question du statut comme anecdotique.
Nous devons faire face à une exigence impérieuse : donner à ce territoire, aujourd’hui à la croisée des chemins, un cadre institutionnel et organisationnel qui rende possible son développement ou, à tout le moins, ne l’entrave pas comme l’ont fait, durant la seconde moitié du XXe siècle, les différentes architectures institutionnelles fondées sur l’identité législative avec le reste de la nation.
Cette identité législative, qui n’a empêché ni les dérogations ni les adaptations, n’a jamais permis le développement, faute certainement de volonté de la part d’un État trop loin de nos réalités, faute de responsabilité des élus locaux, et faute assurément d’un projet véritablement partagé entre les gouvernements successifs de la France et la Guyane.
En effet, si l’image d’une France hégémonique appartient certes à l’histoire, cette grande puissance a bel et bien laissé une chape de plomb sur la Guyane, que, manifestement, elle considère toujours comme une réserve foncière, une zone géostratégique, un argument écologique.
Jusqu’à ce jour, l’exploitation des ressources a été orientée au profit de partenariats sans intérêt majeur pour les populations locales.
En retour, des politiques publiques, qualifiées avec une bienveillante inconscience d’« assistanat », ont entraîné une spirale incontrôlée de destruction de l’énergie d’entreprendre et de l’initiative, conjuguée à des règles inadaptées et à des entraves absurdes, nationales d’abord, communautaires ensuite.
Que l’on ne s’y trompe pas, les plus hautes applications en Guyane de la technologie, celles de l’industrie spatiale par exemple, ne feraient que prolonger la longue histoire des rentes qui en étaient exportées, si l’on ne convenait pas d’un commun accord de transformer en profondeur le cadre relationnel issu d’un passé difficile, qui veut que la Guyane, soixante-trois ans après la départementalisation, se trouve aujourd’hui au dernier rang des régions françaises au regard de presque tous les indicateurs sociaux : santé, éducation, emploi, insertion des jeunes… Partout, la lanterne rouge reste allumée !
Quant à nous, élus, nous sommes trop souvent, hélas ! tombés dans le piège facile du recours à l’État pour tout, interpellant, invectivant, suppliant parfois, manquant maintes occasions de nous battre, tout simplement, au nom des valeurs de la République, plutôt qu’au nom de cette histoire retorse et de ces liens complexes qui se trouvent finalement au fondement de comportements parfois pervers, de part et d’autre.
S’il est vrai que l’histoire aide à mieux voir, alors nous devons voir cette réalité paradoxale d’une Guyane riche de potentiel, mais exploitée et entravée ; nous devons, tout simplement, sortir de l’impasse.
J’ai suivi les échanges qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, et écouté attentivement les interventions de mes collègues, en particulier celle de Serge Larcher. Nous avons tous appris à l’école la fable de La Fontaine intitulée Le Loup et le chien. Sans l’évoquer, les partisans de l’article 73 de la Constitution en utilisent fort bien les images. La transition dans la sécurité de l’article 73 est ainsi opposée au saut dans l’inconnu de l’article 74, comme si le choix qui nous était proposé était de devenir soit le chien bien portant, mais en cage, soit le loup affamé, mais libre. En agitant ainsi le spectre de la perte des droits sociaux ou des fonds européens, on joue sur les peurs de notre cerveau reptilien, en énonçant des contrevérités et en méprisant notre capacité à l’objectivité.
En réalité, et particulièrement pour les Guyanais, ce ne sera ni forcément le chien gras ni forcément le loup maigre. Les Guyanais ne sont pas des dogues gras et polis, et l’alternative n’est pas pour eux d’être affamés ou d’être attachés. Affamés, en Guyane, certains le sont déjà ; attachés, nous le resterons dans les deux cas, avec deux seules certitudes : le maintien des garanties de base de la Constitution et celui du statut de région ultrapériphérique de l’Union européenne.
Pour le reste, avec l’article 73 comme avec l’article 74, nous aurons toujours à nous battre. Aujourd’hui, nous nous battons pour que les droits constitutionnels a priori garantis ne restent pas purement théoriques sur le terrain. Demain, peut-être nous battrons-nous pour négocier ces mêmes droits au travers d’une loi organique. Au moins seront-ils effectifs une fois acquis, parce que ce sont les Guyanais eux-mêmes, élus et population, qui auront la responsabilité de les édicter et de les mettre en œuvre. C’est là que réside toute la différence ! Cette ouverture ne vaut-elle pas un saut, non pas dans l’inconnu, ni même vers la liberté, mais bel et bien vers la responsabilité ? Qu’avons-nous donc à perdre que nous n’ayons déjà perdu, à part, peut-être, nos dernières illusions sur l’égalité et la fraternité ?
Depuis que je suis sénateur, c’est-à-dire depuis un an maintenant, je constate, loi après loi, la difficulté de faire voter, ne serait-ce que par le biais d’un amendement lorsque l’outre-mer est carrément oublié dans le texte d’origine, ces fameuses adaptations qui, aujourd’hui, sont présentées par certains comme la panacée et associées à l’identité législative !
Pas plus tard qu’hier, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, des amendements que je croyais de bon sens, n’ayant aucun caractère partisan et pas même d’incidence financière immédiate, visant simplement l’amélioration des conditions d’aménagement du territoire par les collectivités, ont été rejetés par le Sénat. Ils étaient pourtant inspirés par le rapport Doligé, dont chacun se plaît à vanter l’excellence ! Combien de fois un département d’outre-mer a-t-il pu faire usage, de manière satisfaisante, de la capacité d’habilitation ? Combien de plans outre-mer spécifiques, combien d’études, de rapports et de décrets attendent d’être traduits par des mesures concrètes sur le terrain ? Qu’avons-nous donc à perdre ?
Ce que je vois, ce que je sais, c’est que nulle folie de liberté, nulle frénésie parricide, nulle velléité idéologique de rupture avec la République n’animaient les élus de Guyane réunis en congrès le 2 septembre dernier, mais plutôt la conscience d’une grave responsabilité à prendre. Ils avaient le sentiment de ne pas pouvoir, de ne pas devoir reculer devant ce qu’on peut considérer aujourd’hui comme une opportunité, une avancée démocratique, une fenêtre ouverte sur la possibilité de mieux faire, si les décisions prises pour la Guyane sont prises en Guyane, par la Guyane et dans l’intérêt de la Guyane, dans quelque domaine de compétence que ce soit.
Le régime de spécialité législative prévu par l’article 74 de la Constitution permet une telle avancée. Pour moi, c’est assumer un rendez-vous avec l’histoire que de voter « oui » le 10 janvier 2010 !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Paul Virapoullé applaudit également.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention sera brève, car du fait de l’intelligence des grands électeurs de la Martinique et de la Guyane, les quatre sénateurs qui représentent ces territoires sont apparentés au groupe socialiste
Sourires
Je voudrais néanmoins rappeler quelques points essentiels.
Tout d’abord, sur le plan intellectuel, le Sénat a accompli un progrès dans la prise en compte des problèmes de l’outre-mer grâce au travail de la mission commune d’information présidée par Serge Larcher. C’est un petit pas dans la bonne direction, mais il y a encore beaucoup à faire en la matière : notre collègue Jean-Étienne Antoinette rappelait à l’instant que, au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, un seul de ses amendements, visant à prévoir la remise d’un rapport, a été adopté, alors qu’un autre, dont l’objet était la réalisation d’une étude permettant d’approfondir la réflexion, a été rejeté sous un prétexte fallacieux.
L’outre-mer doit être évoqué sous l’angle du développement, de l’emploi, de l’éducation, du logement, tous problèmes de fond auxquels sont confrontés au quotidien nos compatriotes ultramarins : il faut aller au-delà du cliché de territoires sympathiques, exotiques, touristiques…
Il faut également prendre en compte la spécificité de chacun de ces territoires. Il n’y a que dans l’Hexagone que l’on peut considérer que la Guyane et la Martinique, c’est presque pareil ! C’est oublier leurs différences géographiques, historiques, sociologiques : excusez du peu ! En outre, la Guyane ne saurait se contenter d’être l’alibi écologique de la France dans les discussions du sommet de Copenhague, tandis que la vocation de la Martinique ne se résume pas à accueillir des catamarans ou des Hexagonaux en mal de soleil…
En matière de développement, les Guyanais et les Martiniquais vont choisir leur avenir : c’est leur problème. Leurs représentants au Sénat ont exprimé avec talent, à cette tribune, leurs convictions, leur identité et leurs spécificités, en affirmant leurs points d’accord et de désaccord.
Madame la ministre, il est de votre responsabilité que l’on parle vrai lors du débat démocratique qui se déroulera dans ces deux territoires.
Nous reviendrons sur cette question lors de l’examen soit d’un projet de loi organique, soit d’un projet de loi ordinaire, après que les populations de la Guyane et de la Martinique auront fait leur choix, sans être influencées, je l’espère, par quelque peur que ce soit, et en s’appuyant sur une information objective et aussi complète que possible. Nous savons en effet, par expérience, que lors d’un référendum, on ne répond pas toujours à la question posée… S’il n’y a rien au-dessus de la souveraineté des peuples, les peuples, nous le savons aussi, peuvent parfois être abusés.
Madame la ministre, je vous conjure donc de faire en sorte que la plus grande vérité règne lors de ces scrutins. Que les Guyanais et les Martiniquais s’expriment : il reviendra ensuite à la représentation nationale de montrer, à l’occasion de l’élaboration d’une loi organique ou d’une loi ordinaire, qu’elle a su les entendre et être attentive à leurs problèmes, qui nous concernent tous.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’évolution institutionnelle de la Martinique et de la Guyane est un sujet qui concerne la nation, ce qui nous vaut d’en débattre aujourd’hui.
C’est pour moi l’occasion de souligner que le recours au corps électoral, de manière distincte dans chaque département-région, est déjà en soi une avancée vers la responsabilité locale.
Si je me fais un devoir de m’exprimer aujourd’hui, hors de toute volonté d’ingérence dans les affaires de ces deux collectivités, c’est pour témoigner à mes collègues de Martinique et de Guyane, et à travers eux à ceux qu’ils représentent, la solidarité effective de la Guadeloupe dans la démarche que la Martinique et la Guyane ont choisi d’entreprendre.
En effet, s’il est parfaitement légitime de voir aujourd’hui les îliens des Antilles et les continentaux sud-américains du plateau des Guyanes aspirer à des statuts à leur mesure, cela ne saurait gommer les effets de plus de trois siècles de cheminement commun, à plus forte raison lorsque le temps a engendré des liens de solidarité nés d’une histoire partagée, tumultueuse, et construits le plus souvent dans l’épreuve.
Cette consultation fait écho à un mouvement social qui fut historique, tant par sa durée que par son étendue géographique. Nonobstant la diversité des contextes économiques, sociaux et culturels, la crise touche l’ensemble de l’outre-mer. Aujourd’hui, avec un temps de retard, Mayotte y est à son tour confrontée. Hélas, il faut bien le dire, les événements du début de l’année n’ont fait qu’accentuer difficultés et inégalités.
La consultation de la population est une réponse pertinente quand ses représentants l’ont choisie.
La départementalisation des Antilles et de la Guyane, introduite en 1946 en grande partie grâce à l’opiniâtreté d’un Aimé Césaire, fut sous certains aspects un immense progrès pour nos territoires, mais elle reste très largement insuffisante, si l’on considère les situations rencontrées aujourd’hui par les populations. En évoquant cette quête d’une plus grande responsabilité, je ne peux omettre d’évoquer la mémoire du guyanais Justin Catayée.
Les articles 73 et 74 révisés de la Constitution permettent à chaque territoire de définir le chemin qu’il veut suivre vers un supplément d’autonomie, qui doit s’accompagner d’une responsabilité accrue. La décision des congrès des élus départementaux et régionaux de Martinique et de Guyane de progresser en ce sens marque une évolution positive qui anoblit notre République, permettant le maintien en son sein de ces territoires, mais dans le cadre d’un contrat social et politique rénové.
En effet, madame la ministre, mes chers collègues, il faut le reconnaître, l’organisation des institutions n’est pas optimale dans les départements d’outre-mer. Le Gouvernement n’a-t-il pas d’ailleurs un projet de réforme nationale qui tend à corriger des défauts que nous avons mis en évidence depuis bien longtemps chez nous, d’autant que s’ajoute au mille-feuille administratif français cette curiosité qui consiste à superposer conseil général et conseil régional sur un même territoire ? Brouillage des compétences, inefficacité des décisions, incompréhension du public et concurrence politique malsaine entre deux autorités légitimes découlent de cette superposition, au détriment de l’intérêt général, du mieux-être de la population et de l’utilisation optimale des fonds publics.
Le Conseil constitutionnel a rejeté, en 1982, un projet qui n’est pas si loin de ressembler à celui que la Constitution rénovée nous autorise aujourd’hui. Les temps changent, et c’est tant mieux. Les Martiniquais et les Guyanais, tout comme les Guadeloupéens, ont besoin d’un souffle nouveau pour édifier un avenir meilleur. La République peut et doit les y aider.
La création d’une assemblée unique aux compétences pertinentes, bien pesées et clairement définies constituerait un progrès indéniable pour la rationalisation de la prise de décision. C’est un préalable nécessaire, mais pas suffisant. Le projet politique et les compétences des hommes et des femmes qui le porteront restent des données essentielles à mes yeux pour ancrer la pratique d’une meilleure gouvernance locale, démocratique et efficace.
Si, pour le moment, la Guadeloupe n’est pas concernée par les consultations dont il est question, je ne peux, madame la ministre, mes chers collègues, manquer de vous faire part de quelques-unes de mes interrogations.
La première interrogation concerne le calendrier : l’organisation d’une consultation aussi importante, à peine deux mois avant le scrutin régional, ne risque-t-elle pas de brouiller la clarté des enjeux et la nécessaire sérénité des débats locaux dans les deux territoires ? Poser la question, c’est presque y répondre. En cas de réponse positive au référendum, par exemple, comment la campagne électorale régionale va-t-elle s’articuler avec la définition du projet politique qui doit soutenir l’évolution du statut ? Il me semble, à cet égard, qu’il eût été opportun de repousser le scrutin de janvier 2010 à une ère plus sereine, ou alors de ne pas maintenir dans la foulée le scrutin régional ! L’expérience de la consultation de 2003 vient étayer la crainte d’un nouvel imbroglio électoral.
Deuxième interrogation : la consultation de la population marque-t-elle la fin du processus ? À l’évidence, non, d’où une deuxième source d’inquiétude. Le contenu de la loi organique, qui sera négocié entre l’État et les nouvelles collectivités, sera fondamental. Or on peut craindre que la même cause, l’incertitude sur le contenu, ne produise le même effet, la crainte de l’électorat. On sait aujourd’hui qu’il ne peut y avoir d’autonomie politique sans moyens économiques et financiers, ni vision à long terme.
Troisième interrogation : vaut-il mieux un modèle de statut fondé sur l’article 73 de la Constitution, poussé dans ses ultimes possibilités en matière de pouvoir d’adaptation des lois et règlements, ou un régime fondé sur l’article 74, privé de sa substance faute de moyens financiers, dont la discussion n’interviendra qu’a posteriori ? Je m’interroge d’autant plus sur ce point fondamental qu’aucun des départements d’outre-mer n’a pu sérieusement à ce jour utiliser la faculté d’adaptation offerte par l’article 73.
Mes chers collègues, si j’ai souhaité partager mes interrogations, ce n’est pas pour influer sur le débat en Martinique et en Guyane – ce serait d’ailleurs prétentieux de ma part –, mais plutôt parce que je ne doute pas que la Haute Assemblée sera saisie de la même question, dans un futur plus ou moins proche, en ce qui concerne la Guadeloupe.
La Guadeloupe a, pour le moment, choisi une trajectoire différente. Le congrès des élus du 24 juin dernier a opté pour l’élaboration préalable d’un « projet de société ». Si j’ai alors eu l’occasion de faire part de mes réserves sur l’idée d’un « projet de société » unique, qui ne pourrait être ni la source ni l’attribut de la démocratie, je me réjouis que la question institutionnelle soit déconnectée d’un calendrier électoral qui ne manquerait pas de dénaturer le débat. En effet, je souhaite que ce débat fasse émerger une véritable réflexion, dans toutes les couches de la société, sur l’avenir et la façon dont nous assumerons, en responsabilité, notre rôle, à notre place, au sein de la République.
Cette démarche guadeloupéenne s’inscrit dans la maturité acquise après la consultation traumatisante de 2003, car nous avons tous en mémoire les conditions détestables du débat sur la question qui avait alors été posée, marqué notamment par une pression politique et psychologique sur la population, que l’on a clairement voulu effrayer.
À mes yeux, l’évolution institutionnelle dans la République n’a rien d’effrayant. Néanmoins, je suis lucide : apporter une réponse institutionnelle ne suffira pas à résoudre les problèmes de la Guadeloupe, ni, je le crains, ceux du reste de l’outre-mer. Le bien-être des populations ultramarines en général ne peut dépendre seulement du degré d’autonomie du pouvoir local.
M. Jean-Jacques Hyest marque son approbation.
Pour ma part, en Guadeloupe, j’attends que se noue enfin un vrai débat politique, et que naisse de la confrontation des conceptions de l’avenir une véritable vision programmatique de ce que doit être le développement apaisé de la Guadeloupe dans la République. Sinon, à quoi bon opter pour plus d’autonomie si la coquille, bien que rutilante, se révèle désespérément vide ? À quoi servirait-il de demander toujours plus de dotations à l’État si les crédits devaient être gérés de manière inefficace ? Vous l’aurez compris, je veux battre en brèche cette conclusion du poète Jean Cocteau : « Les révolutions sont belles… les huit premiers jours. »
Sourires
Nous sommes donc extrêmement attentifs à la démarche des élus de Martinique et de Guyane, et sommes convaincus de la clairvoyance et du sens des responsabilités des populations martiniquaise et guyanaise, au moment où ce choix déterminant pour l’avenir se présente à elles. Je veux leur adresser des vœux de pleine réussite face à ce nouveau défi. Les destinées des femmes et des hommes des territoires des Antilles et de la Guyane ont longtemps été unies dans une même soumission à une histoire coloniale marquée par l’oppression et l’injustice. Le temps passant, nous avons appris, pas à pas, à prendre conscience des obligations lourdes qu’implique la fonction de gouverner dans le cadre que nous a donné l’État. Je souhaite que si le scrutin traduit la volonté de changement des électeurs, la négociation du nouveau statut se fasse, sinon sur un pied d’égalité avec l’État, du moins sans la distorsion de rapports de force trop déséquilibrés, qui aboutirait à un partage léonin.
Mes chers collègues, nous sommes à l’évidence à un tournant de l’histoire de l’outre-mer, donc de l’histoire de France. Le fruit de nos réflexions est sans doute appelé à valoir pour plusieurs décennies. Mais je suis serein, car persuadé que ce débat constitue l’hommage de notre assemblée aux populations de la Martinique et de la Guyane et que le résultat de ces consultations, quel qu’il soit, sera l’honneur de la République.
M. Jean-Paul Virapoullé applaudit.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la modification constitutionnelle de 2003, qui a prévu l’organisation décentralisée de notre République, a été importante pour l’outre-mer. Elle permet désormais des adaptations statutaires et institutionnelles au plus près des préoccupations des populations ultramarines.
En effet, l’organisation déconcentrée de l’État outre-mer ne doit pas, compte tenu des spécificités juridiques, culturelles et historiques des collectivités ultramarines, être identique à celle qui prévaut en métropole. Le cadre, l’environnement, les problèmes sont différents. Or, bien souvent, en particulier dans les quatre départements d’outre-mer, il faut reconnaître que tant l’organisation que l’administration locales ne sont pas toujours adaptées aux contraintes et aux particularismes territoriaux.
Les facultés offertes par les nouvelles dispositions constitutionnelles des articles 73 et 74 de la Constitution ont été prévues pour permettre les aménagements nécessaires et donner tout son sens à une politique de proximité et de responsabilité respectueuse des contraintes du terrain, mais aussi des attentes locales.
Force est de constater que les facultés d’adaptation offertes par l’article 73 de la Constitution pour les départements d’outre-mer sont loin d’avoir porté tous leurs fruits, madame la ministre. Bien que la nouvelle liberté donnée aux départements et régions d’outre-mer en matière d’adaptation locale des lois et règlements ait été fortement demandée par leurs élus, sa mise en œuvre reste encore très limitée.
Par exemple, les demandes du conseil général et du conseil régional de la Martinique concernant l’aménagement des compétences en matière de transports publics de voyageurs n’ont pas été publiées par le Gouvernement au Journal officiel, au motif que ces demandes ne reflétaient pas un consensus local sur le sujet, du fait des demandes concurrentes des deux niveaux de collectivités, alors que le Gouvernement n’est, comme l’a souligné la Haute Assemblée, aucunement habilité à exercer un contrôle d’opportunité en la matière.
MM. Serge Larcher et Georges Patient marquent leur approbation.
Pourtant, la procédure d’adaptation décentralisée prévue à l’article 73 de la Constitution a fait l’objet, à la suite de l’adoption de l’un de mes amendements, d’un assouplissement à la faveur de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, mais il est clair qu’elle n’est pas encore entrée complètement dans les usages, ce que l’on peut regretter, comme l’a fait la commission des lois dans son avis sur les crédits de la mission « Outre-mer ».
Quoi qu’il en soit, les élus de la Martinique et de la Guyane ont souhaité aller plus loin que les simples adaptations législatives, par une véritable refondation de leur organisation institutionnelle, comme le permet désormais la Constitution. Ils ont, ainsi, clairement manifesté leur intention de modifier leur gouvernance, actuellement caractérisée par la juxtaposition, sur un même territoire, de deux niveaux de collectivités : le département unique et la région d’outre-mer.
Il convient d’ailleurs de souligner que cette approche rejoint les conclusions de la mission commune d’information du Sénat sur la situation des départements d’outre-mer. À travers ses cent propositions, celle-ci a notamment préconisé un nouvel élan vers un développement endogène réussi de ces territoires, fondé sur l’assainissement de la situation des collectivités territoriales en matière de gouvernance institutionnelle et financière, avec une meilleure prise en compte des spécificités et de la diversité de ces départements, pour valoriser leurs atouts et les libérer de contraintes inadaptées.
Réunis en congrès des élus départementaux et régionaux, les élus de Guyane, d’une part, et de Martinique, d’autre part, se sont donc déclarés favorables à un passage du régime de l’assimilation législative adaptée, organisée par l’article 73 de la Constitution, au régime de la spécialité législative, en application de l’article 74 de la Constitution, conférant un régime d’autonomie. Le Parlement se doit d’en prendre acte.
Comme cette évolution est soumise, en application de l’article 72-4 de la Constitution, au consentement des électeurs de Guyane et de Martinique, le Président de la République a naturellement décidé d’organiser une consultation, prenant ainsi en compte la position exprimée par les élus, ce que je tiens à souligner. Cette consultation aura lieu en janvier 2010 et se déroulera, le cas échéant, en deux temps, ainsi que vous l’avez précisé, madame la ministre.
Donner la parole au peuple est le fondement de la démocratie. Nous pouvons donc nous réjouir du processus qui est engagé et qui démontre, une fois de plus, après la création des deux collectivités nouvelles d’outre-mer que sont Saint-Martin et Saint-Barthélemy, l’importance et la qualité de la réforme constitutionnelle de 2003.
Bien entendu, il est essentiel que les électeurs de ces deux départements soient suffisamment et objectivement informés des conséquences juridiques d’une évolution statutaire ou institutionnelle, afin d’être à même de se prononcer en toute connaissance de cause. Il semble en effet qu’en 2003, l’absence de publicité et d’explication adéquate des projets d’évolution institutionnelle en Martinique et en Guadeloupe ait été, pour l’essentiel, à l’origine de leur rejet par les électeurs de ces départements. Nous pouvons donc former des vœux pour que la nécessité de l’information des électeurs, sans laquelle ils ne peuvent librement choisir leur destin, soit pleinement et clairement perçue.
Il convient par ailleurs de souligner que cette volonté d’évolution statutaire de ces deux départements d’outre-mer intervient au moment où s’engage, devant le Parlement, la réforme des collectivités territoriales. Or, se pose la question de la coexistence de ces deux sources d’évolution, qui se cristallise notamment sur la création du conseiller territorial, appelé à siéger tant au conseil régional qu’au conseil général.
Pour résoudre cette difficulté, le Gouvernement a exclu, à ce stade, d’appliquer aux trois départements français d’Amérique les dispositions du projet de loi de réforme des collectivités territoriales relatives au conseiller territorial, tout en sollicitant une habilitation, pour une durée de dix-huit mois, afin de les adapter par ordonnance en Guyane, en Guadeloupe et à la Martinique, en fonction des choix d’évolution institutionnelle décidés par les électeurs. On peut s’en féliciter, madame la ministre, car il s’agit d’une mesure de sagesse, frappée au coin du bon sens.
Nous devons également être conscients que la question de l’évolution institutionnelle ou statutaire de la Guadeloupe, ainsi que l’a rappelé notre collègue Daniel Marsin, devra être posée un jour. Toutefois, les élus de ce département ont souhaité se donner le temps d’aborder cette problématique dans le cadre d’une réflexion plus globale sur le « projet de société » guadeloupéen, et il convient de respecter leur volonté. Ce dossier reste donc en instance.
En ce qui concerne le quatrième département français d’outre-mer, celui de la Réunion, contrairement aux départements d’Amérique, il ne place pas la problématique institutionnelle au cœur de ses préoccupations.
D’ailleurs, la Réunion ne relève pas du dispositif d’évolution statutaire et institutionnelle introduit par la révision constitutionnelle de 2003, car telle fut la volonté de ses élus, que le Parlement a respectée.
Dans quelques semaines, les électeurs de Martinique et de Guyane vont donc, par leur bulletin de vote, construire leur avenir. Je souhaite ardemment que le résultat issu des urnes soit l’expression profonde de leurs espérances, et que le Gouvernement comme le Parlement soient prêts à répondre à leurs attentes.
N’oublions pas la leçon de Saint-Exupéry : « L’avenir, tu n’as point à le prévoir mais à le permettre ». Tel est notre devoir, tel est leur destin.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un profond débat anime les sociétés martiniquaise et guyanaise, qui sont appelées à se prononcer, comme le stipule l’article 72-4 de la Constitution, sur le changement de statut de leurs départements.
Les mouvements sociaux du début de l’année ont révélé combien la crise économique et sociale a été rude, particulièrement en 2009, pour nos concitoyens ultramarins.
Le débat d’aujourd’hui ne doit donc pas nous faire perdre de vue l’urgence sociale dans laquelle sont placés ces territoires. Il y va même de la responsabilité de l’État qui, confronté à une situation d’une grande gravité, doit adopter une stratégie offensive et des mesures d’urgence, pour permettre à nos concitoyens d’accéder à une vie décente.
Ainsi, les comptes rendus des états généraux de l’outre-mer soulignent combien la population des DOM attend de l’État qu’il tienne ses engagements, qu’il soit garant de la cohésion sociale, de l’égalité des citoyens et de la prise en compte de leurs aspirations.
Chômage et précarité toujours en progression, prix en hausse, crise du logement, besoin d’éducation montrent combien, en dépit des mesures transversales prises par le conseil interministériel de l’outre-mer, le CIOM, ces territoires appellent une tout autre politique, et tout de suite !
Ainsi, notre collègue Éric Doligé, à propos de l’éventualité d’un changement de statut, insistait dans son rapport sur la nécessité d’organiser une campagne d’information permettant d’éclairer véritablement le choix des électeurs.
C’est bien tout l’enjeu de ce moment et de ce scrutin.
Il s’agit en effet de demander aux populations de faire un choix, dans un contexte de crise multidimensionnelle, alors que l’État semble incapable de remédier à la situation et d’exiger que ce changement de statut éventuel ne rime pas avec un nouveau désengagement de sa part.
Avant le 10 janvier prochain, le Président de la République doit donc prendre des engagements fermes de maintien de la dotation publique, de versement des minima sociaux, des retraites, de lutte contre le chômage. De mon point de vue, ces engagements devraient d’ailleurs être pris indépendamment du changement statutaire.
L’aspiration à l’émancipation de ces hommes et de ces femmes a été relayée par le choix de l’autonomie législative par le congrès de leurs élus. Cette aspiration débouche sur la contestation d’un système économique et financier qui privilégie l’argent, l’exploitation, l’opposition des uns aux autres.
Cela, le Président de la République et le Gouvernement ne semblent pas l’avoir entendu. J’en veux pour preuve, entre autres, la réflexion du Président de la République, qui, en octobre dernier, cite, comme premier axe des actions à mener après les états généraux de l’outre-mer, le « renforcement de la concurrence dans le secteur privé ».
On le sait bien, ces solutions ne fonctionnent pas, ni en métropole ni en Europe ni dans le reste du monde !
Quel mépris pour les aspirations de milliers de gens, qui, en manifestant début 2009, demandent l’opposé, c’est-à-dire plus de contrôle des pouvoirs publics sur le secteur privé, contre le racket organisé des populations, contre la fixation libre et opaque des prix. La concurrence ne fait pas baisser les prix, on le constate en métropole.
Dans le cadre de cette campagne sur le changement de statut, qui pourrait constituer une étape importante dans l’histoire de la Martinique et de la Guyane, le Gouvernement doit entendre les revendications populaires et prendre des engagements immédiats.
Concernant la baisse des prix et la hausse des salaires, un avis rendu par l’Autorité de la concurrence montrait l’état de fait inacceptable de la fixation des prix dans les DOM.
Au prétexte d’un coût important des transports de marchandises et de l’octroi de mer, les grandes enseignes gonflent les prix. Ainsi, certains produits sont payés dans les DOM jusqu’à 50 % plus cher qu’en métropole !
Dans un autre département d’outre-mer, la Guadeloupe, le LKP alerte depuis septembre : les produits dont les prix ont fait l’objet de négociations sont en pénurie organisée, alors que les prix des autres produits flambent. L’engagement de renforcer les effectifs de la direction de la concurrence n’est pas tenu, d’où une perpétuation de cette situation injuste.
De même, d’autres propositions pourraient être avancées pour soutenir le pouvoir d’achat, comme la baisse de la TVA ou la revalorisation des salaires.
Aujourd’hui, tous les voyants sont au rouge. J’ai eu moi-même l’occasion de le constater il y a quelques jours lors d’un déplacement en Martinique.
Il est nécessaire de rendre aux DOM les moyens financiers à la hauteur des enjeux et des graves inégalités que continuent de subir leurs populations. Nous condamnons les exonérations de charges et les exemptions fiscales, menées sans garantie ni contrepartie en termes de créations d’emplois et d’augmentation des salaires.
Avec la crise, les communes doivent faire face à un effondrement de leur principale recette, l’octroi de mer, alimenté par une taxe sur la consommation de produits importés. Quand on voit l’importance budgétaire locale de cet octroi, on peut comprendre l’inquiétude des domiens à l’annonce de la suppression de cette taxe à l’orée 2014, sous la pression libérale de l’Europe, qui y voit un droit de douane extravagant contraire à la concurrence libre et non faussée.
Madame la ministre, quels sont les engagements du Gouvernement sur cette question ?
Le chômage, je l’ai dit, est un des fléaux qui minent les DOM, avec la situation particulière de la jeunesse. Toutes tranches d’âge confondues, le taux est deux fois plus élevé que la moyenne nationale : il atteint 50 % pour les jeunes de quinze à vingt-quatre ans. On comprend que certains appellent à un plan Marshall !
La situation du logement est tout aussi catastrophique, avec un sous-développement du logement social et l’existence d’un habitat insalubre encore important.
La mise à disposition du foncier détenu par l’État et non utilisé, telle que décidée le 6 novembre par le conseil interministériel de l’outre-mer, pourrait contribuer à relancer la construction du logement social par les communes. Mais sous quels délais ? Et avec quel argent ? Le Gouvernement va-t-il très vite mettre en place un droit au foncier opposable ?
La gravité de la crise exige des mesures d’urgence pour stopper le glissement des départements d’outre-mer dans le sous-développement. Or les annonces et les décisions du conseil interministériel n’arrivent que plusieurs mois après les mouvements sociaux du début d’année.
De plus, même si certaines annonces sont reconnues comme appropriées, leurs effets ne seront sensibles que dans un avenir lointain. Aucun financement n’est venu relayer ces annonces, ce qui sème le doute sur leur mise en place effective, doute qui touche les populations mais aussi les élus locaux.
Avec cette proposition de changement statutaire, via l’article 74, nombre d’hommes et de femmes, d’élus locaux, généraux et régionaux, de parlementaires, voient l’opportunité non pas de revendiquer l’indépendance ni une quelconque sortie de la République française, mais d’avancer vers davantage d’autonomie et de conquête de pouvoirs réglementaires en matière d’adaptation et d’exécution de décisions les concernant.
Ils voient dans la simplification administrative que constitue la solution d’une collectivité unique gérée par une assemblée unique le moyen de garantir une plus grande efficacité des politiques publiques. Ce changement institutionnel pourrait, selon eux, contribuer à la définition de politiques qui prennent réellement en compte les réalités locales et leurs aspirations.
Ils y voient le moyen, en étant davantage maîtres d’œuvre, de participer ainsi, adossés à la métropole, à un développement plus durable, plus harmonieux, plus solidaire, contribuant au rayonnement de la France, de sa culture et de son économie dans cette partie du monde.
En réalité, tout ce qui va dans le sens de davantage d’autonomie pour ces populations est positif.
Il est dans ce cadre cependant impératif que l’inconnue que constitue la future loi organique qui en résultera soit levée. Le Gouvernement doit garantir l’intégrité pleine et entière des acquis sociaux dont bénéficient ces peuples.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne viens pas donner de leçons, mais ce qui intéresse l’outre-mer m’intéresse…
Sourires
Nous appartenons à une même communauté de destin.
J’ai écouté avec la plus grande attention mes collègues, notamment ceux de Martinique et Guyane, qui vont s’engager dans un choix difficile.
Sur le constat des objectifs, nous sommes d’accord. Nous avons fait partie ensemble d’une mission consensuelle et nous avons constaté ensemble que la situation ne pouvait plus durer.
Rien ne justifie des prix 50 % plus chers ! Rien ne justifie tant d’illettrés ! Rien ne justifie que la Guyane, par exemple, que je ne connais pas assez pour en parler précisément, n’ait pas un modèle de développement différent du nôtre ou de celui de la Martinique !
Mais on ne peut pas en faire grief à la départementalisation. Étant un peu plus ancien que d’autres, je me dis que, si, en 1946, les pères de la départementalisation n’avaient pas fait ce choix, nous n’aurions pas atteint aujourd’hui le niveau de développement qui est le nôtre ! Nous n’aurions pas multiplié par dix ou par cent le nombre de nos bacheliers !
C’est vrai, il manque des logements sociaux, mais on en a construit des dizaines de milliers. C’est vrai, il manque encore des routes, mais le niveau et la qualité de la politique de santé publique dans les quatre DOM dépassent parfois ceux de certains départements métropolitains !
Faire grief à la départementalisation pour aller vers un autre modèle, c’est dresser un bilan qui n’est pas juste. Pour cette raison, je souhaite rétablir la vérité.
Nous sommes d’accord pour déverrouiller l’économie de l’outre-mer, pour adapter le plus possible les lois, les règlements, notamment communautaires, au modèle que l’on va définir. Mais le chemin que nous voulons emprunter est-il le bon ?
Pour être libre, le choix doit être clair.
Un choix clair ?
Me promenant dans les rues de Fort-de-France, je rencontre une électrice, qui m’interpelle.
« Monsieur le sénateur, vous me dites d’aller voter dimanche ? Je vais aller voter ! Vous me dites que je peux passer de l’article 73 à l’article 74 de la Constitution ? Éventuellement, car je ne suis pas contre. Vous m’annoncez un changement de mode de gestion, une nouvelle assemblée dotée de nouvelles compétences ? Mais au fait, monsieur le sénateur, combien aura-t-elle de membres, cette assemblée nouvelle ?
- Je ne sais pas.
- Comment sera-t-elle dirigée ?
- Je ne sais pas.
- Mais quelles vont être ses compétences, monsieur le sénateur ?
- Madame, pour avoir écouté avec attention le discours de Mme la ministre, je peux vous dire que la garantie des libertés publiques, la défense, la sécurité et la justice ne feront pas partie de ses compétences, mais le reste, peut-être… ».
En bonne citoyenne, cette électrice ne s’arrête pas en si bon chemin et poursuit.
« Et la compétence sociale, que vous utilisez comme moyen de polémique pour intoxiquer l’électorat et pour m’empêcher de voter oui, sera-t-elle inscrite dans la loi organique ?
- Je ne sais pas.
- Mais au moins peut-elle être dans la loi organique ?
- Bien sûr, parce que ce n’est pas du domaine interdit.
- Et d’après vous, nos élus... ?
- Vos élus actuels ? Madame, il n’y a pas de raison de leur faire un procès d’intention.
- Mais demain ? Dans vingt ans ? Dans trente ans ? Il y a des fous qui sortent des urnes ! »
Rires
Nouveaux rires.
« Et si, monsieur le sénateur, dans vingt ans, dans trente ans, ces élus réclament la compétence sociale ?
- On la leur déléguera, madame. »
Et patatras !
Sourires
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il y a une faille dans le processus que l’on nous propose, mais il n’y en a pas dans le raisonnement de cette brave Martiniquaise. Elle a en effet compris toute la portée du principe de l’assimilation législative, consacré par la décision du Conseil constitutionnel du 2 décembre 1982, qui a d’ailleurs pu être rendue à la suite de l’intervention vigilante des sénateurs.
Le corollaire de ce principe, c’est l’égalité sociale, dont la mise en œuvre par le président François Mitterrand s’est poursuivie et a abouti, serais-je même tenté de dire, sous la présidence de Jacques Chirac.
Oui, mes chers amis, l’égalité sociale est un principe constitutionnel ; elle est inscrite au cœur de nos droits. Loin de moi l’idée de vous faire un procès d’intention, mais, en soutenant le passage au régime prévu par l’article 74 de la Constitution, vous ouvrez la possibilité de transférer ce droit constitutionnel à une loi organique.
Le domaine de la loi est, certes, le domaine du possible, mais c’est aussi, parfois, celui de l’impossible. Dans la démarche prônée – c’est tout le problème –, apparaît en filigrane la transformation d’un principe constitutionnel en un principe législatif. Pour notre part, nous faisons le pari inverse : pour ce qui est des droits fondamentaux, restons-en au principe constitutionnel de l’égalité sociale. Ce n’est pas une question de polémique, c’est une question de vérité.
La loi n’est pas faite pour ne durer qu’un an. Compte tenu de la conjoncture actuelle, marquée par la mondialisation, la crise économique et la montée en puissance des pays d’Asie, qui peut dire si, dans vingt, trente ou quarante ans, la Haute Assemblée ne répondra pas favorablement à une demande de délégation ? Nous ne pourrons alors que reconnaître notre responsabilité, celle d’avoir poussé le peuple dans la voie de l’erreur !
Par conséquent, le choix proposé, peu clair, est pour le moins risqué. En optant pour l’article 74 de la Constitution, on quitte le boulevard de l’égalité constitutionnelle pour emprunter le sentier sinueux et ô combien aventureux de l’égalité législative.
Telle est notre analyse.
Nous respectons les positions de chacun, mais nous entendons que l’on respecte les nôtres, car elles sont partagées par la quasi-totalité des populations que nous représentons.
En cet instant, je veux citer le garant de l’unité de la République.
Voici, sans déformer le moins du monde ses propos, ce qu’a déclaré en Martinique, le 26 juin dernier, le Président de la République : « [Plus] une collectivité deviendra autonome, moins l’État aura de prise sur les affaires qui la concernent et plus elle devra assumer. Plus une collectivité est autonome, plus elle doit s’assumer. » C’est l’évidence même !
Faute d’un projet de loi organique présenté concomitamment, le choix ne peut se faire d’une manière éclairée. Lors du référendum sur la Constitution européenne, le texte du traité était annexé. Il y a vraiment deux poids, deux mesures, et je ne comprends pas pourquoi. Je n’en fais pas grief au Gouvernement, car la demande n’émane pas de lui.
Je veux le dire, nous ne sommes pas des conservateurs. En 1971, la revendication de l’autonomie se justifiait par le besoin de sortir de l’immobilisme. Depuis, la situation a bien évolué : la décentralisation, mise en place par le gouvernement Mauroy en 1982, s’est poursuivie en 1984, puis en 2003.
Madame la ministre, mes chers collègues, la France de 2009 n’est plus la France de 1971 ! Des pans entiers de responsabilités ont été transférés de l’État vers les collectivités locales, qui rencontrent parfois des difficultés pour les assumer.
Si nous en voulons plus, que cela se fasse sur la voie de la sécurité et non du risque !
Nos territoires, situés dans des océans de misère, sont petits, fragiles, avec très peu de ressources. Grâce à la départementalisation, notre population a pu atteindre un niveau de développement, de scolarisation et de confort de vie tel qu’elle n’est pas prête à accepter le sous-développement des pays voisins, dans lesquels, malgré quelques pics de prospérité, la misère est profonde. Voilà pourquoi, en la matière, nous entendons offrir une autre voie.
Madame la ministre, je suis d’accord avec vous : le développement n’est pas seulement affaire de statut ; il est, d’abord, affaire de volonté populaire, et même de conscience populaire.
La Martinique et la Guyane sont adossées au premier marché touristique du monde, les États-Unis : à elles d’en conquérir quelques miettes ! Ces îles ne peuvent risquer d’en être déconnectées par une réduction de la desserte maritime.
À la Réunion, aussi, nous en prenons pour notre grade !
Sourires
Il en est de même aux Antilles : il ne peut y avoir de développement du seul fait du pouvoir local.
Mes chers collègues, le débat sur l’outre-mer est trop souvent brouillé par les positions partisanes. Nous avons tout à gagner à agir autrement : je partage à cet égard le point de vue de Jean-Étienne Antoinette. J’étais député à l’époque du gouvernement de Michel Rocard : ce dernier doit s’en souvenir, j’ai voté à peu près tous les budgets qu’il a présentés, ainsi que de nombreux textes de loi.
Il faut parvenir à un consensus. La mission commune sénatoriale d’information sur la situation des départements d’outre-mer, qui a rendu son rapport récemment, a ouvert la voie. La réforme constitutionnelle, en consacrant, au travers de l’article 48 de la Constitution, le partage de l’ordre du jour, encourage le dépôt et l'examen de propositions de lois à partir du moment où les groupes en conviennent. Faisons donc une proposition de loi dans le domaine du développement économique.
Nonobstant la qualité de ce texte, mon cher collègue, c’était à l’origine un projet de loi. Si je vous sais gré, madame la ministre, d’œuvrer à la promulgation rapide des décrets d’application, la vie ne s’arrête pas avec la LODÉOM !
Il y a d’autres problèmes concrets, parmi lesquels je citerai le schéma minier en Guyane, que je ne connais pas précisément mais dont je sais qu’il est bien réel, ou encore la situation de la pêche en Martinique, où les quotas ne correspondent pas aux besoins. Quant à nous, nous rencontrons un certain nombre de difficultés dans divers domaines.
Pourquoi ne pas nous entendre pour trouver des solutions et les présenter à la représentation nationale ? Le coût de la vie pose problème ? Attelons-nous à la préparation d’une proposition de loi pour faire sauter ce verrou issu du statut d’ancienne colonie !
Cela suppose que nous nous libérions du carcan dans lequel nous sommes enfermés sur le plan économique et que nous fassions notre examen de conscience. Car nous avons aussi notre part de responsabilité dans le manque de développement. Trop souvent, les gens s’endorment. Or il faut beaucoup transpirer pour s’imposer sur les marchés désormais mondialisés !
Sachons aussi dépasser ce combat d’arrière-garde qui veut que droite et gauche s’affrontent sur tous les terrains. Notre intérêt, celui de la France, c’est d’avancer tous ensemble, sans esprit partisan, pour explorer les pistes qui existent – et elles ne sont ni de droite ni de gauche -, faire sauter les verrous et éradiquer les idées reçues, avec l’objectif de mettre en place un vrai modèle de développement.
Nous avons déjà des outils à notre disposition pour ce faire : l’article 73 de la Constitution, le traité de Lisbonne, la réforme constitutionnelle, le droit à l’expérimentation. Grâce à la volonté du chef de l’État, une cellule spécifique sera créée à Bruxelles en vue d’instruire nos demandes de dérogations.
Je vous invite donc à utiliser tous ces outils et si, demain, il nous en manque, nous en imaginerons d’autres. Mais, je vous en prie, ne prenons pas le chemin de l’aventure !
Tel est, madame la ministre, mes chers collègues, le conseil que je voulais donner à mes amis et à mes frères de la Martinique et de la Guyane.
Mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir écouté avec beaucoup d’attention leurs interventions, je voudrais d’abord remercier tous les orateurs qui se sont succédé à cette tribune.
Sans relancer le débat, je tiens ensuite à apporter quelques précisions concernant, uniquement, l’organisation de la consultation.
À ceux d’entre vous qui ont demandé l’élaboration d’un document d’orientation, en vue d’alimenter et de clarifier le débat, je répondrai que le Gouvernement ne peut pas s’engager dans cette voie, car il serait alors amené à préciser dans le détail les compétences transférées et les modalités de transfert, et, partant, à définir les contours de la future loi organique. S’il annexait ce document à la question posée, il porterait atteinte aux pouvoirs du Parlement.
En revanche, les contours de la double consultation de janvier prochain nous sont connus, puisqu’elle est fondée sur les propositions des congrès, largement présentées à la population et faisant désormais figure d’orientations générales dans la perspective de la future loi organique.
Dès lors, il appartient à chacun, en particulier aux élus qui ont souhaité cette évolution institutionnelle, d’apporter toutes les explications nécessaires lors de la campagne. Il leur revient de préciser le degré d’autonomie auquel ils aspirent en indiquant, pour chacune des compétences qu’ils souhaitent voir transférées, les changements demandés, sur lesquels s’engagera la négociation avec l’État.
C’est à ces élus que la population a fait confiance en leur donnant mandat pour la représenter. Il est donc tout à leur honneur d’expliquer la démarche qui les a conduits à préparer les projets d’évolution. À mon sens, nos concitoyens doivent pouvoir choisir eux-mêmes, en toute connaissance de cause.
En tout cas, je le rappelle, le Gouvernement ne propose rien et respecte les propositions avancées par les élus et le travail qui a été réalisé par eux. Nous situant uniquement dans le cadre constitutionnel, nous veillerons à son respect.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais maintenant revenir sur le statut de région ultrapériphérique, sujet qui fait souvent débat.
Sachez que les articles 73 et 74 de la Constitution n’ont aucune incidence sur le statut de région ultrapériphérique de la Martinique et de la Guyane.
En la matière, un changement de statut ne peut intervenir que sur une décision unanime du Conseil européen, à la demande de la France.
Le Gouvernement ne demandera pas cette modification sans l’accord des collectivités concernées. Mais celles-ci peuvent, à un moment donné, la souhaiter, dans la mesure où le statut de RUP les soumet au droit communautaire, ce qui, dans certains cas, est susceptible de limiter leurs marges de manœuvre.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la collectivité de Saint-Barthélemy demande aujourd’hui un changement de statut.
M. Michel Magras acquiesce.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quels que soient les résultats du scrutin, ces évolutions ne sauraient être une fin en soi. N’oublions pas, comme nombre d’entre vous l’ont dit à cette tribune, que le véritable enjeu est celui du développement économique et social de la Martinique et de la Guyane.
C’est la seule et véritable préoccupation pour nos compatriotes, qui ne manquent pas de nous le rappeler à chaque occasion.
Quelle que soit l’issue du scrutin, la Martinique et la Guyane resteront dans la République. Leurs liens avec la métropole, loin d’être distendus, se trouveront au contraire renforcés, dans le cadre d’une relation de confiance rénovée.
Je souhaite que cette consultation soit l’occasion d’un débat démocratique qui se déroule en toute liberté et dans la sérénité, et je suis convaincue que les arguments développés seront bien différents de ceux qui ont été utilisés en 2003.
La parole est maintenant donnée aux électeurs de la Martinique et de la Guyane : laissons-leur le soin de dire leur choix pour construire leur avenir dans le cadre de la République !
Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 10 décembre 2009 :
À neuf heures :
1. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la lutte contre la fracture numérique (n° 461 rectifié, 2008-2009).
Rapport de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 137, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 138, 2009-2010).
À quinze heures et, éventuellement, le soir :
2. Suite de la discussion de la proposition de loi visant à réguler la concentration dans le secteur des médias, présentée par M. David Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 590, 2008-2009).
Rapport de M. Michel Thiollière, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 89, 2009-2010).
3. Proposition de résolution européenne, présentée en application de l’article 73 quinquies du règlement, portant sur le respect du droit à l’action collective et des droits syndicaux en Europe dans le cadre du détachement de travailleurs, présentée par M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 66, 2009-2010).
Rapport de M. Denis Badré, fait au nom de la commission des affaires européennes (n° 117, 2009-2010).
Rapport de M. Marc Laménie, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 127, 2009-2010).
4. Proposition de loi relative à l’amélioration des qualités urbaines, architecturales et paysagères des entrées de villes, présentée par M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 64, 2009-2010).
Rapport de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 128, 2009-2010).
Avis de M. Ambroise Dupont, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 136, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.