Intervention de Catherine Troendle

Réunion du 9 décembre 2009 à 14h30
Droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis la création du PACS voilà maintenant dix ans, plus de 1 million de personnes ont choisi cette forme d’union. En 2008, 146 030 PACS ont été conclus, contre 273 500 mariages, soit environ un PACS pour deux mariages.

Le pacte civil de solidarité trouve son origine dans la volonté d’offrir à tous les couples, aussi bien hétérosexuels qu’homosexuels, un statut juridique plus organisé que le simple concubinage. Il établit des droits et des obligations entre les deux partenaires, en termes de soutien matériel, de logement, de patrimoine, d’impôts et de droits sociaux.

Il se situe donc à un stade intermédiaire entre le mariage et le concubinage, en cherchant à concilier la protection apportée par le premier avec la souplesse de formation et de dissolution permise par le second.

Il ne constitue pas, loin de là, une première étape avant le mariage : il intervient au moment où, pour d’autres couples, la solution du mariage est privilégiée. En outre, avec un recul de dix ans, il apparaît que le PACS n’est pas incompatible avec une certaine stabilité dans l’engagement.

C’est la raison pour laquelle le législateur a fait évoluer le PACS dans les dernières années, afin de renforcer la position réciproque des deux partenaires. En particulier, il a fait du PACS un véritable statut du couple, intégrant l’état de la personne, et a renforcé la solidarité dans le couple : les partenaires doivent s’apporter une aide matérielle et une assistance réciproques.

Pour autant, le PACS n’est pas et ne peut pas devenir un « mariage bis ».

En premier lieu, il reste un contrat essentiellement lié à la sphère patrimoniale. Juridiquement, il s’analyse comme un contrat à visée patrimoniale, destiné à protéger le couple formé par les partenaires et à régler les conditions matérielles de leur vie commune.

Même s’il obéit à quelques formalités de publicité spécifiques, puisque l’existence du partenariat est désormais mentionnée en marge de l’acte de naissance de chacun des partenaires, il ne peut être assimilé à un acte d’état civil.

S’agissant des effets personnels, il ne crée aucun droit particulier en matière de filiation, d’adoption, de délégation d’autorité parentale ou de recours à la procréation médicalement assistée. Les partenaires sont placés, de ce point de vue, dans la même situation que les concubins.

En second lieu, le PACS est un contrat au formalisme réduit pour sa conclusion, sa modification ou sa dissolution.

En tant qu’institution, le mariage répond à un certain nombre de contraintes procédurales qui s’imposent aux parties et qui leur interdisent d’en disposer librement. Au contraire, dès sa création, le PACS a été conçu comme un contrat à la libre disposition des partenaires.

Pour conclure un PACS, il suffit ainsi aux partenaires de se présenter en personne au greffe du tribunal d’instance du lieu où ils souhaitent fixer leur résidence commune – ou au consulat, s’ils résident à l’étranger – pour y faire enregistrer une déclaration conjointe mentionnant leur volonté de conclure un PACS.

Le texte présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et le groupe CRC-SPG a deux objets principaux : d’une part, rapprocher le PACS du mariage quant à ses modalités de conclusion et d’acquisition de nationalité ; d’autre part, renforcer l’égalité entre les personnes pacsées en matière de droits sociaux.

S’inspirant de préconisations du Médiateur de la République et de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, il prévoit d’améliorer le régime de la pension de réversion et celui des droits à congés pour événements familiaux en faveur des personnes liées par un PACS.

Je tiens néanmoins à souligner que, d’ores et déjà, le PACS permet aux partenaires de jouir de nombreux droits sociaux.

Il en est ainsi, notamment, de la couverture sociale par l’assurance maladie et l’assurance maternité lorsque l’un des partenaires n’est pas lui-même directement affilié à un organisme de sécurité sociale. Il en va de même s’agissant du droit à congés du salarié, puisque, en cas de décès de l’un des partenaires, l’autre bénéficie d’un congé de deux jours.

Par ailleurs, dans la fonction publique, un agent peut se voir accorder un maximum de cinq jours ouvrables lors de la conclusion de son PACS. Ce droit n’est toutefois pas applicable aux salariés du secteur privé, sauf conventions collectives en ce sens.

Dans le cadre de la fonction publique, l’existence d’un PACS permet de bénéficier d’un droit de priorité afin que le fonctionnaire puisse être affecté dans un emploi lui permettant de se rapprocher de son partenaire.

De même, le partenaire survivant d’un PACS peut obtenir le versement à son profit du capital décès prévu au titre de la sécurité sociale. Les fonctionnaires de l’État, un temps écartés, en bénéficient depuis le 21 novembre dernier, à condition que le PACS ait été conclu plus de deux ans avant le décès du de cujus.

Votre commission des lois a examiné cette proposition de loi le 25 novembre dernier. À cette occasion, elle a constaté que deux dispositifs de ce texte sont satisfaits par le droit en vigueur. C’est ainsi que la question du droit applicable aux partenariats enregistrés à l’étranger, qui pouvait effectivement soulever des difficultés d’appréciation, a été réglée par le législateur à l’article 1er de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit. Sur l’initiative du Sénat, notre droit prévoit désormais l’application de la loi de l’État d’enregistrement du partenariat.

Par ailleurs, la possibilité, mentionnée à l’article 2 de la proposition de loi, d’assurer l’enregistrement du PACS hors du greffe du tribunal d’instance en cas d’empêchement grave est satisfaite par l’article 37 de la loi pénitentiaire, promulguée le 24 novembre 2009.

Quant à la disposition de l’article 2 tendant à déclarer l’ordre public local inopposable à l’enregistrement par les autorités consulaires françaises de PACS à l’étranger, votre commission fait observer qu’elle est contraire à l’article 5 de la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires, qui prévoit explicitement cette opposabilité. Pour cette raison, elle doit être écartée.

D’une manière générale, votre commission a estimé que les indéniables rapprochements intervenus entre le PACS et le mariage n’imposaient pas, pour autant, ni en droit ni en pratique, une assimilation de principe entre ces deux formes de conjugalité.

Comme l’a indiqué le Conseil d’État en 2002, les liens juridiques qui unissent les signataires d’un PACS ayant été organisés par le législateur de manière différente de ceux qui sont applicables dans le cadre du mariage, le principe d’égalité n’impose pas qu’elles soient traitées, dans tous les cas, de manière identique.

Il n’y a donc aucune obligation juridique à traiter de manière identique le PACS et le mariage et, en conséquence, à faire découler de ces deux dispositifs les mêmes droits.

Dans ce contexte, rien n’impose d’aligner les conditions actuelles d’enregistrement des PACS sur la procédure suivie pour le mariage ; je pense, en particulier, à la substitution de la compétence du maire à celle du greffier du tribunal d’instance.

La procédure suivie fonctionne de manière satisfaisante au quotidien et ne constitue pas, en soi, une entrave à l’exercice, par les membres d’un couple, du droit de s’engager dans le cadre d’un PACS.

Sur un plan pratique, l’accomplissement de cette formalité, si elle était imposée aux maires, notamment dans les plus petites communes, constituerait pour eux une charge matérielle nouvelle. Elle viendrait en outre s’ajouter aux transferts récemment opérés dans des conditions financières difficiles pour les communes, à commencer par le recueil et la délivrance des titres d’identité ou, plus récemment, la mise en place, dans les mairies, de dispositifs destinés à favoriser l’accès au droit et à la justice.

Par ailleurs, vous avez, madame Borvo Cohen-Seat, dénoncé le fait que les maires n’avaient plus été consultés sur ce sujet depuis dix ans. Je vous rappelle que le bureau de l’Association des maires de France, l’AMF, s’est prononcé contre la conclusion des PACS en mairie en 2008. Or il me semble que l’AMF est tout à fait habilitée et détient toute la légitimité pour représenter les maires !

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