C'est pour remédier à ce renforcement des inégalités qu'ont été prévus de nouveaux dispositifs de péréquation. Je salue la création du FPIC (Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales), qui est un outil intéressant, même s'il faudra ajuster ses paramètres, M. Dallier ne me contredira pas, au regard des évaluations de son fonctionnement en 2011.
Les fonds de péréquation de la CVAE, régional et départemental, entreront en vigueur en 2013 ; ils me semblent, en l'état des textes, insuffisants : il suffirait que le produit de CVAE croisse uniformément sur l'ensemble du territoire national pour qu'ils ne soient dotés d'aucune ressource. Je vous propose au contraire de renforcer ces dispositifs, en prévoyant un prélèvement sur l'ensemble de la croissance de la CVAE des départements et des régions à compter de l'année 2011. Il faut en outre que les associations d'élus et le Gouvernement s'attachent, en amont de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, à simuler les effets de ces fonds, pour que la discussion puisse se faire dans de bonnes conditions au Parlement. Voeu que nous avions déjà formulé en d'autres temps : puisse-t-il être cette fois entendu.
Quelles ont été les conséquences de la réforme sur l'autonomie et les choix des collectivités territoriales ? Elle n'a pas réduit leur autonomie financière, telle que définie par l'article 72-2 de la Constitution. C'est l'autonomie fiscale, soit la capacité des collectivités à voter des taux de fiscalité qui n'a pas a été préservée. Le constat doit cependant être nuancé : l'autonomie fiscale du bloc communal, qui dispose de l'intégralité de la CFE, de la taxe d'habitation, du foncier non bâti, de la TaSCom, n'a pas souffert de la réforme, ou pas trop. En revanche, celle des départements, et plus encore des régions, a été fortement réduite : les départements ne votent plus que le taux de la taxe sur les propriétés bâties et les régions ne peuvent plus moduler que le tarif des cartes grises et une part de la TIPP.
Cette réduction de l'autonomie fiscale trouve son origine dans le taux unique de la CVAE. La fixation au niveau national, si elle présente l'avantage de préserver les territoires contre une concurrence fiscale parfois néfaste, tant pour elles que pour les entreprises, posera, même si cela doit être confirmé dans le temps, un autre problème, lié à une plus grande volatilité de son produit en fonction des fluctuations économiques que celui de l'ancienne TP.
Dernier problème, et non des moindres, la réforme a un impact majeur sur les notions de potentiel fiscal et financier, en particulier pour les départements et les régions. Le classement des départements au regard de leur potentiel par habitant, notamment, a été bouleversé. Il est pourtant important de conserver des notions qui reflètent au mieux les ressources réelles des départements : ce sont des outils de mesure essentiels. En revanche, il ne faut pas en faire le fondement exclusif de nos instruments de péréquation car, à ressources identiques, les départements peuvent être confrontés à des charges inégales. C'est pourquoi nous souhaitons que les critères des charges soient davantage pris en compte dans les dispositifs de péréquation départementale. Le dispositif prévu pour les régions et négocié entre elles me semble, en revanche, pouvoir être conservé en l'état.
Des problèmes importants quoique ponctuels, ont émergé durant la mise en oeuvre de la réforme. Lors des auditions, nous avons constaté que la descente du taux départemental de taxe d'habitation au niveau communal ne s'était pas faite sans heurts. Malgré un dispositif législatif extrêmement complexe, certaines collectivités ont vu le produit de la taxe, et la charge fiscale induite pour les contribuables, évoluer indépendamment de leurs choix. Or ce transfert de fiscalité était censé s'effectuer à droit constant. Je propose que la mission demande à l'administration de remédier pour l'ensemble des communes et des EPCI aux effets pervers de ce transfert.
Deuxième sujet qui me tient à coeur, la forte concentration territoriale de la CVAE. Actuellement, la CVAE d'une société mère appartenant à un groupe est intégralement reversée aux collectivités d'implantation de cette société-mère. Sans qu'il ait été possible d'analyser très précisément les conséquences de cette règle, il me semble qu'elle conduit à répartir la CVAE en fonction des décisions d'organisation juridique des groupes et à privilégier certains territoires. C'est également l'analyse de plusieurs associations d'élus. Je souhaite donc que les modalités de répartition de la CVAE soient adaptées aux caractéristiques des groupes, dans le sens d'une plus juste répartition territoriale.
Les régions ont souhaité se voir attribuer le produit d'un versement transport. Il me semble aujourd'hui plus prudent de prendre d'abord le temps d'évaluer la contrainte budgétaire effective dans laquelle ces collectivités se trouvent. Le moment est-il opportun ? Il faudra y regarder de plus près, car la question ne saurait être ignorée. Ma préférence irait plutôt à l'indexation des tarifs de l'ensemble des IFER sur l'inflation, ce qui bénéficierait notamment aux régions. Les tarifs figés qui prévalent aujourd'hui n'ont pas de sens économique et leur maintien obligerait le Parlement à s'en saisir chaque année.
Préserver les collectivités territoriales des effets de la réforme passe aussi par deux impératifs. Le premier est de modifier la règle de répartition de la CVAE pour favoriser les implantations nouvelles d'établissements classés Seveso. Je dis bien les implantations nouvelles, car revenir sur la réforme aurait un impact sur l'ensemble du dispositif. Comme nous avons pu le constater lors de nos rencontres avec les représentants des collectivités fortement industrielles, la situation actuelle risque de les dissuader d'accueillir ces nouvelles entreprises, eu égard à la faiblesse de la ressource fiscale produite à l'aune des risques encourus.
Second impératif, maintenir, malgré le contexte très contraint des finances publiques, le niveau des dotations de compensation de la réforme. Chaque année, certaines dotations diminuent pour assurer la stabilité des concours financiers de l'Etat aux collectivités. La DCRTP et le FNGIR ne doivent pas faire partie de ces dotations.
Enfin, je souhaite insister sur la nécessité de poursuivre le processus de révision des valeurs locatives. Avec la disparition de la TP, les principaux impôts locaux sont désormais assis sur ces valeurs, pourtant obsolètes. Il en est de même pour le calcul des potentiels fiscal et financier, qui servent de base à la péréquation. Mener à terme cette révision est donc la condition sine qua non de la justice du nouveau système fiscal. Autant dire qu'une réforme globale du système s'annonce, qui appellera une réforme de sa gouvernance.