Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 9 décembre 2009 à 14h30
Droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, loin de moi l’idée de vouloir entrer dans ce débat enfermée dans un comportement rétrograde ou moralisateur, et de placer la proposition de loi de nos collègues du groupe communiste, républicain et citoyen dans le champ de la polémique.

Le pacte civil de solidarité a dix ans. Nous fêtons, à quelques jours près, la création d’un dispositif dont le succès ne s’est pas démenti sur cette période, bien au contraire, puisque le PACS progresse, en nombre de contrats conclus, d’une année sur l’autre. Le PACS est un fait ; il traduit une évolution des comportements de la société qui se diffuse de par le monde.

J’appartiens, au sein du RDSE, à un groupe de progrès, et je suis fière, avec lui, de porter ou de partager des idées progressistes. Pourquoi m’opposerais-je, dès lors, à un dispositif qui viendrait conforter les droits des personnes qui ont choisi, en toute connaissance de cause, un mode de conjugalité spécifique ?

Cependant – mais c’est là mon sentiment propre ! –, je ne peux que m’interroger, dans un cadre où les orientations sexuelles ou sentimentales des uns et des autres relèvent exclusivement du domaine privé, qui est un domaine sacré, sur la propension qui semble s’instaurer à mettre en concurrence mariage et PACS, comme s’il s’agissait de produits commerciaux.

N’avez-vous pas eu la curiosité d’aller sur internet et de découvrir les comparatifs entre ces deux formes de contrats, assortis des inévitables avantages et inconvénients de l’une et de l’autre ? Peut-être ne s’agit-il là que d’une simple information, impartiale, nécessaire avant de s’inscrire dans un engagement qui lie deux êtres mus par un intérêt autre – j’ose l’espérer ! – qu’administratif.

On a beaucoup parlé des « mariages blancs » ; sur le fond, mais pas sur la forme, je suis bien souvent d’accord. Mais un jour, bientôt, ne parlera-t-on pas des « PACS blancs », auxquels la fonction publique, en particulier, pousse ses personnels pour faciliter d’improbables mutations ou rapprochements ?

Je voulais seulement, dans ce propos introductif, souligner la valeur forte, la place prépondérante que j’accorde à l’engagement qui fonde le PACS.

Si un tel engagement existe, pourquoi refuser aux personnes qui ont contracté un PACS les mêmes droits que ceux qui sont ouverts par le mariage – passage en mairie, facilitation des conditions d’acquisition de la nationalité, obtention de la pension de réversion, congés pour événements familiaux ?

Sur ces points, je suivrai, à titre personnel, les conclusions de Mme le rapporteur.

Le Conseil d’État, dans un avis de 2002, a clairement indiqué que les liens qui unissent les personnes pacsées et les personnes mariées sont de nature différente. Il en a déduit que « le principe d’égalité n’impose pas qu’elles soient traitées, dans tous les cas, de manière identique ». L’important, ici, est la formule « dans tous les cas ».

Je ne vois rien de choquant, s’agissant d’un contrat qui n’emporte pas les mêmes conséquences que le mariage – en matière de fidélité, notamment –, à ce que l’engagement soit pris au greffe du tribunal d’instance.

Je ne vois rien de choquant non plus dans les conditions de durée imposées à une personne pacsée pour obtenir la nationalité française. L’écart d’un an retenu entre conjoints mariés et personnes pacsées vise à traduire le risque d’instabilité qui peut s’attacher au PACS.

Mais je suis prête, sur ce point, à me rallier à la proposition de loi, qui retient une durée commune aux deux situations de quatre ans. Si aujourd’hui 30 % des mariages donnent lieu à un divorce, la stabilité est aussi fragile dans l’un et dans l’autre cas, me semble-t-il.

En revanche, il ne me paraît pas anormal que l’on puisse aligner certains avantages à caractère social des personnes pacsées sur ceux dont bénéficient les personnes mariées : ainsi en va-t-il du droit à pension de réversion ou des congés pour événements familiaux. Dans l’un et l’autre cas, des accords de principe sont déjà intervenus, et s’ils nécessitent, j’en conviens, des prolongements, leur traduction législative ne saurait être trop longtemps différée.

Au-delà cependant de ces « ajustements », je voudrais soulever le problème plus fondamental de ces deux institutions que sont le mariage et le PACS.

De deux choses l’une : ou le mariage est clairement distinct du PACS par sa forme d’engagement et il emporte en conséquence, au regard des devoirs qu’il implique, des droits spécifiques ; ou le mariage et le PACS sont de plus en plus semblables, ouvrant les mêmes droits, et alors l’un ou l’autre doit être supprimé. Je m’interroge d’ailleurs sur le mariage entre personnes du même sexe ou de sexe opposé – hypothèse d’école aujourd’hui mais qui ne le sera peut-être plus demain –, à l’image de ce qui se pratique déjà dans certains pays européens.

J’admets qu’en ce qui me concerne, si ce principe ne me heurte pas fondamentalement, je reste très perplexe sur toutes les conséquences en matière d’adoption, de procréation, de bioéthique. Je ne voudrais pas que le texte que nous étudions aujourd’hui soit le cheval de Troie d’une aspiration qui, si elle doit être satisfaite dans l’avenir, ne se fera qu’au terme d’un débat infiniment plus large, sans hypocrisie aucune.

Vous comprendrez que, face à un texte qui est loin d’être anodin, les membres du groupe du RDSE se soient beaucoup interrogés. Les plus progressistes d’entre nous y sont favorables. D’autres, plus réticents ou plus sages – j’en suis –, s’y opposent. D’autres encore, les plus nombreux, choisissent de s’abstenir, conscients de l’absolue nécessité de réintégrer ce dispositif dans une réflexion plus large.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion