Intervention de Bernard Jomier

Mission commune d'information Effets des mesures en matière de confinement — Réunion du 10 février 2022 à 10h30
« le variant omicron et après ? » — Audition du pr. éric caumes infectiologue à l'hôpital de l'hôtel-dieu à paris de Mme Vittoria Colizza épidémiologiste directrice de recherche à l'institut pierre louis d'épidémiologie et de santé publique inserm

Photo de Bernard JomierBernard Jomier, président :

Vous paraît-il nécessaire de maintenir, dans les mois ou années à venir, un haut niveau de protection de la population par la vaccination ?

Un des scenarii est l'émergence d'un nouveau variant. Si un nouveau variant encore moins dangereux qu'Omicron arrive, ce ne sera pas un drame. Mais quelle est la probabilité d'un variant plus dangereux ?

Pr. Éric Caumes. - Dans le cas d'une infection émergente, on ne peut pas s'appuyer sur la science, car elle est devant nous. Effectivement, on attribue faussement des hospitalisations au covid - c'est un exemple des erreurs qui ont cours.

Il y a deux principes généraux en matière infectieuse. Le premier est que l'immunité naturelle est toujours meilleure que l'immunité vaccinale, sauf éventuellement pour le papillomavirus. Si l'on applique ce principe au covid, cela signifie qu'il vaut mieux être infecté naturellement que vacciné. Cela a été montré notamment par les Américains sur plus d'un million de personnes.

Je ne remets pas en cause cette évidence, mais l'immunité naturelle a un prix !

Pr. Éric Caumes. - Monsieur Karoutchi, la population française a tout simplement pris en compte qu'Omicron était moins grave que Delta. Il n'y a personne dans les centres de vaccination. Pourquoi ? Parce que les gens ont tous attrapé le coronavirus en décembre et en janvier. Ils ne vont pas en plus se faire vacciner ! Ils ne sont pas fous.

Je me suis exprimé très clairement : le passe vaccinal ne sert strictement à rien pour la population générale. C'est un instrument politique. L'important est de vacciner les populations à risque. Mais, pour le reste, le passe vaccinal n'empêche pas la circulation du virus et les gens ne comprennent plus rien. Tout le monde a attrapé le coronavirus ! Ce qui, globalement, n'incite pas à se faire vacciner. En outre, vacciner un individu quand la maladie est en cours chez lui n'a jamais été fait. Qui dit que cela ne déclenche pas de réponse immunitaire inappropriée ? Personne !

Il y a un gros problème dans la formation des médecins. On ne forme plus des humanistes mais des scientifiques, or la médecine n'est pas une science mais un art, qui se sert de la science et de la technique. Cette approche est catastrophique. Vous verrez que demain, on ira vers une médecine personnalisée, à la carte. Je l'ai écrit dans mon livre sur la maladie de Lyme : on ne forme pas les médecins à écouter les malades mais à utiliser des algorithmes. C'est aberrant.

Pr. Bruno Lina. - M. Karoutchi a évoqué une vaccination contre tous les variants, c'est-à-dire pancoronavirus. La difficulté est que l'on ne connaît pas les variants à venir. Or ce virus est capable d'échapper à une réponse immunitaire humorale par modification de la protéine à la surface du virus, dont le potentiel évolutif est gigantesque. Pour l'instant, on essaie d'optimiser les vaccins, par exemple en incluant de nouveaux composants de vaccin complémentaires induisant une immunité plus large. Mais un vaccin universel est un leurre.

Les vaccins tels que Novavax offrent une protection moins bonne que les vaccins à ARN messager. Ils peuvent toutefois compléter le panel, pour ceux qui ont peur de la technologie de l'ARN messager. Il reste une vraie évolution à faire, celle de la vaccination mucosale, pour freiner davantage le risque de transmission avec des IgA sécrétoires ou en tout cas susciter une réponse immunitaire locale au niveau oro-pharyngé.

Vous pointez du doigt l'hétérogénéité considérable des réponses politiques. La Suède a même arrêté toute surveillance du coronavirus. Entre la Chine où l'on cloître tout le monde dès que quelqu'un est infecté et la Suède, on a tous les champs des possibles. La réponse passe probablement par la définition du bon critère de jugement. La situation évolue. Forcément, la réponse aussi. Il faut peut-être annoncer une évolution qui, immanquablement, ira vers plus de souplesse avec malgré tout des seuils qui, tant qu'ils ne sont pas atteints, empêchent tout assouplissement.

En général, les politiques et les journalistes veulent un calendrier. Mais nous sommes totalement incapables de le leur donner. Ou alors, on se lance dans des hypothèses. Globalement, un indicateur n'a de sens que quand il est robuste et durable, et qu'il montre une tendance de fond. Ce n'est qu'a posteriori que l'on peut le confirmer.

Oui, monsieur Arnaud, l'existence de médicaments change considérablement la donne. Un médicament ne se substitue pas au vaccin, puisqu'il traite une personne déjà malade, mais, malgré tout, il peut éviter l'engorgement d'hôpitaux par les plus fragiles. Le Paxlovid semble être efficace, ce qui devrait faciliter la sortie de crise.

Vous avez posé la question de la formation des médecins. Il existe des formations très limitées, dédiées à des médecins déjà sensibilisés. J'espère que la communication faite autour du coronavirus incitera à tirer les enseignements de cette crise pour que nous puissions à l'avenir acquérir une compréhension du rôle majeur que peut jouer la santé publique dans la gestion d'une crise comme celle-ci. Malheureusement, la santé publique en France est jusqu'ici probablement un parent pauvre.

La communication entre les politiques et les scientifiques mériterait des jours entiers de débat. On ne peut pas oublier les médias, dans ce qui forme un triptyque. Il peut y avoir communication directe du scientifique vers le politique, mais les médias entrent forcément dans le jeu, ce qui n'est pas toujours simple à gérer.

Quel est le risque de voir un nouveau variant émerger ? On ne peut pas dire qu'il n'existe pas, mais ce n'est pas le plus probable.

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