Intervention de Dominique de Villepin

Commission d'enquête Concessions autoroutières — Réunion du 9 juillet 2020 à 14h00
Audition de M. Dominique de Villepin premier ministre de 2005 à 2007

Dominique de Villepin, Premier ministre de 2005 à 2007 :

Nous pouvons débattre à l'infini de ce qui aurait été préférable. N'oubliez pas que j'arrive, comme Premier ministre, au lendemain de l'échec du référendum européen. Je dispose d'une vingtaine de mois actifs pour agir. L'ambition du Premier ministre, comme celle de Jacques Chirac, est de refaire un certain nombre de choses et de dégager des marges de manoeuvre, à un moment où l'investissement public était complètement bloqué et où il était difficile d'imaginer le moindre plan pour revitaliser la croissance.

Il fallait donc créer ces marges de manoeuvre. Dès lors, le temps est important. De plus, ce n'est pas la première fois que le capital de ces sociétés est ouvert : c'est la quatrième fois. Lionel Jospin prend une première décision. Puis, en 2003 et début 2005, Jean-Pierre Raffarin poursuit en ce sens. J'initie le quatrième mouvement de mise sur le marché d'une partie du capital des sociétés d'autoroutes. Je suis celui qui met sur le marché ce qu'il reste de ce capital, ce qui a une valeur symbolique que je reconnais volontiers. Mais c'est le même exercice. Le parallélisme des formes - auquel nous tenons dans notre pays car nous aimons le droit et les repères - m'a conduit à appliquer la même règle que mes prédécesseurs. J'ai ainsi décidé par décret, tout en veillant à ce que la représentation nationale soit saisie, à travers la loi de finances, certes, mais aussi à travers deux débats, l'un au Sénat et l'autre à l'Assemblée nationale. Chacun a pu s'exprimer sur ces sujets.

À partir de quel moment faut-il arrêter la pendule, en considérant que l'on a épuisé un sujet, pour agir ? L'État se voit parfois reprocher de ne pas agir assez vite et assez bien. Parfois, on lui reproche d'avoir agi de façon précipitée. C'est un reproche qui m'a souvent été fait. Je crois qu'il faut savoir arbitrer.

J'ai placé cette audition sous le signe de la stratégie de mon gouvernement, car ce fut bien une décision stratégique. Je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu dans votre esprit. Gilles de Robien est un responsable politique que j'aime beaucoup. Il a été mon ministre de l'Éducation nationale. Il a fait état de ses deux rencontres avec Bercy. Ne nous trompons pas sur ce point : ce sont les rencontres habituelles de tout ministre technique avec le ministre qui tient les cordons de la bourse. Que Bercy cherche à obtenir davantage d'un ministre dans ce contexte et qu'un ministre prépare cette rencontre, je l'ai vécu en tant que ministre de l'Intérieur et en tant que ministre des Affaires étrangères. Nous étions là dans un cadre tout à fait différent, en 2005. Une stratégie requérait des marges de manoeuvre, ce qui passait par un arbitrage entre le statu quo et une décision qui change quelque chose pour créer des marges de manoeuvre et remettre la France en marche. C'est ce choix que nous avons fait, avec un certain succès : en 2007, nous sommes dans une meilleure situation que l'Allemagne. Nous n'avons pas décidé de changer un système optimal qui fonctionnait parfaitement.

Lorsque j'arrive aux affaires, les dividendes autoroutiers s'élèvent à 332 millions d'euros. Gilles de Robien estime peut-être que cela permettait de tout régler et qu'au bout de cinq ou dix ans, nous aurions disposé d'une cagnotte. Cela aussi fait rêver les Français mais c'était une cagnotte virtuelle. Cinq ou dix ans, cela aurait voulu dire s'asseoir sur un magot qui n'existait pas, en espérant qu'il finisse par se matérialiser. Si les taux d'intérêt étaient passés de 4 % à 6 %, au lieu de tomber à zéro, François Fillon aurait eu raison de dire (à tort) que l'État français était en faillite à l'été 2007, alors que j'ai laissé un taux d'endettement de 64,3 %. Nous avons voulu, avec Thierry Breton, assumer en conscience une exigence, celle du désendettement.

On dira qu'un pour cent de la dette, ce n'est pas suffisant pour mériter l'effort consenti. Mais, une fois de plus, il n'y avait pas de poule aux oeufs d'or. Que pouvions-nous faire avec 332 millions d'euros (alors que le budget de l'AFIT était de 3 milliards d'euros) ? Le TGV vers Bordeaux, Montpellier, Rennes et le TGV Rhin-Rhône n'existeraient pas aujourd'hui. De nombreux Français considèrent que nous avons rendu un grand service à notre pays en développant cet outil ferroviaire.

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