Non. Je viens d'essayer de l'expliquer, elle était stratégique. Créer des lignes à grande vitesse, ce n'est pas une décision budgétaire. Désendetter l'État, est-ce une décision budgétaire ? C'est simplement rappeler qu'on ne peut pas faire n'importe quoi - message qui va être rappelé dans les cinq ans ou les dix ans à venir, car notre pays va connaître un tsunami économique et financier.
Nous sommes dans une situation de totale anomalie. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé de chronocentrisme. De l'argent qui ne coûte rien, et les Français ayant le sentiment que l'on peut tout faire et tout se permettre sans limite de temps, c'est une situation ubuesque, qui ne durera pas. J'ai été un Premier ministre qui avait les pieds sur terre, qui a respecté une certaine pesanteur budgétaire, économique et politique et qui a fait preuve de responsabilité. Il est parfois plus simple de surfer sur la vague et de dépenser un argent qu'on n'a pas. Ce n'est pas l'idée que je me fais de l'État. Il y avait une exigence et une politique qui ont été celles de la rigueur. J'ai cité Raymond Barre tout à l'heure. Ce n'est pas un hasard si c'est la deuxième fois dans l'histoire de l'État des dernières décennies que, dans cette période (2005-2007), la dette de l'État a diminué. Ce n'était donc certainement pas une décision uniquement budgétaire. Nous avons relancé la croissance. Nous menions la bataille de l'emploi. Ce sont les entreprises qui créent des emplois parce qu'elles ont des perspectives. Il ne s'agissait pas uniquement d'appliquer une règle budgétaire comme on applique un couperet : il s'agissait d'avoir une vision et de renforcer l'économie française.
Par ailleurs, on se plaint tous les jours, aujourd'hui en France, de ne plus avoir d'industrie et de ne plus avoir de champions industriels français et européens. À travers la politique que j'ai menée à l'époque, avec Jacques Chirac (pôles de compétitivité, Agence de l'innovation industrielle, patriotisme économique), nous avons fait en sorte de défendre l'industrie française, de constituer des champions nationaux et européens capables de rivaliser dans les appels d'offres européens. C'est cela qui fait l'économie d'une nation. Nous sommes dans une époque déboussolée, où l'on dit et où l'on fait trop souvent n'importe quoi. Je le dis avec tristesse. Il peut paraître incongru qu'un Premier ministre, un président de la République, un ministre des Finances, un ministre des Transports aient pris des décisions fondées sur des exigences. Celles-ci existaient, y compris sur le plan budgétaire. Il y avait une volonté de rigueur. Mais il y avait surtout une vision.