Intervention de Jacques Delors

Mission commune d'information Formation professionnelle — Réunion du 29 mai 2007 : 2ème réunion
La formation professionnelle : d'une logique de moyens à une logique de résultats — Table ronde

Jacques Delors :

Intervenant alors afin de mettre en perspective les enjeux du devenir de la formation professionnelle, M. Jacques Delors a tout d'abord tenu à souligner l'importance de l'enseignement professionnel supérieur et de ses liens avec l'université, non seulement du point de vue de l'égalité des chances, mais aussi comme facteur déterminant de l'efficacité de l'ensemble du système de formation et, plus généralement, de la compétitivité de l'économie française, y compris la question centrale du positionnement de son offre. Il a précisé que la mise à niveau de notre enseignement professionnel, supérieur par rapport à d'autres pays européens, nécessite des moyens que certains chiffrent à 10 milliards d'euros.

Il a ensuite précisé les raisons qui le conduisent à « partager, avec la même véhémence », le diagnostic établi par M. Eric de Fiquelmont ».

Il a indiqué que le modèle de formation continue issu de la loi du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente, fondé sur une intervention des pouvoirs publics, n'était pas transposable à l'ensemble de l'Union européenne : le système allemand s'ordonne, par exemple, autour de l'initiative des entreprises. Puis M. Jacques Delors a rappelé que la loi du 16 juillet 1971 avait été précédée d'un accord interprofessionnel et a resitué cette avancée législative dans le contexte des années soixante, marqué par les besoins de modernisation du pays et la croissance économique. Ce dispositif visait cinq objectifs précis :

- la formation des jeunes sans diplôme et donc « sans capacité de défense » - il a évoqué, à cette époque, l'importance du service militaire qui constituait, pour les garçons, la principale occasion de réfléchir à leur orientation professionnelle ;

- faciliter les conversions internes à l'entreprise ou externes ;

- l'entretien et la perfection des connaissances, qui ont immédiatement bénéficié des financements les plus importants ;

- la promotion professionnelle, qui a peu à peu perdu de son importance ;

- et, enfin, le développement personnel des individus.

a indiqué que la gouvernance d'ensemble de ce système était assurée par le ministère du travail, le Conseil national de la formation professionnelle et les partenaires sociaux, alors qu'aujourd'hui « il n'y a plus de pilote dans l'avion », les acteurs étant trop nombreux. Il a fait observer que la décision de financer la formation continue par une taxe s'expliquait par la nécessité de mobiliser les entreprises, en ajoutant que « si c'était à refaire », il s'orienterait vers un autre mécanisme qui, en particulier, ferait appel à une contribution des salariés.

Puis, forçant volontairement le trait, M. Jacques Delors a analysé les causes de la dégradation de ce système. Tout d'abord, l'objectif de réconcilier le monde du travail avec l'éducation nationale a échoué : cette dernière est demeurée dans sa « citadelle ». Ensuite, les organisations syndicales ont distingué entre les formations organisées par l'entreprise et les autres formations, au lieu d'adopter une conception d'ensemble. En outre, la complexité du sujet s'est constamment accrue ; or, « la simplicité commande l'efficacité ». Il a enfin évoqué les effets néfastes du corporatisme, dont l'évocation soulève immanquablement de très vives contestations.

a préconisé, en fin de compte, une « totale remise à plat » du système de formation continue, en procédant à une réflexion globale et en privilégiant l'osmose entre les différentes voies de formation. Il a appelé à s'écarter de la formule galvaudée de formation « tout au long de la vie » : celle-ci tend à fortifier l'idée qu'il suffirait d'additionner les différents dispositifs les uns aux autres, alors que l'essentiel réside dans leur « imbrication ».

Signalant la nécessité de donner plus de moyens aux régions, il a préconisé la mise en place d'un organisme national de régulation et de pilotage de la formation professionnelle continue pour permettre notamment aux régions de cadrer leurs interventions. Rappelant qu'il convient de réformer ses modalités de financement, il a évoqué le lien entre la « sécurité sociale professionnelle » et la formation, ce qui implique une « révolution intellectuelle » d'autant plus nécessaire que la France a perdu, par rapport à l'Allemagne et aux pays du Nord de l'Europe, l'avantage comparatif que lui avait donné la loi du 16 juillet 1971.

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