Mission commune d'information Formation professionnelle

Réunion du 29 mai 2007 : 2ème réunion

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La réunion

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Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la mission d'information a organisé une table ronde à laquelle ont participé M. Jacques Delors, président du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC), M. Claude Thélot, conseiller maître à la Cour des comptes, ancien président de la Commission du débat national sur l'avenir de l'école, M. André Gauron, conseiller maître à la Cour des comptes, Mme Laurence Paye-Jeanneney, administratrice générale du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), M. Eric de Fiquelmont, ancien directeur des ressources humaines de Veolia Environnement, M. François Fayol, membre du bureau national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), M. Joël Ruiz, directeur général de l'Association de gestion des fonds salariés des petites et moyennes entreprises (AGEFOS-PME), M. Francis Da Costa, président de la commission formation du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), M. Otto Müller, membre du service de l'apprentissage du Groupe Würth (RFA), M. Marcel Breuninger, étudiant en alternance dans le groupe Würth, MM. François Aumont, Abdelmadjid Mahcene et Jean-Baptiste Paccoud, étudiants de l'EM Lyon, Mme Sabine Bernasconi, conseillère municipale de Marseille, déléguée à l'emploi et à la formation professionnelle, Mlles Julie Garcia et Sabrina Heurtaux, étudiantes de Marseille, et M. Abdelaziz Bouramala, bénéficiaire de la validation des acquis de l'expérience (VAE) de Bonneville en Haute-Savoie.

Remerciant l'ensemble des participants d'avoir répondu à l'invitation de la mission, M. Jean-Claude Carle, président, a indiqué que cette table ronde, constituant un bilan d'étape avant la présentation du rapport de la mission à la mi-juillet, était organisée autour de deux thèmes :

d'une orientation subie à une orientation choisie ;

d'une vision séparée à une vision partagée.

Il a ensuite demandé à M. Claude Thélot, qui avait dirigé les travaux de la commission du débat national sur l'avenir de l'école, de présenter les « failles » de notre système de formation initiale, ainsi que les propositions en vue d'y remédier. En effet, la massification de notre enseignement n'a pas permis de réduire les inégalités scolaires, et un trop grand nombre d'élèves quittent le système éducatif sans maîtriser les savoirs de base et sans qualification, ou subissent un échec à l'issue du premier cycle universitaire.

Debut de section - Permalien
Claude Thélot, conseiller maître à la Cour des Comptes

a estimé, tout d'abord, que la formation professionnelle initiale était l'objet d'une médiocre considération au niveau de l'enseignement secondaire et qu'il fallait donc se donner les moyens d'une véritable revalorisation de cette filière.

Il a rappelé que la Commission du débat national sur l'avenir de l'école avait formulé cinq propositions en ce sens. Les deux premières concernent, en amont, la scolarité obligatoire. Il est impératif, à ce niveau, que la nation s'engage à ce que 100 % d'une génération maîtrise les savoirs fondamentaux, définis dans le socle commun des connaissances et compétences. Il s'agit, en outre, de mettre en place une « éducation au choix » au collège, encore trop négligée, afin d'aider les jeunes à identifier un projet de formation, que le système éducatif devrait ensuite s'engager à accompagner, alors que c'est actuellement l'offre de formation qui guide la demande.

a ensuite exposé trois propositions concernant plus directement le système d'enseignement professionnel. Il a plaidé en faveur d'une plus grande flexibilité de l'offre de formation, ce qui concerne à la fois les régions, compétentes en matière de structures de formation, et l'Etat, qui affecte et finance les moyens d'enseignement. En effet, un tiers des jeunes s'orientant vers la voie professionnelle ne sont pas dirigés vers la filière qu'ils ont choisie. Il a jugé nécessaire, à cet égard, que l'Etat mène une politique plus dynamique de reconversion de ses enseignants.

Il a suggéré, ensuite, de revoir l'organisation de l'enseignement professionnel autour du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) et du baccalauréat professionnel, considérant que le brevet d'études professionnelles (BEP) ne devait pas être considéré comme un diplôme d'insertion, mais qu'il devait apporter des compétences plus générales, en vue de préparer à des filières plus larges.

Il a estimé, en outre, que l'alternance devrait être la règle en matière d'enseignement professionnel. Cela suppose un plus grand engagement de la part des entreprises, mais aussi de l'Etat et des collectivités publiques, qui doivent jouer leur rôle d'employeur.

Enfin, il a proposé de réfléchir à la définition d'un statut du lycéen professionnel, notamment en vue d'envisager leur rémunération, en contrepartie des stages effectués.

En conclusion, M. Claude Thélot a indiqué que la mise en oeuvre de ces mesures, destinées à revaloriser l'enseignement professionnel, supposait une forte volonté politique ainsi que des moyens importants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

A l'issue de cette intervention, M. Jean-Claude Carle, président, a demandé à des jeunes, rencontrés lors des déplacements de la mission en Rhône-Alpes et à Marseille, d'apporter leur témoignage. Après avoir connu des difficultés au cours de leur parcours scolaire, ils ont en effet eu la possibilité d'accéder à une deuxième chance.

Debut de section - Permalien
Abdelaziz Bouramoula

Actuellement responsable de projets d'industrialisation chez Bosch Rexroth à Bonneville, en Haute-Savoie, M. Abdelaziz Bouramoula a décrit le parcours de validation des acquis de l'expérience (VAE) où il s'est engagé pour obtenir un brevet de technicien supérieur (BTS), après avoir gravi progressivement les échelons au sein de son entreprise. Ayant été contraint, à la sortie du collège, d'entrer dans une voie d'accès rapide à l'emploi, il a évoqué ce parcours de VAE, entrepris au GRETA (groupement d'établissements) de Bonneville, comme une « revanche » sur le passé.

Il a fait observer, par ailleurs, que les métiers de l'industrie étaient souvent mal connus ou souffraient d'une image dévalorisée auprès des parents. Il a souhaité que les actions « Portes ouvertes » d'entreprises soient plus fréquentes, évoquant à cet égard le projet « Ouvre boîte », permettant à des collégiens de venir passer une journée au sein d'une entreprise, afin d'y découvrir ses différents domaines d'activité. Il a proposé, enfin, que les enseignants viennent dans les entreprises afin de connaître les métiers et de pouvoir aider les élèves à élaborer leurs choix d'orientation.

Debut de section - Permalien
Sabine Bernasconi, conseillère municipale déléguée au plan Marseille emploi et à la formation professionnelle

a ensuite évoqué l'initiative « Défi Jeunes », mise en place en collaboration entre la municipalité, la mission locale de Marseille et la Société générale, afin de permettre à des jeunes en situation d'échec de rejoindre les métiers de la banque. Repérés par des tests d'aptitude et pour leur motivation, douze jeunes sans qualification ont pu s'engager dans un parcours en contrat d'alternance, du CAP au BTS. Ils sont embauchés par la Société générale en contrat à durée indéterminée.

Debut de section - Permalien
Sabrina Heurtaux

Après les témoignages de Mlle Sabrina Heurtaux, réceptionniste à la recherche d'un emploi, et Mlle Julie Garcia, titulaire d'un CAP de coiffure, suivies par la mission locale de Marseille, M. Jean-Claude Carle, président, a souligné l'intérêt d'un tel partenariat entre une collectivité territoriale, la mission locale et une entreprise.

Debut de section - Permalien
Eric de Fiquelmont, chef d'entreprise

a ensuite présenté le centre de formation du groupe Veolia, mis en place il y a dix-sept ans en vue de répondre aux besoins de formation, à la fois initiale et continue, de l'ensemble des collaborateurs, et d'adapter leurs compétences tout au long de la vie, conditions jugées indispensables pour la pérennité de l'entreprise. Cette expérience a été fondée sur deux convictions : la nécessité pour l'éducation nationale et les entreprises de travailler ensemble, la première ayant pour mission d'éduquer, et les secondes, de former ; la volonté de « donner chair au projet qui sommeille dans chaque jeune ». Les formations se déroulent sous le régime de l'apprentissage et débouchent sur un diplôme. Les principes clés sont le respect du jeune, qui bénéficie d'une rémunération, la confiance, la chaîne de solidarité au sein de l'entreprise, puisque chaque jeune est suivi par un tuteur, et enfin l'espoir lié à l'engagement d'embauche en contrat à durée indéterminée (CDI).

Cette expérience a conduit à la création, en partenariat avec l'éducation nationale, de référentiels de métiers et de quatorze diplômes, du CAP jusqu'à l'enseignement supérieur, dans les domaines de la propreté et des transports, jusqu'alors dépourvus de filière diplômante. Le centre de formation accueille 700 apprentis, principalement en formations de niveau V. Le taux de présentation au diplôme est passé, en dix-sept ans, de 70 % à 92 %, le taux de réussite étant de 95 %. Plus de 80 % des collaborateurs ayant suivi ces formations sont encore au sein du groupe.

a souligné, en conclusion, que ce projet avait pu aboutir grâce à une forte volonté politique, tant de la part de l'éducation nationale que du conseil régional d'Ile-de-France. Il a estimé que d'autres grandes entreprises pourraient suivre ce modèle, qui constitue une voie complémentaire aux lycées professionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

après avoir regretté l'absence de Mme Martine Calderoli-Lotz, vice-présidente du conseil régional d'Alsace et présidente de la commission « Formation professionnelle continue » de ce conseil, a invité M. Jean-François Humbert, membre de la mission commune, à rappeler le rôle de la région et, plus précisément, celui du plan régional de développement de la formation (PRDF) en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

a indiqué qu'à la faveur de lois successives de décentralisation, la formation professionnelle est aujourd'hui une compétence essentiellement régionale. Les régions mettent en oeuvre des programmations et des politiques qui s'appuient sur de nombreux documents, de valeur parfois impérative, parfois indicative. Le PRDF est adopté par les conseils régionaux tous les cinq ans. Ce document doit concilier précision et souplesse afin d'adapter l'offre de formation aux besoins, ce qui est un objectif majeur des conseils régionaux, aujourd'hui pleinement investis dans cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Puis, sur l'invitation de M. Jean-Claude Carle, président, M. Bernard Seillier, rapporteur, a rappelé les modalités du « système dual » allemand. Il a préalablement relevé que cette expression souligne l'étroite complémentarité entre la formation théorique et la formation en entreprise. D'une façon générale, en Allemagne, les entreprises pilotent le système de formation professionnelle, qui ne présente aucun caractère obligatoire : il n'y a pas de taxe d'apprentissage, pas d'obligation légale, ni d'aide d'aucune sorte. Les contrats d'apprentissage sont des contrats de droit privé alignés sur les autres contrats de travail, à l'exception de la durée. La plupart des apprentis recrutés dans les grandes entreprises y sont définitivement embauchés, comme l'a confirmé le récent déplacement de la mission en Allemagne. Les entreprises investissent annuellement 35 milliards d'euros dans l'apprentissage. Si les entreprises sont libres de déterminer leur volume d'action, elles doivent cependant se conformer, dans la mise en oeuvre de l'apprentissage, à des « Codes de formation ». Au nombre de 340, ceux-ci correspondent à autant d'activités distinctes. Par ailleurs, les entreprises se trouvent sous la double tutelle des chambres de commerce et d'industrie, qui vérifient leur aptitude à faire travailler des apprentis, et du ministère de l'éducation, qui exerce un contrôle de conformité. Au cours d'une semaine, les apprentis travaillent en moyenne 1,5 jour en école professionnelle et 3,5 jours en entreprise. A l'issue de leur formation, les apprentis reçoivent une certification théorique par l'école professionnelle et une certification pratique des connaissances acquises dans le cadre de l'entreprise. Ces certificats sont reconnus dans tous les Länder. Ce système fonctionnant à l'initiative des entreprises présente un problème de sensibilité à la conjoncture, tandis que les petites entreprises n'ont pas les moyens d'organiser de formation professionnelle en leur sein. En définitive, le contrat première embauche (CPE) pouvait être compris comme une tentative d'acclimater en France une forme contractuelle proche de celle du contrat d'apprentissage allemand.

a alors rappelé que l'Allemagne forme annuellement 1,6 million d'apprentis, dont 41 % de femmes. Puis il a donné la parole à M. Otto Muller, directeur de l'apprentissage dans l'entreprise Würth, important groupe allemand spécialisé dans les produits de fixation (vis, écrous, etc.) à destination des professionnels.

Debut de section - Permalien
Otto Muller

a souligné l'intérêt majeur de l'apprentissage pour son entreprise et pour les jeunes ainsi formés. Les apprentis sont recrutés dans la perspective d'une embauche définitive, pour laquelle ils sont prioritaires, à l'issue de leur formation. La croissance de l'entreprise Würth, de l'ordre de 10 % par an, ouvre de nombreuses opportunités de carrière aux jeunes. Durant l'apprentissage, les rémunérations sont comprises entre 700 euros et 800 euros par mois, ce qui est encourageant pour des jeunes ayant quinze ou seize ans. Cette période leur redonne confiance et motivation après un échec scolaire. Le contact avec les tuteurs est aussi primordial. En outre, ce système permet de corriger les erreurs de l'éducation nationale en ce qui concerne la définition des filières, les entreprises ayant la possibilité d'adapter les formations en fonction des besoins qu'elles identifient. Par ailleurs, les jeunes ont la possibilité, durant l'apprentissage, de préciser leur orientation, dans la mesure où ils sont amenés à collaborer à différents services. Le résultat est que, d'une façon générale, les jeunes s'identifient à l'entreprise. M. Otto Muller a alors donné la parole à M. Marcel Breuninger, apprenti dans le groupe Würth.

Debut de section - Permalien
Marcel Breuninger

Après avoir indiqué qu'il avait interrompu des études de droit trop théoriques et délivrées dans le cadre d'un enseignement de masse, M. Marcel Breuninger s'est félicité de ce que la formation professionnelle s'effectue par groupe d'une vingtaine d'apprentis et de ce que l'enseignement théorique soit toujours l'objet d'une application dans les trois mois. Par ailleurs, la rémunération offerte permet d'éviter la recherche de « job » et de se consacrer pleinement aux études.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

a ensuite invité M. Jacques Delors, président du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC), à préciser son jugement sur le système français de formation professionnelle, ayant rappelé que, d'une façon générale, ce dernier l'estimait trop complexe en raison d'une stratification de textes depuis 1971.

Debut de section - Permalien
Jacques Delors

a préalablement relevé que les travaux du Sénat arrivent en temps utile pour sensibiliser l'opinion publique aux enjeux de la formation professionnelle. Après avoir émis l'hypothèse que la productivité allemande doit beaucoup à la possibilité offerte aux apprentis d'accéder aux plus hautes fonctions dans l'entreprise, il a estimé qu'en France, le diagnostic est différencié selon l'angle d'approche : à l'initiative des villes, des régions ou des entreprises, certaines expérimentations remarquables, qu'il faut encourager dans toute leur diversité, inclineraient à formuler un jugement positif sur la formation professionnelle, tandis qu'au niveau global, il reste que 90 000 à 110 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail sans diplôme et sans capacité de se défendre dans la vie professionnelle, ce qui est particulièrement regrettable. Il a ensuite relevé que les concepts d'« éducation tout au long de la vie » et d'« égalité des chances », depuis longtemps invoqués à l'envi, apparaissent aujourd'hui galvaudés et qu'une maîtrise générale des savoirs fondamentaux devrait constituer un objectif majeur. En raison de la revalorisation de l'apprentissage et d'une relative dépréciation de l'enseignement professionnel, le différentiel d'attractivité entre ces deux formules s'amenuise, rendant peut-être judicieuse leur refonte dans un « enseignement professionnel » unique. Par ailleurs, la commission « Thélot » a observé que les formations destinées aux chômeurs sont trois fois plus efficaces pour le retour à l'emploi lorsqu'elles s'effectuent en alternance.

Puis M. Jacques Delors s'est étonné de ce que les rôles de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) n'aient pas encore été évoqués au cours de la table ronde, nonobstant la perspective d'une fusion de ces deux organismes. Enfin, il a estimé nécessaire que des passerelles soient aménagées afin que l'enseignement professionnel réserve la possibilité de revenir aux filières classiques d'enseignement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

a alors mis en avant la nécessité de faire évoluer les mentalités concernant la formation professionnelle.

Le deuxième thème de la table ronde : d'une vision séparée à une vision partagée, a ensuite été abordé.

Debut de section - Permalien
André Gauron, conseiller maître à la Cour des comptes

premier intervenant sur ce thème, a présenté quatre remarques principales :

- les entreprises ont tendance à intégrer des jeunes avec un niveau de qualification de plus en plus élevé et proposent parallèlement à leurs salariés des formations d'adaptation aux évolutions technologiques qui n'offrent pas de perspectives de promotion ;

- il y a rupture de continuité entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur, alors que la formation générale offre le préalable indispensable à l'accès à l'enseignement supérieur professionnel, la formation professionnelle ne parvenant pas à combler les lacunes de la formation initiale ;

- au niveau des régions, se pose le problème complexe des cartes de formation ; la volonté des régions de « former pour vivre au pays » est en contradiction avec les contraintes de mobilité et les perspectives européennes ; par ailleurs, le rapport de force entre les régions et les rectorats reste trop souvent inégal ;

- il est nécessaire de se pencher sur le problème du « faux échec » au niveau du premier cycle universitaire, qui résulte moins d'un problème d'orientation que du faible niveau scolaire (22 % des étudiants n'ont pas choisi d'aller à l'Université : ils sont les « recalés » des classes préparatoires, des BTS, IUT...), d'où l'opportunité d'une réforme des BTS et du développement de l'alternance.

Debut de section - Permalien
Eric de Fiquelmont, chef d'entreprise

a développé le point de vue des entreprises : ces dernières déplorent des dispositifs financiers complexes, qui les déresponsabilisent. Il a spécialement souligné l'incompréhension résultant des différents taux de prélèvement au titre de la formation et a appelé à leur simplification. Il a suggéré d'y substituer des crédits d'impôts.

Puis des étudiants de l'EM Lyon ont présenté les résultats d'une enquête menée sur un échantillon de salariés, de chômeurs et d'employeurs afin d'identifier la façon dont ils considèrent le système de formation continue.

Du côté des salariés prédomine un sentiment de solitude : la démarche de formation est souvent engagée à l'initiative du salarié qui éprouve des difficultés à s'orienter et à connaître ses droits. Par ailleurs, l'entreprise valorise peu les formations suivies.

Du côté des chômeurs aussi se manifeste un manque d'informations, notamment sur les différences entre les dispositifs.

Les employeurs, enfin, mettent en avant l'utilité de la formation continue pour l'adaptation et les changements d'emploi, s'inquiètent de perspectives telles que la transférabilité du droit individuel à la formation (DIF), et manifestent des opinions mitigées sur les circuits de financement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Après que M. Jean-François Humbert eut rappelé la ventilation des financements de la formation professionnelle, M. Claude Thélot a apporté les commentaires suivants :

- la politique de formation professionnelle n'est pas régulée par des objectifs clairs et explicites ;

- les acteurs du système sont extrêmement nombreux depuis la décentralisation, ce qui soulève la question d'une coordination plus efficace de leurs interventions ; le PRDF est en théorie l'outil de la coordination et les régions se l'approprient petit à petit, mais les connaissances sur les flux financiers et les prestations restent faibles ;

- le système des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) reste trop complexe et la gestion de ceux-ci apparaît insuffisamment rigoureuse ; on peut s'interroger sur la capacité du réseau de collecte à utiliser au mieux les fonds disponibles.

Enfin, il a rappelé quelques recommandations faites par la Cour des comptes :

- l'Etat, et notamment la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), doit avoir les moyens d'exercer le contrôle du système ;

- les OPCA devraient pouvoir mieux contrôler l'imputabilité des formations qu'ils financent ;

- le mode de calcul des frais de gestion n'a pas été suffisamment ajusté au développement de l'importance des sommes collectées ;

- une partie des prélèvements va aux organisations syndicales, ce qui soulève la question des modalités du financement du paritarisme dans notre pays.

Debut de section - Permalien
Jacques Delors

Intervenant alors afin de mettre en perspective les enjeux du devenir de la formation professionnelle, M. Jacques Delors a tout d'abord tenu à souligner l'importance de l'enseignement professionnel supérieur et de ses liens avec l'université, non seulement du point de vue de l'égalité des chances, mais aussi comme facteur déterminant de l'efficacité de l'ensemble du système de formation et, plus généralement, de la compétitivité de l'économie française, y compris la question centrale du positionnement de son offre. Il a précisé que la mise à niveau de notre enseignement professionnel, supérieur par rapport à d'autres pays européens, nécessite des moyens que certains chiffrent à 10 milliards d'euros.

Il a ensuite précisé les raisons qui le conduisent à « partager, avec la même véhémence », le diagnostic établi par M. Eric de Fiquelmont ».

Il a indiqué que le modèle de formation continue issu de la loi du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente, fondé sur une intervention des pouvoirs publics, n'était pas transposable à l'ensemble de l'Union européenne : le système allemand s'ordonne, par exemple, autour de l'initiative des entreprises. Puis M. Jacques Delors a rappelé que la loi du 16 juillet 1971 avait été précédée d'un accord interprofessionnel et a resitué cette avancée législative dans le contexte des années soixante, marqué par les besoins de modernisation du pays et la croissance économique. Ce dispositif visait cinq objectifs précis :

- la formation des jeunes sans diplôme et donc « sans capacité de défense » - il a évoqué, à cette époque, l'importance du service militaire qui constituait, pour les garçons, la principale occasion de réfléchir à leur orientation professionnelle ;

- faciliter les conversions internes à l'entreprise ou externes ;

- l'entretien et la perfection des connaissances, qui ont immédiatement bénéficié des financements les plus importants ;

- la promotion professionnelle, qui a peu à peu perdu de son importance ;

- et, enfin, le développement personnel des individus.

a indiqué que la gouvernance d'ensemble de ce système était assurée par le ministère du travail, le Conseil national de la formation professionnelle et les partenaires sociaux, alors qu'aujourd'hui « il n'y a plus de pilote dans l'avion », les acteurs étant trop nombreux. Il a fait observer que la décision de financer la formation continue par une taxe s'expliquait par la nécessité de mobiliser les entreprises, en ajoutant que « si c'était à refaire », il s'orienterait vers un autre mécanisme qui, en particulier, ferait appel à une contribution des salariés.

Puis, forçant volontairement le trait, M. Jacques Delors a analysé les causes de la dégradation de ce système. Tout d'abord, l'objectif de réconcilier le monde du travail avec l'éducation nationale a échoué : cette dernière est demeurée dans sa « citadelle ». Ensuite, les organisations syndicales ont distingué entre les formations organisées par l'entreprise et les autres formations, au lieu d'adopter une conception d'ensemble. En outre, la complexité du sujet s'est constamment accrue ; or, « la simplicité commande l'efficacité ». Il a enfin évoqué les effets néfastes du corporatisme, dont l'évocation soulève immanquablement de très vives contestations.

a préconisé, en fin de compte, une « totale remise à plat » du système de formation continue, en procédant à une réflexion globale et en privilégiant l'osmose entre les différentes voies de formation. Il a appelé à s'écarter de la formule galvaudée de formation « tout au long de la vie » : celle-ci tend à fortifier l'idée qu'il suffirait d'additionner les différents dispositifs les uns aux autres, alors que l'essentiel réside dans leur « imbrication ».

Signalant la nécessité de donner plus de moyens aux régions, il a préconisé la mise en place d'un organisme national de régulation et de pilotage de la formation professionnelle continue pour permettre notamment aux régions de cadrer leurs interventions. Rappelant qu'il convient de réformer ses modalités de financement, il a évoqué le lien entre la « sécurité sociale professionnelle » et la formation, ce qui implique une « révolution intellectuelle » d'autant plus nécessaire que la France a perdu, par rapport à l'Allemagne et aux pays du Nord de l'Europe, l'avantage comparatif que lui avait donné la loi du 16 juillet 1971.

Debut de section - Permalien
Francis Da Costa, président de la commission formation du MEDEF

revenant sur les critiques exprimées par les intervenants, s'est tout d'abord interrogé sur les réformes concrètes qui devraient en résulter, avec, notamment un « chamboulement » des parties du code du travail consacrées à l'apprentissage et à la formation professionnelle.

A propos de l'action des partenaires sociaux en matière de formation, il a ensuite fait observer que les cas de défaillance de gestion de l'Etat ou d'organismes publics par la Cour des Comptes ne conduisaient pas à remettre en cause la légitimité globale de l'intervention des pouvoirs publics.

Puis il a rappelé que la formation continue avait tout simplement pour objectif principal le développement des compétences des salariés. Il a fait observer que depuis 1994, le nombre d'organismes collecteurs a été divisé au moins par six et que la diversité qui subsiste correspond à la logique de spécialisation du travail par branches d'activité avec la prise en compte des particularités territoriales.

Il s'est déclaré favorable à un « audit » des services mis en place par les organismes collecteurs en contrepartie de frais de gestion qui sont prélevés, la plupart du temps, en deçà des plafonds autorisés.

Puis M. Francis Da Costa a évoqué la mutualisation des fonds, qui contribue notamment à financer la lutte contre l'illettrisme.

Il a montré, dans le détail, que la complexité des financements correspondait à des actions utiles ciblées sur des populations bien identifiées, puis, au total, a comparé les 24 milliards que la France consacre à la formation professionnelle continue au chiffre de 200 milliards cité à propos de l'Allemagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

a signalé qu'il avait délibérément invité les intervenants de la table ronde à éviter « la langue de bois » pour faire émerger des solutions de nature à insuffler la notion de partenariat et de partage dans un système de formation professionnel aujourd'hui trop cloisonné.

Debut de section - Permalien
François Fayolle, membre du bureau national de la CFDT

après avoir présenté ses activités qui se concentrent dans le domaine de la formation en alternance, s'est prononcé en faveur d'une « décomplexification » de dispositifs de formation trop nombreux pour être suffisamment lisibles ; de ce point de vue, il a regretté que l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003 relatif a l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle ait encore aggravé la difficulté de compréhension du système.

Il s'est ensuite félicité de la montée en puissance du contrat de professionnalisation et du renouveau de l'apprentissage, en estimant utile de réfléchir à la fusion de ces deux dispositifs qui présentent de nombreux points communs. Il a ensuite souligné la nécessité d'inventer des formes nouvelles d'alternance d'une durée de dix-huit à vingt-quatre mois, correspondant à celle des anciens contrats de qualification, en rappelant que les formations longues sont à tort considérées comme « trop chères » par certains employeurs.

Il a appelé de ses voeux une vision beaucoup plus partagée des qualifications et de la formation entre l'entreprise et le salarié : l'employeur doit pouvoir s'engager à moyen terme et améliorer la visibilité des actions de formation, notamment grâce à la généralisation des entretiens professionnels.

Puis il a recommandé de procéder à des ajustements institutionnels en améliorant la gouvernance régionale de la formation et la coordination entre les organismes collecteurs et le service public de l'emploi.

Il a enfin estimé que « l'Etat a démissionné de la formation professionnelle sous couvert de la décentralisation », ce qui entraîne une insuffisance de cohérence et de dynamique globale à laquelle il convient de remédier.

Debut de section - Permalien
Joël Ruiz, directeur général de l'AGEFOS-PME

a tout d'abord rappelé que le « coeur de métier » de l'organisme collecteur qu'il dirige est de faciliter la formation dans les petites et moyennes entreprises. Compte tenu des contraintes de temps, il a limité son exposé à plusieurs remarques.

A propos des critiques des mécanismes de la formation professionnelle soulevées dans le débat, il a fait observer qu'en France, comme à l'étranger, le choix de confier la formation professionnelle aux partenaires sociaux participe au renforcement de la démocratie sociale. Il s'est ensuite attaché à clarifier les objectifs, notamment pour l'AGEFOS-PME que recouvre la notion de « vision partagée » de la formation professionnelle. A ce titre, il a cité l'inadaptation des compétences des salariés aux besoins des entreprises, facteur de délocalisation. Il a fait observer que 70 % des ressources de l'AGEFOS-PME sont des contributions volontaires des employeurs : en contrepartie, l'organisme collecteur doit répondre à leurs attentes.

Il a ensuite constaté que le sentiment d'insécurité de l'emploi persiste, même lorsque le chômage diminue, ce qui impose de mieux maîtriser les trajectoires professionnelles en les rendant plus lisibles, grâce à l'amélioration des capacités d'anticipation de l'emploi et des qualifications requises.

A cela s'ajoute l'assignation, aux acteurs de la formation, de l'objectif - qu'il a qualifié de majeur - de lutte contre les inégalités.

Face à cette situation, il a souligné la nécessité de tenir compte de la diversité des besoins exprimés par les entreprises qui financent la formation professionnelle et d'accepter une « souveraineté partagée » dans ce domaine en prenant garde à ne pas imposer une conception « autocratique » et trop simpliste de la formation.

Puis il a insisté sur l'importance de la notion de territoire comme lieu de convergence des moyens mis en oeuvre pour la formation et la « guerre pour l'emploi » : il a préconisé la conclusion de contrats d'objectifs et l'évaluation des résultats des actions ainsi conduites au niveau territorial.

Il a enfin insisté sur la notion de confiance de l'entreprise à l'égard de son organisme collecteur et s'est dit convaincu de la nécessité de maintenir le principe de l'adhésion volontaire des entreprises et la préservation d'une liberté de choix qui garantit la qualité des prestations de formation qui leur sont offertes.

Dans le prolongement de ces propos, M. Jean-Claude Carle, président, a estimé tout à fait souhaitable et possible de conjuguer diversité et cohérence en matière de formation professionnelle.

Debut de section - Permalien
Laurence Paye-Jeanneney, administratrice générale du CNAM

a introduit son propos en indiquant que les débats tenus au cours de cette table ronde montraient à quel point le CNAM, qui assure depuis deux siècles la formation professionnelle supérieure des adultes, était plus que jamais promis à un bel avenir : les efforts consentis par cet établissement répondent, en effet, à bien des préoccupations exprimées par les intervenants. Fier de pouvoir être qualifié « d'université des métiers », le CNAM, a-t-elle précisé, dépend de l'éducation nationale tout en s'y trouvant parfois « un peu à l'étroit » et en butte à certaines rigidités institutionnelles qui tendent à freiner sa démarche d'ouverture au monde du travail.

Puis elle a évoqué l'originalité de l'organisation du CNAM, qui associe un établissement public national, garant de la qualité et de la conception de « l'offre de produits » de formation, à des centres régionaux, sous statut associatif, répartis sur l'ensemble du territoire accueillant quelque 85 000 auditeurs.

a signalé que son établissement était également présent à l'étranger et de plus en plus sollicité pour exporter le « modèle CNAM », notamment dans les pays en développement.

Elle a insisté sur le fait que l'offre de formation était pilotée, au CNAM, par la demande des élèves ou des « clients », sans « maquettes » préétablies, ce qui suppose d'accepter une flexibilité et une diversification de la formation qui, parfois, « choque » le monde universitaire traditionnel. Elle a également insisté sur la nécessité de combiner, au sein des équipes pédagogiques, les compétences académiques et professionnelles pour répondre au besoin de « savoir-faire » des élèves.

Elle a évoqué l'originalité des méthodes du CNAM, en précisant que cet établissement était accessible sans aucune autre sélection que la vérification d'un niveau voisin du baccalauréat. Elle a souligné l'importance de l'orientation, de la construction d'un projet de formation et du souci d'en évaluer les résultats, tout en écartant les « conceptions trop linéaires des parcours ».

Rappelant le rôle pionnier du CNAM en matière de validation des acquis professionnels, Mme Laurence Paye-Jeanneney a par ailleurs rappelé le caractère indispensable du développement des partenariats avec les acteurs économiques et sociaux au niveau régional, le CNAM apparaissant largement comme une « université décentralisée » dont les régions, qui la financent largement, devraient se saisir encore plus énergiquement.

Elle a enfin souhaité travailler à la réconciliation des besoins personnels de formation avec ceux des entreprises et répondre à l'appétit grandissant de formation, ce qui nécessite une capacité de souplesse et de proximité suffisantes, au service de la nécessité d'apprendre tout au long de la vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

remerciant l'ensemble des intervenants, a clos les débats en rappelant, selon une formule attribuée au Président Kennedy, qu'à long terme, ce qui coûte encore beaucoup plus cher que la formation, c'est l'absence de formation.