Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Réunion du 9 décembre 2009 à 14h30
Droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous étudions aujourd'hui est l’occasion pour moi, en tant que représentante des Français établis hors de France, de vous alerter sur la dimension internationale des dispositions juridiques régissant le PACS et sur leur application par nos administrations ; je me limiterai à cet aspect.

Nous sommes en effet confrontés à une multiplicité de législations nationales en matière de partenariats civils, dont les statuts peuvent être plus ou moins proches de celui du mariage. Il importe donc de veiller à ce que l’application de notre droit ne crée pas de discriminations.

L’enjeu est double, car il concerne les partenaires étrangers liés à un Français dans le cadre d’un PACS, d’une part, les conjoints ayant conclu une forme d’union civile à l’étranger, d’autre part.

Les conjoints unis civilement bénéficient des dispositions de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui proclame le droit à mener une vie familiale normale. Cela suppose, notamment, la possibilité pour des partenaires de nationalité différente d’obtenir un visa ou un titre de séjour. Or je constate un manque de transparence, de consistance, voire de considération dans la gestion de ces dossiers, gestion qui ne tient pas toujours compte du statut de couple qu’offrent ces partenariats.

Deux problèmes majeurs se posent.

En premier lieu, les délais de réponse aux demandes de visa et de titre de séjour de ces partenaires sont souvent aussi longs que pour les autres demandes, alors que devrait s’appliquer une certaine priorité. En effet, l’article 3 de la directive européenne de 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres implique, pour la France, de favoriser l’entrée et le séjour du « partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a une relation durable, dûment attestée ».

Il serait donc souhaitable de préciser les modalités par lesquelles la France favorise réellement l’entrée et le séjour du partenaire pacsé. En réponse à ma question écrite du 1er octobre dernier, le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire a indiqué que c’était l’examen au cas par cas des dossiers qui permettait l’application de cette disposition, le PACS constituant un élément d’appréciation de la situation personnelle.

Même si l’objet de mon intervention n’est pas de plaider pour un traitement égal des demandes de visa et de titre de séjour pour les conjoints qui sont mariés et pour ceux qui sont pacsés, cette position me semble très insuffisante pour garantir le respect des droits des partenaires unis civilement.

En second lieu, conformément à l’arrêt du Conseil d’État du 4 mars 2009, en cas de demande de partenaires pacsés, le refus de visa n’a pas à être motivé. Cela est gênant et peut donner lieu à des abus, puisqu’il est alors difficile de vérifier dans quelle mesure l’existence d’un partenariat civil a été prise en compte dans la décision de refuser le visa.

La motivation des refus de délivrance de visa me semble d’autant plus pertinente qu’elle se pratique déjà pour les membres de la famille d’un ressortissant de l’Union européenne, qu’il s’agisse du conjoint, des enfants ou des ascendants.

Par ailleurs, des clarifications me semblent nécessaires en ce qui concerne la reconnaissance des partenariats enregistrés à l’étranger. L’article 515-7-1 du code civil, créé par la loi de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures du 12 mai 2009, dispose : « Les conditions de formation et les effets d’un partenariat enregistré ainsi que les causes et les effets de sa dissolution sont soumis aux dispositions matérielles de l’État de l’autorité qui a procédé à son enregistrement. »

Cette disposition, qui satisfait l’article 3 de la présente proposition de loi, implique la reconnaissance en France des effets juridiques d’une union civile conclue à l’étranger tant que ceux-ci ne contreviennent pas à l’ordre public français. Ainsi, les droits dont ces couples bénéficient dans le pays d’enregistrement de leur partenariat sont reconnus par la France dès lors qu’ils n’excèdent pas les droits reconnus aux pacsés.

Une telle précision est importante, car les effets juridiques des unions civiles varient considérablement d’un État à l’autre, même au sein de l’Union européenne, certaines législations conférant à ces couples des droits égaux à ceux des conjoints mariés, tandis que d’autres leur reconnaissent des droits plus restreints qu’à des pacsés français.

À titre d’exemple, il m’a été transmis voilà quelques semaines une correspondance entre un couple uni par un partenariat civil britannique et l’administration fiscale française. Cette dernière indiquait que l’article 515-7-1 du code civil n’est pas censé donner aux partenariats civils britanniques les mêmes exonérations d’impôt sur les successions que pour les couples français pacsés. Aucune précision n’a été donnée à ce couple quant à l’étendue précise des droits dont ils pouvaient bénéficier. Je le regrette, car nous avons un devoir d’information à l’égard de nos concitoyens et de leurs partenaires étrangers, avant même que ceux-ci ne contractent une union civile.

Afin de faciliter les nécessaires efforts d’information vis-à-vis de l’administration et du public, il me semble indispensable qu’une étude comparée de la législation relative aux effets des unions civiles dans les différents pays de l’Union européenne soit menée, et que ses résultats soient largement diffusés via les consulats et les administrations françaises. J’ai déjà eu l’occasion de formuler une telle demande.

En conclusion, je regrette que cette proposition de loi n’aborde la dimension internationale de la législation sur le PACS qu’en matière d’acquisition de la nationalité. L’urgence, pour les partenaires civils étrangers et les couples mixtes unis par des tels partenariats, me semble résider dans la clarification de notre droit actuel et des procédures qui en découlent en matière tant de délivrance des visas et des titres de séjours que de droit social. Il importera ensuite de veiller à la bonne information des multiples administrations concernées, qui tendent, pour l’instant, faute d’éléments clairs, à opposer des réponses contradictoires aux administrés qui les sollicitent, ce qui peut être fortement préjudiciable.

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