Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 9 décembre 2009 à 14h30
Droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de nombreux intervenants l’ont rappelé, nous fêtons les dix ans du PACS. Force est de constater que ce dernier a largement évolué, tout comme ont changé les mentalités à son égard.

Alors qu’il était considéré, à l’origine, comme une modalité d’organisation de la vie commune marginale, vouée à ne concerner que les couples homosexuels, il faut aujourd’hui se rendre à l’évidence : le PACS, ce projet audacieux, a conquis beaucoup de couples, au point d’ailleurs d’être devenu un cadre juridique privilégié par ces derniers, parfois au détriment du mariage.

D’année en année, le PACS a fait l’objet de réformes visant peu à peu à en rapprocher le régime de celui du mariage, sans qu’il soit jamais question de les confondre. Le chemin vers l’égalité entre partenaires et conjoints a été tortueux, mais il a permis de soulever un certain nombre d’incohérences et de discriminations vécues au quotidien par les partenaires de PACS.

Ainsi, permettez-moi d’abord de donner acte au Gouvernement des efforts qu’il a déployé dans ce sens ; ils ne sont pas minces. La loi TEPA du 21 août 2007 ainsi que la loi de finances pour 2008 sont, à cet égard, révélatrices du souci de mettre un terme aux discriminations subies par les partenaires de PACS dans de nombreux domaines, notamment fiscal ou successoral.

Monsieur le secrétaire d'État, vous l’avez souligné, un décret a été publié dernièrement, qui met en place l’extension du bénéfice du capital décès au partenaire survivant. Cette mesure que nous appelons de nos vœux depuis des années a enfin été adoptée.

Évidemment, il faut se féliciter de ces avancées. Toutefois, elles ne sauraient masquer le chemin qui reste encore à parcourir pour atteindre une égalité parfaite entre partenaires et conjoints. Tel est d’ailleurs l’objet de cette proposition de loi, qui regroupe tous les domaines en souffrance, ceux qui ont été volontairement oubliés par le législateur et par le Gouvernement et qui méritent une attention toute particulière.

Je remercie les signataires de la proposition de loi de cette excellente initiative, qui a le mérite de regrouper la quasi-totalité des défaillances du cadre légal du PACS au regard du principe d’égalité. Les mesures justes et équilibrées que contient ce texte placent le principe d’égalité au premier plan des considérations qui doivent prévaloir pour toute réforme du PACS.

Les opposants à l’évolution du PACS avancent souvent un argument, présent d’ailleurs dans le rapport de la commission des lois : il n’existe aucune obligation juridique à traiter de manière identique le PACS et le mariage et, en conséquence, à faire découler de ces deux dispositifs les mêmes droits.

J’ai envie de répondre que cette obligation juridique existe : le principe d’égalité, fondateur de notre République. Si le PACS offre aujourd’hui, dans de nombreux domaines, les mêmes droits que le mariage, ce n’est pas par largesse ou par ouverture d’esprit : c’est parce que le législateur est tenu de se conformer à ce principe d’égalité.

Permettez-moi d’illustrer cette obligation par un exemple que beaucoup ont cité, celui de l’extension du bénéfice de la pension de réversion au partenaire survivant.

Dans ses délibérations n° 2008-108 et 2008-110, la HALDE a considéré que le refus d’étendre le bénéfice d’une pension de réversion au partenaire survivant d’un PACS constituait une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle : « les obligations pesant sur les conjoints et les partenaires sont suffisamment comparables, au regard de l’objet poursuivi par la pension, pour rendre injustifiée toute différence de traitement en la matière ».

Dans un arrêt du 1er avril 2008, la Cour de justice des Communautés européennes a également considéré que le refus de versement d’une pension de réversion à un partenaire survivant constituait « une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle » prohibée par la directive en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

L’obligation juridique que la commission des lois peine à trouver existe bel et bien : le principe d’égalité de traitement de tous les citoyens. C’est tellement vrai que la commission a pris ouvertement position pour une telle extension, sous quelques réserves qui semblent d’ailleurs légitimes.

Nous pensons que l’égalité en matière de droits sociaux entre partenaires et conjoints doit être une priorité pour le Gouvernement et pour nous tous et ne saurait attendre la réforme des systèmes de retraite. En repoussant une telle réforme à 2010, le Sénat contribue à morceler l’évolution inévitable du PACS, par l’adoption, au fil de l’eau, de règles éparses, sans approche globale et cohérente.

Seul un texte exhaustif sur le PACS est à même de garantir une mise en œuvre rapide de ce principe d’égalité. Ce texte, nous l’avons sous les yeux. Les sénatrices et sénateurs Verts s’en félicitent et ils le voteront.

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