La mission d'information que vous conduisez arrive à point nommé. Elle se déroule au lendemain des élections européennes, ce qui permet probablement de mener des travaux plus sereins sur ce sujet, et à la veille d'un nouveau cadre financier pluriannuel (CFP) de l'Union européenne. La question de la sous-utilisation des fonds européens a fait l'objet d'un traitement médiatique important, mais, en réalité, cette problématique ne concerne pas tous les fonds européens, mais plutôt un fonds, et même un programme : le programme LEADER. Le premier message que je souhaiterais faire passer est que ce programme connaît des difficultés bien spécifiques, et médiatisées, alors que son montant ne s'élève qu'à 700 millions d'euros sur sept ans. Si les difficultés rencontrées par le programme LEADER ne peuvent être niées, elles ne concernent pas la totalité des fonds que le CGET coordonne, dont le montant s'élève à 27 milliards d'euros sur sept ans.
L'intitulé de votre mission fait le constat d'une sous-utilisation chronique des fonds européens. Actuellement, nous nous situons à mi-chemin de la programmation actuelle, qui concerne les années 2014 à 2020 mais peut se prolonger jusqu'à fin 2023. Le bilan que nous pouvons tirer de la sous-utilisation est celui d'une comparaison avec la programmation précédente qui a atteint un niveau de programmation de 99 %. Le taux de certification des montants s'élève, selon les fonds, entre 95 % et 99 %. Certes, des marges de manoeuvre existent, mais les fonds européens sont utilisés de façon importante et utile.
La programmation actuelle se caractérise par un contexte particulier, avec un changement dans l'architecture de gestion, et donc dans la répartition des rôles. L'adoption par le Parlement de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi « MAPTAM », s'est traduite par une décentralisation partielle de ces fonds. Il est alors légitime de s'interroger sur les conséquences de cette décentralisation : a-t-elle compliqué la tâche ? La consommation des fonds est-elle moindre ?
On constate que la consommation des fonds est restée stable, dans des proportions sensiblement équivalentes et comparables à celle des autres pays européens. Ce constat est réalisé aussi bien par la commission européenne que par le CGET, car nous disposons d'un rôle de collecte de données et de restitution de celles-ci, en lien avec Régions de France. Par conséquent, il n'y a rien de chronique dans la sous-utilisation des fonds européens et la programmation actuelle est globalement en ligne avec la programmation antérieure. Il faut rester constamment mobilisé pour s'approcher au plus du taux de 100 % de consommation.
Concernant le programme LEADER, le CGET n'est pas compétent sur ce programme dont l'autorité de coordination est assurée par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation.
Le CGET est l'héritier de la DATAR, mais, à la différence d'aujourd'hui, à l'époque de la DATAR, les fonds n'étaient pas décentralisés. Trois missions actuellement exercées par le CGET permettent d'avoir un éclairage sur l'utilisation des fonds européens, sous réserve des modifications qui seront éventuellement apportées par la proposition de loi qui créera l'Agence nationale de cohésion des territoires.
La première mission concerne la coordination de la gestion des Fonds européens structurels et d'investissement (FESI). Nous assumons les rôles, définis par la législation européenne, de coordination inter-fonds, de coordination sur le Fonds européen de développement régional (FEDER), ce qui implique des compétences renforcées sur ce fonds, et nous sommes également autorité de gestion sur le programme nationale d'assistance technique, appelé Europ'Act. Cette première mission implique une double coordination, de l'État et des régions. À ce titre, le CGET assure le secrétariat du comité État-Région qui organise le dialogue avec les régions. Au titre de cette première mission de coordination, le CGET doit s'assurer que les fonds sont bien connus et que les actions qu'elles financent sont bien identifiées comme ayant bénéficié de ces fonds européens.
La deuxième mission n'a pas de traduction législative : il s'agit du chef de file interministériel, en particulier dans le cadre des négociations relatives au prochain CFP. Nous représentons la France dans les réunions sur la définition de la politique de cohésion, même si le ministère du travail exerce un rôle prépondérant pour le Fonds social européen (FSE). Nous portons une position interministérielle, sous l'autorité de la ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault.
La troisième mission consiste à appuyer les autorités de gestion dans la mise en oeuvre des fonds. Cet appui technique porte sur les contenus, la méthode de programmation et la valorisation des fonds européens. Il est exercé lorsque qu'un problème rencontré est commun à plusieurs fonds, au titre de notre fonction de coordination inter-fonds, et lorsqu'il touche au FEDER, pour lequel nous sommes autorité de coordination. En revanche, cet appui technique n'est pas de notre ressort pour le programme LEADER, ce rôle étant alors dévolu au ministère de l'agriculture, compte tenu de la nature spécifique de ce fonds.
Cette mission d'appui technique permet d'accompagner les régions et les services déconcentrés de l'État, en particulier pour les questions d'éligibilité des aides, mais aussi pour les enjeux relatifs aux aides d'État. Le programme Europ'Act, dont nous assurons la gestion en directe pour le compte de l'ensemble des autorités de gestion, a mis en place le système « Synergie » qui permet de suivre l'utilisation et de piloter le FEDER, le FSE, le FEADEr et le FEAMP disposant de leurs propres systémes d'information. Enfin, le CGET porte une attention particulière aux politiques publiques mises en oeuvre par le ministère de la cohésion des territoires, en particulier en matière de développement urbain. Le choix a été fait de concentrer 10 % des crédits des FESI sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le CGET assume également un rôle important concernant la coopération territoriale européenne (CTE), dont l'enveloppe s'élève à près d'un milliard d'euros sur les 27 milliards d'euros de FESI dont la France bénéficie entre 2014 et 2020. Enfin, le CGET a un rôle particulier dans la mobilisation des instruments financiers. Ce mode de financement a été encouragé par la Commission européenne au début de l'actuelle programmation, comme alternative aux subventions. L'adéquation de ces instruments financiers avec les besoins des autorités de gestion est un vrai sujet.
Il existe des marges de manoeuvre pour améliorer les conditions d'utilisation des fonds européens. Le Président de la République a appelé à une refondation profonde de la politique de cohésion, ce qui constitue une opportunité à saisir pour dialoguer avec l'Europe, d'une part, et sur l'architecture de gestion de ces fonds, d'autre part. Toutefois, le bilan des conditions de l'utilisation des fonds européens est globalement positif : compte tenu du fait que ce sont des fonds dont la mise en oeuvre est exigeante, la régularité de ces fonds est très contrôlée. Je ne connais pas de politique en France qui fasse l'objet d'autant de contrôles. À ce titre, l'enjeu de la surrèglementation est important ; il faut veiller à ne pas aller au-delà des exigences de la réglementation européenne, ce qui implique de soulever la question des simplifications à y apporter. L'efficacité des fonds est évaluée avec une constance qu'aucune autre politique publique, a fortiori territoriale, ne connaît. Il faut maintenir ce niveau de rigueur, tout en simplifiant la vie des porteurs de projets.