La politique de cohésion a été fortement remise en cause au début des années 2000, à la suite de la publication du rapport Sapir. Toutefois, elle a été sauvée grâce au fait que les grandes stratégies pour l'Union européenne, la stratégie de Lisbonne et de Göteborg, ont privilégié la compétitivité et l'innovation, d'une part, et le développement durable, d'autre part. L'idée de la politique de cohésion est de donner des chances à des territoires en les dynamisant, de se donner les moyens de la concurrence avec les États-Unis et la Chine, tout en respectant des principes de cohésion. Dans les pays intermédiaires ou plus développées, ces objectifs ont entraîné une concentration thématique dans les régions et territoires les plus dynamiques. Or, il est très difficile de favoriser les équilibres territoriaux lorsque l'on consacre une part importante de ces crédits à l'innovation et de la recherche. On peut souvent manquer de porteurs de projets potentiels dans les territoires les moins développés qui disposent pourtant de davantage de crédits. D'un côté, les allocations financières donnent des moyens conséquents pour les régions en décrochage, mais, en même temps, la nature des projets financés en matière de compétitivité favorise les régions les plus développés. Par ailleurs, les coûts de gestion de ces fonds sont élevés. Entre choisir trois priorités à financer, ou en choisir dix, les coûts de gestion ne sont pas les mêmes. On s'aperçoit par ailleurs que les taux de cofinancement européen ne sont pas utilisés à leur maximum : au lieu de mettre 50 % de FEDER sur un projet, vous allez parfois cofinancer deux projets à 25 %, mais cela coûte deux fois plus cher en coûts de gestion. Il y a un équilibre à trouver entre les choix politiques et les choix de gestion qui in fine doivent se rejoindre.
Jusqu'où peut-on également accompagner les porteurs de projets ? Il ne s'agit pas de ne plus accompagner les petits porteurs de projets, mais dans certains domaines d'intervention, les coûts de gestion sont trop élevés pour agir sans discernement. Les coûts de gestion d'un projet FEADER sont d'environ 5 000 euros ; or sur certains programmes LEADER, on trouve encore des exemples rares heureusement de projets situés entre 50 et 500 euros. Le coût d'instruction d'un projet FEDER est de 12 000 euros environ. L'équilibre à trouver est à mi-chemin entre le politique et la gestion, mais la gestion est devenue également un problème politique. Si le coût de gestion est trop élevé, l'autorité de gestion ne dispose plus de moyens suffisants pour animer un territoire et bien utiliser ces fonds. Sur le programme LEADER, il existe aujourd'hui 340 groupes d'action locale (GAL) en France. L'enveloppe du programme est de 680 millions d'euros, soit 280 000 euros par GAL et par an. Aide-t-on les territoires ruraux les plus en difficulté avec LEADER ? C'est une vraie question. Avec un nombre réduit de GAL, 50 par exemple, vous pouvez faire de la cohésion territoriale, mais avec 340 GAL, l'objectif n'est pas le même, il s'agit de l'animation de territoires ruraux, pas de cohésion territoriale à proprement parler compte-tenu de la faible intensité financière par habitant.
La question de l'échelle de l'intervention et de l'action publique se pose dans la gestion des fonds européens. Comment plaquer un modèle national sur des modèles régionaux qui ont leur propre légitimité ? Pour les quartiers prioritaires de la ville, certaines régions ont choisi de sélectionner 30 quartiers prioritaires, d'autres 3, les effets sont nécessairement différents. Il faut trouver le juste équilibre pour faire rentrer une dimension européenne soit dans un nombre limité de territoires, soit en ciblant davantage les priorités à financer. L'équation n'est pas simple.