Cette audition est l'occasion d'apporter un certain nombre d'explications et d'avoir une discussion de fond sur ce sujet. Je souhaite préciser que la région des Hauts-de-France ne fait plus partie de notre association, ce que nous regrettons. Par ailleurs, cinq régions et départements de l'article 73 sont membres ; Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon sont membres associés.
Comme vous l'avez dit, l'intitulé de la mission apparaît excessif et renvoie à une image un peu négative que l'on se donne tous de l'utilisation des fonds et d'une incapacité collective à les gérer. Nous prenons à coeur ce sujet. En effet, le transfert de la gestion des fonds est une compétence que les régions souhaitaient avoir depuis longtemps. Elles en disposent depuis le début de cette programmation et veulent bien faire. Les ressentis négatifs des territoires nous poussent à être plus performants.
Le programme LEADER a fait l'objet d'une forte médiatisation conduisant à cette vision négative sur l'utilisation des FESI. Son organisation complexe et opaque a également contribué à alimenter les critiques. Or, ramené aux montants, le programme LEADER représente moins de 2,5 % de l'ensemble des FESI en France.
Comme ce programme, financé par le FEADER, touche des programmes d'aménagement du territoire et de développement rural, une forme d'incompréhension se développe sur l'utilisation finale de ces dispositifs. Vous m'avez interrogé sur la capacité de la France à consommer l'ensemble des crédits alloués. Nous y arriverons, y compris pour ce fonds.
Le transfert de la compétence de gestion des fonds aux régions a été décidé in extremis, eu égard aux délais de négociation avec la Commission européenne et au temps nécessaire en France pour réorganiser la répartition des rôles. Certes, l'ex-région Alsace avait expérimenté la gestion du FEDER et la collectivité de Corse disposait également d'une compétence expérimentale sur le FEADER. Mais la généralisation de ce transfert a nécessité une montée en compétences au sein des régions, qui a pris du temps, ainsi que des négociations avec de nombreux partenaires, comme la Caisse des dépôts - laquelle au final a fait marche arrière. Les règles de gestion des programmes européens sont très différentes du mode habituel de gestion d'une collectivité territoriale. Elles ont ainsi été difficiles à intégrer par les partenaires classiques des régions, y compris par les services déconcentrés de l'État.
En outre, ce transfert s'est effectué à l'occasion d'une nouvelle programmation et donc d'un nouveau règlement, non comparable au règlement de la programmation précédente. Un certain nombre d'opérations ont été exclues, des complexités ont été introduites en matière de critères d'éligibilité par exemple. Ainsi, le décret définissant les dépenses éligibles a été pris très tardivement. Cela a contribué à la complexité existante. En outre, se sont ajoutés des problèmes techniques. Le règlement établissant les dépenses éligibles au titre du FEDER est plus précis que le précédent ; nous sommes donc confrontés aux aléas techniques de la mise en oeuvre de projets souvent de taille modeste. Ces projets se gèrent de manière très différente d'un gros programme d'infrastructures, qui est plus visible et mobilise tout de suite des masses plus importantes.
Enfin, la question institutionnelle ne doit pas être écartée. La compétence a été transférée aux régions peu de temps avant que la loi ne décide d'organiser la fusion de celles-ci. Pour beaucoup d'entre elles, il a fallu aborder les deux chantiers en parallèle. Je rappelle que les programmes opérationnels sont restés disjoints. Une région comme la Nouvelle-Aquitaine ou Grand-Est ont géré trois programmes opérationnels par fonds. Dans ces conditions, auxquelles s'ajoutent des problèmes de moyens humains, il est compliqué de procéder à une harmonisation des systèmes d'information. L'ensemble de ces informations permettent d'éclairer le contexte dans lequel nous opérons.
Il ne nous semble pas que la France soit particulièrement en retard. Certes, notre pays, en fonction des critères d'analyse, peut se retrouver assez bas dans les classements. Nous assumons collectivement ce fait. Mais il faut également ne pas perdre de vue que tous les pays membres ne se voient pas appliquer les mêmes règles d'intervention. Ainsi, les pays d'Europe de l'Est bénéficient de possibilités de financement sur des projets d'infrastructures. Cela explique leurs taux très élevés d'engagement. Il est donc nécessaire de prendre avec un certain recul ces comparaisons internationales. Certes, nous ne devons pas nous satisfaire de la situation, mais, sur la base des éléments dont nous disposons, nous ne sommes ni en avance, ni en retard par rapport à ce qui se faisait au cours des programmations précédentes.
Par ailleurs, on parle de la période 2014-2020 comme période de programmation. Or, la période à prendre en considération débute à partir du moment où les programmes ont été arrêtés et prend fin au moment où l'on ne pourra plus utiliser ces crédits. Cette période court pour le FEDER et le FSE de 2015 à 2023, et pour le FEADER de 2016 à 2023. Il nous reste ainsi les 5/9e du calendrier pour le FEDER et le FSE, et les 5/8e du calendrier pour le FEADER, alors que les taux d'engagement sont déjà respectivement à 73 %, 78 % et 63 %. Nous n'avons donc pas d'inquiétudes particulières.
Mais, derrière ces chiffres qui corrigent la vision négative que l'on peut avoir, se cachent des difficultés, notamment sur la mise en paiement de ces aides. Nous savons d'ailleurs que l'on ne pourra pas engager des crédits jusqu'en décembre 2023. L'engagement des dépenses se fera jusqu'à la fin de l'année 2022 et l'on aura l'année 2023 pour finir de liquider l'ensemble des paiements.
Systématiquement, et il en est de même pour les contrats de plan État-régions, on constate une montée en puissance non linéaire. La phase de démarrage est un peu lente, puis il y a ensuite une montée en volume importante. Sans rien négliger des difficultés qui peuvent exister, nous ne sommes pas inquiets sur la capacité des régions à exécuter globalement la totalité de la programmation.
Je souhaite préciser un élément de vocabulaire. On regroupe parfois deux notions différentes sous le terme « programmation ». Normalement, la programmation recouvre le programme établi sur l'ensemble de la période. On devrait parler de taux d'engagement, qui est la part de programmation engagée puis payée. Mais, dans les chiffres du Commissariat général à l'égalité des territoires, le terme « programmation » est utilisé à la place « d'engagement ». Lorsque l'on parle de pourcentage, on parle forcément du taux de réalisation de l'engagement de la maquette telle qu'imaginée au départ.
Il nous faut agir. De nombreuses initiatives sont en train d'être prises afin de voir comment re-flécher des crédits et réallouer les moyens entre les projets. En Centre-Val de Loire, un important projet d'infrastructures ferroviaires a été abandonné. Cela a réaffecté les crédits sur d'autres sujets ; et donc pousse la région à repenser et remobiliser tel ou tel projet. En outre, toutes les régions travaillent à capitaliser l'expérience acquise afin de préparer la prochaine programmation dans les meilleures conditions possibles.
Nous souhaitons que la prochaine programmation se fasse en cohérence avec les prochains contrats de plan État-régions. Nous avons une réunion avec le Premier ministre la semaine prochaine, au cours de laquelle devrait nous être confirmé, qu'à l'exception des infrastructures de transport, qui ne sont pas éligibles aux fonds européens, les contrats de plan État-régions devraient être renégociés sur le même calendrier que la prochaine programmation. Ce point est important. En effet, cela va permettre de caler les deux instruments sur les mêmes calendriers.
Les régions étant maintenant fusionnées, il n'y aura plus qu'un programme opérationnel par région. Cela va en réduire le nombre de manière conséquente, leur donnera plus de cohérence et les rendra plus visibles.
Reste néanmoins un souci pour le FEADER, également présent, mais dans une moindre mesure, pour le FEDER, et de manière marginale pour le FSE : la bonne articulation avec les responsabilités restant à l'État. Il faut éviter que les responsabilités ne se superposent. Elles doivent être clairement réparties afin d'optimiser les moyens à disposition pour l'exécution de ces fonds. Cette répartition doit également être lisible pour les porteurs de projets.
Les régions souhaitent que la prochaine programmation soit engagée avec le plus de simplification possible. Très souvent, nous accusons les règlements européens d'être lourds et complexes. Ce n'est pas faux. Mais ils sont aussi issus d'une conception anglo-saxonne de l'administration publique. Or, nous les transposons dans notre culture administrative, avec un souci de sécurisation maximale des gestionnaires des fonds. Cela ajoute de la complexité à la complexité. Lorsque les régions ont eu cette responsabilité, elles ont eu le souci de ne pas commettre d'erreurs. Elles ont ainsi sécurisé au maximum les procédures. Aujourd'hui, des degrés de liberté peuvent être mis en place afin de simplifier la chaîne le plus possible.