On a tort de ne voir dans le mode opératoire des grandes entreprises de l'Internet que prédation. On a tôt fait de dénoncer la captation de valeur ou le vol des données personnelles, mais il faut bien comprendre que les utilisateurs pèsent leurs choix : ils donnent à l'entreprise, mais l'entreprise leur donne aussi. Le millier d'applications de l'appstore d'Apple sont le fruit de l'équivalent de 500 000 années de temps d'ingénieur, dont l'entreprise a bénéficié gratuitement. Apple n'a rien payé, mais prend 30% du chiffre d'affaire. Prédation ? Tous ces ingénieurs bénévoles ont certes donné à l'entreprise, mais l'entreprise leur a donné une plate-forme extrêmement performante et un accès au marché qu'ils n'auraient jamais pu espérer.
Si donc il ne faut pas concevoir la relation à l'utilisateur comme une prédation, il n'est pas interdit à la puissance publique de s'en mêler, en aidant, par exemple, à mener des négociations collectives. En matière de données, c'est le caractère collectif, massif, qui fait l'intérêt de la collecte. Que je sois géolocalisé lorsque je me rends dans tel restaurant n'a aucun intérêt mais en revanche, l'agrégation de telles données peut permettre d'étudier l'évolution des comportements alimentaires dans la durée. Plutôt que chercher à freiner ce processus en le considérant comme prédateur, mieux vaudrait peut-être travailler à harmoniser la négociation collective entre les peuples, la multitude, et ces plates-formes. Si les gens contribuent, c'est qu'ils y trouvent leur compte.