Intervention de Philippe Crouzet

Mission d'information enjeux de la filière sidérurgique — Réunion du 25 juin 2019 à 17h45
Audition de M. Philippe Crouzet président du directoire de vallourec

Philippe Crouzet :

La compétence importe davantage que le nombre et le ministère actuel compte de nombreux personnels compétents. L'organisation d'une administration est révélatrice des priorités et des niveaux d'arbitrage des pouvoirs publics.

J'en viens à vos questions sur l'énergie et la Chine. Pour moi, la filière sidérurgique européenne et française ne sera pas confrontée à une chute de la demande à terme, puisqu'il faudra toujours transporter des fluides dans des environnements agressifs et ce, alors que les débouchés des aciers plats s'avèrent, dans le même temps, plus problématiques, comme me l'ont indiqué mes partenaires japonais. En revanche, l'offre peut poser problème. Il me paraît possible de produire de l'acier en Europe, dans des conditions compétitives, tant pour les tubes que pour l'acier carbone, que nous produisons dans une coopérative allemande. À cet égard, l'aciérie de Saint-Saulve n'est pas confrontée à un problème de compétitivité, mais de débouchés. Je le dis aussi pour les aciers carbones, de bas de gamme, fabriqués, de manière également compétitive, dans une coopérative de production en Allemagne. Cependant, on ne peut être compétitif qu'à la condition que les usines, intenses en capital, soient chargées. Tel est le drame de l'aciérie de Saint-Saulve : comment charger de telles unités sen sortant des produits sur lesquels on gagne de l'argent ? Dès lors, il faut protéger les débouchés régionaux afin de garantir un minimum de charges ; tel est l'objet de la politique commerciale européenne, à l'instar de ce que font les Chinois et les Américains, via la réglementation 232 décidée par le Président Donald Trump : se protéger en fermant leur marché et en le réservant aux producteurs implantés sur leur territoire respectif. D'ailleurs, Vallourec, déjà implanté sur le territoire américain, bénéficie de cette réglementation. Je suis donc bien placé pour constater les réels effets de telles politiques. Cette vision diffère des principes de fondation de l'Union européenne reposant sur la primauté des principes du commerce international que le Président Donald Trump, depuis son élection, a remis nettement en cause. L'Europe ne doit pas être à la traine de telles pratiques et doit conduire la même politique que celle de la Chine et des États-Unis. Le constat est clair : historiquement, l'Europe est le plus grand pôle exportateur mondial et ses entreprises ont besoin d'exporter. Encore faut-il renforcer la compétitivité des coûts que représentent, pour 60 %, les matières premières - minerais de fer, coke ou ferraille selon les filières - dont les cours sont mondiaux. A ce stade, il n'y a pas de problème de compétitivité, puisque les coûts sont globalement les mêmes pour l'ensemble des acteurs de la filière. En outre, l'Europe produit également de la ferraille, dont elle pourrait sans doute limiter les exportations, à l'instar de ce que font les Russes, notamment vers la Turquie.

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